jeudi 4 mai 2017

J'aime, tu aimes... ils aiment

J'aime mon chien
Tu aimes mon chien
...
Ils aiment mon chien

L'année universitaire s'est terminée il y a quelques jours, et Rupert a été assez occupé à regarder tout le mouvement qu'il y avait dans le quartier.
Les étudiants venant d'ailleurs retournaient dans leur famille, pour la plupart, et remplissaient des voitures de leurs affaires personnelles pour l'été.
Un grand nombre de ceux qui ont terminé leurs études et qui repartaient pour de bon dans dans leur lieu d'origine avaient loué des camions ou des remorques attachées à leur voiture ou à celle de leurs parents venus les chercher.
Rupert était aux premières loges et ne voulait rien manquer de ce ballet de camions qui arrivent, que l'on charge de toutes sortes de meubles et d'objets encombrants, et qui s'en vont. La rue en était pleine. Il ne comprenait sûrement pas pourquoi, en deux ou trois jours, tant de gens ont besoin de déplacer tant de choses. Il est curieux et, souvent, il veut aller vérifier sur place, presque le nez dans la voiture ou le camion pour mieux sentir ce qui se passe. Mais ces jours-ci, il y avait trop d'action partout ; il n'y arrivait pas.
De temps à autre, quelque chose qu'il ne reconnaissait pas, un monstre dangereux sans doute, ou une autre menace potentielle, et il aboyait fortement ; j'avais beau lui expliquer que nous n'étions en danger ni l'un ni l'autre, il n'était pas toujours convaincu.
Plusieurs étudiants ou des gens qui les accompagnaient venaient le voir, ravis de faire sa connaissance ou un peu tristes de lui faire leurs adieux.

Il était temps que cela finisse ! Même les concierges des immeubles voisins sont épuisés par la quantité de meubles et de déchets laissés n'importe où par les étudiants déménageurs et qu'ils devaient ramasser...

Mais Rupert est un peu triste : il a perdu un bon nombre de ses admirateurs réguliers. Il en reste tout de même beaucoup et chaque jour il y en a de nouveaux. Hier soir, par exemple, deux jeunes qu'il voyait pour la première fois se sont exclamés en voyant Rupert, en disant que c'est le plus beau chien à Montréal. Je dis souvent aux gens qu'heureusement il ne souffre pas de la vanité dont sont atteints tant d'êtres humains, car il aurait la tête enflée à se faire dire si souvent qu'il est beau.

Même moi, je ne suis pas toujours conscient à quel point je suis privilégié d'avoir un compagnon qui suscite à ce point l'intérêt des gens, des sourires chez les plus discrets, des câlins et des tentatives de jeu chez d'autres... Bien des gens doivent penser que je suis riche pour avoir un si beau chien qui, sans rien faire, attire tant l'attention. Et en fait, je suis riche de ce compagnon merveilleux... Et souvent je regrette de ne pas pouvoir partager ce bonheur avec Alexander qui, avec son chien, devait vivre à peu près la même chose, sauf qu'il devait sans doute se protéger davantage contre les paparazzi et autres envahisseurs de l'intimité...

Je dis parfois que je serais millionnaire si j'avais demandé un dollar à chaque personne qui a voulu le prendre en photo... et parfois je me demande pourquoi je ne l'ai pas fait. J'ai lu quelque part, il y a très longtemps, je ne me souviens plus où exactement, cette phrase qui, si cette parcelle de ma mémoire est fidèle, disait : « Donnez-moi de l'argent, puisque j'aime ma mère. »* De la même manière, je pourrais dire : « Donnez-moi de l'argent, puisque j'aime mon chien. » Mais, au fond, il serait plus juste de dire : « Donnez-moi de l'argent, puisque vous aimez mon chien. »

* Il s'agit en fait d'un vers qu'aurait inventé Villiers de L'Isle-Adam, pastichant le texte d'une pièce de François Coppée.

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