Dans les mois qui ont précédé et ceux qui ont suivi le départ d'Alexander, certains de mes amis, parmi les plus anciens et les plus intimes, sont « disparus » en douce, sans rien dire, ou sous des prétextes pas très clairs. Je n'ai pas voulu en parler vraiment ici pour ne pas faire de peine à l'entourage d'Alexander, car l'idée que la présence d'Alexander dans ma vie ait pu avoir une influence négative sur mes amitiés aurait vraiment chagriné et blessé sa famille et ses amis. Alexander, lui, sentait bien quels étaient, parmi mes amis, ceux qui méritaient vraiment le titre d'amis. J'ai assuré Alexander que, si je devais choisir entre lui et mes amis, je n'hésiterais pas du tout : je n'aurais pas pu continuer d'appeler « amis » ceux qui auraient refusé de croire à l'authenticité de mon amour pour Alexander et de celui, absolu, d'Alexander pour moi... Au cours de nos conversations ou dans ma correspondance avec Alexander, j'ai plusieurs fois défendu ces amis mais, au bout du compte, il semble que c'est lui qui avait raison...
Je ne m'étendrai pas sur l'une ou l'autre de ces tristes histoires en particulier. Chacun a le droit, s'il le peut, de choisir sa vie, ses croyances, ses valeurs, ses attaches, ses relations... Et cela vaut pour moi aussi. Il m'est arrivé plusieurs fois de vouloir parler d'Alexander à l'un ou l'autre de mes proches et, plusieurs fois, après avoir prononcé son nom, c'est exactement comme si je n'avais rien dit. C'est comme si pour eux, ne pouvant le toucher, il n'existait pas, n'avait jamais existé... Et pourtant, je sais, moi, qu'en quinze mois de conversations et de correspondance entre lui et moi, Alexander a été vraiment présent, à chaque instant, et que j'ai plus appris et mieux vécu qu'en quinze ans avec ceux qui sont physiquement plus près de moi, mais qui, au fond, ne m'ont jamais connu comme Alexander a su me connaître, me reconnaître.
Il y a un mois, j'ai envoyé un courrier électronique à l'un de ces amis qui habite tout près de chez moi, mais que je n'ai pas revu depuis quelques années. Comme il m'envoie de temps à autre un message disant qu'il aimerait me voir, me parler de vive voix, je lui proposais que nous fassions, pendant qu'il faisait encore beau, une promenade le long de l'avenue du Parc, comme nous avons si souvent fait dans le passé. Je trouvais cela plus facile, pour reprendre contact, que d'aller m'asseoir chez lui et sa femme. Je lui proposais de nombreuses plages horaires où je me serais rendu disponible. Non seulement je n'ai pas reçu, un mois plus tard, de réponse à ma proposition, je n'ai même pas reçu d'accusé de réception.
Le même jour, j'ai envoyé à un autre ami quelques mots à l'occasion de sa fête. Il m'a vite répondu pour m'en remercier, ajoutant toutefois qu'il avait été déçu de ne pas recevoir une nouvelle photo de Rupert et que, devant la brièveté de mon message, il se demandait si j'allais bien. J'ai aussitôt envoyé une nouvelle photo de Rupert, en précisant qu'en effet je n'allais pas très bien, en lui donnant un très bref aperçu de quelques-unes de mes inquiétudes... J'ai dû attendre trois semaines pour qu'il réagisse. Il m'a téléphoné un soir de la semaine dernière, mais il s'était « bien » préparé, s'était armé de phrases toutes faites, de « pensées positives » qui peuvent servir en toute occasion et, bien qu'il m'ait posé la question sur ce qui n'allait pas, il ne m'a jamais laissé finir une phrase. Puis il a mis fin à la conversation, car il était fatigué...