mardi 23 avril 2019

Une pensée pour Rupert Brooke...


Je n'oublie pas Rupert Brooke, mort à 27 ans (comme Alexander) en Méditerranée le 23 avril 1915, en voulant se rendre à la bataille de Galipoli.

Lors de notre première conversation en direct, Alexander, dans un contexte particulier, m'avait parlé de ce poème de Rupert Brooke, « The Soldier » :

If I should die, think only this of me:
   That there’s some corner of a foreign field
That is for ever England.  There shall be
   In that rich earth a richer dust concealed;
A dust whom England bore, shaped, made aware,
   Gave, once, her flowers to love, her ways to roam,
A body of England’s, breathing English air,
   Washed by the rivers, blest by suns of home.

And think, this heart, all evil shed away,
   A pulse in the eternal mind, no less
     Gives somewhere back the thoughts by England given;
Her sights and sounds; dreams happy as her day;
   And laughter, learnt of friends; and gentleness,
     In hearts at peace, under an English heaven.



Il fut mis en terre dans un champ d'oliviers et repose désormais en Grèce sur l'île de Skyros.

dimanche 21 avril 2019

Mourir d'amour (manquant)

La mort d'un chien
poème de Victor Hugo

Un groupe tout à l'heure était là sur la grève,
Regardant quelque chose à terre. – Un chien qui crève !
M'ont crié des enfants ; voilà tout ce que c'est.
– Et j'ai vu sous leurs pieds un vieux chien qui gisait.
L'océan lui jetait l'écume de ses lames.
– Voilà trois jours qu'il est ainsi, disaient des femmes,
On a beau lui parler, il n'ouvre pas les yeux.
– Son maître est un marin absent, disait un vieux.
Un pilote, passant la tête à sa fenêtre,
A repris : – Ce chien meurt de ne plus voir son maître.
Justement le bateau vient d'entrer dans le port ;
Le maître va venir, mais le chien sera mort.

– Je me suis arrêté près de la triste bête,
Qui, sourde, ne bougeant ni le corps ni la tête,
Les yeux fermés, semblait morte sur le pavé.
Comme le soir tombait, le maître est arrivé,
Vieux lui-même ; et, hâtant son pas que l'âge casse,
A murmuré le nom de son chien à voix basse.
Alors, rouvrant ses yeux pleins d'ombre, exténué,
Le chien a regardé son maître, a remué
Une dernière fois sa pauvre vieille queue,
Puis est mort.

C'était l'heure où, sous la voûte bleue,
Comme un flambeau qui sort d'un gouffre, Vénus luit ;
Et j'ai dit : D'où vient l'astre ? où va le chien ? ô nuit

Rassurez-vous : ce poème n'a aucun lien direct avec ma réalité ni avec celle de Rupert.
Il s'agit simplement d'un beau poème de Victor Hugo que je viens de retrouver (pas Hugo, le poème).
Il illustre bien le fidèle attachement d'un chien à son « maître » ; je dirais plutôt : à son partenaire humain.

dimanche 7 avril 2019

Élégance masculine

Portrait du comte Robert de Montesquiou
par Giovanni Boldini (1897), Musée d'Orsay.

L'élégance d'hier n'est pas celle d'aujourd'hui, et nous serions certainement surpris de voir aujourd'hui ce que demain nous réserve en terme de style et d'élégance. Il y a fort à parier que si nous rencontrions dans la rue aujourd'hui quelqu'un ressemblant à ce portrait du comte Robert de Montesquiou (qui, bien malgré lui, a inspiré à Marcel Proust son personnage de M. de Charlus dans À la recherche du temps perdu), nous ne penserions probablement pas d'abord à son élégance mais plutôt au fait que sa tenue et son style sont ceux d'une autre époque.

L'élégance anglaise de Dowton Abbey

Rassurez-vous, je ne vous ferai pas un cours sur ce qui constitue l'élégance masculine d'aujourd'hui ; d'abord parce que j'en serais bien incapable et que, si mes voisins tombaient par hasard sur ce que je pourrais en dire, ils laisseraient certainement un commentaire me niant toute crédibilité sur le sujet.


En effet, depuis l'arrivée de Rupert, et avec l'obligation de sortir avec lui plusieurs fois par jour et même la nuit, j'ai adopté un style de vêtements décontractés, confortables et facile à entretenir. Rupert est maintenant un grand garçon de plus de trois ans et, sauf de rares exceptions, nous ne sortons plus que trois fois par jour : le matin à son réveil, au milieu de l'après-midi et, finalement, avant d'aller dormir la nuit venue. Mais les deux premières sorties sont assez longues et, lorsque nous rentrons, nous sommes tous les deux fatigués : Rupert va faire une sieste, et, moi, j'ai habituellement trop de choses à faire pour aller dormir, et trop fatigué pour participer à des activités sociales.

Colin Firth

Lors de notre sortie du matin, nous rencontrons ceux et celles qui se rendent au travail, à l'école ou à l'université. Depuis l'été dernier, nous croisons chaque matin une femme noire très élégante ; un matin de l'été dernier, puisqu'elle me saluait, je me suis permis de lui dire que chaque fois qu'elle passait devant nous, nous étions, Rupert et moi (moi, surtout) séduits par le parfum que son passage répandait dans l'air. Depuis, chaque fois que nous la rencontrons, elle nous salue avec un grand sourire en demandant : « Comment allez-vous, les amis ? » Qu'il fasse beau, qu'il pleuve ou qu'il neige, elle est pour nous un rayon de soleil.

Je croise aussi, parfois, des hommes, jeunes ou en pleine maturité, qui sont aussi élégamment vêtus, mais je n'ai pas de souvenir particulier de quelqu'un qui m'aurait frappé par son élégance ; et si ce fut le cas, l'impression ne s'est pas vraiment gravée dans ma mémoire. Je me souviens bien de certains regards, de certains sourires, de brèves complicités qu'il m'aurait parfois plu de pouvoir renouveler ou prolonger, mais pas de tenue vestimentaire particulière.

Ce dimanche matin, alors que je marchais avec Rupert, j'ai vu venir vers nous un jeune homme que nous avions rencontré deux fois auparavant, accompagné d'un très beau caniche royal de couleur blanc-crème. Je me suis immédiatement souvenu de lui car, même si quelques semaines s'étaient écoulées depuis notre rencontre précédente, j'avais été fortement frappé par l'élégance de sa tenue vestimentaire, de sa démarche, de ses gestes et, surtout, de son exquise politesse. Arrivé avec son chien à notre hauteur, à chaque rencontre, il s'est arrêté pour que les deux chiens se saluent et, me regardant droit dans les yeux, m'a dit : « Bonjour, Monsieur ! Comment allez-vous ? »

Comment ne pas être touché quand un jeune homme d'à peine vingt ans vous salue d'un « Bonjour, Monsieur ! » et poursuit son entrée en matière avec le vouvoiement ? Ni la première fois, ni les fois suivantes, la conversation est allée beaucoup plus loin que cet échange de salutations et de quelques remarques sur le chien respectif de l'autre.


Son chien, aux manières aussi impeccables que celles de son maître, est un caniche royal à la fourrure légèrement ondulée de la même longueur partout, et non pas sculptée à la façon des topiaires, symboles des jardins à la française.


Ce matin, le jeune homme, de type eurasien, au visage clair, au teint sans défaut, à la coiffure très soignée, était vêtu de façon particulièrement remarquable pour quelqu'un de son âge et pour promener son chien un dimanche matin (il se rendait probablement à une invitation ou à un événement important). Il portait un costume bleu foncé, parfaitement taillé, avec une chemise bleu clair avec un léger motif à peine perceptible, au col anglais, une cravate d'un autre motif très subtil d'un bleu un peu plus clair que le costume, des chaussures anglaises classiques noires et, par-dessus tout un long manteau de cachemire de couleur marine. Je ne pouvais pas reconnaître son parfum, mais il était le complément parfait de cette tenue. Je n'ai pas pu m'empêcher de lui dire en le quittant, spontanément et sans arrière-pensée, combien il était élégant.


Je n'allais évidemment pas lui demander à quel endroit il achetait ses vêtements... Et je ne crois pas que, à l'exception de nos chiens qui nous amènent à socialiser un peu, nous nous trouvions des affinités électives au cours d'éventuelles prochaines rencontres... Mais je ne serais pas surpris qu'il s'habille à Londres, achète ses costumes rue Saville Row, chez Anderson & Sheppard, par exemple, ses chemises chez Turnbull & Asser, Jermyn Street ou Bury Street, ses chaussures chez John Lobb, St James's Street...Je serais tout de même curieux de savoir pourquoi ce jeune homme de vingt ans à peine, qui habite près de chez moi, aux manières impeccables, sort de chez lui un dimanche matin avec son chien, étant vêtu de façon si élégante et pourtant si formelle...

samedi 6 avril 2019

Tartan Day 2019

Le 6 avril, c'est le Tartan Day, célébré par les Écossais, pour commémorer la déclaration d'indépendance de l'Écosse (pas celle que revendiquent les Écossais contemporains, mais ceux du XIVe siècle).


Au départ, il semble que ce soient les Écossais établis en Amérique du Nord qui aient institué cette célébration appelée Tartan Day, pour souligner leur appartenance à leur pays d'origine et à leurs traditions.


Les Écossais du Royaume Uni et d'ailleurs semblent avoir adopté cette fête que l'on célèbre désormais le 6 avril, pour rappeler la « déclaration d'Arbroath », déclaration d'indépendance écossaise, signée par la noblesse écossaise assemblée dans l'abbaye d'Arbroath, le 6 avril 1320.


Les chiens aussi sont patriotiques.


Je me promets depuis quelques années de me procurer cette série télévisée, Outlander, que je n'ai encore jamais vue mais dont plusieurs images aperçues sur Internet m'ont donné envie d'en voir davantage. Je risque cependant d'être déçu car je viens de me me souvenir que c'est une série réalisée aux États-Unis, et non par une maison de production du Royaume Uni...


Si les Écossais sont notamment réputés pour la qualité de leur whisky (plus populaire mondialement que le haggis), les membres de l'Association Scotch Whisky (SWA) n'ont pas vraiment le cœur à la fête aujourd'hui. L'Association a perdu, aujourd'hui même, une importante bataille juridique contre le détaillant japonais Isetan Mitsukoshi qui souhaite enregistrer le mot « tartan » comme marque de produits. La SWA a contesté l'intention du fabricant japonais de whisky, invoquant que le tartan est « un symbole emblématique de l'Écosse » et qu'il ne peut être utilisé que pour désigner un spiritueux écossais. L'Office de la propriété intellectuelle de Singapour a cependant rejeté les arguments de l'Association écossaise.

Je n'oublie pas que c'est mon ami anglais Alistair, dont je n'ai plus de nouvelles depuis plusieurs années, qui m'avait appris que le Tartan Day se célébrait le 6 avril : c'est en pensant à lui que j'ai voulu rédiger ce billet... qui ne parle pas vraiment de lui, mais...

vendredi 5 avril 2019

Sa chute sur la Terre...


Il y a 37 ans ce 5 avril, la chute sur la Terre d'un autre Petit Prince, anglais celui-ci.

mercredi 3 avril 2019

Pierre noire

Cette journée du 3 avril 2019 est, pour l'humanité, pour les droits fondamentaux des individus, pour le respect de la dignité et de l'intégrité des personnes, une journée à marquer d'une pierre noire. Je ne fais pas allusion à la pierre noire située « dans l'angle sud-est de la Kaaba, le monument qui se trouve au centre de la mosquée al-Haram de La Mecque, en Arabie saoudite », mais on peut y voir un rapprochement, car en ce 3 avril 2019, le Brunei, petit État de l'île de Bornéo, a décidé que s'appliquerait à partir de cette date la charia, la loi islamique.

Le Brunei, pays riche en hydrocarbures, dirigé par un monarque absolu, le sultan Haji sir Hassanal Bolkiah Mu'izzaddin Waddaulah, est maintenant le premier pays d'Asie du Sud-Est à appliquer un code pénal suivant la charia la plus stricte, comme en Arabie saoudite, autre pays où il ne fait pas bon essayer de vivre librement.

À compter d'aujourd'hui, toute personne soupçonnée d'homosexualité sera condamnée à la peine de mort par lapidation. C'est donc dire que tous les braves sujets de cette monarchie pourront leur lancer la première pierre, la deuxième, la troisième, la quatrième, etc., jusqu'à ce que mort s'ensuive. Et ne vous avisez pas de voler un fruit, car vous aurez, selon la loi islamique, la main ou le pied coupé.

Le monarque absolu régnant sur le Brunei est l'un des hommes les plus riches du monde, le deuxième chef d'État de la planète ainsi privilégié ; sa fortune personnelle dépasserait les 40 milliards de dollars. Croyez-vous que, dans son palais trois fois plus grand que le palais de Buckingham, comptant 1 788 pièces et dont la construction a couté un milliard d'euros, ce brave homme passe son temps à lire le Coran et à prier ? Libre à vous de le croire, mais j'ai un petit doute que ce n'est pas ainsi qu'il occupe son temps.

Ce cher sultan possède une des plus vastes collections d'automobiles de luxe. Si, autour de nous, certaines familles aisées peuvent avoir deux ou trois voitures le sultan de Brunei, lui, a besoin, pour ses déplacements, de « plus de 5 000 voitures de luxe dont 531 Mercedes-Benz, 367 Ferrari, 362 Bentley, 185 BMW, 177 Jaguar, 160 Porsche, 135 Toyota, 130 Rolls-Royce, 79 Aston Martin, 62 Lexus, 42 Land Rover, 32 Jeep, 20 Lamborghini, 9 McLaren F1, 4 Bugatti EB110, 2 Renault 5 Turbo 2, 2 taxis londoniens, une centaine de motos, une cinquantaine de voitures de golf et plusieurs avions de ligne (dont un Boeing 747 décoré d'or). » (Wikipédia).

En apprenant l'instauration de la charia dans ce pays de 435 000 habitants, l'acteur George Clooney a lancé un appel au boycottage de neuf hôtels de luxe, propriétés du sultan de Brunei. Et le chanteur Elton John s'est associé à cet appel au boycott. 

« Brunei est une monarchie et un boycottage n'aura certainement pas grand pouvoir pour changer ses lois. Mais allons-nous vraiment contribuer financièrement à ces violations des droits de la personne ? », dit George Clooney. Le sultan se fiche que n'importe quel millionnaire ou milliardaire cesse de descendre dans l'un ou l'autre de ses hôtels Mais, ajoute George Clooney, peut-être que les banques et les entreprises faisant affaire avec ces hôtels seront quelque peu embarrassées que ce boycott attire l'attention sur elles qui continuent de faire des affaires en détournant le regard. Et, précise-t-il, les clients potentiels refusant de descendre dans ces hôtels de luxe auront peut-être la conscience un peu plus tranquille en sachant qu'ils ne contribuent pas à la fortune du sultan qui instaure, en 2019, une loi cruelle, inhumaine, barbare, tout à fait contraire au moindre respect des droits de l'homme.

Voici la liste des neuf hôtels appartenant au sultan de Brunei :

- The Dorchester, London
- 45 Park Lane, London
- Coworth Park, UK
- The Beverly Hills Hotel, Beverly Hills
- Hotel Bel-Air, Los Angeles
- Le Meurice, Paris
- Hotel Plaza Athénée, Paris
- Hotel Eden, Rome
- Hotel Principe di Savoia, Milan

Je ne me fais pas d'illusion. Je n'ai pas l'impression que je pourrais un jour être tenté de descendre dans l'un ou l'autre de ces hôtels. Mais, si par cet article, je peux attirer l'attention d'une seule personne qui pourrait avoir une certaine influence sur le choix d'un hôtel de luxe, je ne l'aurai pas écrit pour rien.