mardi 17 janvier 2006

L'esprit de famille en question...

Je l'ai dit souvent ; je l'ai écrit aussi souvent ; j'en ai parlé un peu déjà dans l'un de mes billets depuis que j'ai commencé à tenir ce blogue : je n'ai pas tellement l'esprit de famille. Je ne savais pas que c'était assez évident pour que l'une de mes soeurs, celle qui me suit immédiatement, me dise un jour, parce que je n'avais pas envie de participer à une fête familiale : « Tu dois venir, car tu fais partie de la famille, que tu le veuilles ou non ! » Bien sûr, elle ne le disait pas méchamment ; ce n'était pas un reproche ; plutôt une affirmation d'inclusion. Mais, de mon côté, je sens presque toujours les réunions familiales comme des obligations plutôt que des occasions de réjouissance. Et quand, sur l'afficheur de mon téléphone, je reconnais le numéro de l'une de mes soeurs ou de l'un de mes frères, ou plus rarement d'un neveu ou d'une nièce, je me demande ce qui arrive encore : un décès, une maladie, quelqu'un à l'hôpital... C'est vrai que j'ai établi avec eux une distance salutaire, un espace vital à respecter ; du coup, on n'ose pas trop m'appeler pour parler de la pluie et du beau temps ; si on m'appelle, c'est que l'on pense avoir une bonne raison de le faire...

Il y a un peu plus de quatre ans, alors que j'étais en vacances en France, ma mère a été hospitalisée d'urgence en pleine nuit. Le lendemain matin, l'une de mes belles-soeurs a tenté de me joindre chez moi, à Montréal et a laissé un message sur mon répondeur. Mon jeune voisin qui, même en mon absence, était souvent chez moi car ma connection Internet était plus rapide que la sienne, a entendu le message de ma belle-soeur et s'est demandé ce qu'il devait faire avec cette information. Comme il avait le numéro de téléphone de quelques-uns de mes amis à Paris, il pouvait me joindre ou tout au moins me laisser un message pour me faire savoir que ma mère n'était pas bien. J'imagine (je n'ai pas cherché à connaître les détails de ses délibérations avec lui-même ou s'il avait consulté un ami, sa soeur, sa mère) qu'il aura longuement hésité avant de se décider à m'appeler, car il dû penser que si je savais que ma mère était mourante, que je mette fin immédiatement ou pas à mes vacances, celles-ci seraient pratiquement gâchées de toute façon, par le retour précipité ou par le remords de les poursuivre. Le décalage horaire entre Montréal et Paris est de six heures ; quand il est midi à Montréal, il est dix-huit heures à Paris.
Hugo, mon jeune voisin, a donc décidé de m'appeler chez Guillaume, à Versailles, où je devais passer la nuit. Or, ce soir-là, je ne suis pas rentré à Versailles comme je le devais ; je raconterai pourquoi, plus tard, dans un autre billet, « Ma nuit à Dreux ». Il n'y avait donc plus moyen de me joindre. Le sort en ayant décidé ainsi, Hugo et Guillaume en ont conclu qu'il ne fallait pas gâcher le reste de mes vacances et ne m'ont parlé de cet appel que lorsque je fus rentré à Montréal. Le lendemain de mon arrivé, je suis donc allé voir ma mère à l'hôpital. Elle avait pris du mieux et n'a pas cessé d'en reprendre dans les semaines qui ont suivi. Elle est décédée depuis, deux ans plus tard.

Je suis le onzième enfant d'une famille de quinze. Le dernier des garçons, le plus vieux des célibataires. Je sais que certains auront déjà fait un calcul rapide et en auront conclu que j'ai par conséquent quatre soeurs plus jeunes. Félicitations ! Je ne suis pas si fort en mathématiques ni en raisonnement de cet ordre. Quand on me demande précisément combien ai-je de frères et de soeurs, je dois compter sur mes doigts à chaque fois, ne me souvenant jamais d'une fois à l'autre du chiffre précis. Je vais faire le calcul et l'écrire ici, tiens ; je saurai ensuite où trouver la réponse : ma mère a donné naissance à huit filles et sept garçons. Sur ce nombre, un garçon et une fille sont morts bébés ; je ne les ai pas connus. Deux autres sont morts plus tard dans un accident de voiture ; une soeur de dix-huit ans et un frère de vingt-et-un ans, victimes d'un conducteur ivre-mort. C'était un dimanche soir, un 30 juin. Deux de mes soeurs et deux de mes frères étaient venus manger à la maison ce soir-là avec leurs fiancés respectifs. Normalement, chacun des hommes avait sa voiture mais la veille, trois des quatre véhicules étaient en réparation pour des raisons différentes. Quand ils étaient sortis, le dimanche après-midi, ils étaient donc quatre couples dans la grande Buick de l'un de mes frères. Quand ils sont arrivés, nous avions déjà mangé. Ils se sont préparé quelque chose et ont mangé ensemble. Pendant qu'ils mangeaient, ils ont décidé de se marier tous le même jour, dès le début du mois de septembre. Cela ne ce serait pas vu souvent : quatre mariages simultanés, quatre membres d'une même famille en plus. Vers le milieu de la soirée, les quatre couples sont montés dans la seule voiture qui restait, la Buick de l'un de mes frères et ils sont repartis pour aller danser dans l'un des villages voisins. Un peu plus tard, alors qu'ils roulaient sur la pittoresque route qui longe la rivière Matapédia, une autre Buick, conduite par un homme ivre, fonça sur eux à toute vitesse et les frappa de front. On a su plus tard que cet homme avait bu toute la journée parce que sa femme venait de lui annoncer qu'elle le quittait, qu'il n'avait cessé de faire la navette entre sa ville de la province voisine et le village où les membres de ma famille devaient aller danser ce soir-là. L'impact fut d'une violence inouïe. Ce soir-là, celui pour qui la vie avait perdu son sens faucha celle de ceux qui avaient pour eux la jeunesse et toutes les raisons de vouloir vivre. Les forces de vie et les forces de mort se rencontrèrent sur une très belle et sinueuse route de campagne, taillée dans le roc. En dépit du nombre du côté de la vie, ce fut la mort qui eut le dessus. Quand on regarde les photos des voitures, on se demande comment certaines personnes purent sortir vivantes de ces amas de ferraile. Car certains ont survécu. Les fiancées de mes deux frères sont mortes sur le coup ; celui de mes frères qui conduisait la voiture est mort le lendemain matin ; l'une de mes soeurs trois, jours plus tard. L'autre frère est resté des semaines dans le coma. Mon autre soeur a pu sortir de l'hôpital pour assister aux funérailles de la plus jeune ; elle y retourna et y resta des semaines encore. L'un des fiancés n'eut absolument rien, même pas une égratignure, on ne comprend pas pourquoi ; l'autre, comme ma soeur, est resté hospitalisé durant des semaines. Quand au conducteur de l'autre voiture, il n'a sans doute rien vu de l'impact ; selon l'enquête, déjà ivre-mort, il n'aurait pas eu conscience de l'accident. Voilà une longue parenthèse sur le nombre de frères et soeurs... Je ne sais pas si des tragédies du genre peuvent aider à renforcer les liens familiaux ; parfois, oui, sans doute. Mais ce qui est absolument certain, c'est que ça jette un poids énorme dans une famille et que ça n'allège en rien l'atmosphère. On aura beau ne pas vouloir faire peser sur les enfants la tristesse des plus grands, il va sans dire que ces enfants n'ont pas besoin d'être très malins pour sentir que rien ne sera plus pareil dans cette famille.
Je ne comprends pas l'enthousiasme que provoque souvent chez les gens le fait d'apprendre que l'on fait partie d'une famille nombreuse. Cet enthousiasme est plus fréquent chez les enfants uniques. Et comme j'ai souvent rêvé d'être fils unique, j'en conclus, encore une fois, que l'on désire chez les autres ce que l'on n'a pas chez soi... Je crois savoir qu'il y a toutefois des exceptions à ce principe. L'absence de l'esprit de famille relève-t-il du tempérament, du caractère de chacun ou, au contraire, serait-il la conséquence de l'éducation reçue, des liens que les parents ont su tisser avec leurs enfants et eux-mêmes entre eux ? Je n'en sais rien. Je crois savoir cependant que l'attachement de l'enfant à sa mère ou à celle qui lui en tient lieu se développe au tout début de la vie de cet enfant. Nous avons tous vu, lu ou entendu l'anecdote au sujet du caneton qui, dès sa naissance, s'attache à ce qu'il voit bouger près de lui ; il s'agit généralement de sa mère ; mais si par hasard c'est votre jambe qui était là au moment important, le caneton adoptera votre jambe ; je ne me souviens plus, dans ce cas, si on mesure en heures ou en jours la courte période durant laquelle on peut tenter de corriger l'attachement. Chez le petit de l'homme, on ne connait pas très bien non plus la durée de cette période critique au cours de laquelle l'attachement doit se développer avant qu'il ne soit trop tard, mais on parle généralement des deux premières années, absolument déterminantes pour la constructions des bases de l'identité et des forces d'affirmation de soi.
En ce qui me concerne, je crois pouvoir expliquer le peu d'attachement que j'éprouve envers la famille, et ce problème d'attachement se répercute ensuite dans bien d'autres sphères de la vie, aussi bien dans l'âge adulte que dans l'enfance et dans l'adolescence. Quand je suis né, ma mère enseignait ; je suis né à la fin de l'été, quelques jours avant la rentrée. Or l'aînée de me soeurs allait se marier et, pour permettre à ma mère d'enseigner sans devoir trop se préoccuper d'un jeune bébé, ma soeur et mon beau-frère m'ont « adopté » pour une période indéterminée... Durant près de deux ans, j'ai connu le bonheur d'être enfant unique ; j'avais à moi seul une mère attentive, un papa affectueux qui cherchait à jouer avec moi, à me choyer de toutes les façons qu'il pouvait. Le bonheur total, quoi ! Hélas, deux ans plus tard, ma soeur devint enceinte et j'imagine qu'un jour on a dû se dire qu'il faudrait régulariser la situation, que je devais retourner vivre dans ma vraie famille, avec mes parents, mes frères et soeurs. Or, ce n'est pas si simple : ma « vraie famille », mes « vrais parents », pour moi, c'étaient ma soeur et mon beau-frère... Je ne me souviens de rien, mais on m'a raconté que ce fut un drame, que je ne voulais absolument pas quitter ceux que j'appelais « maman » et « papa », je suppose et qui, en réalité, étaient ceux qui avaient créé ce lien d'attachement, qui avaient développé chez moi de solides liens d'affection, qui étaient ceux en qui j'avais totalement confiance.... Or, en m'abandonnant, ils ont brisé à jamais en moi la confiance qu'un enfant peut accorder aux grandes personnes... J'avais plus de deux ans ; il était trop tard pour reconstruire l'attachement ; et puisque j'avais été trahi, abandonné, je n'avais plus confiance. À deux ans, je n'allais pas faire ma valise et partir ; je suis resté chez mes parents, en faisant d'épouvantables crises pour retourner dans mon vrai foyer dès que je voyais ma soeur et mon beau-frère... Ceux-ci m'en parlent encore à l'occasion, mon beau-frère surtout, en disant qu'ils avaient fait une erreur épouvantable en me prenant avec eux durant tout ce temps et que si c'était à refaire, ils ne le referaient pas... Ils avaient songé à m'adopter officiellement, puis ils y ont renoncé, je ne sais pourquoi. J'ai appris à vivre dans la famille, mais je m'y suis toujours senti quelque peu étranger... À vingt ans, je suis parti en vacances à Paris ; je partais pour trois semaines ; ma mère m'avait dit : « Tu vas t'ennuyer ; je suis sûre que tu reviendras avant la fin de la deuxième semaine. » Or, dès la deuxième semaine, je lui écrivais : « Je ne reviens pas ; je reste ici. » Et j'y serais peut-être encore si les contraintes administratives ne m'avaient obligé à revenir plusieurs mois plus tard... Mes soeurs plus jeunes tutoyaient mes parents ; je n'ai jamais pu le faire. Quand le dimanche j'allais rendre visite à la famille, jamais je n'aurais osé ouvrir la porte du réfrigérateur pour y prendre quoi que ce soit si on ne m'y avait pas invité, alors que mes soeurs le faisaient spontanément...

Avec les quelques lignes qui précèdent, je voulais simplement aborder la question de l'esprit de famille. C'est un sujet complexe qui me préoccupe depuis longtemps. Mes relations avec la mienne semblent en tout point harmonieux ; pas de conflit ouvert, pas de procès... Mais je ne sais pas pourquoi, il y a quelque chose que je ne parviens pas à identifier, j'éprouve un malaise que je n'arrive pas à décortiquer. C'est pour moi comme un écheveau de fils à démêler et je n'y arrive pas. Il y a vingt ans, j'étais moins aimable quand j'écrivais à l'une de mes soeurs, en parlant de la famille, que c'était « un milieu gluant et gélatineux ». C'était sans doute mon instinct de survie qui m'incitait à prendre du recul, à respirer un autre air, moins confiné, plus oxygéné. Je n'ai pas connu les milieux étouffants des romans de Mauriac ou de Julien Green, mais presque. Et je crois que le plus toxique, dans ces familles, comme dans tous les milieux où nous devons évoluer, ce sont les silences et les non-dits. Pour me désintoxiquer, je crois qu'il fallait que je m'éloigne et... Paris me semblait l'endroit idéal pour y apprendre à me connaître, à me reconnaître en passant par la reconnaissance des autres, puis à m'exprimer, en sachant qui je suis... Cette longue réflexion, je la mijotais depuis longtemps et je n'osais encore entreprendre de la mettre en mots. Puis, aujourd'hui, la lecture du blogue de Joss m'a incité à laisser un long commentaire et à reprendre ici ma réflexion.

Voici donc le commentaire laissé sur le blogue de
Joss

Quel sujet pour un lundi ! Et pourquoi pas un lundi ? Nous n'aurons pas assez de la semaine pour en parler ;o) De tous les sujets que je me propose d'aborder un jour, celui-ci est sans doute le plus délicat, le plus complexe, le plus inépuisable... Et même pour ajouter un commentaire à ton billet, je ne sais par où commencer. Alors je vais tenter d'exprimer spontanément quelques idées qui me viennent, sans essayer d'en faire un texte bien construit... D'abord, ta révolte est tout à fait légitime ; c'est toi qui ressens ce que tu ressens et il est tout à fait sain de vouloir l'exprimer. Bien sûr, on ne veut blesser personne en s'exprimant, mais si la vérité, la franchise, peuvent faire mal, elle n'en font jamais autant que le mensonge et l'hypocrisie. J'avais une collègue de travail extraordinaire, une femme admirable, qui n'avait pratiquement pas d'instruction, très tôt orpheline de père et de mère ; plus tard, elle a eu deux cancers, un divorce, un fils paraplégique à la suite d'un accident de moto, un autre fils drogué et... une fille lesbienne. Cette femme, d'une joie de vivre et d'une sagesse admirable, disait toujours : « On peut tout dire, n'importe quoi, n'importe quand, à n'importe qui ; mais jamais n'importe comment ». En général, quand on le peut, nous sommes tous assez attentionnés pour ne pas blesser volontairement ceux à qui nous voulons dire ce qui compte pour nous. Il peut arriver cependant que la violence de l'émotion retenue, refoulée, la force de la colère, l'intensité de la souffrance, nous fassent employer un ton, des mots, que nous voudrions plus mesurés si nous avions un peu plus de recul, si nous avions un peu plus rationalisé ce que nous voulons dire... Mais la vie n'est pas que raison ; et ce que nous avons longtemps refoulé risque de ressembler un peu plus à l'éruption d'un volcan qu'à une jolie cascade qui gazouille sous les feuillages percés de rayons de soleil. Quand l'habitude du silence et du non-dit s'est installée, il faut parfois se faire violence et prendre le risque de bousculer, de heurter, de déstabiliser, de blesser, afin de briser le ronron de l'habitude et du non-dit. Rien de pire que le non-dit, car il dit tout et plus encore que ce qui est et qu'il serait tellement plus sain de dire. Car de dire les choses, c'est les définir, les circonscrire, en limiter les effets, si nécessaire ; mais cela peut aussi signifier : reconnaître leur existence et permettre leur envol, leur développement quand ce sont des bonnes choses que nous voulons voir se développer... Quand l'expression des sentiments, des frustrations, avec toute la force qui la caractérise, s'adresse à une personne en particulier, la personne doit pouvoir faire la distinction entre ce qui est dit, la façon dont c'est dit, l'intention de la personne qui le dit, l'état de la personne qui le dit... Ce qui semble agressif n'est parfois que l'expression d'une souffrance. L'agressivité n'est parfois que la seule façon de se défendre ou de se libérer, quand on ne trouve plus d'autre moyen... Au fond, ce que tu veux dire à Papoute, par exemple, c'est : « Si tu avais été là pour me parler, pour me dire les choses, pour m'apprendre à nommer et à préciser les choses de la vie, les choses de tous les jours, comme celles de l'absolu ; si tu avais été là pour m'aider à me construire, confiant et fort dans la vie ; si tu avais été là pour m'écouter quand j'avais des choses à dire, je n'aurais pas besoin de l'exprimer si violemment aujourd'hui... » C'est dur à entendre, après toutes ces années, mais il faut l'entendre si l'on veut essayer d'établir un dialogue... Il ne s'agit pas de faire un procès, de condamner des coupables, mais de dire ce que l'on a sur le coeur, d'y faire le ménage afin d'y libérer la place nécessaire à des sentiments plus agréables, plus chaleureux... Le divorce des parents, oui, ça perturbe la vie d'un enfant. Mais je crois sincèrement que le silence et le non-dit sont beaucoup plus nuisibles qu'un divorce. Au fond, ce dont a besoin l'enfant, tout de dépend de l'âge, mais en gros, on peut dire que c'est d'abord de se sentir en sécurité, d'être au chaud, d'avoir à manger et à boire ; puis d'être accepté, aimé de ses parents ; d'être respecté en tant qu'être intelligent, à qui on doit dire la vérité, même si l'on n'est pas encore capable de la comprendre. Si l'on ment à un enfant, celui-ci se construit dans le mensonge et la relation avec ses parents se construit dans le mensonge... L'enfant s'attend aussi à ce que sa famille lui permette de développer ses facultés, d'apprendre à prendre confiance en ses moyens afin de pouvoir assumer plus tard son autonomie et de pouvoir prendre des risques pour atteindre ses objectifs... Donc, quand ça va mal dans un couple, je ne pense pas que le fait de rester ensemble sera un gage de sécurité et d'harmonie pour l'enfant... Mieux vaut selon moi que chacun fasse son chemin en parallèle, sans abdiquer les responsabilités communes, cependant... Même s'il est aimé à distance, l'enfant saura reconnaître l'affection qu'on lui porte, et qui vaudra toujours mieux que la frustration toujours présente... « Tout est langage », a écrit la fameuse psychologue, psychanalyste d'enfants, Françoise Dolto. Tous nos maux peuvent être guéris par les mots, car ce qui fait le plus mal, la plupart du temps, ce n'est pas la chose en soi, mais la représentation que l'on s'en fait. Les mots, le dialogue, entre soi et soi, entre soi et les autres, je crois que c'est la clé de la libération...

Je crois que nous avons tous été touchés par un film comme « Rebel without au cause », où l'on voit James Dean jouer les délinquants à défaut de pouvoir bénéficier d'un peu d'attention de la part de son père... Bien sûr, nous connaissons tous des familles qui nous semblent idéales, où l'harmonie, la communication, l'amour, semblent régner ; oui, elles existent sans doute, ces familles. Mais il est possible aussi que nous ne voyons parfois que ce que nous voulons voir, pas parce que nous voulons nous cacher la vérité, mais simplement parce que « notre perception est déformée par le miroir de nos attentes », comme le dit si bien Yannou. Nous voyons chez les autres le plus beau de ce qui nous manque ; parfois nous essayons de l'obtenir et d'autres fois, nous ne pouvons que les envier... Je crois qu'il est sain de vouloir comprendre, de vouloir mettre des mots sur notre passé, sur notre histoire, afin de pouvoir passer à autre chose, de pouvoir vivre au présent... Quand depuis l'enfance on traîne avec soi des cadavres, il est difficile d'avancer dans la vie avec légèreté.


4 commentaires:

Miss Patata a dit…

Dans chaque famille l'enfant à venir doit déterminer sa niche de personnalité, les traits qu'il aura qui les distingueront des autres qui lui assureront l'attention maternel...Ça peut expliquer les grandes différences que tu as avec ton entourage. J'imagine que le bris d'attachement y aura été pour beaucoup! Oh la la! Mais dans ces temps-là, les gens faisaient souvent passer les besoins économique et alimentaire avant tout. Il me semble que ce n'est pas rare de faire élever ces enfants par d'autres dans ces temps-là que la soeur se substitue à la mère...

Notre famille on ne la choisit pas...Moi je crois qu'il est plus important de soigner notre intégrité et notre bien-être plutôt que les convenances.

Joss a dit…

Woah! Quelle histoire!!! J'ai dévoré ton mot... L'accident est horrible! Ta fausse adoption, c'est fou... Je suis bouche-bée. Je me pose la question: Qu'est-ce que ça donne une fois qu'on sait ça? Comme moi, tu connais les causes de ton malaise... Qu'est-ce que ça donne de le savoir? Ça n'arrange rien! Non?

Brigetoun a dit…

je suis touchée par tes deux textes, mais pas complètement en accord

je suis l'ainée d'une famille nombreuse pour la France (six ou sept si l'on tient compte d'un mort-né oublié dans la chronique mais important) et j'ai été la merveille pendant treize mois. Très aimée mais maman s'est je crois toujurs forcée pour cela.
je n'entrais pas dans le schéma: pas assez jolie, pas mondaine et rapidement révoltée. Envoyée à 16 ans chez ma grand mère, que j'admirais mais pour laquelle j'étais encore plus étrangère. Bon ceci dit je n'ai jamais rompu mais j'étais en marge et j'ai toujours fui.
Avec l'âge en outre les autres avaient famille, amis et biens terrestres. En outre au point de vue politique l'incompatibilité était encore plus grande. Au point de vue des goûts musicaux, literraires, théatraux itou.
Mais il y avait mon amour pour une soeur plus jeune que moi de vingt ans et ma tendresse complice pour mon père et le lien n'a jamais été rompu.
Et puis en un an nos deux parents sont morts et même si c'est un poncif la cellule s'est reformée. De façon assez lache jusqu'à ce que je tombe malade. A ma grande honte j'ai informé les autres dans ma faiblesse et sans insister parceque je ne l'aurai paas voulu ils me sont venu en aide : trajets en voiture, chambre en sortant de l'hopital.
Quand j'ai décidé de quitter Paris et mon boulot chacun de voulait dans sa ville. Pas question mais je suis à une ou deux heures de train de deux de mes soeurs. Et nous avons quand nous nous voyons tous les deux ou trois mois des conversations simples de gens proches.

Qu'on le veuille ou non nous sommes partie d'une famille, le tout est de négocier sa particularité.

Quant à mettre des mots sur ce que l'on pense et à l'exprimer devant ses proches je me méfie. Avec maman ce fut toujours une source d'incompréhension et de violence et ma franchise la dernière fois que je l'ai vu fait que je garde un remords. Avec papa l'accord était muet, du genre main sur l'épaule, si nos discussions étaient homériques mais par plaisir.

En fait je crois qu'on ne peux se réconcilier avec la famille qu'une fois que l'on a suffisament fortifié sa propre identité(ce mot affreux)

Pardon je crois que mon orthographe est plus débile quejamais

Beo a dit…

Encore plein de points communs entre nous!

Seizième de ma famille, l'aînée morte pour question d'épingle à couche mal foutue je crois... intoxication!!!

Maman morte une heure après ma naissance je fut donc "élevée" par la soeur de mon père qui ne pouvait pas avoir d'enfant.

Fausse adoption aussi... juste "prêtée", je ne l'ai pas vécu comme tel mais quand la vérité arrive on a tous un décalage fou à rattrapper. Je sais pas si j'aurais apprécié un retour comme ce fut ton cas après quelques années... j'aime donc pas cette idée! J'imagine aisément ton désarroi et ton détachement.

Comme toi: j'ai jamais pu tutoyer mon papa biologique que je voyais souvent ainsi que tous mes frères et soeurs. Une distance s'installe, ce qui est logique.

Je te rassures: TOUS mes frères et soeurs n'ont pas l'esprit de famille comme je l'entends moi... donc je l'ai plus qu'eux ;-D

Ce qui demeure incompatible pour finir!

Moi je dis: ce qui importe c'est d'être arrivés à se construire SOI dans tout ça!