mardi 31 janvier 2006

Six énoncés aléatoires

Il y a quelques jours, notre collège Olivier m'a tendu... une perche ou un piège (peu importe) en me refilant un questionnaire auquel je n'avais pas encore répondu (il faut dire que le 22 janvier, je lui avais demandé de se prêter au jeu des « 7 fois 7 ») ; j'avais promis que je me soumettrais à ce nouveau jeu qui consiste à énoncer six (6) faits aléatoires à mon sujet et... de passer la main à cinq (5) autres collègues. Voici donc mes six énoncés :

1 - Je suis le septième garçon de la famille : est-ce que cela fait de moi quelqu'un qui aurait un don particulier ? Certains voudront voir en moi un être marqué, un « élu », quelqu'un qui pourrait faire des miracles (je me demande bien lesquels... quoique...) D'autres diront qu'il faudrait pour cela que je sois le septième enfant, mais j'ai des soeurs qui ont eu la mauvaise idée de naître entre mes frères et moi. Tant pis ! ou tant mieux !

2 - Je suis quelqu'un qui aime la calme, la tranquillité, le silence ; j'aime rester chez moi et je pourrais y rester des jours sans sortir, sans même mettre en marche la radio ou la télévision. Cependant, lorsqu'il s'agit de produire un travail ou de jouer un rôle dans la vie active, je veux voir bouger les choses. Autant je suis calme et patient chez moi, autant je peux devenir impatient dès que je vais dans des bureaux ou dès que je sors dans la rue. Sur le trottoir, je suis quelqu'un de bien discipliné ; je marche à droite et en ligne droite ; je m'attends bien sûr à ce que les autres en fassent autant. Rien ne me met hors de moi comme ces gens qui n'ont pas l'air de savoir où ils vont, qui occupent tout le trottoir comme s'ils étaient seuls dans un champ avec leurs moutons. Et ceux (je remarque que sont souvent des « celles ») qui marchent à quatre ou cinq de front et, quand on les rencontre, on devrait marcher dans la rue pour leur laisser le trottoir, ce à quoi je me refuse : je reste là où je suis ; elles devront donc s'organiser pour me contourner, sauf qu'elles m'auront forcément ralenti dans ma marche vers... la gloire.

3 - Il m'arrive de passer de longues heures à rêvasser, à lire, à écrire ou à faire diverses choses inutiles, sans but précis. D'autre part, dès qu'il s'agit de produire des résultats, même si je n'ai pas toujours de bonnes méthodes de travail, je suis souvent plus efficace que bien des collègues qui se disent bien organisés. Je me considère donc comme un « artiste », un « rêveur » qui voudrait n'avoir que cela à faire dans la vie, mais il suffit que je fasse partie d'un comité, d'une équipe, pour qu'on me confie des responsabilités dont je voudrais bien pouvoir me passer.

4 - J'ai souvent été invité à la télévision pour parler de mon travail et de certains aspects de la vie socio-économique (on m'a souvent dit que l'on m'invitait parce que j'inspirais confiance et que j'étais rassurant pour les téléspectateurs à qui je donnais des trucs pratiques et parfois des conseils personnalisés). Mon employeur m'a toujours donné carte blanche à chaque fois que j'ai eu l'occasion de m'adresser au public, que ce soit au cours de conférences ou d'émissions de radio ou de télévision. Il y a quatre ans, toutefois, un nouveau directeur général est arrivé et il a vite été très clair que lui seul était compétent et que tout le monde autour de lui était imbécile. Or, quelques jours après son arrivée, on m'a invité à participer encore à une émission à la télévision de Radio-Canada ; bien entendu, j'en ai parlé à mon patron, pour la forme. Celui-ci était tout à fait d'accord pour que j'accepte l'invitation, mais il avait décidé qu'il profiterait de l'occasion pour se faire connaître des gens de la télévision et qu'il m'accompagnerait à cette entrevue, profitant de sa présence en coulisses pour établir des contacts. Or, quand nous sommes arrivés au studio de télévision, il était clair que j'étais l'invité et personne ne s'est occupé de lui ; il a dû se contenter de promener seul son gros nombril dans les couloirs en attendant la fin de l'enregistrement. Je crois que sa frustration n'a rien fait pour créer entre nous des rapports cordiaux, surtout que j'ai du mal à faire semblant d'être aimable dès que quelqu'un a perdu mon respect.

5 - J'ai étudié l'italien à l'université et pourtant je n'ai encore jamais mis les pieds en Italie et, sauf dans de brèves conversations sur Internet, je n'ai pratiquement jamais l'occasion de le parler.

6 - Il y a quelques années, alors que je revenais d'une soirée en famille et que je prenais place sur la banquette arrière de la voiture de ma plus jeune soeur, notre voiture a été violemment percutée à l'arrière par une voiture taxi. Sauf quelques douleurs au dos et au cou, ma soeur et son ami, qui prenaient place à l'avant, n'ont pas été blessés. Moi qui étais à l'arrière, j'ai reçu sur la tête le verre de la lunette arrrière et je me suis cogné le visage sur l'appui-tête du siège avant : j'avais le visage qui pissait littéralement le sang et tout le monde était convaincu que j'étais sérieusement blessé. Quant à moi j'étais assez choqué, mais je me savais vivant... Le plus cocasse de la situation, c'est que le chauffeur de taxi qui avait embouti et complètement démolli notre voiture reconnaissait s'être endormi au volant et n'avoir pas vu le feu rouge ; il s'agissait d'un beau jeune jeune Portugais de 25 ans qui, voyant le sang sur moi s'est jeté à mes pieds devant la portière et me prenant les genoux dans ses bras ne cessait de me demander pardon ; c'est donc moi qui devais le consoler... Autre fait cocasse, l'accident est arrivé rue Sherbrooke, juste en face de l'hôpital Notre-Dame ; en attendant l'ambulance, on a voulu me faire asseoir dans la voiture de police qui est arrivée immédiatement ; je n'ai pas eu le temps de m'asseoir, l'ambulance est arrivée aussitôt ; j'ai voulu traverser la rue et me rendre à pied à l'urgence, mais on n'a pas voulu me laisser faire. J'ai passé la nuit sur une civière à attendre l'arrivée du chirurgien qui devait me recoudre le nez (m'a soeur a suggéré que j'en profite pour me faire faire un beau nez) ; vers huit heures, le chirurgien est arrivé, mais il n'avait pas d'assistant. J'ai refusé l'anesthésie générale, acceptant toutefois l'anesthésie locale, et j'ai pu lui servir d'assistant en lui passant, sur demande, tel ou tel instrument parmi ceux qu'il avait déposés sur ma poitrine. J'observais tous ses gestes dans le reflet de ses lunettes tout en faisant des commentaires qui le faisaient rire. En me quittant, bien recousu (vingt-cinq points de souture dans le nez), le chrirurgien a souhaité avoir plus souvent des patients comme moi qui le font rire alors qu'il fait un travail qui n'est pas toujours drôle... Quant aux éclats de verre dans la peau du crâne, il aura bien fallu quelques années pour les éliminer tous...

Et maintenant, qui seront les prochaines victimes ? Je ne connais personne, moi...
Tiens, je serai gentil : qui veut jouer le jeu le fait et nous le fait savoir. Merci.


dimanche 29 janvier 2006

J'étais un aigle...

Dans une vie antérieure, il semble que j'aie été un aigle...

You Were an Eagle

You are able to rise above the details of life and see the big picture.
A spiritual being, you tend to go beyond material concerns.

... quelqu'un pourrait me dire ce que je fais maintenant dans la basse-cour ?

jeudi 26 janvier 2006

Soutien à Garfield



Si la cause de Garfield vous tient à coeur, voyez ici comment y apporter votre soutien.

Comme le rappelle Samantdi et de nombreux autres collègues, aussi longtemps que le ministre de l'Éducation nationale, Gilles de Robien, n'aura pas tranché, n'aura pas révisé la sanction imposée au proviseur de Mende, il faut continuer de soutenir Garfield... Rappelons que depuis sa révocation, ce proviseur est sans emploi, sans revenu, sans logement (puisqu'il occupait un logement de fonction).

Sérénité perdue...

Parti à la recherche de la sérénité perdue, je l'ai presque retrouvée dans les poèmes d'Yves Bonnefoy, de René Char, dans des textes de Pascal Quignard, de Rainer-Maria Rilke, dont cette collègue nous présente des extraits, en plus de ses prores photos.

Ce n'est qu'un au-revoir (j'espère)

Un collègue tire sa révérence. Le Vrai Parisien cesse de tenir son blogue ; lui, cependant, le fait de sa propre initiative, pour aller vivre plus intensément encore. Son billet quotidien, toujours d'une qualité remarquable, va me manquer. Je lui souhaite cependant beaucoup de joie et de bonheur et, notamment, un bon séjour en Italie. J'espère qu'il reviendra un jour mettre encore de la légèreté dans notre quotidien, un peu de lumière dans la grisaille...

mardi 24 janvier 2006

Bof !

Les Canadiens se sont donné hier soir un nouveau gouvernement, de droite, mais avec si peu de marge de manoeuvre que les Canadiens risquent de devoir retourner aux urnes dans moins de deux ans ! C'est à croire qu'ils aiment tellement l'exercice démocratique qu'ils vont réclamer des élections tous les ans !
Je suis assez satisfait du résultat ! Ceux qui n'étaient plus dignes de gouverner iront apprendre sur les banquettes de l'opposition le respect des citoyens et de l'argent des contribuables.
Je suis cependant très déçu des électeurs de la région de Québec qui ont voté pour ce gouvernement de droite ! C'est bizarre que les électeurs de la région de la capitale nationale votent toujours à l'encontre des électeurs de l'ensemble du Québec ! Je ne sais pourquoi les électeurs de ces banlieues de fonctionnaires du gouvernement du Québec sont si conservateurs. Je ne sais quelle frilosité les incite presque toujours à voter ainsi contre le progrès, contre la volonté du reste du Québec à affirmer son autonomie. Je ne sais pourquoi ils entretiennent envers Montréal la jalousie qui les incite à lui refuser de se développer normalement, de prendre sa place véritable parmi les grandes villes du monde. Je ne sais pourquoi les gens de la région de Québec tiennent tellement à ce que le Québec entier reste une province, une région administrative, avec la mentalité qui sied à une administration régionale. Je ne sais pourquoi ils sont si centrés sur leur propre jardin qu'ils en oublient les intérêts nationaux. S'ils avaient été moins frileux, en 1995, le Québec serait déjà un pays souverain, prenant dignement sa place dans la Société des Nations, ni mieux ni pire que les autres...
Je ne sais pourquoi, aujourd'hui comme au lendemain de presque toutes les élections, qu'elles soient pour moi couronnées de succès ou de défaite, le même sentiment m'anime, au goût de cendre, et qui m'incite à la même réflexion profonde : Bof !

lundi 23 janvier 2006

Le travail, c'est la santé...

... à condition d'en sortir.


C'est jour d'élection au Canada (et le Québec en fait encore partie). La campagne électorale a été longue, très longue et sans intérêt... jusqu'à ces derniers jours. 56 jours de campagne électorale, en hiver, durant la période des fêtes de Noël et du nouvel an ; il était grandement temps que ça se termine !
On a d'abord cru que le résultat de ces élections serait exactement le même qu'en 2004. Or, il semble bien que ce ne sera pas le cas : les Canadiens se réveilleront mardi matin avec un nouveau gouvernement, probablement d'une couleur différente. Il sera probablement bleu, ce qui n'est pas mal en soi ; il sera probablement conservateur, ce qui n'est pas réjouissant ; souhaitons simplement que ce soit un gouvernement minoritaire, le temps de mettre ce gouvernement à l'épreuve.
Au sein des partis politiques, surtout les deux principaux partis canadiens, il y aura des remises en question ; l'un des chefs actuels risque de ne plus être chef de parti l'an prochain. Nous y reviendrons...

Mais pour se changer un peu les idées, voici quelques pensées à méditer... pas trop sérieusement :
  • Heureux l'étudiant qui comme la rivière peut suivre son cours sans quitter son lit
  • Le travail est l'opium du peuple et je ne veux pas mourir drogué
  • Si le travail c'est la santé, ben je préfère encore être malade
  • Il vaut mieux mobiliser son intelligence sur des conneries que mobiliser sa connerie sur des choses intelligentes
  • Le travail est une belle chose. Ne sois pas égoïste, laisse-le à tes copains
  • Le travail est pour moi la chose la plus sacrée !! ...c'est pour ça que j'y touche pas !!!
  • Travailler dur n'a jamais tué personne, mais pourquoi prendre le risque ?
  • Le travail c'est une maladie, la preuve, c'est qu'il existe une médecine du travail !
  • Beaucoup trop payé pour ce que je fais, mais pas assez pour ce que je m'emmerde.
  • Le travail d'équipe est essentiel. En cas d'erreur, ça permet d'accuser quelqu'un d'autre.
  • L'erreur est humaine, mais un véritable désastre nécessite un ordinateur.
  • L'homme n'est pas fait pour travailler, la preuve c'est que cela le fatigue.
  • Si ton labeur est dur, et si tes résultats sont minces, rappelle-toi qu'un jour le grand chêne a été un gland comme toi...

dimanche 22 janvier 2006

Vie privée et malveillance...

Pour mieux comprendre les principes qui motivent notre indignation dans l'« affaire Gardfield », je vous invite à lire le billet de MatthieuX, jeune avocat parisien.
- . - . -

Où la fiction fait réfléchir à la réalité...

Oui, je sais, c'est l'un des rôles de l'art, sous quelle que forme que ce soit, de concentrer une tranche de vie, un instant plein de sens, d'en retirer le superflu, les scories, pour l'offfrir ensuite à l'appréciation de ses semblables... L'oeuvre d'art réussie est « ouverte » aux multiples interprétations... Et nous ne cessons de créer des liens entre notre actualité et ce que l'art nous inspire... Rassurez-vous, je ne ferai pas ici un essai sur l'art et ses rapports avec le quotidien. Je veux simplement souligner une réflexion très juste autour d'un film dont on parle, d'une affaire de discrimination et d'injustice qui fait du bruit et sur les élections canadiennes qui auront lieu ce lundi 23 janvier. Le billet de notre collègue Simeric, où il est question de « déplacer les montagnes », vaut le détour, je crois (sans jeu de mots)...

Faut-il rappeler que le chef Conservateur, qui semble le favori pour ces élections de demain, est originaire de l'Alberta, où le film Brokeback Moutain a été tourné, et que les plus solides appuis de ce parti de droite proviennent de cette partie du Canada qui abrite le plus grand nombre de personnes et de groupes aux mentalités semblables à ce que l'on peut retrouver dans ce film...

Je crois qu'il est temps que les « Liberos » de Paul Mart[a]in, indignes de gouverner plus longtemps, aillent purger sur les bancs de l'opposition toute l'arrogance, la malhonnêteté, la suffisance, la culture du « tout m'est dû » et du « tous les moyens sont bons » pour se maintenir au pouvoir, l'injure constante faite à l'intelligence des Québécois, etc.

Que les Canadiens se choisissent un gouvernement conservateur qui leur ressemble, c'est tout à fait dans l'ordre des choses. L'élection d'un gouvernement conservateur minoritaire procurera aux Canadiens et aux Québécois un électrochoc salutaire... Jusqu'à tout récemment, le parti de droite qui s'apprête à prendre le pouvoir à Ottawa, à la suite des élections de demain, n'avait aucune prise au Québec, aucune représentation crédible ; la campagne en cours semble avoir donné aux Québécois le goût du changement véritable et la tentation de voter pour ce parti de droite. Ce serait une erreur. Ce parti ne correspond aucunement aux valeurs d'ouverture et de modernité des Québécois et, même si trois ou quatre députés étaient élus au Québec, leur influence serait noyée dans la mer de conservatisme venant de l'Ouest canadien. Comment des Québécois pourraient-ils voter pour ceux qui sont les meilleurs alliés de « W » au Canada ? Québécois, ne faisons pas cette erreur d'appuyer ce parti de droite qui remettra en question les progrès acquis ces dernières décennies. Puisqu'il n'est pas question non plus d'appuyer ceux qui les ont pris pour des imbéciles depuis toutes ces années, qui ont essayé, en 1982, de leur imposer une constitution à laquelle les Québécois n'ont jamais adhéré, qui refusent depuis toujours de reconnaître les Québécois comme une nation, à l'instar d'autres minorités ethniques sur le territoire canadien, etc. ; puisque l'autre parti canadien n'a aucune chance de faire élire assez de députés pour gouverner, il ne reste qu'un choix intelligent possible : appuyer le seul parti capable de défendre les véritables intérêts des Québécois, comme il l'a fait toutes ces dernières années.

7 fois 7

7 choses que je veux faire avant de mourir
  1. Vivre
  2. Aimer et, si possible, être aimé aussi
  3. Écrire quelque chose qui soit l'équivalent d'un enfant doué laissé à la postérité
  4. Rassembler ma famille affective dispersée
  5. Me sentir indépendant et libre de vivre là où je veux, y compris dans un Québec souverain
  6. Cultiver mon jardin, y recevoir mes vrais amis et quelques autres privilégiés et laisser à la société l'équivalent de de la Vallée-aux-Loups
  7. Pleurer et rire un bon coup
7 choses que je fais bien
  1. Être présent et attentionné quand j'aime
  2. Cuisiner pour ceux que j'aime
  3. Le travail que je choisis de faire
  4. Les responsabilités que l'on me confie
  5. Écouter et inspirer confiance
  6. Trouver des solutions à des situations qui semblent complexes
  7. Parler, argumenter, persuader, convaincre lorsqu'il le faut
7 choses que je ne sais pas ou que je ne veux pas faire
  1. Nager : je n'ai pas encore réussi à apprendre ; je ne désespère pas
  2. Vivre ou travailler en banlieue
  3. Courir après le métro tous les jours
  4. Jouer un rôle, faire semblant
  5. Vivre avec un budget restreint
  6. Supporter l'hypocrisie, la mauvaise foi, la malhonnêteté intellectuelle
  7. Fréquenter des gens ou des lieux bruyants
7 choses qui m'attirent chez les représentants du sexe que j'aime
  1. Le regard
  2. Le sourire et l''expression
  3. La voix
  4. La vivacité d'esprit, la sensibilité, la créativité
  5. La nuque et le cou
  6. Les mains
  7. La taille et les hanches
7 choses que je dis souvent
  1. Voilà !
  2. Tu crois ?
  3. Je vois
  4. Vraiment ?
  5. D'accord
  6. Et alors ?
  7. Merci
7 béguins pour des célébrités
  1. Ben Affleck
  2. Pour la photo, ne pas vous contenter de la première que le site présente ; descendez un peu sur la page pour voir les plus belles
  3. Matt Damon
  4. Mon ex-petit voisin, acrobate, (qui n'est pas encore une célébrité, mais cela ne saurait tarder) ; ce n'est pas vraiment lui, mais il ressemble comme un frère (en plus beau) à cet autre champion québécois
  5. Brad Pitt (dans Légendes d'automne et la Rivière du septième jour)
  6. Jude Law (dans Wilde et L'énigmatique M. Ripley)
  7. Hugh Grant
  8. Jake Gyllenhaal, Keanu Reeves, Rufus Wainwright, chanteur québécois anglophone (à découvrir) et quelques-uns, dont j'oublie les noms, peut-être parce qu'ils me séduisent de moins en moins ; peut-être aussi que je veux garder libre cette place pour le prochain qui, s'il n'est pas déjà célèbre, le deviendra rapidement pour moi
7 personnes à qui je passe la main
  1. Pitou G
  2. Pitou V
  3. Olivier, s'il ne l'a pas déjà fait
  4. Béo, si elle ne l'a pas déjà fait
  5. Cyb, puisque je crois qu'elle ne l'a jamais fait
  6. Olivier Paysageman, Chaque homme dans sa nuit, Brigetoun
  7. Et quiconque passe par ici et qui n'aurait pas encore fait cet inventaire (prière alors de nous laisser votre adresse en commentaire afin que nous puissions aller voir vos réponses. Merci).

samedi 21 janvier 2006

Mais aimons-nous ceux que nous aimons ?

J'ouvre au hasard un livre pris au hasard dans ma bibliothèque, et je lis ces pages :

Quand un être nous répète qu'il a besoin de nous, alors que c'est nous surtout qui avons besoin de lui ; quand c'est lui seul qui nous soutient sur la vie : « Tu as besoin de moi, il faut donc que je vive » ; quand, du fond de notre incroyance, nous, qui n'avons jamais prié sérieusement pour nous, nous avons prié sérieusement pour lui ; quand nous lui avons dit les paroles incomparables, qui sont celles de la tendresse retenue, — mais quand, dans ce temps-là même, fort d'une expérience ancienne, nous songions : « Qu'en sera-t-il de cette âme et de ce visage dans dix ans ? dans cinq ans ? et l'aimerons-nous encore ? », nous nous demandons si tout amour n'est pas « cette ombre d'une ombre » qu'était l'amitié selon le tragique grec. À son cadet qui lui disait : « Pour toujours », un garçon de seize ans répondait avec une sagesse effrayante : « Pour le plus longtemps possible. » Est-ce que cet enfant de seize ans avait prononcé là le dernier mot de tout amour : pour le plus longtemps possible ? Nous n'aimons que des moments, et toutefois, en ayant conscience, c'est une conscience que nous devons surmonter, car il faut aimer. Il faut vivre dans cette illusion et cette clairvoyance : elles sont l'une et l'autre à l'honneur de l'homme, et les juxtaposer est encore à son honneur. Et il faut vivre, bien sûr, en nous souvenant toujours que nous aussi, pour les autres, nous ne sommes que des moments...(1)

Plus de vingt ans après avoir lu pour la première fois ce texte de Montherlant, quelques réflexions me viennent à l'esprit.
D'abord, celui qui fut mon Premier Grand Amour et qui me disait alors : « Tu as besoin de moi, il faut donc que je vive », vit dans une autre ville depuis plusieurs années déjà, mais je sais très bien qu'il n'hésiterait pas à répéter cette phrase, même si l'intensité avec laquelle elle serait prononcée ne serait plus la même. La conversation que nous avons eue ensemble il y a quelques semaines, le lendemain de Noël, plus précisément, dans un restaurant du centre-ville, me confirme dans cette certitude.
Je me souviens très bien, comme si c'était hier, d'un samedi matin de juin, peu de temps avant que je ne lise pour la première fois ce texte de Montherlant. Ce Premier Grand Amour est arrivé avec un disque qu'il voulait me faire écouter. J'ai préparé le petit déjeuner et nous l'avons écouté ensemble, religieusement... Je lui dois la découverte de ce pianiste qui, peu de temps auparavant, avait remporté le premier prix du concours de piano de Montréal avant d'être éliminé du concours Chopin de Varsovie. Son jeu n'avait pas plus au jury de Varsovie, mais juste après son éviction, la grande pianiste Martha Argerich avait déclaré : « Ivo Pogorelich est un génie ! » Cet événement médiatique et la déclaration d'Argerich propulsèrent au sommet de la gloire ce jeune pianiste croate et je ne manquai pas, dans les mois suivants, d'aller l'entendre à la Place des Arts de Montréal.
Outre l'interprétation personnelle de Pogorelich d'oeuvres de Beethoven et de Schumann, que je découvrais sur ce disque, ce qui me frappa en voyant la pochette, ce fut l'incroyable ressemblance entre cette image de Pogorelich et celle d'un ami dont nous avions ensemble fait la connaissance quelques mois plus tôt. Mêmes traits, même chevelure, même regard, même sourire, ... la ressemblance était si frappante qu'on aurait pu les prendre l'un pour l'autre, si ce n'était de la taille de Pogorelich, d'une stature plus imposante.
Je n'ai malheureusement pas de photographie de cet ami, mais ses traits, son expression, son sourire timide sont si bien imprégnés dans ma mémoire que je n'en ai pas besoin. Et ces traits, jamais ils ne changeront, ni dans ma mémoire, ni dans la vie, car cet ami, si jeune et si plein de promesses, est décédé quelques années plus tard de la terrible maladie à laquelle nous n'avons pas encore trouvé de vaccin...
« Qu'en sera-t-il de cette âme et de ce visage dans dix ans ? dans cinq ans ? et l'aimerons-nous encore ? », demande Montherlant. Pour André M., il en sera dans cinq ans, dans dix ans, dans vingt ans, si je vis encore, ce qu'il en a été depuis que j'ai fait sa connaissance et, oui, je puis l'affirmer, je l'aimerai encore.

(1) Montherlant, Mais aimons-nous ceux que nous aimons ?, Gallimard, Paris, 1973, 235 pages ; p. 210-212

... ce pays étrange

« J'ai pleuré, sangloté à la vue de ce pays étrange. »
Empédocle


Ce pays étrange auquel fait allusion Empédocle, il s'agit de la Grèce, pays magnifique, certes, qui me fascine par la troublante harmonie de ses paysages, mais aussi par ce qu'elle recèle d'histoire et de mystère, parce qu'elle est le berceau de notre culture, de notre civilisation et parce que, depuis la fin de mon adolescence, elle a nourri mon imaginaire...
Pays mythique, comme le sont aussi pour moi la langue, la littérature, la musique... Univers dans lesquels je circule, que j'essaie de goûter, de comprendre, où j'essaie de faire ma place pour participer modestement à leur vitalité...
Il fut un temps, une très longue période de ma vie, où je n'écoutais que de la musique classique : Mozart, Beehoven, Schubert, Mahler, Bruckner, ... Avec l'arrivée chez moi d'Internet et de tout un réseau d'amis disséminés sur la Planète, avec de fortes concentrations en Europe, et plus particulièrement en France, car la langue française est l'un des points que nous avons en commun (l'autre étant souvent, pas toujours, l'identité affective), j'ai commencé à m'intéresser un peu plus à ce qu'écoutaient ces amis aux goûts musicaux souvent très différents des miens. Ils me faisaient connaître des chansons actuelles, des musiques rares ou simplement ignorées, des univers musicaux dont je soupçonnais l'existence, mais dont j'ignorais la voie d'accès. De mon côté, je pouvais proposer telle ou telle musique que je croyais pouvoir intéresser telle ou tel de mes amis lointains. Je me souviens d'une nuit où, une amie des environs de Liège et moi, chacun chez soi devant son ordinateur, mais simultanément, nous avons écouté en pleurant à chaudes larmes le Concerto pour clarinette de Mozart. Après avoir si bien pleuré ensemble, il était tout naturel que, venant à Liège quelques mois plus tard, j'entre en contact avec cette amie. Je suis venu dans sa ville, Tilf, qu'elle m'a permis de connaître, puis elle m'a fait visiter à Esneux les lieux de son enfance ; sa jeune soeur est venue nous rejoindre et nous avons mangé à Tilf la meilleure pizza que j'aie jamais mangée de ma vie ; pour finir la soirée, il fallait revenir à Liège, déguster un pékêt à la violette... Je garde un souvenir très émouvant de cette journée, de la pétulance et de la joie de vivre de ces deux jeunes filles.
J'écoute donc moins de musique classique ou, plus précisément : je n'écoute plus seulement de la musique classique. Je revisite les univers variés que m'ont permis de découvrir tous ces amis, tout autant que ceux que j'ai moi-même découverts.
Ce matin, je me suis levé très tôt, alors qu'il faisait encore nuit... J'ai préparé mon petit déjeuner, que j'ai pris en lisant ; puis j'ai parcouru quelques blogues et lu les derniers courriels reçus. Dans l'un de ces messages, il y avait un document avec des photos émouvantes, des paroles d'enfants, touchantes comme toujours, lesquelles se déroulaient sur un fond musical. Je ne sais quelle était cette musique, du Beethoven, certainement, jouée au piano seul... Je n'ai pas reconnu cette pièce, dans laquelle je retrouvais pourtant de profondes émotions soulevées en moi à l'époque assez lointaine où j'écoutais beaucoup de Beethoven. Je ne sais quelle région de ce pays étrange cette sonate de Beethoven est venue explorer en moi, je ne sais quelle douleur enfouie elle a su réveiller (elle avait pourtant un choix immense parmi ce champ de mines) pour que je rejoigne ainsi l'émotion d'Empédocle et sa façon d'y répondre...


vendredi 20 janvier 2006

Révélation


De même que les livres que nous avons lus et aimés nous ont modifié, transformé, les
êtres que nous avons connus et aimés ont contribué à notre formation, à notre évolution, ont participé à l'enrichissement de notre vie intérieure... Parler des êtres que nous avons aimés, c'est déjà beaucoup se révéler à nous-même et à ceux qui nous écoutent.

Sanctuaire

Rien ne me semble aussi mystérieux que l'univers intime de ceux et celles qui créent des mondes dans lequel nous cherchons un sens à notre vie ou simplement une autre dimension qui nous échappait. Chacun aménage à sa façon les lieux qui abriteront ses inspirations comme ses transpirations ; chacun y secrète l'ambiance favorable à son travail, dans tout le sens noble du terme. Mais si l'écrivain crée son espace, cet espace ne manque pas d'influencer à son tour celui qui l'habite, comme le laisse entendre le beau titre de Philippe Delerm, les Chemins nous inventent.

C'est toujours avec beaucoup de respect et en ayant presque l'impression de commettre un sacrilège qu'il m'arrive de pénétrer dans les lieux où ont vécu les écrivains que j'aime. Voici quelques images de la maison de Marguerite Yourcenar dans l'île des Monts-Déserts, découverte dès 1942, et qu'elle a pratiquement toujours habitée avec celle qui durant cinquante ans a partagé sa vie, Grace Frick, dont Yourcenar disait qu'elle représentait pour elle la fidélité.



Bureau


Salon


Salon


Cuisine


Épitaphe


Sur la tombe de Marguerite Yourcenar, dans le petit cimetière de Somesville, dans l'île des Monts-Déserts, on peut lire ces lignes dont je ferais volontiers ma seule prière :

«Plaise à Celui qui est peut-être
de dilater le coeur de l'homme
à la mesure de toute la vie.»


Laisser des traces...


« Un poète doit laisser des traces de son passage,

non des preuves. Seules les traces font rêver »

René Char


Amour sacré, Amour profane

L'Amour sacré, l'Amour profane - Le Titien
(en cliquant sur l'image, vous la verrez agrandie)

J'ai bien failli avoir dans mon salon une reproduction de ce tableau du Titien. Il y a quelques années, je cherchais quelque chose pour dissimuler un bout de mur que je ne voulais pas voir nu. Or un ami, qui était étudiant en Histoire de l'Art et de surcroît assez habile en dessin, avait proposé de me réaliser une reproduction de ce tableau, dont les proportions semblaient idéales pour couvrir la section du mur en question.
Quand il m'a nommé l'oeuvre, ça ne me disait rien ; je connaissais bien d'autres tableau du Titien, mais je ne me souvenais pas avoir vu celui-ci. Nous en avons cherché des reproductions dans mes encyclopédies, dans mes livres sur l'Art, sans rien trouver. De toute façon, un tableau du Titien, ça me convenait tout à fait, surtout si c'était cet ami qui me le proposait ; et j'étais particulièrement sensible au titre de celui-ci qui associait l'Amour sacré et l Amour profane. Cet ami et moi étions sur la même longueur d'ondes à ce sujet.
Durant ses vacances de Noël, l'ami en question avait entrepris de réaliser cette reproduction ; il m'a dit avoir très bien réussi le dessin et la couleur, sauf que lorsqu'il a voulu appliquer sur tout cela un produit qui devrait protéger de la poussière et de l'humidité, il a gâché tout le travail qu'il avait mis des heures à réaliser. Il n'a pas eu le courage de recommencer et je n'ai donc jamais eu de (faux) Titien chez moi (sauf en plus petites reproductions).
On a donné de ce tableau plusieurs interprétrations divergentes. Je n'essaierai pas de trancher ou de choisir celle qui me convient le mieux. On pourra lire à ce sujet en cliquant sur ce lien, d'où j'ai emprunté cette image.

jeudi 19 janvier 2006

Appel à la solidarité

« Lorsque qu'un homme assiste sans broncher à une injustice, les étoiles déraillent. » Bertolt Brecht, Tambours dans la nuit.

Dans les divers blogues que je fréquente quotidiennement et dans ceux que je découvre au fil des jours, on parle de plus en plus d'une affaire qui secoue la France, mais qui nous concerne tous car, quel que soit notre état, quelle que soit notre situation, nous sommes tous citoyens et, par conséquent, susceptibles d'être victimes d'une injustice. Il s'agit de l'« affaire Garfield ». Je ne tenterai pas de vous l'expliquer ; en gros, je dirai simplement qu'à Montpellier, un proviseur a été congédié sans compensation, qu'il est plus ou moins jeté à la rue, puisqu'on lui a retiré son droit d'exercer un autre emploi dans la fonction publique... Et quel est son crime ? celui d'être homosexuel et d'avoir tenu un blogue ! Ce serait donc incompatible avec une fonction de proviseur puisque, chacun le sait, ceux-ci n'ont pas droit à une vie privée et à la liberté d'expression. La devise de la France, « Liberté, Égalité, Fraternité », ce serait pour tous les Français, sauf pour les proviseurs... Je vous invite à lire les billets de consoeurs et confrères qui en ont abondamment parlé, notamment celui de Samantdi,
Vie commune

Je vous invite à lire attentivement
la lettre à Gilles qu'un confrère bloggeur, Maître Eolas, adresse à M. Gilles de Robien, ministre de l'Éducation nationale française.

Enfin,
une pétition circule en appui à ce proviseur injustement congédié.

« J'ai compris qu'il ne suffisait pas de dénoncer l'injustice,
il fallait donner sa vie pour la combattre. »
Albert Camus, Les Justes

car

« Une injustice faites à un seul
est une menace faite à tous. »
Montesquieu

Qui d'entre-nous peut prétendre être à l'abri
de l'injustice ou de la menace ?

mercredi 18 janvier 2006

Quelqu'un le reconnaît ?

Qui peut dire qui est cet homme ?

Je parlerai de lui dans un prochain billet

On le voit ici chez Chateaubriand, dans la tour Velléda ; le docteur Savoureux, alors propriétaire de la Vallée-aux-Loups, soignait notre écrivain du jour et avait invité celui-ci à venir.

Ajout : Il s'agit d'un écrivain (certains diraient qu'il est d'abord un personnage), français, né en 1872 et mort en 1956. Il a écrit : « Les qualités sont du domaine de tout le monde. Les vices seuls marquent la personnalité. »

Autres citations : « La solitude conserve neuf » et « Chaque fois qu'une maîtresse me quitte, j'adopte un chat de gouttière : une bête s'en va, une autre arrive » ; puis : « Le papier et la femme sont deux choses blanches qui souffrent tout ». Écrivain jusqu'au bout des ongles !

mardi 17 janvier 2006

Benjamin Franklin


Il y a 300 ans, le 17 janvier 1706, naissait à Boston Benjamin Franklin, « un des personnages les plus illustres de l'histoire américaine. En effet, il a été à la fois un homme de sciences et de lettres, un grand inventeur mais aussi le premier ambassadeur des États-Unis et un des artisans de l'indépendance américaine. » Voir la suite en cliquant ici. En ces tristes années d'ego-pouvoir de « W », il est bon de se rappeler que l'histoire américaine n'est pas faite que de crétins.

Mon ami Thomas, américain et professeur de français à Philadelphie, ville où s'est illustré Benjamin Franklin, m'envoie un photocollage amusant ; cliquez
ici.

Nouvelles images de Thomas

Pour alléger un peu, se nettoyer l'esprit et se rafraîchir les yeux, je vous propose deux nouvelles images de Thomas, notre ami de Bruxelles, en vous signalant qu'il a affiché de nouvelles images sur son site ; elles sont tellement plus belles, parce que plus grandes, dans son photoblogue ; vous les trouverez en cliquant ici.

On peut prendre le train...

Je suis persuadé que, malgré sa discrétion, qui est aussi une marque de sa distinction, il appréciera vos commentaires sous les photos.


... ou la Bentley

L'esprit de famille en question...

Je l'ai dit souvent ; je l'ai écrit aussi souvent ; j'en ai parlé un peu déjà dans l'un de mes billets depuis que j'ai commencé à tenir ce blogue : je n'ai pas tellement l'esprit de famille. Je ne savais pas que c'était assez évident pour que l'une de mes soeurs, celle qui me suit immédiatement, me dise un jour, parce que je n'avais pas envie de participer à une fête familiale : « Tu dois venir, car tu fais partie de la famille, que tu le veuilles ou non ! » Bien sûr, elle ne le disait pas méchamment ; ce n'était pas un reproche ; plutôt une affirmation d'inclusion. Mais, de mon côté, je sens presque toujours les réunions familiales comme des obligations plutôt que des occasions de réjouissance. Et quand, sur l'afficheur de mon téléphone, je reconnais le numéro de l'une de mes soeurs ou de l'un de mes frères, ou plus rarement d'un neveu ou d'une nièce, je me demande ce qui arrive encore : un décès, une maladie, quelqu'un à l'hôpital... C'est vrai que j'ai établi avec eux une distance salutaire, un espace vital à respecter ; du coup, on n'ose pas trop m'appeler pour parler de la pluie et du beau temps ; si on m'appelle, c'est que l'on pense avoir une bonne raison de le faire...

Il y a un peu plus de quatre ans, alors que j'étais en vacances en France, ma mère a été hospitalisée d'urgence en pleine nuit. Le lendemain matin, l'une de mes belles-soeurs a tenté de me joindre chez moi, à Montréal et a laissé un message sur mon répondeur. Mon jeune voisin qui, même en mon absence, était souvent chez moi car ma connection Internet était plus rapide que la sienne, a entendu le message de ma belle-soeur et s'est demandé ce qu'il devait faire avec cette information. Comme il avait le numéro de téléphone de quelques-uns de mes amis à Paris, il pouvait me joindre ou tout au moins me laisser un message pour me faire savoir que ma mère n'était pas bien. J'imagine (je n'ai pas cherché à connaître les détails de ses délibérations avec lui-même ou s'il avait consulté un ami, sa soeur, sa mère) qu'il aura longuement hésité avant de se décider à m'appeler, car il dû penser que si je savais que ma mère était mourante, que je mette fin immédiatement ou pas à mes vacances, celles-ci seraient pratiquement gâchées de toute façon, par le retour précipité ou par le remords de les poursuivre. Le décalage horaire entre Montréal et Paris est de six heures ; quand il est midi à Montréal, il est dix-huit heures à Paris.
Hugo, mon jeune voisin, a donc décidé de m'appeler chez Guillaume, à Versailles, où je devais passer la nuit. Or, ce soir-là, je ne suis pas rentré à Versailles comme je le devais ; je raconterai pourquoi, plus tard, dans un autre billet, « Ma nuit à Dreux ». Il n'y avait donc plus moyen de me joindre. Le sort en ayant décidé ainsi, Hugo et Guillaume en ont conclu qu'il ne fallait pas gâcher le reste de mes vacances et ne m'ont parlé de cet appel que lorsque je fus rentré à Montréal. Le lendemain de mon arrivé, je suis donc allé voir ma mère à l'hôpital. Elle avait pris du mieux et n'a pas cessé d'en reprendre dans les semaines qui ont suivi. Elle est décédée depuis, deux ans plus tard.

Je suis le onzième enfant d'une famille de quinze. Le dernier des garçons, le plus vieux des célibataires. Je sais que certains auront déjà fait un calcul rapide et en auront conclu que j'ai par conséquent quatre soeurs plus jeunes. Félicitations ! Je ne suis pas si fort en mathématiques ni en raisonnement de cet ordre. Quand on me demande précisément combien ai-je de frères et de soeurs, je dois compter sur mes doigts à chaque fois, ne me souvenant jamais d'une fois à l'autre du chiffre précis. Je vais faire le calcul et l'écrire ici, tiens ; je saurai ensuite où trouver la réponse : ma mère a donné naissance à huit filles et sept garçons. Sur ce nombre, un garçon et une fille sont morts bébés ; je ne les ai pas connus. Deux autres sont morts plus tard dans un accident de voiture ; une soeur de dix-huit ans et un frère de vingt-et-un ans, victimes d'un conducteur ivre-mort. C'était un dimanche soir, un 30 juin. Deux de mes soeurs et deux de mes frères étaient venus manger à la maison ce soir-là avec leurs fiancés respectifs. Normalement, chacun des hommes avait sa voiture mais la veille, trois des quatre véhicules étaient en réparation pour des raisons différentes. Quand ils étaient sortis, le dimanche après-midi, ils étaient donc quatre couples dans la grande Buick de l'un de mes frères. Quand ils sont arrivés, nous avions déjà mangé. Ils se sont préparé quelque chose et ont mangé ensemble. Pendant qu'ils mangeaient, ils ont décidé de se marier tous le même jour, dès le début du mois de septembre. Cela ne ce serait pas vu souvent : quatre mariages simultanés, quatre membres d'une même famille en plus. Vers le milieu de la soirée, les quatre couples sont montés dans la seule voiture qui restait, la Buick de l'un de mes frères et ils sont repartis pour aller danser dans l'un des villages voisins. Un peu plus tard, alors qu'ils roulaient sur la pittoresque route qui longe la rivière Matapédia, une autre Buick, conduite par un homme ivre, fonça sur eux à toute vitesse et les frappa de front. On a su plus tard que cet homme avait bu toute la journée parce que sa femme venait de lui annoncer qu'elle le quittait, qu'il n'avait cessé de faire la navette entre sa ville de la province voisine et le village où les membres de ma famille devaient aller danser ce soir-là. L'impact fut d'une violence inouïe. Ce soir-là, celui pour qui la vie avait perdu son sens faucha celle de ceux qui avaient pour eux la jeunesse et toutes les raisons de vouloir vivre. Les forces de vie et les forces de mort se rencontrèrent sur une très belle et sinueuse route de campagne, taillée dans le roc. En dépit du nombre du côté de la vie, ce fut la mort qui eut le dessus. Quand on regarde les photos des voitures, on se demande comment certaines personnes purent sortir vivantes de ces amas de ferraile. Car certains ont survécu. Les fiancées de mes deux frères sont mortes sur le coup ; celui de mes frères qui conduisait la voiture est mort le lendemain matin ; l'une de mes soeurs trois, jours plus tard. L'autre frère est resté des semaines dans le coma. Mon autre soeur a pu sortir de l'hôpital pour assister aux funérailles de la plus jeune ; elle y retourna et y resta des semaines encore. L'un des fiancés n'eut absolument rien, même pas une égratignure, on ne comprend pas pourquoi ; l'autre, comme ma soeur, est resté hospitalisé durant des semaines. Quand au conducteur de l'autre voiture, il n'a sans doute rien vu de l'impact ; selon l'enquête, déjà ivre-mort, il n'aurait pas eu conscience de l'accident. Voilà une longue parenthèse sur le nombre de frères et soeurs... Je ne sais pas si des tragédies du genre peuvent aider à renforcer les liens familiaux ; parfois, oui, sans doute. Mais ce qui est absolument certain, c'est que ça jette un poids énorme dans une famille et que ça n'allège en rien l'atmosphère. On aura beau ne pas vouloir faire peser sur les enfants la tristesse des plus grands, il va sans dire que ces enfants n'ont pas besoin d'être très malins pour sentir que rien ne sera plus pareil dans cette famille.
Je ne comprends pas l'enthousiasme que provoque souvent chez les gens le fait d'apprendre que l'on fait partie d'une famille nombreuse. Cet enthousiasme est plus fréquent chez les enfants uniques. Et comme j'ai souvent rêvé d'être fils unique, j'en conclus, encore une fois, que l'on désire chez les autres ce que l'on n'a pas chez soi... Je crois savoir qu'il y a toutefois des exceptions à ce principe. L'absence de l'esprit de famille relève-t-il du tempérament, du caractère de chacun ou, au contraire, serait-il la conséquence de l'éducation reçue, des liens que les parents ont su tisser avec leurs enfants et eux-mêmes entre eux ? Je n'en sais rien. Je crois savoir cependant que l'attachement de l'enfant à sa mère ou à celle qui lui en tient lieu se développe au tout début de la vie de cet enfant. Nous avons tous vu, lu ou entendu l'anecdote au sujet du caneton qui, dès sa naissance, s'attache à ce qu'il voit bouger près de lui ; il s'agit généralement de sa mère ; mais si par hasard c'est votre jambe qui était là au moment important, le caneton adoptera votre jambe ; je ne me souviens plus, dans ce cas, si on mesure en heures ou en jours la courte période durant laquelle on peut tenter de corriger l'attachement. Chez le petit de l'homme, on ne connait pas très bien non plus la durée de cette période critique au cours de laquelle l'attachement doit se développer avant qu'il ne soit trop tard, mais on parle généralement des deux premières années, absolument déterminantes pour la constructions des bases de l'identité et des forces d'affirmation de soi.
En ce qui me concerne, je crois pouvoir expliquer le peu d'attachement que j'éprouve envers la famille, et ce problème d'attachement se répercute ensuite dans bien d'autres sphères de la vie, aussi bien dans l'âge adulte que dans l'enfance et dans l'adolescence. Quand je suis né, ma mère enseignait ; je suis né à la fin de l'été, quelques jours avant la rentrée. Or l'aînée de me soeurs allait se marier et, pour permettre à ma mère d'enseigner sans devoir trop se préoccuper d'un jeune bébé, ma soeur et mon beau-frère m'ont « adopté » pour une période indéterminée... Durant près de deux ans, j'ai connu le bonheur d'être enfant unique ; j'avais à moi seul une mère attentive, un papa affectueux qui cherchait à jouer avec moi, à me choyer de toutes les façons qu'il pouvait. Le bonheur total, quoi ! Hélas, deux ans plus tard, ma soeur devint enceinte et j'imagine qu'un jour on a dû se dire qu'il faudrait régulariser la situation, que je devais retourner vivre dans ma vraie famille, avec mes parents, mes frères et soeurs. Or, ce n'est pas si simple : ma « vraie famille », mes « vrais parents », pour moi, c'étaient ma soeur et mon beau-frère... Je ne me souviens de rien, mais on m'a raconté que ce fut un drame, que je ne voulais absolument pas quitter ceux que j'appelais « maman » et « papa », je suppose et qui, en réalité, étaient ceux qui avaient créé ce lien d'attachement, qui avaient développé chez moi de solides liens d'affection, qui étaient ceux en qui j'avais totalement confiance.... Or, en m'abandonnant, ils ont brisé à jamais en moi la confiance qu'un enfant peut accorder aux grandes personnes... J'avais plus de deux ans ; il était trop tard pour reconstruire l'attachement ; et puisque j'avais été trahi, abandonné, je n'avais plus confiance. À deux ans, je n'allais pas faire ma valise et partir ; je suis resté chez mes parents, en faisant d'épouvantables crises pour retourner dans mon vrai foyer dès que je voyais ma soeur et mon beau-frère... Ceux-ci m'en parlent encore à l'occasion, mon beau-frère surtout, en disant qu'ils avaient fait une erreur épouvantable en me prenant avec eux durant tout ce temps et que si c'était à refaire, ils ne le referaient pas... Ils avaient songé à m'adopter officiellement, puis ils y ont renoncé, je ne sais pourquoi. J'ai appris à vivre dans la famille, mais je m'y suis toujours senti quelque peu étranger... À vingt ans, je suis parti en vacances à Paris ; je partais pour trois semaines ; ma mère m'avait dit : « Tu vas t'ennuyer ; je suis sûre que tu reviendras avant la fin de la deuxième semaine. » Or, dès la deuxième semaine, je lui écrivais : « Je ne reviens pas ; je reste ici. » Et j'y serais peut-être encore si les contraintes administratives ne m'avaient obligé à revenir plusieurs mois plus tard... Mes soeurs plus jeunes tutoyaient mes parents ; je n'ai jamais pu le faire. Quand le dimanche j'allais rendre visite à la famille, jamais je n'aurais osé ouvrir la porte du réfrigérateur pour y prendre quoi que ce soit si on ne m'y avait pas invité, alors que mes soeurs le faisaient spontanément...

Avec les quelques lignes qui précèdent, je voulais simplement aborder la question de l'esprit de famille. C'est un sujet complexe qui me préoccupe depuis longtemps. Mes relations avec la mienne semblent en tout point harmonieux ; pas de conflit ouvert, pas de procès... Mais je ne sais pas pourquoi, il y a quelque chose que je ne parviens pas à identifier, j'éprouve un malaise que je n'arrive pas à décortiquer. C'est pour moi comme un écheveau de fils à démêler et je n'y arrive pas. Il y a vingt ans, j'étais moins aimable quand j'écrivais à l'une de mes soeurs, en parlant de la famille, que c'était « un milieu gluant et gélatineux ». C'était sans doute mon instinct de survie qui m'incitait à prendre du recul, à respirer un autre air, moins confiné, plus oxygéné. Je n'ai pas connu les milieux étouffants des romans de Mauriac ou de Julien Green, mais presque. Et je crois que le plus toxique, dans ces familles, comme dans tous les milieux où nous devons évoluer, ce sont les silences et les non-dits. Pour me désintoxiquer, je crois qu'il fallait que je m'éloigne et... Paris me semblait l'endroit idéal pour y apprendre à me connaître, à me reconnaître en passant par la reconnaissance des autres, puis à m'exprimer, en sachant qui je suis... Cette longue réflexion, je la mijotais depuis longtemps et je n'osais encore entreprendre de la mettre en mots. Puis, aujourd'hui, la lecture du blogue de Joss m'a incité à laisser un long commentaire et à reprendre ici ma réflexion.

Voici donc le commentaire laissé sur le blogue de
Joss

Quel sujet pour un lundi ! Et pourquoi pas un lundi ? Nous n'aurons pas assez de la semaine pour en parler ;o) De tous les sujets que je me propose d'aborder un jour, celui-ci est sans doute le plus délicat, le plus complexe, le plus inépuisable... Et même pour ajouter un commentaire à ton billet, je ne sais par où commencer. Alors je vais tenter d'exprimer spontanément quelques idées qui me viennent, sans essayer d'en faire un texte bien construit... D'abord, ta révolte est tout à fait légitime ; c'est toi qui ressens ce que tu ressens et il est tout à fait sain de vouloir l'exprimer. Bien sûr, on ne veut blesser personne en s'exprimant, mais si la vérité, la franchise, peuvent faire mal, elle n'en font jamais autant que le mensonge et l'hypocrisie. J'avais une collègue de travail extraordinaire, une femme admirable, qui n'avait pratiquement pas d'instruction, très tôt orpheline de père et de mère ; plus tard, elle a eu deux cancers, un divorce, un fils paraplégique à la suite d'un accident de moto, un autre fils drogué et... une fille lesbienne. Cette femme, d'une joie de vivre et d'une sagesse admirable, disait toujours : « On peut tout dire, n'importe quoi, n'importe quand, à n'importe qui ; mais jamais n'importe comment ». En général, quand on le peut, nous sommes tous assez attentionnés pour ne pas blesser volontairement ceux à qui nous voulons dire ce qui compte pour nous. Il peut arriver cependant que la violence de l'émotion retenue, refoulée, la force de la colère, l'intensité de la souffrance, nous fassent employer un ton, des mots, que nous voudrions plus mesurés si nous avions un peu plus de recul, si nous avions un peu plus rationalisé ce que nous voulons dire... Mais la vie n'est pas que raison ; et ce que nous avons longtemps refoulé risque de ressembler un peu plus à l'éruption d'un volcan qu'à une jolie cascade qui gazouille sous les feuillages percés de rayons de soleil. Quand l'habitude du silence et du non-dit s'est installée, il faut parfois se faire violence et prendre le risque de bousculer, de heurter, de déstabiliser, de blesser, afin de briser le ronron de l'habitude et du non-dit. Rien de pire que le non-dit, car il dit tout et plus encore que ce qui est et qu'il serait tellement plus sain de dire. Car de dire les choses, c'est les définir, les circonscrire, en limiter les effets, si nécessaire ; mais cela peut aussi signifier : reconnaître leur existence et permettre leur envol, leur développement quand ce sont des bonnes choses que nous voulons voir se développer... Quand l'expression des sentiments, des frustrations, avec toute la force qui la caractérise, s'adresse à une personne en particulier, la personne doit pouvoir faire la distinction entre ce qui est dit, la façon dont c'est dit, l'intention de la personne qui le dit, l'état de la personne qui le dit... Ce qui semble agressif n'est parfois que l'expression d'une souffrance. L'agressivité n'est parfois que la seule façon de se défendre ou de se libérer, quand on ne trouve plus d'autre moyen... Au fond, ce que tu veux dire à Papoute, par exemple, c'est : « Si tu avais été là pour me parler, pour me dire les choses, pour m'apprendre à nommer et à préciser les choses de la vie, les choses de tous les jours, comme celles de l'absolu ; si tu avais été là pour m'aider à me construire, confiant et fort dans la vie ; si tu avais été là pour m'écouter quand j'avais des choses à dire, je n'aurais pas besoin de l'exprimer si violemment aujourd'hui... » C'est dur à entendre, après toutes ces années, mais il faut l'entendre si l'on veut essayer d'établir un dialogue... Il ne s'agit pas de faire un procès, de condamner des coupables, mais de dire ce que l'on a sur le coeur, d'y faire le ménage afin d'y libérer la place nécessaire à des sentiments plus agréables, plus chaleureux... Le divorce des parents, oui, ça perturbe la vie d'un enfant. Mais je crois sincèrement que le silence et le non-dit sont beaucoup plus nuisibles qu'un divorce. Au fond, ce dont a besoin l'enfant, tout de dépend de l'âge, mais en gros, on peut dire que c'est d'abord de se sentir en sécurité, d'être au chaud, d'avoir à manger et à boire ; puis d'être accepté, aimé de ses parents ; d'être respecté en tant qu'être intelligent, à qui on doit dire la vérité, même si l'on n'est pas encore capable de la comprendre. Si l'on ment à un enfant, celui-ci se construit dans le mensonge et la relation avec ses parents se construit dans le mensonge... L'enfant s'attend aussi à ce que sa famille lui permette de développer ses facultés, d'apprendre à prendre confiance en ses moyens afin de pouvoir assumer plus tard son autonomie et de pouvoir prendre des risques pour atteindre ses objectifs... Donc, quand ça va mal dans un couple, je ne pense pas que le fait de rester ensemble sera un gage de sécurité et d'harmonie pour l'enfant... Mieux vaut selon moi que chacun fasse son chemin en parallèle, sans abdiquer les responsabilités communes, cependant... Même s'il est aimé à distance, l'enfant saura reconnaître l'affection qu'on lui porte, et qui vaudra toujours mieux que la frustration toujours présente... « Tout est langage », a écrit la fameuse psychologue, psychanalyste d'enfants, Françoise Dolto. Tous nos maux peuvent être guéris par les mots, car ce qui fait le plus mal, la plupart du temps, ce n'est pas la chose en soi, mais la représentation que l'on s'en fait. Les mots, le dialogue, entre soi et soi, entre soi et les autres, je crois que c'est la clé de la libération...

Je crois que nous avons tous été touchés par un film comme « Rebel without au cause », où l'on voit James Dean jouer les délinquants à défaut de pouvoir bénéficier d'un peu d'attention de la part de son père... Bien sûr, nous connaissons tous des familles qui nous semblent idéales, où l'harmonie, la communication, l'amour, semblent régner ; oui, elles existent sans doute, ces familles. Mais il est possible aussi que nous ne voyons parfois que ce que nous voulons voir, pas parce que nous voulons nous cacher la vérité, mais simplement parce que « notre perception est déformée par le miroir de nos attentes », comme le dit si bien Yannou. Nous voyons chez les autres le plus beau de ce qui nous manque ; parfois nous essayons de l'obtenir et d'autres fois, nous ne pouvons que les envier... Je crois qu'il est sain de vouloir comprendre, de vouloir mettre des mots sur notre passé, sur notre histoire, afin de pouvoir passer à autre chose, de pouvoir vivre au présent... Quand depuis l'enfance on traîne avec soi des cadavres, il est difficile d'avancer dans la vie avec légèreté.


lundi 16 janvier 2006

Qui est-ce ?


Qui peut identifier cet homme ? Un indice : il s'agit d'un écrivain.

Vallée-aux-Loups

« Il y a quatre ans qu'à mon retour de la Terre-Sainte j'achetai près du hameau d'Aulnay, dans le voisinage de Sceaux et de Chatenay une maison de jardinier cachée parmi des collines couvertes de bois. Le terrain inégal et sablonneux dépendant de cette maison, n'était qu'un verger sauvage au bout duquel se trouvait une ravine et un taillis de châtaigniers. Cet étroit espace me parut propre à renfermer mes longues espérances ; spatio brevi spem longam reseces. Les arbres que j'y ai plantés prospèrent, ils sont encore si petits que je leur donne de l'ombre quand je me place entre eux et le soleil. Un jour, en me rendant cette ombre, ils protégeront mes vieux ans comme j'ai protégé leur jeunesse. Je les ai choisis autant que je l'ai pu des divers climats où j'ai erré, ils rappellent mes voyages et nourrissent au fond de mon coeur d'autres illusions.



« Si jamais les Bourbons remontent sur le trône, je ne leur demanderai, en récompense de ma fidélité, que de me rendre assez riche pour joindre à mon héritage la lisière des bois qui l'environnent : l'ambition m'est venue ; je voudrais accroître ma promenade de quelques arpents : tout chevalier errant que je suis, j'ai les goûts sédentaires d'un moine : depuis que j'habite cette retraite, je ne crois pas avoir mis trois fois les pieds hors de mon enclos. Mes pins, mes sapins, mes mélèzes, mes cèdres tenant jamais ce qu'ils promettent, la Vallée-aux-Loups deviendra une véritable chartreuse. Lorsque Voltaire naquit à Chatenay, le 20 février 1694 quel était l'aspect du coteau où se devait retirer, en 1807 l'auteur du Génie du Christianisme ?


« Ce lieu me plaît ; il a remplacé pour moi les champs paternels ; je l'ai payé du produit de mes rêves et de mes veilles ; c'est au grand désert d'Atala que je dois le petit désert d'Aulnay ; et pour me créer ce refuge, je n'ai pas, comme le colon américain, dépouillé l'Indien des Florides. Je suis attaché à mes arbres ; je leur ai adressé des élégies, des sonnets, des odes. Il n'y a pas un seul d'entre eux que je n'aie soigné de mes propres mains, que je n'aie délivré du ver attaché à sa racine, de la chenille collée à sa feuille ; je les connais tous par leurs noms, comme mes enfants : c'est ma famille, je n'en ai pas d'autre, j'espère mourir au milieu d'elle.


« Ici, j'ai écrit les Martyrs, les Abencérages, l'Itinéraire et Moïse ; que ferai-je maintenant dans les soirées de cet automne ? Ce 4 octobre 1811, anniversaire de ma fête et de mon entrée à Jérusalem, me tente à commencer l'histoire de ma vie. L'homme qui ne donne aujourd'hui l'empire du monde à la France que pour la fouler à ses pieds, cet homme, dont j'admire le génie et dont j'abhorre le despotisme, cet homme m'enveloppe de sa tyrannie comme d'une autre solitude ; mais s'il écrase le présent, le passé le brave, et je reste libre dans tout ce qui a précédé sa gloire. »
François-René de Chateaubriand, Mémoires d'outre-tombe


Pour le seul plaisir de relire les Mémoires d'outre-tombe, j'aurais envie de citer le texte complet, qui fait deux gros tomes dans la collection de « La Pléiade ».

Chateaubriand avait fait construire dans le jardin, à une distance respectable de la maison elle-même, cette tour - la tour Velléda - où il pouvait se réfugier pour écrire sans être dérangé par les nombreux visiteurs.



Les quelques heures que j'ai passées dans cette maison de la Vallée-aux-Loups, puis dans le jardin où la plupart des arbres adultes ont été plantés par Chateaubriand lui-même m'ont permis de mieux comprendre à quel point ce fut un déchirement pour cet homme lorsque les difficultés financières l'obligèrent à vendre cette propriété en 1817.


mercredi 11 janvier 2006

Inquiétant silence

Il y a eu dans la blogosphère, hier, le mardi 10 janvier 2006, de grands silences qui ne me semblent pas tous paisibles...

lundi 9 janvier 2006

D'un Mitterrand à l'autre

Un autre Mitterrand dont j'ai toujours beaucoup apprécié le travail, c'est Frédéric, journaliste, producteur de télévision et de cinéma, écrivain. Neveu du grand Tonton François, Frédéric a toujours été très discret sur sa famille et sur ses relations avec le Président français. De toute façon, Frédéric n'a pas eu besoin de sa famille pour se faire un nom, une réputation de qualité dans le milieu de télévision et de la culture. Quand je savais à l'avance qu'il y aurait à la télévision, à TV5, principalement, une émission qu'il animerait ou à laquelle il participerait, j'essayais de ne pas la manquer.
Si Frédéric Mitterrand a toujours fait preuve de discrétion sur sa vie familiale, il en a fait de même au sujet de sa vie privée et, notamment, de sa vie amoureuse. Or, il a publié au printemps dernier une autobiographie qui a levé le voile sur sa vie privée et sur sa sexualité, que nul dans son entourage n'ignorait, toutefois. Ce que tous ne savaient pas cependant au sujet de sa vie amoureuse, c'est à quel point celle-ci était pour lui souffrante et honteuse ; comme quoi la célébrité n'est pas un gage de bonheur assuré.
Je me propose de lire bientôt la mauvaise vie, de Frédéric Mitterrand, dont on pourra lire ici une critique élogieuse de Dominique Fernandez, autre auteur dont il faut lire autant les romans que les magnifiques livres sur les villes ou les régions d'Italie, de Russie, etc., livres superbement illustrés qu'il publie avec son ami le photographe Ferrante Ferranti. Il faut lire aussi Fernandez, à la fois pour son érudition et pour son style admirable.

Le pouvoir des livres


J'ai toujours regardé avec de grands yeux avides les vitrines et les étalages des libraires, les rayons des bibliothèques... Mais j'ai toujours été fasciné aussi par les intérieurs où l'on pouvait, en passant devant les fenêtres éclairées de certaines maisons ou de certains appartements, voir des rangées de livres... J'ai toutefois renoncé au désir longtemps nourri d'avoir un jour une bibliothèque personnelle digne de ce nom... Le manque de temps, le surplus de travail et l'omniprésence d'Internet m'ont fait prendre avec les livres une distance qui n'a rien de salutaire. Je rêve toutefois d'avoir un peu plus de temps, un peu plus d'argent, un peu plus d'espace qui, il me semble, favoriseraient un nouvel amour de la lecture...


En France, on a commémoré hier, 8 janvier, le dixième anniversaire de la mort de François Mitterrand. Il ne m'appartient pas de faire le bilan de ses deux mandats à la Présidence ; d'autres s'en chargeront. J'admirais la sensibilité, la culture de cet homme, son immense amour de la langue, qu'il maîtrisait parfaitement, sa passion de la littérature et son immense respect des livres. Il faut remonter à Pompidou puis à de Gaulle pour trouver d'autres présidents français qui ont eu cet amour de la langue et de la chose écrite.


Je n'oublie pas l'un de ces précieux monuments que François Mitterrand aura laissés à la culture française : sa fameuse biblothèque. Je n'ai pas encore eu l'occasion de la visiter (le métro de Montréal ne s'y rend pas encore) ; la seule fois où je m'en suis approché évoque pour moi un mauvais souvenir, qui n'a cependant rien à voir avec la bibliothèque elle-même ; mais ça, c'est une autre histoire...

dimanche 8 janvier 2006

Les lieux où nous avons vécu...

« Les lieux que nous avons connus n'appartiennent pas qu'au monde de l'espace où nous les situons pour plus de facilité. Ils n'étaient qu'une mince tranche au milieu d'impressions contiguës qui formaient notre vie d'alors : le souvenir d'une certaine image n'est que le regret d'un certain instant, et les maisons, les routes, les avenues sont fugitives, hélas, comme les années. » Marcel Proust.

Parmi les lieux où j'ai vécu, certains m'ont marqué plus que d'autres. Si je cite ce matin ces quelques lignes de Marcel Proust, c'est que je suis tombé sur elles alors que, réveillé au milieu de la nuit, j'ai ouvert un livre au lieu d'essayer de me rendormir. Ces quelques lignes, j'ai dû les lire et les relire plusieurs fois au cours des dernières années, parmi de nombreuses autres. Je les avais oubliées ; et cette nuit, le hasard m'a fait tomber sur elles encore une fois. « Le hasard n'existe pas... », aime à répéter un ami lointain (dans l'espace) ; il n'est pas le seul à le dire, mais j'aime lui attribuer cette affirmation, car elle me permet de penser à lui... C'est qu'il appartient, lui aussi, à des lieux où j'ai vécu ; et le souvenir de certains instants m'est encore précieux.

Je parlerai bientôt de lieux précis où j'ai vécus il y a plusieurs années et avec lesquels, en ce début de nouvelle année, « le hasard » m'a fait renouer de manière aussi émouvante qu'inattendue...

samedi 7 janvier 2006

Les batailles perdues

« Seules sont perdues d’avance
les batailles qu’on ne livre pas. »
Napoléon Bonaparte

Égolité des chances

Dans l'univers des blogues, nous sommes tous ego.


Fuir la tristesse

« Voilà comme l'on doit sans cesse
Faire tête au sort irrité ;
Et la véritable sagesse
Est de savoir fuir la tristesse
Dans les bras de la volupté. »
Voltaire

vendredi 6 janvier 2006

Les nouvelles confessions

Rassurez-vous : en dépit du titre, je ne me propose pas de battre Jean-Jacques Rousseau sur son propre terrain, l'autobiographie autoflagellante, ni même de tenter d'égaler William Boyd, cet auteur anglais chaudement recommandé par Bernard Pivot* qui a justement publié il y a quelques années ses Nouvelles confessions. Je me contenterai de parler d'un aspect de ma vie : ma sexualité.

Dans mon billet d'hier, au sujet de la pureté, je me suis trop avancé et me suis piégé moi-même en annonçant que je ne parlerais de ma vie sexuelle qu'en présence de mon avocat : or, deux avocats se sont présentés (et comme je ne les ai pas moi-même sollicités et que nous n'avons pas parlé d'honoraires, je les avise qu'ils travailleront bénévolement ; c'est peu fréquent, je sais : j'en connais un seul, parmi les plus réputés, qui accepte des clients désargentés quand leur cause concerne les droits de la personne, par exemple).

Je ne sais pas si vous vous souvenez d'un film de Michel Deville, Benjamin ou les mémoires d'un puceau, avec Michèle Morgan, Catherine Deneuve, Michel Piccoli et... Pierre Clementi. C'est l'histoire d'un garçon élevé sans la moindre notion de sexualité, qui arrive à un âge où le désir des autres s'adresse à lui, mais devant tant d'innocence (ces gens de son entourage sont bien élevés), personne ne veut trop brusquement faire prendre conscience à ce jeune homme des choses de la vie. Benjamin, interprété par Pierre Clementi, est tout à fait charmant et désirable, en effet, et son parrain, joué par Michel Piccoli, trouve qu'il est temps que son filleul soit initié aux plaisirs qui font d'un garçon un homme, et il prend les moyens pour que cela se produise. L'histoire se déroule au dix-huitième siècle et le souvenir que je conserve (mes souvenirs ne datent pas, eux, du XVIIIe siècle, rassurez-vous) de la seule fois que j'ai pu voir ce film me donne envie de le revoir.

Quel rapport entre ce film et ma vie sexuelle qui, selon le test dont je parlais avant-hier, prend une place assez importante dans ma vie, au point de me faire faire des choses qui ne sont pas exactement dans les normes ? Non, évidemmement, vous ne me croiriez pas si je vous disais qu'à dix-huit ans, j'étais encore puceau et, surtout, que je n'avais absolument aucune idée de la sexualité. Alors, c'est déjà une réponse en soi. Mais peut-être serait-il pertinent d'ajouter que j'aurais beaucoup aimé faire partie de l'entourage de Benjamin, dans ce film, et que Pierre Clementi, l'acteur, ne m'a jamais laissé indifférent. Malheureusement, il n'était pas très sage dans la vraie vie, il n'a pas beaucoup tourné (on l'a vu dans la Porcherie, puis dans le Conformiste), et il est mort trop jeune, victime de son train de vie. Il m'est arrivé de rencontrer par la suite des garçons qui me faisaient penser à Pierre Clementi, d'abord à Paris, quand j'avais vingt, puis à Montréal ensuite, mais je ne leur ai jamais demandé de jouer les Clementi ; leur charme propre suffisait tout à fait à mon bonheur.

Dès la première page de son autobiographie, André Gide écrit ceci :

Je revois aussi une assez grande table, celle de la salle à manger sans doute, recouverte d'un tapis bas tombant ; au-dessous de quoi je me glissais avec le fils de la concierge, un bambin de mon âge qui venait parfois me retrouver.
« Qu'est-ce que vous fabriquez là-dessous ? criait ma bonne.

— Rien. Nous jouons. »
Et l'on agitait bruyamment quelques jouets qu'on avait emportés pour la frime. En vérité nous nous amusions autrement : l'un près de l'autre, mais non l'un avec l'autre pourtant, nous avions ce que j'ai su plus tard qu'on appelait « de mauvaises habitudes ».

Qui de nous deux en avait instruit l'autre ? et de qui le premier les tenait-il ? Je ne sais. Il faut bien admettre qu'un enfant parfois à nouveau les invente. Pour moi je ne puis dire si quelqu'un m'enseigna ou comment je découvris le plaisir ; mais aussi loin que ma mémoire remonte en arrière, il est là. »

Quelques lignes plus loin, dans ces premières pages de Si le grain ne meurt, André Gide ajoute : « À cet âge innocent où l'on voudrait que toute l'âme ne soit que transparence, tendresse et pureté, je ne revois en moi qu'ombre, laideur, sournoiserie. »



S'il y avait parfois des bonnes, il n'y avait pas de concierge chez nous, ni de grand tapis tombant bas sur une table au-dessous de laquelle je pouvais m'abriter. Tous les bâtiments de la ferme, les champs et la forêt à proximité étaient toutefois susceptibles d'offrir à l'enfant, puis à l'adolescent, des terrains propices à des jeux secrets.


Je crois que dès les premières années de mon enfance, j'avais une curiosité intellectuelle qui ne demandait qu'à servir. Puisque l'on n'avait pas forcément le temps de s'occuper de moi, de m'instruire en dehors des heures de classe et des devoirs à la maison et que, de toute façon, je ne vois pas ce qu'on aurait pu m'enseigner, car toute l'instruction disponible l'était à l'école et dans les manuels, j'étais bien obligé de découvrir moi-même ce que l'on ne jugeait pas utile ou pertinent de m'enseigner.


À six ans, donc, je me suis fait surprendre par la mère de petits voisins en train d'essayer de découvrir avec l'un d'eux la notion de plaisir auquel fait allusion André Gide dans le passage cité plus haut. Peu de temps après, je me suis fait surprendre par une autre voisine en train d'essayer de comprendre ce qui faisait que sa fille était une fille et moi un garçon. Comme on peut en juger, ma curiosité ne faisait pas de discrimination. Pour me rendre justice, il me semble que ces deux mères auraient dû unir leurs voix et proclamer haut et fort que j'étais l'un de ces futurs hommes qui risquaient de n'être pas sexiste. Leur silence a dû peser lourd dans les orientations que j'ai prises plus tard...


Il ne faut pas sauter trop vite aux conclusions et me classer parmi les obsédés et les dépravés. Je veux bien croire, avec André Gide, que l'enfance n'est pas toujours aussi innocente que ne voudraient le croire les mères, mais je ne voyais pas en moi non plus « qu'ombre, laideur, sournoiserie. » Pour l'obsession, je veux bien négocier, mais pour la dépravation, il n'en est pas question : je fais immédiatement appel à mon avocat. N'oubliez pas que j'étais le fils de l'institutrice principale, le frère d'une autre ; j'étais premier de classe et l'on me citait en exemple tant à l'école qu'à l'église. C'est simplement que, n'en déplaise à monsieur François Mauriac, je n'avais pas toujours les Mains jointes. J'étais un enfant raisonnablement pieux, qui allait communier à la messe du dimanche et, sans être sacrilège, je n'étais pas non plus un faux dévot, ni un être timoré sorti tout droit des romans de l'illustre écrivain catholique. Si, au début de l'adolescence, j'avais pu choisir le roman qui servirait de cadre à mon éducation, j'aurais plutôt choisi le premier roman d'un autre écrivain qui, s'il n'avait pas toujours les mains dans le bénitier, a eu le mérite de choisir la franchise et d'assumer sa vérité. C'est bien tard, à dix-sept ou dix-huit ans, que j'ai découvert le roman de Roger Peyrefitte, Les Amitiés particulières. Jean Delannoy a réalisé un film à partir de ce roman ; et c'est après avoir vu ce film qu'un voisin de deux ans plus jeune que moi, qui venait souvent à la maison voir mes soeurs, m'en a parlé. Je n'ai pas pu voir le film à ce moment-là mais un jour, en passant devant la vitrine d'une librairie, j'ai aperçu le roman et, sans hésiter, puisque R. m'avait vaguement mentionné de quoi il s'agissait, je suis entré et j'ai acheté le roman dans une collection de poche.


La lecture de ce roman fut pour moi une révélation ! Pas sur le plan sexuel, car si l'auteur faisait allusion aux sous-entendus des adolescents pensionnaires d'un collège classique, l'histoire tournait beaucoup plus autour des premiers émois amoureux d'enfants et d'adolescents, de garçons, en somme, condamnés (si on peut employer ce mot) à vivre ensemble comme dans une serre chaude. Ce qui m'a d'abord séduit, c'étaient les mots subtils et nobles que l'on employait pour décrire ce que, à notre façon et dans un contexte tout autre, nous vivions discrètement, mon voisin et moi. J'ai compris pourquoi il m'avait parlé de ce film, qui avait dû le marquer plus qu'il n'osait le reconnaître devant ma soeur qui avait vu le film avec lui. À compter du moment où j'avais lu le livre, que je lui ai prêté ensuite, tout fut beaucoup plus clair entre nous ; rien n'a changé dans notre relation ; notre amitié amoureuse continua d'être aussi chaste qu'elle l'avait été, mais on aurait dit que le film et le roman l'avaient légitimée et lui proposaient un idéal, des modèles qui ne pouvaient que lui permettre de traverser le temps.

Plus encore que sur le plan de l'amitié et des sentiments amoureux, ce roman de Roger Peyrefitte m'a ouvert les yeux sur un univers dont je ne soupçonnais même pas l'existence : celui de la culture, de l'histoire, de l'art, des lettres, de l'Antiquité, en particulier. Et en même temps, j'ai vraiment pris conscience d'être passé, quelques années plus tôt, à côté d'une occasion unique : celle d'entreprendre des études classiques dès l'âge de douze ans, comme il en avait été brièvement question dans la famille. J'aurais alors été interne dans un collège tout de même assez loin de chez mes parents ; mais j'aurais alors eu accès à tout ce dont j'avais appris l'existence dans ce roman. Je sais qu'il ne sert à rien de regretter, qu'on ne peut pas changer son histoire, refaire sa vie ; on ne peut que la continuer là où l'on se trouve. Durant plusieurs années, je n'ai cependant pas pu m'empêcher d'en vouloir à mes éducateurs de ne pas m'avoir vraiment offert le choix de faire des études classiques ou de poursuivre mes études à l'école du village. La question s'était posée ; sauf que la décision s'est vraiment prise à mon insu, ou plutôt : le temps avait passé sans que la décision se prenne de m'envoyer au collège, sans que je puisse d'abord en connaître les enjeux et ensuite donner mon avis.

Imaginez ce que serait devenue ma vie affective dans un collège où j'aurais pu vraiment apprendre quelque chose, où l'accent aurait été mis davantage sur les nourritures intellectuelles (et spirituelles) que sur les nourritures terrestres, où j'aurais aussi été entouré d'autres garçons intéressés aux Lettres, aux Arts... Le milieu aurait certainement été plus favorable à l'éclosion d'amitiés intellectuelles tout autant qu'amoureuses, pour certains. Au lieu de cela, j'occupais sur les bancs de l'école un certain nombre d'heures de la journée, et j'essayais d'apprendre un certain nombre des vraies choses de la vie le reste du temps.

Prochainement sur cet écran : la suite des Nouvelles confessions.

* Lors de la publication de Comme neige au soleil, Bernard Pivot avait même annoncé qu'il rembourserait personnellement quiconque aurait acheté ce roman de William Boyd et qui ne l'aurait pas aimé.