dimanche 26 juillet 2009

Ne me laissez pas tellement triste...


Le 10 juillet dernier, je recevais ce message dans ma boîte de courrier électronique. J'ai répondu en privé, avec plusieurs jours de retard, et je voulais reprendre ici quelques-uns des points soulevés par la fidèle lectrice. J'avais commencé un article que j'ai abandonné, la magie ayant déserté ce que je voulais dire alors.


Bonjour Alcib,
Je suis une fidèle lectrice qui ne commente que très rarement, et je vous ai déjà écrit, il y a un bon moment. Je suis très sincèrement désolée de la perte que vous vivez et je ressens votre peine. Vous avez, une fois de plus, écrit un très beau texte aujourd'hui, un hommage si touchant que vous nous faites comprendre un peu mieux qui était cet homme que vous aimiez tant et qui vous aimait lui aussi.
Le net crée des liens surprenants par leurs diversités mais aussi par leur force et leur authenticité. Je trouve merveilleux que la vie vous ait donné, à tous les deux, de vivre ensemble, bien que physiquement éloignés, la dernière année de sa trop courte vie. Je suis très triste de la déchirure et de la peine qui sont les vôtres aujourd'hui, mais je suis certaine qu'Alexander aura enrichi et pour toujours votre propre vie qui me semble avoir connu sa bonne part de difficultés (du moins, c'est que je perçois parfois à vous lire, bien que vous soyez d'une grande discrétion en ce qui vous concerne personnellement).
Je pense que vous avez raison d'associer le passage d'Alexander dans votre vie à celle du Petit Prince, c'est une analogie qui me semble tellement bien lui convenir si je me fie à ce que vous écrivez sur lui. J'espère que, comme aujourd'hui, vous continuerez à nous parler de lui, selon le rythme, la fréquence et le contenu que vous déciderez. J'ai l'impression que vous auriez voulu nous en dire beaucoup plus sur lui avant, mais que vous vous reteniez pour ne pas le rendre mal à l'aise. Les personnes les plus extraordinaires sont souvent les plus humbles et il faut faire attention à leur laisser leur marge de manoeuvre et leur espace et les entourer de la discrétion et de la simplicité qu'ils souhaitent. C'est en tous les cas ce qui me semble que vous avez si bien réussi.
Je suis pour ma part persuadée qu'Alexander sera toujours là pour vous. Soyez attentif aux détails, je pense qu'il vous fera parfois signe. N'avez-vous pas écrit, aujourd'hui, que le hasard n'existe pas au sujet de la chanson « Candle in the Wind » que vous avez entendue la nuit dernière ?
Il me reste à vous dire de prendre grand soin de vous, c'est ce qu'il voudrait, n'est-ce pas ? Soyez patient avec vous-même, avec votre peine, écoutez vos besoins, votre désir d'être soit entouré ou, au contraire, de vous retirer dans vos « terres ». Et puis, offrez-vous des petites douceurs, ce qui peut vous faire plaisir, comme une promenade tranquille, un bon bain chaud, offrez-vous quelques fleurs ou un livre. Je sais, cela peut vous paraître inutile et superficiel ce que je vous dis-là, mais cela ne l'est pas.
Traitez-vous avec la même douceur, patience et attention que si vous vous occupiez d'un très grand ami qui connaîtrait ce genre de deuil et de peine. Soyez ce grand ami pour vous. Je vous souhaite bonne chance et je vous porte dans mes pensées.
Au très grand plaisir de vous lire encore longtemps,
X Yz
(lectrice)


C'est très vrai que j'aurais eu envie toujours de parler d'Alexander car c'est l'un des plaisirs qui se rapproche le plus du bonheur de parler à Alexander. Et Alexander illustrait si bien cette observation que « les personnes extraordinaires sont souvent les plus simples ». Lorsqu'il m'arrivait de lui dire à quel point il était extraordinaire, il répondait toujours : « Je ne suis que moi, très ordinaire ». Selon son point de vue, il avait raison : il était si simple et spontané dans tout ce qu'il faisait qu'à ses yeux il ne faisait rien d'extraordinaire ; mais sa façon de voir les choses, d'être attentif aux autres, attentionné et généreux, l'amour qu'il avait pour tout ce qui est vivant s'ajoutant à l'amour des mots, des livres, de l'écriture et au respect pour tout ce que la culture et les traditions peuvent offrir de meilleur, l'aptitude à jouer de la musique, à soigner des malades, à confectionner tant de jolies choses, son amour de la moto comme celui de la nature, son intérêt pour les sports exigeants comme le polo et le rugby, sa capacité d'être à l'aise dans les grandes maisons comme dans le métro et dans une salle d'urgence, cet agencement unique de qualités, d'intérêts et d'aptitudes en faisait un être exceptionnel. Simple et discret, certes, mais d'une personnalité si riche et complexe qu'il est impossible de le cerner en quelques mots. Toujours le même, jamais déroutant, mais doté d'une créativité si grande qu'il ne cessait d'inventer des moyens de faire plaisir à ceux qu'il aimait. Vous avez aussi raison de dire qu'il « faut faire attention à leur laisser leur marge de manoeuvre et leur espace et les entourer de la discrétion et de la simplicité qu'ils souhaitent ». Je crois que, malgré toute l'admiration que je lui porte, j'ai su respecter sa discrétion. Il ne voulait pas de mon admiration ; il ne voulait que mon amour : Dieu sait qu'il l'avait... et qu'il l'aura toujours !

« Le net crée des liens surprenants par leurs diversités mais aussi par leur force et leur authenticité. » Après tout ce que les amis et moi avons écrit à ce sujet ces dernières années, s'il y a encore des gens qui en doutent, c'est... qu'ils ne nous lisent pas. Force et authenticité, voilà bien deux mots qui caractérisent Alexander aussi bien que les relations qu'il savait entretenir avec un certain nombre de personnes élues.


« Je trouve merveilleux que la vie vous ait donné, à tous les deux, de vivre ensemble, bien que physiquement éloignés, la dernière année de sa trop courte vie. » Je suis tellement conscient de ce privilège de m'être trouvé sur le chemin d'Alexander et d'avoir pu faire la route avec lui ces quinze derniers mois ! Si la douleur est si atroce en ce moment, c'est que je mesure justement l'ampleur de la perte, l'immensité de ce qui, avec lui, devenait possible et qui ne sera plus. L'avenir sans lui sera forcément différent mais, heureusement, personne ne peut nous enlever ce que nous avons vécu, tout ce qu'ensemble nous avons découvert et partagé.


Éphéméride du 26 juillet :
- Naissance, en 1856, de l'écrivain George Bernard Shaw
- Naissance, en 1888, de l'écrivain Marcel Jouhandeau
- Naissance, en 1894, de l'écrivain Aldous Huxley.

Le 26 juillet 1958, Charles Philip Arthur George, dit Charles d'Angleterre est fait prince de Galles.

Alexander était on ne peut plus patriotique. Il adorait son pays et, chaque fois qu'il devait s'en absenter, il apportait avec lui un peu de terre provenant du sol anglais. Il aimait beaucoup le prince Charles et il souhaitait qu'il soit couronné roi d'Angleterre le plus tôt possible, tout en étant conscient que sa mère, qu'il aimait moins, n'abdiquerait jamais. Je trouve dommage qu'Alexander n'ait pas pu vivre assez longtemps pour voir Charles régner sur l'Angleterre et sur le Royaume-Uni ; il en aurait été fier et heureux.
Le 14 novembre dernier, nous avons eu, Alexander et moi, une conversation qui, moi, m'a amusé et qui, sur le moment, a dû laisser Alexander un peu perplexe. C'est à la suite de telles conversations qu'il pouvait dire à son entourage : « Alcib devine tout, il comprend tout ! » Ce dont je suis le plus fier, cependant, c'est de l'aimer, lui, et d'en avoir été aimé à ce point.

3 commentaires:

Les Pitous a dit…

En te lisant, comme je regrette de ne pas l'avoir rencontré!
Cela me rappelle une citation de Cocteau, je crois, à propos de Radiguet - hélas je n'ai pu la retrouver mais je dois avoir ça dans un cour:
"J'ai toujours su qu'un jour il me serait enlevé."
C'est peut-être anodin, mais cela m'a marqué.
V.

V à l'Ouest a dit…

Madame X.Yz écrit avec bonheur et délicatesse des choses très censées. Suis ses conseils, Alcib.
Je vous envie, vous qui maniez si bien la plume, vous qui arrivez à exprimer avec des mots tout ce qui reste bien confus dans mon propre esprit.

Alcib a dit…

Pitou V : Comme je regrette de ne pas avoir eu le temps d'aller vous rendre visite avec lui !
J'aime ces jolies phrases qui nous émeuvent lorsqu'on les trouve chez les bons auteurs mais je souhaiterais ne pas avoir à les reprendre à mon compte lorsqu'elles sont terribles commec elle-ci.
Il aurait été dans l'ordred es choses que je parte avant lui. C'est aussi ce que ne cesse de répéter sa grand-mère depuis trois semaines.

V à l'Ouest : Madame X. Yz écrit en effet avec bonheur et délicatesse ; c'est d'autant plus agréable d'essayer de mettre en pratique ses conseils.
Mais si nous écrivions tous de la même façon et des mêmes sujets, il n'y aurait plus le même plaisir à faire le tour des blogues préférés.
J'approuve ce que RPL dsait du tien.