lundi 26 mai 2014

... J'écris ton nom


Sur mes cahiers d'écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable de neige
J'écris ton nom

Sur les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J'écris ton nom

Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J'écris ton nom

Sur la jungle et le désert
Sur les nids sur les genêts
Sur l'écho de mon enfance
J'écris ton nom

Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J'écris ton nom

Sur tous mes chiffons d'azur
Sur l'étang soleil moisi
Sur le lac lune vivante
J'écris ton nom

Sur les champs sur l'horizon
Sur les ailes des oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J'écris ton nom

Sur chaque bouffée d'aurore
Sur la mer sur les bateaux
Sur la montagne démente
J'écris ton nom

Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l'orage
Sur la pluie épaisse et fade
J'écris ton nom

Sur les formes scintillantes
Sur les cloches des couleurs
Sur la vérité physique
J'écris ton nom

Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J'écris ton nom

Sur la lampe qui s'allume
Sur la lampe qui s'éteint
Sur mes maisons réunies
J'écris ton nom

Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J'écris ton nom

Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J'écris ton nom

Sur le tremplin de ma porte
Sur les objets familiers
Sur le flot du feu béni
J'écris ton nom

Sur toute chair accordée
Sur le front de mes amis
Sur chaque main qui se tend
J'écris ton nom

Sur la vitre des surprises
Sur les lèvres attendries
Bien au-dessus du silence
J'écris ton nom

Sur mes refuges détruits
Sur mes phares écroulés
Sur les murs de mon ennui
J'écris ton nom

Sur l'absence sans désir
Sur la solitude nue
Sur les marches de la mort
J'écris ton nom

Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l'espoir sans souvenir
J'écris ton nom

Et par le pouvoir d'un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer Liberté.

Paul Éluard, in Poésies et vérités 1942 Éditions de Minuit, Paris, 1942.
Pour Éluard, ce prénom qu'il écrit partout, est féminin, celui de la Liberté. Je peux aussi l'écrire au masculin, partout : Alexander.

vendredi 23 mai 2014

Xavier, quoi qu'il advienne...

ces jours-ci à Cannes,
je suis et je serai fier de toi.


Cent fois : bravo !

Merci, Xavier Dolan

dimanche 4 mai 2014

Écrire pour quelqu'un

Je viens de refermer ce livre, que j'ai savouré, page par page, phrase par phrase, mot par mot.
Quel émouvant témoignage ! Quelle pudeur et quelle tendresse tout au long de ce récit ! La relation avec le père occupe une grande partie de ces pages ; au delà de l'anecdote, comme le dit lui-même l'auteur dans cette vidéo sur YouTube, il s'agit d'une réflexion sur la paternité, sur la parentalité.
C'est aussi une touchante réflexion sur l'absence, sur ceux qui nous ont quitté, qu'il s'agisse de nos parents ou d'autres êtres que nous avons aimés.
J'ai versé des larmes (et j'en ai retenu bien d'autres) sur à peu près toutes les pages car, comme il est si bien écrit, « l'étrange et douloureuse survie en nous de ce qu'ont souffert les défunts » ne nous quitte pas et « va plus loin, plus profond, que la simple mémoire. »
Merci, Jean-Michel Delacomptée, que je ne connaissais pas avant que « quelqu'un », un ange sans aucun doute, ne mette ce livre sous mes yeux au moment où j'étais prêt à le recevoir.
Désormais, les livres de Jean-Michel Delacomptée seront aussi mes amis.