Enfant, je ne me souviens pas vraiment m'être costumé pour aller de porte en porte demander des bonbons ; j'ai dû le faire au moins une fois ou deux mais je n'en ai pas gardé le souvenir. Adulte, il m'est arrivé une fois de me costumer et d'accompagner des amis qui insistaient pour que je participe à une grande fête. Je dois dire que je m'étais beaucoup amusé. Mon personnage intriguait : les gens voulaient savoir qui se cachait derrière le masque qui ressemblait à celui de Léo Ferré, avec de longs cheveux blancs. J'avais ajouté une pipe. Sous mon costume de ville noir, un peu trop grand, avec chemise blanche et cravate, je faisais un beau vieux philosophe avec un air coquin... C'était... il y a longtemps. Récemment, je parlais à quelqu'un que je croise dans le quartier depuis des années sans savoir exactement qui il est ; nous nous sommes présentés. Quand il m'a donné le nom de la rue qu'il habite, je lui ai mentionné qu'avec des amis, nous étions allés terminer la fête chez quelqu'un qui habitait cette rue. « Ah, vous étiez là ? », m'a-t-il demandé. C'était donc chez lui que la fête s'était terminée. J'aurais été incapable de le reconnaître.
Depuis deux ou trois jours, on croise dans les rues du quartier, le soir et la nuit surtout, beaucoup de jeunes et de moins jeunes costumés, certains avec beaucoup d'imagination et d'habileté. Je crois que la majorité sont des étudiants pour qui toutes les occasions sont bonnes pour faire la fête.
Alexander a toujours aimé Halloween. Enfant déjà, il aimait préparer les décorations, découper dans du papier les fantômes, les sorcières, les chats noirs, creuser les citrouilles pour y mettre les bougies. Pour les enfants, comme pour les grands, la préparation fait déjà partie de la fête. Il a souvent célébré cette fête avec son frère Charles chez Jane, à la campagne.
L'an dernier, il avait très généreusement décoré son appartement, avec les citrouilles et les bougies, évidemment, les innombrables toiles d'araignées, les nombreuses silhouettes noires, etc. Il avait planifié un repas de circonstance et prévu les costumes, y compris pour Alexander bull. Il devait faire la fête avec Abigail, sa voisine et amie. Hélas, il est entré à l'hôpital la veille. Abigail aura beaucoup pleuré ; elle sera tout de même allée allumer toutes les bougies de l'appartement et de la terrasse. Cette année, pour ne pas sentir trop douloureusement la solitude, l'absence de son merveilleux petit voisin, Abigail est partie chez ses enfants ; elle fêtera Halloween avec eux et ses petits enfants.
Même si le coeur n'y est pas, Jane aura organisé chez elle une fête pour les enfants du village. Plusieurs d'entre eux sont venus quelques jours plus tôt pour aider à décorer la salle. Même Alexander bull aura son costume. Jane lui a fait confectionner une jolie cape noire doublée de rouge, qu'il portera avec des cornes rouges. Ce chien a vraiment le sens de la fête.
Quelqu'un venu pour voir les chevaux a été séduit par Alexander bull et a proposé de l'acheter. En l'absence de Jane, un palefrenier lui a répondu que ce chien n'était pas à vendre ; il a insisté en disant qu'il était prêt à offrir un bon prix. Le palefrenier lui a répété que ce chien ne serait jamais à vendre. Heureusement pour lui, sans doute, le « client » n'a pas eu l'occasion de faire directement à Jane cette proposition car je ne sais pas quelle réponse il aurait reçu. Vouloir acheter Alexander bull, c'est comme si quelqu'un venait chez vous et voulait acheter votre fils préféré. J'ai moi-même été très choqué d'apprendre cette histoire. Heureusement qu'Alexander bull n'a pas entendu cette proposition malhonnête car il aurait été malade... ou très en colère.
Quand il est allé chercher Alexander bull chez son éleveur, Alexander avait créé un blogue pour parler de son ami, pour raconter son évolution. Entre eux, c'était une profonde amitié, mais une amitié passionnée. Un jour, Alexander a découvert que l'on utilisait ses photos sur d'autres sites, sans indiquer la provenance des images. Il a décidé de fermer le blogue quand il a vu que non seulement on utilisait ses photos mais qu'en plus son ami Alexander bull était présenté comme une fille. « Je n'ai pas raconté cette histoire à Alexander bull, disait-il, car vraiment il aurait été malade. »
Quant à moi, je ne me suis pas costumé. J'ai plutôt accepté l'invitation d'un ami, Marcel Pomerlo, qui a signé la mise en scène d'un spectacle écrit et interprété par Catherine Dajczman, « PASSAGES », à l'Espace Go. C'est une production du Théâtre NU.
Voici ce qu'écrit dans le programme Marcel Pomerlo, comédien, auteur, au sujet du récit qu'il a mis en scène :
« Où vas-tu avec ton chagrin, ton passé, tes espoirs, ta violence et tes secrets ?
Où allons-nous ? Qui sommes-nous véritablement ? Que cherchons-nous ?
Et à quoi rêve-t-on ?
PASSAGES de Catherine Dajczman raconte une histoire.
PASSAGES pose toutes ces questions.
Avec ludisme, humour, souffle, folie, gravité, lucidité, audace, fébrilité et sensibilité... PASSAGES nous remet en question. »
Je suis en effet sorti de ce spectacle avec des questions, de bonnes questions, pas forcément des réponses. Dans son ensemble, ce récit de Catherine Dajczman, à caractère autobiographique, m'a rappelé un très beau spectacle écrit et interprété par Marcel Pomerlo, L'Inoublié.
La Lune était magnifique ! Très impressionnante dans le ciel de nuit, elle devait souvent percer de gros nuages. Même derrière les nuages, sa présence était bien sensible. C'est une véritable nuit d'automne et l'on ne serait pas surpris de voir sortir les loups-garous. Alexander serait heureux. J'espère qu'il l'est.