dimanche 14 mars 2010

Amour maternel

Je n'y avais vraiment pas pensé...

Il faut dire que ma mère étant décédée depuis quelques années, à un âge très respectable (ma mère était déjà relativement âgée lorsque je suis né), et que les relations avec ma mère ressemblaient davantage aux relations que j'aurais pu avoir avec une grand-mère distante si j'étais né plusieurs années plus tôt, la fête des Mères a toujours été pour moi une fête assez « conventionnelle », sans grande connotation affective. La fête a parfois pris plus d'importance lorsqu'il s'agissait de souligner la fête des mères de certaines personnes que j'aimais car je pouvais alors y associer des émotions...

Ces deux dernières années, j'ai essayé de ne pas évoquer trop souvent la relation avec la mère car Alexander a eu le malheur de perdre la sienne alors qu'il n'avait que quatre ans. Il conservait de celle-ci de précieux souvenirs de berceuses qu'elle lui chantait, de dentelles et de petits anges voletant au-dessus de son petit lit, souvenirs ravivés bien sûr par les récits émouvants qu'on lui a souvent faits par la suite. Mais ce qu'il ressentait, surtout, c'était l'absence d'une maman. Même s'il y avait un père qui adorait ses enfants, et même s'il y avait plein de monde pour s'occuper d'eux, Charles et Alexander se sentaient souvent très seuls dans cette grande maison. « C'est difficile pour des petits garçons de grandir dans une maison où il n'y a pas de mummy », disait-il. Et je n'oublierai jamais ce récit déchirant, bouleversant, qu'il m'a fait du premier Noël sans sa mère, alors qu'il croyait qu'elle arriverait avec le Père Noël ; même s'il y en avait une tonne, il ne fallait surtout pas ouvrir les cadeaux avant l'arrivée du Père Noël car alors sa maman ne viendrait plus... Chaque Noël, Alexander revivait en silence ce premier Noël où sa mère n'est pas venue... « Il n'y a qu'à toi que je puisse raconter cela », me disait-il. Ce n'était pas parce que personne ne pouvait comprendre mais surtout parce qu'il ne voulait faire de peine à personne en exprimant la sienne. Le petit garçon n'a pourtant pas manqué d'amour : l'amour d'un père occupé mais qui adorait ses deux fils et qui savait vraiment leur faire plaisir ; Alexander n'aura jamais oublié certaines joies immenses qui l'attendaient parfois au réveil, que ce soit à son anniversaire ou en d'autres circonstances. L'amour d'une grand-mère qui n'était pas toujours là car elle vivait un peu loin mais qui aurait tout donné, et qui l'a souvent fait, pour l'amour de ces deux petits anges (les plus précieux souvenirs d'Alexander lui viennent sans doute de tout ce qu'il a pu apprendre, vivre avec sa grand-mère ; l'année dernière encore, elle l'avait invité au théâtre, voir une représentation du Petit Prince : pour l'occasion, il avait apporté avec lui, pour qu'il puisse entendre la pièce, le Petit Prince de chiffon que lui avait offert sa grand-mère alors qu'il avait quatre ans et dont il ne se séparait jamais ; usé, léché, déchiré même, si souvent recousu par ses soins, il adorait son Petit Prince et même à l'hôpital, il était là, le plus rassurant possible). L'amour d'une marraine merveilleuse qui en dépit d'un emploi du temps très chargé tenait à offrir à son filleul et à son frère des moments de vie de famille en les invitant souvent à passer du temps avec ses propres fils, leurs cousins... Puis il y a eu Jane, la meilleure amie de sa mère, qui a vu naître ce petit ange et qui l'a vu grandir ; Jane a toujours aimé Alexander et son frère Charles comme s'ils étaient ses propres fils. Et comme elle a si vite senti qu'Alexander ne serait pas « un garçon comme les autres », qu'il était dès ses premières années un véritable poète, amoureux des chevaux, des plantes, de tout ce qui vit, sachant comme saint François parler aux bêtes et consoler les fleurs, elle a eu pour Alexander une affection particulière qui, au fil des ans, s'est transformée en solide amitié.

Malgré cette rare complicité, cette indéfectible amitié, Jane a tout de même conservé envers Alexander la fibre maternelle. Et en ce dimanche 14 mars, son coeur de mère n'a pu s'empêcher de saigner en raison de l'absence du Petit Prince tant aimé. Si l'amour de ses filles et l'amour de ses gendres peuvent combler son coeur de mère, ils ne peuvent faire oublier qu'il y a quelques mois encore un Petit Prince aux cheveux de jais et aux grands yeux verts la faisait rire ou pleurer en donnant à la vie tout son sens, en faisant prendre conscience de toute sa richesse...


Je n'y avais pas pensé et je n'y aurais pas pensé avant le mois de mai... si Jane ne m'avait exprimé sa douleur en ce jour de la fête des Mères.

Au Royaume Uni et en Irlande, il y a eu, entre le seizième siècle et 1935, une fête qui s'applelait « Mothering Sunday », et qui voulait que les Chrétiens se rendent au moins une fois l'an à l'église que fréquentaient leur mère respective ; ainsi, presque chaque mère se trouvait ce jour-là en présence de ses enfants. Cette fête était célébrée le quatrième dimanche du carême ; en 2010, ce dimanche tombe le 14 mars.



À compter de 1935, Mothering Sunday n'était plus célébrée en Europe. Il aura fallu attendre quelques années pour que la fête des Mères soit remise au goût du jour par les soldats états-uniens venus combattre en Europe au cours de la Seconde Guerre mondiale. Ils célébraient cette fête le deuxième dimanche de mars mais les habitants du Royaume Uni et de l'Irlande ont tenu alors à conserver le même jour qu'ils avaient l'habitude de célébrer le Mothering Sunday, soit le quatrième dimanche du carême.

Voilà pourquoi ce dimanche 14 mars, maintenant que je le sais, j'ai une pensée particulière pour les mamans du Royaume Uni et de l'Irlande, une pensée toute spéciale et les voeux les plus cordiaux pour les mamans que je connais : Jane, Abigail...

Et comme c'était aussi la semaine dernière, dimanche 7 mars, la fête des Grands-mères, j'en profite pour offrir mes voeux à la plus extraordinaire des grands-mères, celle qui a su accompagner un petit garçon merveilleux pour en faire un garçon exceptionnel, un Petit Prince, celle qu'il adorait tant, la grand-maman d'Alexander. Meilleurs voeux aussi à toutes les grands-mères qui aiment leurs petits-enfants.

4 commentaires:

makpela a dit…

Vous avez aussi un coeur de Petit Prince !

Alcib a dit…

Makpela : Merci, du fond du coeur. C'est vraiment le plus beau compliment que l'on puisse me faire, que l'on puisse faire à qui que ce soit d'ailleurs, si c'est vrai.
En ce qui me concerne, j'essaierai d'en être toujours digne.

Anonyme a dit…

Bonjour Alcib,
L'amour maternel , vaste sujet...
C'est toujours doux et apaisant de te lire, tu parles tellement bien d'Alexander et de son univers,j'aime quand tu dis son amour pour les chevaux et la nature,je pense alors à montréal.
est il possible de donner de l'amour quand on en a pas reçu?
J'espère que oui, on peut réussir
beaucoup sans avoir le mode d'emploi, c'est un peu comme un peintre , un artiste autodidacte.
Et si c'était ça le miracle de l'amour!
Eliot

Alcib a dit…

Bonjour Eliot. Vaste sujet, en effet.
Je te remercie du compliment. Je ne parlerai jamais assez bien d'Alexander car il reste toujours meilleur que tout ce que l'on pourrait dire.
Les chevaux, la nature, Montréal, tout cela était en effet si précieux pour Alexander. L'un des cadeaux qu'il a reçus pour Noël 2008, c'est un superbe pur sang qui s'appelle... Montréal.

Je crois que c'est difficile de donner de l'amour, du moins de bien le donner, quand on n'en a pas reçu, mais ce n'est pas impossible.
Cependant, même si l'on n'a pas bien reçu l'amour que l'on aurait dû recevoir de certaines personnes, même si les personnes qui auraient dû nous aimer ne nous ont pas suffisamment aimé ou nous ont mal aimé, il y a toujours quelqu'un qui nous a témoigné assez d'amour pour que l'on sache ce que c'est, pour que l'on soit capable d'en donner.
J'avais plus de vingt-cinq ans quand un être qui est arrivé dans ma vie m'a appris à aimer, à accepter, à recevoir, puis à donner de l'amour... Auparavant, je ne savais sans doute pas bien aimer.
Maintenant que j'en ai... plus de trente, j'ai encore tellement appris avec Alexander ! Je crois que c'est un peu cela, l'esprit d'enfance à conserver, c'est de pouvoir toujours apprendre, c'est de pouvoir encore se laisser apprivoiser et, avec un être en qui on a toute confiance, se laisser habiter par son amour en essayant d'être soi-même pour l'autre cette source d'amour qui coule sans compter...
Et si le miracle était en effet dans l'amour et dans la simplicité, dans l'authenticité !
L'amour pour un chien, pour un cheval, c'est aussi de l'amour. Pour un être humain, il faut simplement transposer la même attention, la même disponibilité...
Je te souhaite de vivre cet amour.