lundi 3 août 2009

D'un lac à l'autre

L'image vient d'ici>

Tout me rappelle Alexander. Et c'est normal, car Alexander a été associé à tout ce que je pense, tout ce que je fais depuis près de seize mois. Et avant même que, grâce à ce blogue, Alexander ait pu constater que nous avions en commun tant d'intérêts, tant de lectures faites chacun de notre côté, tant d'écrivains fétiches, nous avions déjà été émus par les mêmes images, les mêmes musiques, les mêmes films... Avant même que j'apprenne l'existence d'Alexander, nous avions pleuré ensemble à certains moments... J'ai vite compris que, sans le savoir, j'avais eu à un moment donné énormément de peine pour Alexander (que je ne connaissais pas encore, mais je me disais qu'il devait exister et, sans pouvoir imaginer exactement à quoi il pouvait ressembler, je m'étais fait tout de même une idée assez ressemblante), sans oser croire qu'un jour j'aurais l'occasion de lui exprimer ma douleur qui n'était, en comparaison avec la sienne, qu'une goutte dans l'océan. Je ne savais pas encore qu'à la suite de cette tragédie, Alexander adolescent avait senti le besoin de partir quelques semaines, sans en avertir sa famille ou ce qui lui en restait (il avait dit aller étudier chez un copain), pour aller seul faire du camping sauvage, en plein mois de novembre, sur les bords du Loch Ness. Sachant cela, il n'est donc pas étonnant qu'Alexander ait pu parler avec familiarité de Nessie, le gentil monstre du lac écossais.

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Une visite au Loch Ness, ainsi que la tournée des châteaux hantés d'Écosse, faisait évidemment partie des très nombreux projets que nous faisions, projets désormais orphelins. Si je fais un jour cette tournée, ce que j'espère bien, il me manquera les commentaires si fins, si pertinents, de celui dont la sensibilité, la clairvoyance et la culture m'impressionnent toujours.

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Hier, allant faire ma promenade au mont Royal, je pensais aux dernières volontés d'Alexander au sujet de son écorce terrestre. Si quelques-unes de ses volontés ont jusqu'ici été respectées, il en reste une à exécuter, très importante : celle de répandre ses cendres près du « Round Pond », dans les Jardins de Kensington. Charles, le grand frère d'Alexander (pas si grand que ça : il n'a pas encore trente ans) ne semble pas encore prêt à se séparer des cendres du petit frère adoré ; quand il le sera, il devra aussi être très fort pour résister au clan familial qui insiste pour que les cendres soient déposées dans le caveau familial. Je considère que les dernières volontés sont sacrées et que les héritiers, en particulier l'exécuteur testamentaire, doivent les exécuter. Nous serons quelques-uns à appuyer Charles contre la volonté tyrannique du clan... Il me plaît davantage de penser qu'Alexander appréciera éternellement le grand air, la beauté et la vie des Jardins de Kensington plutôt que d'être éternellement enfermé dans un sombre caveau. Je pourrai un jour aller m'entretenir avec lui près de l'étang rond, ce que je ne pourrais sans doute jamais faire au caveau familial... Je pensais à cela, en remontant l'avenue du Parc et, en me souvenant du regret d'Alexander que les cendres d'Alexandre le Grand et celles de son fidèle Héphaistion n'aient pas été réunies comme le furent celles d'un autre couple célèbre, Achille et Patrocle, je me disais que je devrais dès maintenant, même si j'espère vivre encore un peu, assez pour réaliser quelques projets pour Alexander, rédiger un testament officiel, notarié, spécifiant que je voudrais que mes cendres soient aussi répandues dans les jardins de Kensington...


Je pensais à tout cela lorsque j'ai vu venir vers moi une voiture comme celle-ci : un authentique taxi londonien. Alexander adorait ces taxis, les vrais classiques anciens et, bien entendu, noirs, et non pas multicolores ou transformés en panneaux publicitaires. Le plus possible, Alexander se déplaçait dans Londres à pied ou en métro (il aimait vraiment son Tube) ; mais lorsqu'il devait prendre lui-même une voiture, il prenait toujours un bon vieux taxi noir, confortable, avec de la place pour son fidèle ami... En voyant cette voiture se diriger vers moi, je me suis dit qu'il s'agissait encore d'un signe que me faisait Alexander. J'aurais tellement aimé que la voiture s'arrête à ma hauteur et qu'Alexander me fasse signe d'y monter...


Photo : Alexander

Je lisais ce matin quelques pages du journal en ligne d'une lectrice de ce blogue. Elle y parlait de son chat, vieux compagnon de quinze ans, qu'elle avait dû amener chez le vétérinaire et qu'elle en était revenue avec son panier vide... Je n'ai pu m'empêcher de penser douloureusement à Harry, l'adorable félin qui durant treize ans a tenu compagnie à Alexander. Le pauvre Harry souffrait d'un cancer et, le trois janvier dernier, alors qu'Alexander, Harry et Alexander se trouvaient à la campagne, chez la grand-mère où ils avaient passé la période des fêtes de Noël et du Nouvel an, Alexander avait dû lui-même (il avait promis à Harry qu'il serait là le temps venu et il a tenu sa promesse) lui administrer trois injections avant de s'effondrer lui-même de douleur et de chagrin. Il y a exactement sept mois aujourd'hui que Harry repose au jardin où l'avait recueilli la grand-mère d'Alexander. Celui-ci était si fier de m'envoyer, l'été dernier cette photo qu'il a prise dans les rues de Londres, car il y voyait un hommage à « son » Harry, de son vrai nom Harry Potter mais, comme pour les membres de la famille royale, le prénom suffisait ; on ajoutait Potter s'il fallait préciser.



Le 3 août 1954, disparaissait Colette, écrivain français, qu'Alexander aimait beaucoup, sans doute sous l'influence de sa grand-mère qui lui ressemble pas seulement par l'apparence physique, disait Alexander. Il m'en parlait avec tant d'amour, de vénération, que je ne peux penser à Alexander sans penser à sa grand-mère, que j'aime comme si elle était la mienne. Cet amour entre Alexander et sa grand-mère était bien partagé ; en apprenant le départ d'Alexander, sa grand-mère a dû être hospitalisée. Elle ne s'en remet pas, considérant que ce n'était pas le tour d'Alexander, et elle n'a qu'une idée en tête, celle d'aller le rejoindre.


2 commentaires:

Beo a dit…

Il est beau le taxi!

Tu sais, quand je te lis, pour moi c'est une preuve supplémentaire que le hasard n'existe pas!

Alcib a dit…

Béo : Oui, il est beau, ce taxi ! Je regrette de ne pas avoir eu le temps, hier après-midi, de prendre mon appareil dans ma poche et de prendre une photo de celui qui descendait l'avenue du Parc, à Montréal.

« Soyez attentif aux détails, je pense qu'il vous fera parfois signe », m'écrivait récemment une lectrice attentive. Je craignais de ne pas savoir les saisir au passage, de n'avoir pas la sensibilité assez développée pour les apecevoir, pour les sentir. Je me rends compte que je n'ai même pas besoin d'être attentif, les signes sont là, jour après jour.

J'avais vu souvent à Montréal ces autobus rouges à plateforme ; plusieurs d'entre eux n'ont plus de toit à l'étage et on s'en sertt pour faire visiter Montréal aux touriste (je m'étais promis d'être un jour avec Alexander touriste dans ma propre ville). Il y a à Montréal de plus en plus de voiture anglaises (Jaguar, Land et Range Rover, Bentley, Rolls Royce, ...) Mais jamais je n'avais vu encore de taxi londonnien.