mercredi 7 décembre 2016

Paris à 20 ans...

Quand je suis venu à Paris pour la première fois, j'avais vingt ans. Je ne me souviens plus vraiment si les quelques lectures que j'avais faites auparavant m'avaient donné envie d'aller voir sur place les lieux dont on aurait parlé dans les livres lus ; à vrai dire, je ne crois pas : je ne vois pas quel est ce livre qui aurait éveillé ma curiosité au sujet de la ville lumière, car les histoires de ces premières lectures ne se déroulaient pas forcément à Paris. Ce sont plutôt les conseils et les commentaires de mon professeur de chant, lui-même français, qui m'ont incité et fortement encouragé à acheter un billet d'avion et à partir passer trois semaines à Paris.


J'y suis arrivé tôt un mercredi matin d'octobre. Un car m'avait conduit de l'aéroport (je crois que c'était Orly, dont je connaissais d'abord l'existence par la chanson du dimanche, de Gilbert Bécaud) à la gare des Invalides. C'était une superbe journée ensoleillée et relativement chaude pour ce début d'automne. Dès mon arrivée, je me suis mis à la recherche d'un hôtel, car je n'avais fait aucune réservation. J'y aurai mis toute la journée : c'était en plein Salon international de l'auto, et les hôtels étaient remplis. Partout, on me demandait si j'étais journaliste...


À l'heure du déjeuner, ne sachant trop où m'arrêter pour manger, et pourtant affamé d'avoir tant marché dans les rues, je m'étais posé un instant à la Tour Eiffel pour y prendre un sandwich avant de reprendre ma course à travers les rues de Paris. J'entrais pratiquement dans tous les hôtels que je rencontrais... Finalement, en fin de journée, un appel téléphonique fait au hasard parmi les hôtels inscrits dans un répertoire que m'avaient donné avant mon départ les Services officiels du tourisme français a été plus heureux : on avait une chambre... pour une nuit seulement. Je n'étais pas journaliste, comme on me l'a souvent demandé ce jour-là, mais, étrangement, l'hôtel qui voulait bien m'accueillir n'était pas très loin de la Maison de la Radio. C'était aussi, près du métro Ranelagh, de la rue Mozart, de la rue de la Pompe, où vivait François Mauriac, où se trouve le lycée Janson-de-Sailly, fréquenté par une élite sociale et intellectuelle ; c'était aussi le quartier de Julien Green, de Maria Callas (avenue Georges-Mandel)... Le lendemain, j'ai trouvé un autre hôtel, rue de Bougainvilliers, pour deux nuits.


Puis je suis allé à Montparnasse, voir un ami de mon professeur de chant, rencontré à Montréal et qui m'avait invité à lui rendre visite lorsque je viendrais à Paris. Après avoir passé l'après-midi et la soirée avec lui et quelques-uns de ses amis, j'ai décidé de m'installer dans un hôtel tout près, boulevard Raspail, au 207, plus précisément, tout près du boulevard du Montparnasse. 




Vue actuelle de ce que je pouvais alors voir de la fenêtre
ma chambre en regardant vers le boulevard Montparnasse

J'ai vécu environ quatre mois dans cet Hôtel Carlton, du 207, boulevard Raspail (j'ai ensuite habité un studio d'artiste, rue Campagne-Première). Dans ses Mémoires d'Hadrien, Marguerite Yourcenar écrit : « Le véritable lieu de naissance est celui où l'on a porté pour la première fois un coup d’œil intelligent sur soi-même : mes premières patries ont été les livres. » Si la lecture de quelques livres m'avait un peu ouvert les yeux sur moi-même et sur le monde, c'est pour moi ce premier séjour à Paris qui m'a  vraiment révélé à moi-même et qui, pour la première fois, m'a fait sentir à quel point, dans un environnement inspirant et stimulant, il pouvait être merveilleux d'être et de vivre.




Montparnasse, fut, à une certaine époque, le quartier des peintres, des artistes, et de tout ce qui gravite autour des grands créateurs... C'est le quartier des grandes brasseries, des fameux grands cafés : La Coupole, Le Dôme, La Rotonde, La Closerie des Lilas, etc. Je ne fréquentais pas vraiment moi-même ces endroits fameux, mais, avec de nombreux autres établissements, dont Bobino et autres théâtres de la rue de la Gaîté, ils attiraient des gens de partout, des créateurs comme de simples vedettes... J'ai croisé dans la rue de très nombreuses personnalités... Chateaubriand avait planté un cèdre, boulevard Raspail, cèdre qui y vit encore... Helena Rubinstein a fait construire un superbe immeuble, pas très loin de l'hôtel où j'habitais, etc. Et les personnes que je fréquentais tous les jours n'étaient pas non plus inintéressantes...
 
J'ai mis des années à essayer, sans vraiment y parvenir avant de rencontrer Alexander, de faire mon deuil de tout ce que Paris m'avait permis de découvrir et d'entrevoir comme possible, tout ce qu'un climat adéquat pouvait favoriser en moi... Je ne reviendrai pas maintenant sur ce qui allait devenir mon exil intérieur... avant d'en vivre un autre.

C'est après plusieurs années que, au gré de mes lectures, j'ai appris que dans cet hôtel du boulevard Raspail, avaient vécu notamment Léon Trotski, que je ne regrette absolument pas de n'avoir pas connu, puis l'écrivain académicien Pierre Benoît, que je n'aurais pas vraiment voulu fréquenter non plus.

Un autre écrivain français n'y a passé qu'une nuit, en 1953, sa première nuit à Paris où il est venu rejoindre son père après avoir vécu dès l'âge de six ans, durant la guerre, dans des camps de prisonniers et autres institutions semblables d'où il a réussi à s'évader à vingt ans ; vous avez peut-être déjà lu son histoire romancée dans Tanguy, son premier livre, publié en 1957. Il s'agit bien sûr de Michel del Castillo, que j'ai durant si longtemps refusé de lire : je n'arrivais pas à m'intéresser à ses livres, jusqu'au jour où je suis tombé sur un roman, le Crime des pères, et un récit, De père français. Dès lors, j'ai voulu tout lire de cet auteur ; je n'y suis pas encore parvenu, mais la lecture de cet écrivain fut pour moi et continue d'être un excellent exercice d'intelligence et de lucidité.

14 commentaires:

Alcib a dit…

Lire les derniers commentaires sous l'article précédent...

Tous les participants qui voudront m'envoyer leur adresse à mercurejm @ yahoo point com recevront une carte postale.

Vous aurez remarqué que - coïncidence - l'hôtel où j'ai séjourné quelques mois à Paris est devenu, bien après que j'aie choisi mon adresse courriel, membre du réseau « Mercure » ; nous étions donc destinés à nous rencontrer...

De même qu'Alexander aurait souri d'apprendre, lui qui aimait ce personnage historique, qu'en face de mon hôtel, il y avait un hôtel Aiglon.

Dr. CaSo a dit…

Je n'aurai jamais trouvé! Et pourtant j'ai cherché :D Tu croyais que ma liste initiale était farfelue mais en fait à chaque fois, plusieurs de ces personnes avaient vraiment fait ces choses, enfin, d'après Google, mais évidemment pas toutes les personnes à chaque fois :)

Alcib a dit…

Non, Dr CaSo, je n'ai pas trouvé que ta liste était farfelue ; au contraire, j'ai été impressionné par tout ce que tu avais trouvé, qui démontrait que tu avais vraiment fait l'effort, réfléchi à des réponses intelligentes et sans doute effectué de vraies recherches sur Internet.
En fait, c'est en cherchant cette adresse du boulevard Raspail que j'ai trouvé le nom de certaines personnes qui avaient, comme moi, habité cet hôtel. À l'exception de Michel del Castillo, qui a mentionné dans au moins l'un de ses livres que son père lui avait pris une chambre à cet hôtel le jour de son arrivée à Paris.
Comme je crois l'avoir écrit, sur ce boulevard, dans ce quartier, chaque pierre, chaque pavé est plein d'histoire... Et dans ma vie,tout cela aussi est loin, au point où je me demande si je ne fais pas partie de l'histoire (inconnue).

Merci encore d'avoir participé ; je croyais avoir ton adresse, mais je m'aperçois que c'est ton ancienne.
Si tu le veux, tu mérites tout de même une carte postale...

Unknown a dit…

Bonjour Alcib,
C'est en effet un quartier aimé des créateurs. J'y ai aussi vécu des années très riches - pauvres et palpitantes. J'y repasse de temps en temps et figure toi que j'associe le Bd Raspail à ce que tu m'avais dit de ton séjour à Paris.
Joyeuses fêtes !

Alcib a dit…

Salut Roman Jeremy, alias N. ;o)
Merci de ton passage, ici et boulevard Raspail, et merci du commentaire.
J'espère que tu vas bien, depuis tout ce temps.
J'ai en effet beaucoup aimé ce quartier, surtout quand j'avais vingt ans et que, même si j'habitais l'hôtel, je vivais avec quelques amis fidèles une vraie vie de bohème. Tous les jours, nous mangions ensemble, le soir, chez l'un ou chez l'autre, mais surtout dans des cafés ou restaurants du quartier. L'un de ces restaurants, Rosalie, était ancien et célèbre depuis des décennies et était fréquenté par de très grands artistes maintenant célèbres, dont un certain nombre habitaient rue Campagne-Première... Je pourrais pratiquement écrire un livre sur ma vie à Paris à cette époque.
Maintenant, si je devais vivre à Paris, je choisirais peut-être un autre quartier, plus animé, comme le Marais, par exemple ; ou, si j'étais très riche, Saint-Germain ou Saint-Michel.
C'est gentil de penser à moi lors de tes promenades dans Paris ; il m'arrive régulièrement de penser à toi en circulant dans ou autour du Plateau Mont-Royal. J'imagine que tu travers la grande mare de temps à autre pour retrouver des amis à Montréal.
Je n'ai pas bougé (pas déménagé) ; depuis notre dernière rencontre, il se peut que mon téléphone ait changé, cependant.

Joyeuses fêtes à toi de même. Au plaisir.

Unknown a dit…

Salut Alcib merci pour ta réponse.
J'étais de mon côté rue Gassendi, près de chez un chanteur célèbre (LC), père d'un chanteur non moins célèbre (MC). Je ne pensais pas vivre la bohème à l'époque mais c'était pourtant ça aussi. Je suis plus rive droite maintenant, plus dynamique à mes yeux, quoique...
Celà fait un petit moment que je n'ai pas traversé la grande mare, une occasion manquée de retourner à Toronto, et curieux de voir Montréal l'hiver. Je te souhaite une très belle année 2017 ainsi qu'à Rupert ! A+

Alcib a dit…

Salut Roman Jeremy. Je ne me souviens pas de la rue Gassendi ; j'ai regardé sur la carte et je me rends compte que j'allais très rarement de ce côté. Boulevard Raspail, je dépassais rarement la place Defert-Rochereau. Il m'arrivait d'aller rue Victor-Schoelcher, dans l'immeuble où habitait Simone de Beauvoir (mais elle ne m'a jamais invité : par conséquent je ne suis pas celui qui lui a inspiré son roman L'Invitée). Et j'avais une amie qui habitait boulevard Arago... J'allais plus souvent vers la gare Montparnasse, vers la rue de la Gaité, mais surtout vers Saint-Michel, Saint-Germain, etc. Au-delà, je crois que je circulais surtout en métro.

Lors de mes séjours suivants à Paris, j'avais ma chambre chez un ami, métro Louis-Blanc. En dehors des courses dans le quartier avec cet ami, je prenais le métro pour aller un peu partout où il y avait quelque chose d'intéressant à faire ou à voir.

Je ne vois pas non plus quand je pourrais traverser la grande mare, d'autant plus que je ne peux pas laisser Rupert trop longtemps (pour l'instant, il n'a pas de famille substitut).


J'espère que ton voeu de voir Montréal l'hiver sera exaucé en 2017, ainsi que tes autres voeux les plus chers.
Je te souhaite aussi une excellente année 2017.

Alcib a dit…

Roman Jeremy : Ce chanteur, LC, serait le fils de la romancière AC ?
La deuxième lettre du prénom du fils de LC serait un « a » ?
Il y aurait maintenant un autre fils et une fille qui font aussi de la chanson ?
(Je ne sais plus très bien le nom des chanteurs ; à l'exception de quelques grands, j'ai pratiquement oublié tous les autres).

Unknown a dit…

Tout juste bravo c'est bien ça ! Joyeux Réveillon !

https://www.podomatic.com/podcasts/carmenvera/episodes/2006-04-25T04_43_54-07_00

Alcib a dit…

Roman Jeremy : Merci !
Je me rends compte, en écoutant cette chanson, que... je n'écoute pratiquement plus de chansons.

Joyeux Réveillon à toi aussi !
Et Bonne année 2017 !

Unknown a dit…

Sans musique la vie serait impossible pour moi.

Sans transition, as-tu déjà écris un livre, un roman, un essai, une fiction... ailleurs que sur ton blogue ? Si oui, je serai curieux de les lire ou savoir où les trouver. Si tu préfères me répondre par email à romanjeremie@gmail.com pas de problème.

Alcib a dit…

Roman Jeremie : Merci.
Je t'ai fait une réponse très longue (de la longueur de certains articles qui décourage certains lecteurs) et, au moment de le publier, Blogger m'a envoyé un signal d'erreur et... toute ma belle prose, que j'ai mis de longues minutes à composer, a disparu, comme au bon temps où Blogger me faisait faire des crises à peu près quotidiennes.
Si j'ai un peu de patience, une fois ma furie passée, je recommencerai ma réponse.

Alcib a dit…

JeremY (pardon)

Alcib a dit…

Roman Jeremy : Je n'ai pas encore trouvé assez de patience pour recommencer ma réponse. J'en ferai donc une beaucoup plus brève.
Tu pense donc comme Nietzsche qui disait que « sans la musique la vie serait une erreur ».
Je le crois aussi.

Pendant longtemps, je n'ai écoté que de la musique classique. Avec Internet, j'ai fait la connaissance de nombreuses personnes, dont un bon nombre rencontrées « dans la vraie vie ». Ces personnes m'ont fait connaître beaucoup de musiques...
J'écoute encore de la musique (moins souvent qu'auparavant : durant des années, la musique jouait en permanence chez moi). Mais, la plupart du temps, ce sont des fichiers sur mon ordinateur (mp3 ou mp4) ou, plus récemment, sur mon téléphone. Sur l'ordinateur, je mets de très longues listes qui jouent souvent de façon aléatoire.
Je ne découvre plus vraiment de nouvelles musiques puisque je n'écoute jamais la radio ni la télévision, et que le réseau d'amis « virtuels » n'est à peu près plus existant.

J'ai écrit de très nombreux textes, mais ce sont la plupart des textes « utilitaires », professionnels, pour mon travail, pour des clients... La plupart de ces textes ont été diffusés d'une façon ou d'une autre... Mais très peu de textes de création. L'un d'entre eux a été publié dans un recueil, avec ceux de plusieurs autres auteurs.

J'aimerais bien, avant de mourir, écrire et, si possible, publier trois projets de livres que j'ai en tête. Je ne pense pratiquement qu'à cela. Mais il faudra, pour que je les écrive, que Rupert me laisse un peu de temps...

Si tu as l'intention de me procurer une bourse d'aide à la création ou de me trouver un éditeur sérieux, je suis d'accord ;o) Merci.

Je copie ta « nouvelle » adresse dans mon carnet.