lundi 28 juin 2010

Ma tasse de thé contre un Airbus

Toujours soucieux de gérer sainement l'argent des Français, le petit locataire de l'Élysée voit grand. Jugeant que la garden-party du 14 juillet représentait pour l'Élysée une dépense excessive, le président a décidé de l'annuler. Il a un peu hésité entre l'annulation de la garden-party et le défilé traditionnel sur les Champs-Élysées, mais il a dû juger que le défilé le rendrait personnellement visible à un plus grand nombre de ses sujets, il a décidé de maintenir le défilé. 7 500 invités du président seront privés de cette petite célébration dans les jardins. Puisque les commandes ont probablement été annulées à la dernière minute, compte tenu de l'impulsivité du locataire, l'Élysée devra peut-être compenser les fournisseurs. L'an dernier la garden-party avait coûté aux Français 732 826 euros, dont 313 618 euros pour les traiteurs, 43 128 euros pour les vins et le champagne. Puisqu'il faut se serrer la ceinture, l'Élysée donnera l'exemple.


Le président voit grand, mais cela ne l'empêche pas de voir haut. Puisqu'il faut se serrer la ceinture, il le fera de la plus belle manière. Il a commandé une ceinture de 176 millions d'euros. Mais à ce prix-là, les Français seront heureux de savoir que le président obtient, avec sa ceinture, un Airbus A330-200.

Pour faire plaisir au petit Roi-lunettes-soleil, on a réaménagé complètement la cabine de l'avion. On a remplacé les 324 sièges existants par une soixantaine de fauteuils plus confortables. On a aménagé une grande salle de réunion, une chambre pour le président, avec une vraie douche. À 10 000 mètres d'altitude, le président pourra naviguer sur Internet pour voir ce que l'on dit de lui, Carla pourra commander du haut du ciel un nouveau sac à main de 30 000 euros. Le président sera bien protégé : on a renforcé la carlingue de l'avion et on l'a équipé d'un système de leurre antimissiles.

Bien sûr, il s'agit d'une dépense de 176 millions d'euros, mais n'oubliez pas que le président a renoncé à une dépense de plus de 700 000 euros pour la tasse de thé et les petits fours qu'il offrait à ses 7 500 invités. Bien sûr, chaque heure de vol de ce jouet coûtera aux Français 20 000 euros - contre 8 000 pour un appareil ordinaire -, mais n'oubliez pas que c'est pour le prestige de la France.

dimanche 27 juin 2010

Des discussions en vue

Je réfléchissais ces jours-ci à la pertinence de continuer ce blogue.
La solution serait peut-être que je me recycle en chroniqueur sportif.
Je ne serai pas forcément plus mauvais que les arbitres de la Coupe du Monde ? Croyez-vous ?


Le but injustement refusé à Franck Lampard lors du 8e de finale du Mondial-2010 entre l'Allemagne et l'Angleterre (4-1), dimanche, va inévitablement relancer le débat récurrent sur l'arbitrage-vidéo auquel s'opposent l'International Board et la Fifa.

Photo: AFP

Agence France-Presse
L'arbitre uruguayen Jorge Larrionda n'a pas accordé le but à Lampard alors que les ralentis télévisés montrent clairement que le ballon avait franchi la ligne de but à la 38e minute du match.Cette erreur constitue un élément supplémentaire dans le débat, près de huit mois après la fameuse main de Thierry Henry, à l'origine du but de la qualification française pour le Mondial, le 18 novembre 2009 lors d'un match de barrage face à l'Eire (1-1 a.p.).

Fera-t-elle vaciller la Fifa et surtout l'Ifab (l'International Football Association Board, qui régit les lois du jeu), arc-boutées sur leur refus de toute assistance par la vidéo et que même ce scandale planétaire n'avait pas fait bouger? Rien n'est moins sûr.

Le 6 mars, la planète football avait cru voir enfin une évolution, le Board ayant accepté pour la première fois de mettre à l'ordre du jour de son assemblée générale l'assistance technologique à l'arbitre.

Le rugby pionnier

Mais la sentence fut sans appel: après s'être fait présenter à Zurich, au siège de la Fifa, deux technologies d'assistance vidéo à l'arbitrage sur la ligne de but, l'Ifab avait décidé de ne pas les intégrer à son règlement et aux Lois du jeu.

Dans un entretien à l'AFP en décembre 2009, Michel Platini, président de l'UEFA, n'avait pas hésité à dire que l'arbitrage sous sa forme actuelle était «mort». Mais l'ancien meneur de jeu des Bleus a toujours été hostile à l'introduction de la vidéo, militant plutôt pour l'arbitrage à cinq, son cheval de bataille, introduit en Europa League cette saison.

Le 18 mai, le Board a ainsi autorisé l'extension de l'arbitrage à cinq. Du coup, l'UEFA a décidé de l'introduire dès la saison prochaine en Ligue des champions, puis à l'Euro-2012 (qualifications comprises). L'arbitrage vidéo attendra.

Le secrétaire général de la Fifa Jérôme Valcke a d'ailleurs répété samedi que la Fédération internationale envisageait l'introduction de l'arbitrage à cinq mais pas de la vidéo.

Comparé au football, le rugby fait figure d'avant-gardiste. Depuis 2001, d'abord dans le tournoi des six nations puis progressivement dans les autres compétitions, l'arbitre a la possibilité de demander l'appui de la vidéo sur des phases de jeu bien précises (essai, faute dans les 5 mètres précédant l'en-but).

Le tennis a également franchi le pas en 2006 avec le «Hawk-eye», un système de vidéo-assistance (deux ou trois recours possibles par set).

Les ralentis télévisés montrent clairement que le ballon avait franchi la ligne de but.
Photo: Reuters

samedi 26 juin 2010

Come on England !


Je n'ai jamais été très intéressé par le sport, ni pour le pratiquer moi-même, ni pour pour suivre, dans les stades ou à la télévision, les exploits des autres. Pourtant, je crois que, si les conditions avaient été réunies pour m'en faciliter l'accès, j'aurais aimé pratiquer certains sports, comme le tennis, la natation, et quelques autres. J'avais commencé un jour des cours d'escrime, que j'avais dû abandonner pour des raisons qui n'ont rien à voir avec la discipline elle-même.

Contrairement à moi, Alexander a commencé très jeune à faire du sport. Peut-être qu'au départ, il n'a pas eu tellement le choix : à l'école, au collège, à l'université, le sport était de rigueur. Il aurait certainement préféré se laisser enfermer dans la bibliothèque ou s'allonger par terre pour observer le travail des fourmis plutôt que de se joindre à ses camarades pour pratiquer des sports parfois violents. Son emploi du temps était bien organisé ; à l'acquisition du savoir scolaire, des connaissances intellectuelles, il ajoutait la pratique du chant, du piano, de l'aquarelle, de la couture, de la broderie, etc. Ce qu'il n'apprenait pas à l'école, enfant, il demandait aux autres, à sa grand-mère notamment, de le lui enseigner. C'est son frère qui lui apprit à se battre afin de pouvoir se défendre.

Son sport préféré, qu'il avait choisi très tôt, c'était le polo, qui lui permettait d'exprimer son agilité et son son sens de la stratégie tout en jouant avec l'animal le plus noble qui soit : le cheval. J'étais si fier lorsqu'il quittait Londres, habituellement le dimanche, pour aller vers le nord de l'Angleterre rejoindre son équipe de polo. En me disant qu'il allait jouer pour moi, il le pensait vraiment ; un jour, il a provoqué un petit scandale en attachant à la bride de son cheval un ruban bleu et un ruban blanc, qui n'étaient ni les couleurs de sa région, ni les couleurs de sa famille, ni les couleurs de son équipe, mais « les couleurs de son amour, les couleurs du Québec ». J'avais plusieurs raisons d'être très fier : il était un excellent joueur (il ne le disait pas lui-même, mais d'autres sources me l'ont confirmé), souple, agile, faisant corps avec son cheval ; il jouerait pour moi et remporterait la partie. Il ne s'attribuait jamais le mérite des bons coups ; c'était un sport d'équipe et s'il y avait des louanges à distribuer, c'était aux chevaux qu'il fallait les attribuer.


Nous n'avons pas beaucoup parlé de football, le sujet n'étant pas vraiment d'actualité durant cette période. Je savais cependant que, s'il ne jouait pas lui-même au football, il encourageait sans réserve ses clubs préférés, Man U (Manchester United) notamment.

Jane me rappelle l'enthousiasme d'Alexander lors de l'édition 2006 de la Coupe du Monde et sa fierté de mettre sur sa voiture (« une voiture noire ») le drapeau aux couleurs de son pays portant, comme un cri du coeur, la mention « Come on England ».

Sachant qu'Alexander serait fébrile en ce moment, encourageant son équipe (il a sans doute en ce moment le meilleur point de vue pour ne rien manquer et il fait sûrement tout ce qu'il peut pour soutenir les siens), et pour partager l'enthousiasme de mon ami gallois qui ne verra peut-être pas le prochain match, j'ai commencé à m'intéresser aux compétitions actuelles et, pour rien au monde, je ne voudrais manquer d'encourager l'équipe d'Alexander. Dimanche matin, donc, je serai devant mon téléviseur et si je ne crie pas très fort ces mots, je les penserai et les sentirai fortement : « Come on England ! »

Trop tard pour les canards


Jamais trop tard pour les connards !

Le Canada produit du pétrole, en Alberta, d'une manière des plus dommageables pour l'environnement. Leurs méthodes ont des conséquences néfastes. En une seule fois, 1600 canards ont payé de leur vie le manque de responsabilité et d'esprit civique d'une compagnie pétrolière. Heureusement, un juge vient de condamner la pétrolière. Cela ne ressuscitera pas les canards mais fera peut-être réfléchir les connards !

Agence France-Presse
Montréal

Un juge canadien a reconnu coupable vendredi la compagnie pétrolière Syncrude de la mort de 1600 canards qui s'étaient posés sur un bassin de décantation utilisé pour l'exploitation des sables bitumineux, ont rapporté les médias canadiens.

Le juge Ken Tjosvold, du tribunal d'Edmonton a estimé que la société canadienne n'avait pas pris les moyens nécessaires pour éviter que les oiseaux migrateurs, des sauvagines, ne se posent dans ce lac artificiel, situé à 40 km de Fort McMurray, dans le nord-est de l'Alberta.

Les oiseaux étaient morts mazoutés après y avoir barboté en avril 2008.

« Au cours des dernières années, Syncrude a réduit le nombre de ses équipements (pour éloigner les oiseaux de l'endroit pollué), ainsi que son personnel », a déclaré le juge lors de l'énoncé de son verdict.

La compagnie pétrolière n'a pas agi assez rapidement pour éviter la mort des oiseaux, a asséné en outre le magistrat, dont les propos ont été rapportés par le site internet du quotidien The Globe and Mail.

L'entreprise risque une amende de 800 000 dollars canadiens, voire plus si le juge décide d'un prix pour chaque tête de canard empoisonnée, selon les médias canadiens. La sentence doit être connue le 20 août.

À aucun moment toutefois ce procès n'a été celui des bassins de décantation creusés par l'industrie des sables bitumineux. Pour séparer le brut du sable dans lequel il est mélangé, les entreprises pétrolières utilisent des quantités faramineuses d'eau. Une fois souillé, le liquide est déposé dans d'immenses lacs artificiels, au grand dam de nombreux riverains et écologistes.

« Nous sommes vraiment ravis par ce verdict, mais nous aurions préféré qu'il intervienne il y a 30 ans, de telle sorte que nous n'ayons pas à traiter 170 kilomètres carrés d'eaux toxiques », a réagi dans un communiqué Sheila Muxlow, responsable locale de l'ONG environnementaliste Sierra Club.

vendredi 25 juin 2010

En souvenir de...

29 août 1958 - 25 juin 2009

« Avant de me juger, essayez simplement de m'aimer »*

"Childhood"

Have you seen my Childhood?
I'm searching for the world that I come from
'Cause I've been looking around
In the lost and found of my heart...
No one understands me
They view it as such strange eccentricities...
'Cause I keep kidding around
Like a child, but pardon me...

People say I'm not okay
'Cause I love such elementary things...
It's been my fate to compensate,
for the Childhood
I've never known...

Have you seen my Childhood?
I'm searching for that wonder in my youth
Like pirates in adventurous dreams,
Of conquest and kings on the throne...

Before you judge me, try hard to love me,*
Look within your heart then ask,
Have you seen my Childhood?

People say I'm strange that way
'Cause I love such elementary things,
It's been my fate to compensate,
for the Childhood I've never known...

Have you seen my Childhood?
I'm searching for that wonder in my youth
Like fantastical stories to share
The dreams I would dare, watch me fly...

Before you judge me, try hard to love me.
The painful youth I've had

Have you seen my Childhood...

À sa façon, souvent maladroite, il était aussi un Petit Prince.

lundi 21 juin 2010

Coeur de Petit Prince, courage de dragon...

Un ami gallois, qui vit à Londres une bonne partie de l'année, doit subir mardi ou mercredi une intervention chirurgicale dont il se passerait volontiers.

Il ne s'agit pas du prince de Galles, mais A. est aussi un Petit Prince, un ami digne d'Alexander - Jane en est aussi persuadée. Ils ont bien des choses en commun, dont la sensibilité, la ferveur, la générosité, la poésie dans tout ce qu'ils font, dans tout ce qu'ils sont.


Comme le souligne l'hymne national gallois, ce territoire est un pays de liberté, terre de poètes, de troubadours et de braves patriotes. « O bydded i'r hen iaith barhau » (vous aurez tous compris : « Que la langue ancienne se perpétue » aussi longtemps que la mer constituera l'un des murs de ce pays magnifique). Grâce à cet ami, la langue du pays de Galles se perpétue ; il y contribue de tout son coeur.

A. ne pourra pas voir en même temps que moi, mercredi, le match de la Coupe du Monde que l'Angleterre remportera, mais je le regarderai pour lui, avec la même attention, avec une ferveur s'approchant de la sienne.

Soyez fort et courageux comme vous avez a su l'être jusqu'à maintenant, cher A. Je suis avec vous de tout mon coeur et j'attendrai votre retour et votre rétablissement avec la même impatience que celle de votre fidèle ami et compagnon canin, Maurice, au regard si doux.

Anniversaires

Au cours de notre dernière conversation en direct (nous ne savions ni l'un ni l'autre que ce serait la dernière, évidemment), le samedi 20 juin 2009, mon Petit Prince me disait que le seul endroit où il voulait être, c'est dans mon coeur. Il a sans doute maintenant la liberté d'être là où il veut et il sera, bien entendu toujours dans mon coeur.

S'il était là, physiquement, Alexander qui n'oubliait aucun anniversaire, ne manquerait pas de penser à celui, plus joyeux, d'un autre petit prince, né deux mois et demi après lui, le 21 juin 1982.

lundi 7 juin 2010

Un rossignol amoureux

Il y a deux ans et des poussières, je ne savais pas reconnaître le chant du rossignol. Grâce à l'article « Sérénade printanière » publié ici le 6 mai 2008, j'ai pu apprendre que le chant que j'ai si souvent entendu le soir, la nuit ou au petit matin, c'était en fait celui du rossignol. C'est une jeune Anglais qui avait identifié le chant de l'oiseau que l'on entendait sur l'enregistrement que j'avais mis en ligne. Dans les mois qui ont suivi, Alexander, le jeune Anglais en question, aura eu l'occasion de laisser plusieurs autres commentaires, notamment le 14 juillet 2008, à la suite d'un article que j'avais écrit en pensant à lui, connaissant son amour pour l'écrivain Colette et surtout pour une dame qu'il adorait et qui lui a appris tellement de choses, y compris le nom des oiseaux. À la suite de cet article, « J'ai vu chanter un rossignol sous la Lune », Alexander écrivait que dans la Grèce antique le rossignol était un symbole car son chant si beau inspirait les amoureux... Ce commentaire m'avait alors très ému ; aujourd'hui sa relecture me bouleverse... C'est que, les lecteurs fidèles le savent, Alexander est retourné sur son étoile en juillet 2009, il y a exactement onze mois et que, par conséquent, ses mots, comme tant d'autres choses qui faisaient mon bonheur, me manquent terriblement, plus encore qu'il y a onze mois.

Alexander m'a toujours dit que si un jour il devait retourner sur son étoile ou sur la Lune, il serait tout de même toujours près de moi et il insistait que je ne devais jamais oublier qu'il était là. Je dois dire que les dernières semaines ont été très difficiles. Ce n'est pas vrai qu'avec le temps le chagrin diminue. Mais avec le temps qui passe, les proches croient que le chagrin devrait s'atténuer et que l'on ne devrait plus avoir besoin d'autant d'attention. À qui, alors, dire sa peine ? à qui parler encore de ce qui nous manque cruellement ? Je reconnais que ces derniers temps, peut-être parce que j'étais plus préoccupé par des problèmes pressants (mais tout est lié : l'état d'esprit influence tout le reste), même si je pensais toujours à lui et que mes rituels n'ont pas changé, il m'était plus difficile de sentir sa présence. Et cela même me rendait malheureux. Et, depuis deux ou trois jours, je ne sais plus pourquoi exactement, je sens davantage la présence d'Alexander. Je perçois très souvent des signes qui étaient peut-être là auparavant mais que je n'arrivais pas à décoder.

La photo vient d'ici

Vendredi soir, par exemple, je suis sorti pour aller manger au restaurant. Le soleil se couchait à l'horizon. Ma rue est bordée de grands arbres des deux côtés. Devant chez moi, j'entendais les oiseaux se préparer pour la nuit. Puis un chant se distinguait très nettement parmi les autres. Je me suis arrêté, cherchant je ne sais pourquoi dans l'épais feuillage, l'oiseau qui chantait si bien. Et je l'ai vu : il était perché sur un élément décoratif de la corniche d'une maison de quatre étages ; sa silhouette était clairement découpée sur le bleu violacé du ciel. Je pouvais même distinguer le gonflement de sa poitrine et les mouvements de son bec. Il semblait seul au monde et si heureux de chanter. C'était, vous l'aurez deviné, un rossignol. Alexander avait raison de mentionner que dans la Grèce antique son chant magique inspirait les amoureux. Je crois qu'aujourd'hui encore, souvent sans le savoir, les amoureux sont sous le charme de cet enchanteur. Je suis resté longtemps à l'écouter, en pensant à tout ce qu'aurait dit Alexander. Puis je me suis dit que tout ce qu'Alexander aurait voulu m'exprimer passait ce soir-là par le chant merveilleux d'un rossignol qui semblait ne chanter que pour moi.

mardi 1 juin 2010

À quoi bon continuer ?

Je respire où tu palpites,
Tu sais ; à quoi bon, hélas !
Rester là si tu me quittes,
Et vivre si tu t'en vas ?

A quoi bon vivre, étant l'ombre
De cet ange qui s'enfuit ?
A quoi bon, sous le ciel sombre,
N'être plus que de la nuit ?

Je suis la fleur des murailles
Dont avril est le seul bien.
Il suffit que tu t'en ailles
Pour qu'il ne reste plus rien.

Tu m'entoures d'Auréoles;
Te voir est mon seul souci.
Il suffit que tu t'envoles
Pour que je m'envole aussi.

Si tu pars, mon front se penche ;
Mon âme au ciel, son berceau,
Fuira, dans ta main blanche
Tu tiens ce sauvage oiseau.

Que veux-tu que je devienne
Si je n'entends plus ton pas ?
Est-ce ta vie ou la mienne
Qui s'en va ? Je ne sais pas.

Quand mon orage succombe,
J'en reprends dans ton coeur pur ;
Je suis comme la colombe
Qui vient boire au lac d'azur.

L'amour fait comprendre à l'âme
L'univers, salubre et béni ;
Et cette petite flamme
Seule éclaire l'infini

Sans toi, toute la nature
N'est plus qu'un cachot fermé,
Où je vais à l'aventure,
Pâle et n'étant plus aimé.

Sans toi, tout s'effeuille et tombe ;
L'ombre emplit mon noir sourcil ;
Une fête est une tombe,
La patrie est un exil.

Je t'implore et réclame ;
Ne fuis pas loin de mes maux,
O fauvette de mon âme
Qui chantes dans mes rameaux !

De quoi puis-je avoir envie,
De quoi puis-je avoir effroi,
Que ferai-je de la vie
Si tu n'es plus près de moi ?

Tu portes dans la lumière,
Tu portes dans les buissons,
Sur une aile ma prière,
Et sur l'autre mes chansons.

Que dirai-je aux champs que voile
L'inconsolable douleur ?
Que ferai-je de l'étoile ?
Que ferai-je de la fleur ?

Que dirai-je au bois morose
Qu'illuminait ta douceur ?
Que répondrai-je à la rose
Disant : « Où donc est ma soeur ? »

J'en mourrai ; fuis, si tu l'oses.
A quoi bon, jours révolus !
Regarder toutes ces choses
Qu'il ne regarde plus ?

Que ferai-je de la lyre,
De la vertu, du destin ?
Hélas ! et, sans ton sourire,
Que ferai-je du matin ?

Que ferai-je, seul, farouche,
Sans toi, du jour et des cieux,
De mes baisers sans ta bouche,
Et de mes pleurs sans tes yeux !

Victor Hugo, « Je respire où tu palpites »