Affichage des articles dont le libellé est absence. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est absence. Afficher tous les articles

mercredi 19 mars 2025

Rupert et ses amis

Rupert avait tant d'amis et d'admirateurs qu'un grand nombre d'entre eux, pour quelque raison que ce soit, ignorent encore sa disparition.

Nous habitions au centre-ville de Montréal, près de l'université McGill ; des milliers de personnes passent chaque jour devant notre maison. Et comme Rupert voulait toujours être dehors (deux heures ou plus à chaque sortie, trois fois par jour), il y avait pratiquement toujours quelqu'un qui venait le saluer, lui faire un câlin, jouer avec lui. Tous les passants l'appelaient par son nom. Certains faisaient de grands détours pour venir saluer Rupert en se rendant au travail ou en revenant. Un jour une femme s'est arrêtée pour me demander si elle pouvait caresser mon chien ; quand elle s'est penchée pour le caresser, elle m'a demandé ; « C'est Rupert ? » Je lui ai répondu : « Oui, bien sûr, c'est Rupert. » Et j'ai demandé si elle ne l'avait jamais rencontré auparavant ; elle m'a répondu : « Non, mais à McGill, tout le monde connaît Rupert. » C'est arrivé aussi plusieurs fois que quelqu'un descende d'une voiture venant d'une autre province canadienne, ou même des États-Unis et, en voyant le chien, demande si c'était Rupert. Car leurs fils ou leurs filles étudiaient à Montréal et ne cessaient de parler de Rupert à leurs parents...

L'automne dernier, je ne sais pourquoi, (contrairement aux années précédentes, même l'hiver) nous pouvions passer de longs moments dehors sans que personne que nous connaissions vienne nous voir. Rupert était déçu et triste ; il continuait de surveiller l'intersection en espérant voir arriver des amis. Mais, souvent, son attente était déçue. Je lui parlais, disant que je comprenais sa déception, que je ressentais et partageais sa tristesse, que je ne savais pas pourquoi ses amis ne venaient pas, mais que sans doute « demain », ses amis viendraient... C'était important pour lui, comme pour moi, que je lui parle ainsi, et je sais qu'il comprenait et qu'il appréciait que je mette des mots sur ses émotions.

Pour annoncer son départ à ses amis impossibles à joindre, j'ai posé sur le mur devant la maison, à côté de ce banc où il aimait s'asseoir pour surveiller l'arrivée des amis, une photo de Rupert, avec sa date de naissance et la date de sa disparition, avec son adresse électronique :

 Puis j'ai placé dans la fenêtre au-dessus de ce banc un message de Rupert à ses amis :

Et la traduction anglaise du même message :

 Avec l'empreinte véritable de Rupert (en format réduit).

Grâce à l'adresse électronique affichée, nous recevons de temps à autre des messages de condoléances et des témoignages émouvants de personnes que nous ne pourrions pas rejoindre autrement.

Rupert a été incinéré et je conserve ses cendres dans un joli et discret coffret en bois d'acacia, que j'ai posé sur le rebord d'une fenêtre en face du bureau où je travaille ; sur le coffret, j'ai posé une image encadrée de Rupert. devant le coffret et la photo, j'ai posé quelques petits objets objets en cristal, dont une petite pyramide qu'un ami m'a rapportée d'Égypte au moment du départ d'Alexander, puis un petit cube à l'intérieur duquel est gravé un papillon, symbole de la transformation, de l'évolution, du passage à une autre étape de la vie. Et une bougie reste allumée devant ce petit autel, une façon de dire à Rupert qu'il ne sera jamais oublié, en évoquant ces mots que l'on attribue, sans doute faussement, à Victor Hugo :

« Tu n'es plus où tu étais,
tu es partout où je suis. »


dimanche 21 avril 2019

Mourir d'amour (manquant)

La mort d'un chien
poème de Victor Hugo

Un groupe tout à l'heure était là sur la grève,
Regardant quelque chose à terre. – Un chien qui crève !
M'ont crié des enfants ; voilà tout ce que c'est.
– Et j'ai vu sous leurs pieds un vieux chien qui gisait.
L'océan lui jetait l'écume de ses lames.
– Voilà trois jours qu'il est ainsi, disaient des femmes,
On a beau lui parler, il n'ouvre pas les yeux.
– Son maître est un marin absent, disait un vieux.
Un pilote, passant la tête à sa fenêtre,
A repris : – Ce chien meurt de ne plus voir son maître.
Justement le bateau vient d'entrer dans le port ;
Le maître va venir, mais le chien sera mort.

– Je me suis arrêté près de la triste bête,
Qui, sourde, ne bougeant ni le corps ni la tête,
Les yeux fermés, semblait morte sur le pavé.
Comme le soir tombait, le maître est arrivé,
Vieux lui-même ; et, hâtant son pas que l'âge casse,
A murmuré le nom de son chien à voix basse.
Alors, rouvrant ses yeux pleins d'ombre, exténué,
Le chien a regardé son maître, a remué
Une dernière fois sa pauvre vieille queue,
Puis est mort.

C'était l'heure où, sous la voûte bleue,
Comme un flambeau qui sort d'un gouffre, Vénus luit ;
Et j'ai dit : D'où vient l'astre ? où va le chien ? ô nuit

Rassurez-vous : ce poème n'a aucun lien direct avec ma réalité ni avec celle de Rupert.
Il s'agit simplement d'un beau poème de Victor Hugo que je viens de retrouver (pas Hugo, le poème).
Il illustre bien le fidèle attachement d'un chien à son « maître » ; je dirais plutôt : à son partenaire humain.

lundi 31 octobre 2016

Abonnés absents

Dans les mois qui ont précédé et ceux qui ont suivi le départ d'Alexander, certains de mes amis, parmi les plus anciens et les plus intimes, sont « disparus » en douce, sans rien dire, ou sous des prétextes pas très clairs. Je n'ai pas voulu en parler vraiment ici pour ne pas faire de peine à l'entourage d'Alexander, car l'idée que la présence d'Alexander dans ma vie ait pu avoir une influence négative sur mes amitiés aurait vraiment chagriné et blessé sa famille et ses amis. Alexander, lui, sentait bien quels étaient, parmi mes amis, ceux qui méritaient vraiment le titre d'amis. J'ai assuré Alexander que, si je devais choisir entre lui et mes amis, je n'hésiterais pas du tout : je n'aurais pas pu continuer d'appeler « amis » ceux qui auraient refusé de croire à l'authenticité de mon amour pour Alexander et de celui, absolu, d'Alexander pour moi... Au cours de nos conversations ou dans ma correspondance avec Alexander, j'ai plusieurs fois défendu ces amis mais, au bout du compte, il semble que c'est lui qui avait raison...

Je ne m'étendrai pas sur l'une ou l'autre de ces tristes histoires en particulier. Chacun a le droit, s'il le peut, de choisir sa vie, ses croyances, ses valeurs, ses attaches, ses relations... Et cela vaut pour moi aussi. Il m'est arrivé plusieurs fois de vouloir parler d'Alexander à l'un ou l'autre de mes proches et, plusieurs fois, après avoir prononcé son nom, c'est exactement comme si je n'avais rien dit. C'est comme si pour eux, ne pouvant le toucher, il n'existait pas, n'avait jamais existé... Et pourtant, je sais, moi, qu'en quinze mois de conversations et de correspondance entre lui et moi, Alexander a été vraiment présent, à chaque instant, et que j'ai plus appris et mieux vécu qu'en quinze ans avec ceux qui sont physiquement plus près de moi, mais qui, au fond, ne m'ont jamais connu comme Alexander a su me connaître, me reconnaître.

Il y a un mois, j'ai envoyé un courrier électronique à l'un de ces amis qui habite tout près de chez moi, mais que je n'ai pas revu depuis quelques années. Comme il m'envoie de temps à autre un message disant qu'il aimerait me voir, me parler de vive voix, je lui proposais que nous fassions, pendant qu'il faisait encore beau, une promenade le long de l'avenue du Parc, comme nous avons si souvent fait dans le passé. Je trouvais cela plus facile, pour reprendre contact, que d'aller m'asseoir chez lui et sa femme. Je lui proposais de nombreuses plages horaires où je me serais rendu disponible. Non seulement je n'ai pas reçu, un mois plus tard, de réponse à ma proposition, je n'ai même pas reçu d'accusé de réception.

Le même jour, j'ai envoyé à un autre ami quelques mots à l'occasion de sa fête. Il m'a vite répondu pour m'en remercier, ajoutant toutefois qu'il avait été déçu de ne pas recevoir une nouvelle photo de Rupert et que, devant la brièveté de mon message, il se demandait si j'allais bien. J'ai aussitôt envoyé une nouvelle photo de Rupert, en précisant qu'en effet je n'allais pas très bien, en lui donnant un très bref aperçu de quelques-unes de mes inquiétudes... J'ai dû attendre trois semaines pour qu'il réagisse. Il m'a téléphoné un soir de la semaine dernière, mais il s'était « bien » préparé, s'était armé de phrases toutes faites, de « pensées positives » qui peuvent servir en toute occasion et, bien qu'il m'ait posé la question sur ce qui n'allait pas, il ne m'a jamais laissé finir une phrase. Puis il a mis fin à la conversation, car il était fatigué...

mardi 25 octobre 2016

En attente de modération...

Lorsque j'accède à la page « commentaires en attente de modération » de ce blogue, je ne peux m'empêcher de voir et de relire à chaque fois deux commentaires bouleversants qui ne seront jamais publiés.

Le premier date du 7 octobre 2009, et vient d'Alistair, un ami d'Alexander qui, tombé par hasard sur ce blogue, a reconnu dans les textes que je publiais alors l'ami avec qui il a fait une partie de ses études. Je ne pouvais pas publier ce commentaire, et je l'avais expliqué à Alistair, car il donnait le nom complet d'Alexander. Alistair avait adopté un bulldog provenant du même éleveur que celui d'Alexander Bull, qu'il avait appelé Douglas... Hélas pour moi, Douglas et Alistair sont allés, quelques mois plus tard, rejoindre Alexander sur son étoile, ou sur une étoile voisine.

L'autre vient de Colin, daté du 17 mai 2011, tout aussi bouleversant. Il ne parle pas ouvertement d'Alexander, mais il est clair que Colin a été touché par ce que j'ai écrit au sujet d'Alexander, et peut-être aussi par ce qu'Alexander avait lui-même écrit. Colin m'avait demandé lui-même de ne pas publier ce commentaire. Je n'ai malheureusement plus de nouvelles de ce garçon, dont je ne connais pas grand-chose, mais qui m'avait fortement ému par le peu qu'il a dévoilé à son sujet. J'aimerais savoir qu'il va bien.

D'autres m'ont aussi écrit, ces dernières années, parfois directement, sans laisser de commentaire sur le blogue. Je ne les oublie pas et ne les oublierai jamais non plus ; ils font partie des amis absents...

lundi 10 octobre 2016

Sérénité (absence de)

Ces dernières semaines, j'avais en tête quelques sujets d'articles à écrire pour ce blogue ; ils étaient pratiquement « écrits » en pensée. Il me manquait le temps ou la disponibilité pour les rédiger et les publier...

Mais, en ce moment (et je ne vois pas encore comment la situation pourra s'améliorer à court ou à moyen terme), je n'ai pas la sérénité nécessaire pour écrire quoi que ce soit. Cela ne servira sans doute pas à grand chose que je le dise ici, mais il me fallait le dire, quelque part.

jeudi 7 juillet 2016

Il y a sept ans, Alexander...

Dans quelques heures, soit vers 14 heures, heure de Londres, il y aura sept ans, ce septième jour du septième mois, qu'Alexander a rendu son dernier souffle et qu'il a regagné son étoile...

Je ne sais pas comment la famille soulignera ce septième anniversaire de son départ, puisque je n'ai plus de nouvelles de qui que ce soit de l'entourage d'Alexander. Je peux toutefois m'imaginer la famille rassemblée dans cette petite église, autour du caveau familial, près de tant d'autres membres de la grande famille dont le nom est gravé dans la pierre avec la date de leur arrivée et celle de leur départ.

Pour m'associer en pensée et de tout mon coeur à leurs prières, je me rappellerai la commémoration du premier anniversaire de son départ.


J'ai confiance qu'Alexander aura enfin trouvé la paix, la sérénité, l'amour et la joie. J'aimerais pouvoir penser que ses proches, n'oubliant pas son amour, ont pu trouver un peu de paix, de sérénité et de joie de vivre.

mardi 10 mai 2016

Émotions !


Il y a près de deux semaines (le 28 avril, précisément), Rupert avait rendez-vous, tôt le matin, à sa clinique vétérinaire, pour y subir une chirurgie que je n'ai pas voulu nommer devant lui. Comme il devait y passer la journée, j'avais apporté de la nourriture pour deux repas, au cas où il aurait envie de manger après l'anesthésie et la chirurgie. Pour éviter qu'il soit trop dépaysé au réveil, j'avais aussi pris l'une de ses couvertures et le t-shirt avec lequel j'avais dormi la nuit précédente.

Pour être sûr d'arriver à temps à son rendez-vous, j'avais appelé un taxi, en précisant que j'étais accompagné d'un jeune chien qui n'était pas petit mais pas gros non plus. Avant même que nous ayons le temps de nous installer, le chauffeur a commencé à être désagréable, en disant par exemple : « Il n'a pas l'air de prendre souvent des taxis, votre chien. » Je lui ai répondu qu'en effet, il ne prenait pas un taxi chaque matin pour aller au bureau, que ce n'était pas la première fois, mais que ce matin-là, il se sentait un peu bousculé et montrait un peu de résistance à monter dans une voiture... Le chauffeur a continué en disant que, normalement, les gens qui ont des chiens ont un petit tapis pour y asseoir l'animal sur la banquette, alors que j'avais Rupert sur mes genoux... Et il continuait ainsi... Il m'arrive rarement de m'impatienter avec des gens qui me servent, mais ce chauffeur commençait drôlement à m'énerver avec ses leçons et ses commentaires. Je lui ai dit que, malgré son jeune âge, Rupert était monté déjà à quelques reprises dans une voiture et que nous n'avions jamais eu affaire à un chauffeur aussi hautain et désagréable, que j'avais précisé que j'aurais un chien avec moi et que s'il n'avait pas envie d'avoir un chien dans sa voiture, il n'avait qu'à laisser quelqu'un d'autre répondre à l'appel. J'ai ajouté que je n'avais jamais eu affaire à un chauffeur aussi grincheux et que la prochaine fois j'appellerais une autre compagnie...

À la clinique, nous avons été accueillis par une jeune technicienne très sympathique qui nous a ouvert la porte (la clinique n'ouvrait qu'une heure plus tard, mais pour la chirurgie, nous avions rendez-vous plus tôt). Elle a pesé Rupert : 19, 6 kilos. Elle m'a fait remplir un petit questionnaire pré-chirurgie, je lui ai laissé Rupert, qui n'a pas fait d'histoire... Elle m'a dit qu'on m'appellerait en après-midi, quand Rupert serait assez bien réveillé pour pouvoir marcher. Je suis rentré chez moi où, voulant profiter de l'absence de Rupert, je m'étais préparé un programme assez chargé pour la journée.

Arrivé à la maison, j'ai trouvé l'appartement si vide, sans âme ! J'avais l'impression d'être abandonné par quelqu'un que j'aimais... J'ai préparé mon petit déjeuner et, avant même que je l'aie terminé, la clinique m'appelait pour me demander, pendant qu'il était encore endormi, la permission d'enlever à Rupert deux dents de lait qui n'étaient pas encore tombées ; permission accordée. Puis, peu de temps après, autre appel de la vétérinaire : en déplaçant Rupert, elle avait entendu un craquement aux hanches ; elle suggérait de faire des radiographies et, donnant encore une fois mon autorisation, même si à chaque appel je sentais s'allonger le montant de la facture... Elle m'a donné rendez-vous au début de l'après-midi pour regarder avec elle les radiographies. Il n'était donc plus question que j'entreprenne quoi que ce soit chez moi, que je n'aurais pas eu le temps de terminer.

En me montrant les radiographies, elle m'expliquait les problèmes d'articulations constatés chez Rupert, qu'il faudrait prévenir l'éleveur de ce défaut congénital, et annonçait la nécessité de procéder assez rapidement à une intervention délicate, au cours de laquelle il faudrait casser des os de Rupert et les ressouder, opération qui ne pouvait être faite que par un chirurgien spécialisé, et dont le coût représentait une importante partie de mon revenu annuel. Je lui ai dit que je n'avais pas cet argent et que, si cette opération devait se faire, je devrais me séparer de Rupert... Elle m'a alors proposé de se renseigner sur les alternatives, sur les modalités de paiement, etc., et qu'elle me rappellerait.

Rupert n'était pas encore très bien réveillé, mais j'ai pu le voir. Je me suis approché de la cage où il dormait sur mon t-shirt, sa couverture près de lui ; en me sentant arriver, il s'est approché et, entre les barreaux, nous avons pu nous faire un baiser... J'étais encore à la réception de la clinique lorsque sa vétérinaire m'a téléphoné pour me transmettre la bonne nouvelle : le chirurgien spécialisé lui a dit que l'opération n'était pas nécessaire, que les radiographies montraient une conformation tout à fait normale chez un bulldog... Ouf ! Mais la vétérinaire et le chirurgien suggéraient de donner dès maintenant à Rupert des suppléments alimentaires (vendus à la clinique au prix du caviar) pour maintenir en bonne santé ses articulations.

Je suis parti pour rentrer chez moi en disant que je reviendrais chercher Rupert à la fin de la journée, car je voulais réaménager son petit parc pour lui faciliter les déplacements après la chirurgie (il devait éviter durant quelques semaines de grimper, de sauter, de trop courir) car, depuis plusieurs semaines, il dort sur le canapé ; en rendant son parc plus accueillant, je pensais qu'il serait heureux de s'y installer. Mais en sortant de la clinique, j'étais épuisé, lessivé ; je cherchais à éviter tout ce qui ressemblait à un drain, une bouche d'égout, car je sentais qu'en passant trop près, je m'y serais coulé pour y disparaître à jamais... Je suis entré dans une rôtisserie pour y manger un sandwich (et rapporter à la maison un poulet déjà bien rôti). Et, avant d'arriver à la maison, je me suis arrêté dans une pâtisserie sympathique pour y prendre un dessert et un café ; sans cela, je ne sais dans quel état je serais rentré chez moi.

Je me suis empressé de réaménager le parc de Rupert et, voyant l'heure passer et ne me sentant pas très fort pour retourner à la clinique y prendre Rupert, j'ai téléphoné en leur demandant de le garder pour la nuit. On me l'avait offert, tout en ajoutant qu'il est préférable que le chien rentre chez lui le jour même, lui évitant un surplus de stress inutile. J'étais bien conscient de ce stress, mais j'en ressentais moi-même une bonne dose, et je craignais de ne pas savoir quoi faire si Rupert se plaignait durant la nuit ; de toute façon, je me sentais si démuni que je n'aurais pas vraiment été d'un grand soutien pour Rupert.

J'ai passé la soirée à travailler sur quelques documents en cours puis, un peu plus tard que d'habitude, je suis allé me coucher, le cœur gros, les yeux au bord des larmes. Rupert me manquait ! Et je me sentais un peu coupable d'avoir laissé porter atteinte à son intégrité. Je me demandais s'il ne me le reprocherait pas dans les jours, les semaines à venir...

Depuis, je veille à ce qu'il n'ouvre pas la cicatrice... J'ai parfois l'impression, lorsqu'il me regarde droit dans les yeux avec un petit air triste qu'il me demande ce qu'il lui est arrivé... Il est de plus en plus affectueux, reste plus souvent près de moi, comme sur la photo ci-dessus où il regarde ce qui se passe sur l'écran de mon ordinateur, et il dort plus souvent à mes pieds lorsque je travaille, comme s'il ne voulait plus me quitter.

mardi 7 juillet 2015

Que vais-je devenir sans lui ?

 

J'entends encore, j'entends toujours la voix de notre amie, Dr Jane, qui m'appelle de Londres, au milieu de la matinée, heure de Montréal, pour m'annoncer que, quelques minutes plus tôt, Alexander, notre Petit Prince merveilleux, vient de repartir sur son étoile. Je reconnais la voix de Dr Jane, j'entends les mots qu'elle essaie d'articuler à travers les sanglots, mais cette conversation au-dessus de l'Atlantique a quelque chose d'irréel. L'un comme l'autre ne pouvons croire à la réalité de ce départ et, puisque la conversation a lieu au téléphone, il faut bien essayer de prononcer des mots intelligibles. Dr Jane me donne quelques détails qui visent, je suppose, à me faire comprendre la terrible nouvelle. Nous sommes effondrés. Je demande à notre amie : « Mais, Jane, qu'allons-nous devenir sans lui ? ». Elle ne sait pas plus que moi et son angoisse me confirme que nous vivons bien le même événement : le départ d'Alexander, qui venait à peine d'avoir vingt sept ans.

Six ans plus tard, je ne sais plus ce que Jane est devenue : je n'ai plus de ses nouvelles depuis un moment, et je crains le pire... Quant à moi, plusieurs fois par jour, et surtout la nuit, l'angoisse qui m'étreint me fait comprendre que je n'ai toujours pas trouvé de réponse à la question qui sans cesse se pose : « Que vais-je devenir sans lui ? »


Il n'y a pas très longtemps, l'un de mes frères est décédé. Il habitait à plus de cinq cents kilomètres de Montréal. Je suis allé rejoindre la famille, les parents, les amis, venus de partout au Québec, et peut-être aussi d'ailleurs, pour lui rendre un dernier hommage. Il y avait énormément de monde. J'ai rencontré au salon funéraire de nombreuses personnes que je n'avais pas revues depuis... de très nombreuses années, dont quatre de mes enseignants à l'école primaire et à l'école secondaire... J'ai retrouvé avec émotion des neveux qui sont beaux, et dont je suis fier.

À l'église, le prêtre qui présidait la cérémonie était un ami d'enfance de mon frère décédé. C'est dire qu'il connaissait bien la famille et les amis... À la fin de la cérémonie religieuse, au moment de bénir le cercueil, le prêtre a invité les frères et sœurs du défunt à venir de chaque côté de celui-ci et de bénir chacun notre tour celui que nous allions mettre en terre. L'émotion était déjà très grande dans l'église, mais elle fut à son comble pour moi et pour mes frères et sœurs, je n'en doute pas. 

C'est là, autour de la dépouille de mon frère, que j'ai compris à quel point il est important d'être présent pour dire un dernier adieu à ceux qui nous quittent... ce que je n'avais pas pu faire pour Alexander, puisque les funérailles avaient lieu en Angleterre et que j'étais à Montréal. Pendant plusieurs minutes, dans cette église à l'est du Québec, près du golfe Saint-Laurent, j'ai eu le sentiment que c'était l'écorce d'Alexander qui était là devant moi, que j'allais bénir. J'ai failli éclater en sanglots mais, en même temps, j'ai senti une certaine paix s'installer en moi, comme si je venais enfin, presque six ans plus tard, d'être sur le quai du départ d'Alexander...

Quand mon amie Danielle est décédée en novembre dernier, il n'y a pas eu de funérailles, ni autre rituel. J'ai eu le sentiment, au cours de cette cérémonie religieuse, que je pleurais et saluais à la fois Alexander, Danielle et l'un de mes frères.

 

 Le chiffre 7

À plusieurs reprises, dans sa correspondance, notre amie Jane me disait à quel point elle en était venue à détester ce chiffre sept, Alexander étant décédé le 7 du septième mois... J'ai toujours considéré le chiffre sept comme mon chiffre chanceux et, même si le départ d'Alexander a eu lieu un 7 juillet (2009) et que ce départ est la pire chose qui me soit arrivée dans la vie, dont je ne me remets pas, je ne peux pas renier le chiffre qui, malgré tout, est celui qui m'est le plus significatif. Depuis de très nombreuses années, j'ai pu vérifier que le chiffre sept était présent dans de multiples événements de ma vie... et cela se vérifie davantage encore depuis le départ d'Alexander. Plusieurs fois par jour, ce chiffre revient d'une façon ou d'une autre... Certains pourraient penser que, n'aimant pas ce chiffre, Alexander, s'il voulait me faire signe, aurait recours à une autre chiffre ; je pense au contraire que, à supposer que ce soit le cas, il choisirait plutôt le chiffre qui signifie quelque chose pour moi et que, ne craignant plus rien pour lui, il peut désormais, pour me « parler », adopter mon chiffre...

L'an dernier, pour le cinquième anniversaire du départ d'Alexander, j'avais décidé, en plus de nos rituels de roses et de bougies, de prendre congé et de faire quelque chose pour Alexander et moi : une longue promenade au parc, une excursion en bateau sur le fleuve, ou je ne sais trop quoi d'autre... Mais la journée était difficile et je ne me décidais pas à partir... En début de soirée, j'ai finalement décidé que j'irais au cinéma ; j'ai regardé l'heure : il était précisément sept heures. J'allais manger et j'irais au cinéma en fin de soirée. Nous étions donc le septième jour du septième mois 2014 ; si l'on additionne les chiffres de l'année, on obtient sept : 7-07-07...

Le seul film qui me semblait intéressant, ce soir là, c'était Belle, un film britannique basé sur une histoire vraie et qui se déroule dans le milieu de la noblesse anglaise du XVIIIe siècle. J'ai pris le métro et je me suis rendu au cinéma un peu à l'avance. Je suis passé au guichet pour payer ma place ; le caissier me donne mon ticket en me disant : « Salle numéro sept. » J'ai encore pas mal de temps avant le début de la séance, mais je veux aller voir où se trouve la salle numéro sept. Je suis seul dans ce lobby qui donne accès à plusieurs salles. Je m'approche de la salle numéro sept. À l'entrée de la salle, il y a une grand affiche annonçant un film à venir, un film de Disney intitulé... « Alexander » (j'ai pris quelques photos). Je me décide à entrer dans la salle : il n'y a personne. J'ai le choix des places ; je m'installe vers le milieu de la salle, qui n'est pas très grande, au milieu de la rangée. J'écoute de la musique en attendant l'heure de la projection. Quelques minutes avant l'heure prévue, trois ou quatre autres personnes arrivent et vont s'asseoir plus loin, derrière moi. Je constate que les sièges sont numérotés ; par curiosité, je vérifie le numéro du mien : sept. Je compte les rangées depuis l'avant : je suis assis à la septième rangée... Nous sommes donc le septième jour du septième mois 2014 (2+0+1+4=7) ; je suis assis dans la salle numéro sept, septième rangée, siège numéro sept !

« Et maintenant, bien sûr, ça fait six ans déjà... »

« Heaven's Trail », Ireland

« Et maintenant, bien sûr, ça fait six ans déjà... »
Saint-Exupéry, Le Petit Prince

J'ai pourtant déjà raconté cette histoire.
Mais je ne me suis pas consolé.

Parfois, je suis heureux en pensant à lui. « Et toutes les étoiles rient doucement. »

« Et aucune grande personne ne comprendra jamais que ça a tellement d'importance ! » Le Petit Prince

dimanche 7 juin 2015

D'étoile en étoile... Alexander


« Rien ne ressemble à une âme comme une abeille,
elle va de fleur en fleur comme une âme d'étoile en étoile,
et elle rapporte le miel comme l'âme rapporte la lumière. »
Victor Hugo

Il y a aujourd'hui 71 mois qu'Alexander a regagné la sienne...
C'était hier, c'était... il y a des siècles !

samedi 7 mars 2015

Le Paradis perdu

S'il était exagéré de dire qu'Alexander était à lui seul mon « Paradis perdu », il est à peine suffisant de dire qu'Alexander est et sera toujours pour moi le meilleur guide et le meilleur accompagnateur que j'aurai pu avoir dans cette vie... En perdant sur cette terre mon meilleur guide et compagnon de route vers ce Paradis à peine entrevu, il est fort peu probable que j'atteigne seul ce lieu magnifique où règnent en permanence la beauté, la douceur de vivre, où les sens se marient parfaitement aux joies de l'esprit pour favoriser cet état de bien-être total que l'on peut appeler « bonheur »...

samedi 28 février 2015

Chat noir et nuit blanche

Il m'arrive encore très souvent de ne pas pouvoir dormir la nuit, comme du temps où j'attendais des nouvelles d'Alexander qui était hospitalisé. Son état de santé ne s'améliorait pas, mais certaines nuits étaient plus difficiles et plus inquiétantes que d'autres. Lorsque la fièvre consentait à diminuer et que d'autres symptômes se faisaient plus discrets, c'était en soi une bonne nouvelle. Je restais pratiquement toujours devant ou à côté de mon ordinateur et de mon téléphone, même la nuit. Je n'aurais pas voulu me réveiller un matin et me rendre compte que l'on avait tenté en vain de me joindre ; au moment d'aller dormir, puisqu'il le fallait bien, je conservais l'ordinateur ouvert à côté de moi. Épuisé, je finissais à un moment donné par tomber de sommeil, et je me réveillais souvent en sursaut pour vérifier si j'avais reçu des messages... C'était il y a cinq ans...
Ces derniers mois, au moment d'aller dormir, je sens la même anxiété s'installer lentement en moi, comme si je revivais ces semaines, ces mois d'inquiétude au sujet d'Alexander. Je dois parfois rallumer la lampe, essayer de m'intéresser à quelque chose qui ne soit pas « contaminé » par l'inquiétude, mais ça ne fonctionne pas toujours, comme si le lit lui-même était trop associé à l'inquiétude, à l'anxiété, à l'angoisse, et cela depuis mon enfance. D'ailleurs, quand Alexander était malade, et longtemps après son départ, je dormais par terre dans le couloir, entre ma chambre et le salon ; j'avais ainsi l'impression, en me couchant par terre au lieu de m'installer dans un lit confortable, de tromper la peur de mourir.
Quand je réussis à me laisser tomber dans les bras de Morphée, je dors généralement quelques heures, au moins ; je n'ai plus besoin de rester en alerte : aucune nouvelle, bonne ou mauvaise, ne risque de m'arriver au cours de la nuit. On m'appelle rarement le jour, sauf pour affaires, et on ne m'écrit plus la nuit... À quatre heures et demie ce matin, n'ayant pas fermé l'œil de la nuit, je me suis relevé et je suis revenu au salon avec l'intention de m'occuper plutôt que de m'énerver en essayant de trouver un sommeil qui ne vient pas. Je suis pourtant fatigué...

Je suis allé lire le plus récent billet de Dr CaSo qui, devant bientôt partir en Europe, s'inquiète de devoir laisser son chat noir, sa Câlinette, en pension chez une amie durant tout un mois. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à Alexander, pourtant malade, qui ne voulait pas aller à l'hôpital pour quelques jours en laissant derrière lui son Siamois malade aussi. Fidèle à lui-même, Alexander songeait d'abord à son engagement envers les autres avant de penser à sa santé ; ayant promis que, le jour venu, il serait là pour faire ses adieux à son Harry, il ne voulait surtout pas que Harry parte sans être là pour l'accompagner... J'ai laissé chez Dr CaSo un commentaire rappelant cette fidélité d'Alexander à ses engagements, à ses promesses, aux êtres qu'il aimait... Mais la situation n'est pas la même : Dr CaSo est en santé, tout comme sa Câlinette. Cela n'empêche pas que les séparations, même brèves, peuvent êtres déchirantes.

lundi 22 décembre 2014

Le 22 décembre 2008 - il y a exactement six ans - Alexander prenait la route pour se rendre chez sa grand-mère, dans la région de Cumbria, de Lakes District, au nord de l'Angleterre, pour y fêter Noël avec une partie de sa famille. Je me souviens de ce jour comme si c'était hier ; je me souviens des moindres détails de notre conversation de ce matin-là, comme je me souviens pratiquement de chaque instant de cette journée, des messages échangés avec notre meilleure amie qui s'inquiétait parce qu'Alexander ne répondait pas à son téléphone mobile, pas plus que le chauffeur ne répondait au téléphone de la voiture (Alexander, qui n'avait sans doute pas beaucoup dormi de la nuit, avait fermé la sonnerie de son téléphone et demandé au chauffeur de faire de même).

Après que la voiture eut quitté l'immeuble qu'Alexander habitait à Londres, le gardien avait téléphoné à notre amie, au nord-est de l'Angleterre, pour l'aviser que la voiture venait de partir, mais qu'un peu plus tôt, Alexander avait eu un petit accident... Jane s'en était inquiétée et avait voulu savoir ce qu'Alexander m'en avait dit. Il ne m'en avait pas dit grand-chose ; il avait sans doute voulu m'en parler mais, pensant qu'il s'était simplement levé en retard, je n'avais pas posé de question... Inutile de dire que nous étions tous soulagés quand, après quelques heures de route, Alexander était arrivé chez sa grand-mère ; celle-ci avait fait préparer du thé et un léger goûter qu'elle allait partager avec Alexander. Après quoi, me disait Jane qui venait de parler au téléphone à la grand-mère, Alexander allait m'écrire pour me dire qu'il était bien arrivé, me décrire sa chambre si bien aménagée pour lui, son chat Harry et son inséparable ami Alexander Bull.

Alexander était heureux de retrouver sa grand-mère, de l'aider dans ses derniers préparatifs pour la grande réception du réveillon... Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il avait l'intuition, dont il ne voulait pas vraiment parler, que ce serait le dernier Noël qu'ils allaient passer ensemble. Il m'avait pourtant dit : « L'an prochain, tu ne seras pas seul ; tu seras avec moi dans ma famille. » Mais, dans les jours suivants, je sentais qu'il était encore plus attentif à tout ce qui l'entourait : la couleur du ciel dans la campagne anglaise, la forme et le mouvement des nuages, la danse des flocons de neige dans l'air froid... Il avait pris une voiture, chez sa grand-mère, une grosse voiture qui tient bien la route et, avec son ami Alexander Bull, il était parti explorer la campagne des environs. Il avait roulé longtemps, comme il l'avait fait à moto quelques mois plus tôt, puis il s'était arrêté dans le vieux pub d'un petit village où il avait pris du thé et du pain d'épices, et il s'était joint aux gens du coin qui, la bonne bière aidant, chantaient en chœur de vieilles chansons anglaises... Même Alexander Bull, qui ne voulait rien manquer, chantait avec eux... Puis il s'était installé au vieux piano et avait joué quelques airs avant de reprendre la route.

Il était rentré fatigué mais assez content de cette longue randonnée dans la campagne anglaise sous la neige. Il avait repris du thé et quelques bonnes choses puis il était monté à sa chambre d'où il m'avait écrit avant de se mettre au lit sans attendre le dîner... (Alexander Bull était monté avec lui mais, dès qu'il a senti les bonnes odeurs de la cuisine, il était redescendu pour surveiller la préparation du dîner). Je ne sais pourquoi, mais j'avais aussi l'impression qu'Alexander savourait chacun de ces moments comme s'ils n'allaient pas revenir, comme s'il sentait qu'il ne serait plus là pour les revivre au Noël suivant...

Tout cela est bien gravé dans ma mémoire, et surtout dans mon cœur. Ces images, ces mots, ne me quittent jamais, mais ils sont plus douloureux encore durant ces jours qui précèdent Noël, et plus particulièrement en ce 22 décembre... Quand donc les oublierai-je ? Jamais ! C'est un « jamais » tout relatif, qui ne concerne que moi, bien sûr. Mais tant que je vivrai, ce passé sera présent, et jusqu'à mon dernier souffle Alexander sera vivant.

samedi 6 décembre 2014

Désespérance

Dans les mois qui ont précédé son départ (je pourrais pratiquement, par cœur ou de mémoire, donner la date et l'heure de cette conversation), Alexander me disait qu'autour de lui la lumière n'était plus la même : les gens qui circulaient autour de lui, les maisons, les rues, les monuments, étaient les mêmes que la veille, mais l'éclairage en était différent, et il ne semblait plus reconnaître les liens familiers, affectueux, que la veille encore il entretenait avec eux.

J'étais attentif à ce qu'il me disait, mais bien plus encore aux émotions qui accompagnaient ces mots ; il n'avait pas besoin de me faire un dessin. J'avais d'autant plus de mal à trouver les mots justes que j'étais moi-même ébranlé par cette perception nouvelle qu'il exprimait, et surtout par ce qu'il pouvait ressentir. J'avais mal, mais je ne voulais pas le lui laisser sentir ; ce qui était pratiquement impossible, car Alexander devinait, sentait, ressentait tout ce que je pouvais penser ou ressentir. Un jour que j'étais angoissé et que je l'avais écrit à notre amie, « docteur Jane », elle m'avait immédiatement répondu : « Non, Alcib, je vous en prie, ne soyez pas angoissé, car Alexander le sentira. Imprégnez-vous de son amour pour vous ; exprimez-lui tout l'amour que vous avez pour lui mais, je vous en prie, ne soyez pas angoissé ».

Ai-je su trouver les mots, ce jour-là, pour le rassurer ? Je n'en sais rien. Peut-être pas si je ressens aujourd'hui encore toute la douleur de cette conversation. Je crois tout de même avoir réussi à l'apaiser en l'assurant que, moi, je n'avais pas changé, que j'étais là, avec lui, et que j'y serais encore le lendemain, les jours, les mois suivants, pour toujours, et que ni les nuages, ni les orages, ni quoi que ce soit, n'empêcheraient mon amour pour lui de grandir jour après jour.

J'ai aussi l'impression, ces jours-ci, que la lumière a changé, que l'éclairage sur les gens et sur les choses qui m'entourent, et sur tout ce qui compose ma vie intérieure, n'est plus le même. Et je ne sais à qui le dire, sinon à ce carnet que j'écris peut-être sur le sable du désert... Si au moins j'avais l'espoir d'y rencontrer un aviateur tombé du ciel sur son lourd engin, conversant avec un Petit Prince venu d'une autre étoile !


Mon amie Danielle, à qui je pouvais tout dire et qui, toujours, savait me faire sourire en parlant d'une certaine astéroïde, dans le voisinage de la B 612 ou Bésixdouze , est elle-même en route vers son étoile dans le ciel. J'espère que le voyage ne sera pas trop long ni trop difficile. Une autre amie merveilleuse, qui a connu son lot de difficultés ces deux ou trois dernières années, ne répond pas à mes demandes de ses nouvelles. Le silence en a enrobé un certain nombre d'autres, et ce n'est certes pas moi qui suis en droit de le leur reprocher.

Ces dernières semaines, de sérieuses inquiétudes ont monopolisé mon attention. Certaines conversations, certaines consultations, m'ont depuis partiellement rassuré. Certaines choses ont changé qui me forcent à modifier des habitudes de vie et, en soi, ce n'est pas réjouissant. L'automne tire à sa fin ; l'hiver est déjà à nos portes, mais ce n'est pas ce qui me préoccupe. Au delà des saisons, des températures plus froides et des périodes d'ensoleillement, quelque chose a changé en moi. Je ne reconnais plus avec ce qui m'entoure les liens familiers ; je ne me reconnais plus vraiment moi-même.

Après des semaines de stress, voici le temps de la détresse... Pourtant, la vie continue, comme si je n'y étais pas, et comme l'écrivait André Gide, « je reste seul sur la banqueroute de ma désespérance. »

lundi 24 novembre 2014

Des hauts... et des bas

Les mots viennent parfois aisément pour exprimer clairement ce qui est bien conçu... J'aimerais pouvoir exprimer simplement ce que, de toute évidence, je ne conçois pas bien ; les mots qui se présentent en voulant me servir s'en retournent penauds d'être venus inutilement.

J'aimerais pouvoir énoncer en quelques lignes les raisons de mon long silence, mais je ne suis pas sûr d'y arriver.

Les trois derniers mois ont été pour moi bien remplis... J'ai assumé la responsabilité de quelques dossiers qui m'ont sans cesse tenu en haleine pratiquement tout le temps, sans beaucoup de répit. Les gens autour de moi ne cessent de me féliciter et de me remercier pour le travail accompli et les résultats obtenus ; je crois que ce qui les impressionne le plus, c'est rapidité avec laquelle j'ai su comprendre la complexité de la situation et proposer les solutions les plus appropriées. Je ne l'ai pas fait pour impressionner qui que ce soit ; je suis moi-même, non pas très surpris de ma « performance », mais plutôt étonné de voir le chemin parcouru en si peu de temps et les résultats obtenus dans des domaines où je ne connaissais rien la veille.
Mais tout cela a un prix. Au bout de quelques semaines, je me suis rendu compte que j'étais épuisé par les heures de travail, par la tension constante qui me tenait. Il aurait fallu y aller plus modérément mais, à mon avis, les circonstances ne le permettaient pas.

De petits problèmes de santé sont apparus peu à peu... Puis des problèmes informatiques que nous n'arrivions pas à régler... Pour agrémenter le tout, j'ai perdu un bon montant d'argent dont j'avais pourtant bien besoin dans l'immédiat. Quand je dis « perdu », c'est au sens propre : j'ai retiré une somme d'argent, que j'ai mise dans mes poches pour rentrer chez moi, sans m'arrêter en chemin. Or, en rentrant chez moi, j'ai constaté que je n'avais plus cet argent sur moi : il a dû tomber sans que je m'en aperçoive et... permettre à quelques étudiants du quartier de s'offrir quelques fantaisies... à ma santé (qui aurait bien besoin de ce soutien moral).

Justement, sur le plan de la santé, je n'ai cessé de me faire annoncer des mauvaises nouvelles. Alors que je me sentais bien en allant passer des examens de routine, je suis rentré à chaque fois avec une mauvaise nouvelle, chacune d'entre elles contribuant à miner mon moral... et mes espoirs de réaliser un certain nombre de choses. Je dois dire qu'en ce moment, je ne sais pas trop ce qui m'attend. 
Ce dimanche après-midi, voulant me faire rassurer un peu, j'ai raconté à l'une de mes voisines qui travaille dans les hôpitaux et qui, sans être médecin, connaît bien la médecine, mes dernières consultations. Au lieu de me rassurer, elle a plutôt accentué l'importance d'agir rapidement. Si je l'avais écoutée, je ne serais pas assis devant mon ordinateur en ce moment, mais plutôt allongé sur une civière aux urgences ou, si j'avais de la chance, sur un lit du même hôpital. Je ne prends pas à la légère ses recommandations, mais j'ai des rendez-vous ce lundi et mardi ; je vais tenter d'attendre à mercredi pour me rendre à l'hôpital... à moins que d'ici là quelqu'un (mon médecin, ou un autre) insiste pour que je m'y rende immédiatement.

Et, à travers tout cela, j'ai perdu il y a quelques jours ma merveilleuse amie et complice Danielle, ma voisine au grand coeur, ma sorcière bien aimée, ma voyante, mon guide aussi bien à travers le passé lointain ou immédiat que vers l'avenir, ma confidente de tous les instants, un membre de notre famille choisie que j'espérais croiser chaque fois que j'ouvrais ma porte, l'ange qui sans cesse me parlait d'Alexander car elle savait que notre rencontre avait des origines très lointaines, du temps d'Alexandre le Grand et au delà... Elle est allée le rejoindre.
Elle pouvait m'appeler à trois heures du matin pour aller prendre un café (il m'est arrivé de me retrouver, en pleine nuit, en pyjama, au café du coin)... Elle me cuisinait de bonnes choses ou bien elle me rapportait un sandwich quand elle allait faire une course rapide... Toujours elle m'adressait des petits mots, poétiques, lumineux... souvent sur des cartes qu'elle avait elle-même fabriquées de ses mains.

Danielle
Étoile du Nord - département des Anges

samedi 22 novembre 2014

Je suis vraiment désolé...


 ... de vous avoir fait attendre.

Je reviens très bientôt.

dimanche 3 août 2014

Anniversaires du 3 août

C'est aujourd'hui l'anniversaire de naissance de ce poète anglais, magnifique de bien des façons - et notamment pour sa poésie - et qui de plus a pour moi valeur de symbole, Rupert Chawner (Chaucer) Brooke, né le 3 août 1887, à Rugby (ville du nord de l'Angleterre que les amateurs de cette sorte de football devenu le rugby doivent connaître).
 Avant d'apprendre à le connaître mieux à travers mes conversations avec Alexander, j'avais entendu parler de ce poète, que Yeats considérait comme « le plus beau jeune homme d'Angleterre ». Je me souviens notamment que dans un des premiers films hollywoodiens à traiter sans répugnance l'homosexualité, Making Love, sorti en 1982, l'année de naissance d'Alexander, il était question de ce poète anglais. Alexander et moi avions parlé de lui dès nos premières conversations en direct ; nous avions surtout évoqué, à ce moment-là, l'un de ses poèmes les plus connus, The Soldier.
Trois mois exactement après le départ d'Alexander, un ami avait découvert ce blogue par hasard et, à travers mes mots, il avait reconnu cet ancien camarade d'école devenu un ami. Alistair avait tellement été séduit par Alexander Bull qu'il avait voulu en avoir un semblable ; il était allé chercher Douglas chez le même éleveur. Alistair est immédiatement devenu l'un de mes amis ; il m'a écrit tous les jours, jusqu'au 10 décembre 2009. Alistair était comme un petit frère d'Alexander ; il m'a envoyé de nombreuses photos qu'il faisait, superbes, que je conserve précieusement, notamment les photos de Douglas, le jeune et magnifique bulldog. Deux jours plus tard, il a connu une fin tragique, que je n'arrive pas à oublier non plus. Dans l'un de ses messages, il m'avait écrit avec fierté qu'il était en train de relire les Lettres d'Amérique, de Rupert Brooke.
En janvier 2010, un autre jeune Britannique, né au Pays de Galles mais vivant désormais à Londres la plupart du temps, découvrait aussi par hasard ce blogue et reconnaissait Alexander dans ce que j'écrivais. Lui aussi avait tenu à me dire qu'il connaissait le nom de ce garçon dont je pleurais la perte, qu'il l'avait aperçu à quelques reprises lors de déplacements dans la ville, et reconnu. Alexander le Gallois, de l'âge d'Alexander, est devenu aussi un ami précieux, dont je n'ai plus de nouvelle depuis son départ pour une excursion en Écosse, pour aller voir un petit arbre qu'il y avait planté et qui avait pour lui une signification particulière. Il me manque énormément, mais j'ose espérer qu'il est revenu de cette excursion, avec Maurice son chien fidèle et ami, et que son silence ne concerne que moi. Ensemble, nous avions évoqué un autre poème de Rupert Brooke, The Old Vicarage, Grantchester.
Ce petit village de Grantchester a souvent été un lieu de villégiature pour les étudiants de l'université de Cambridge, à proximité. La poésie anglaise lui doit beaucoup. 



Vous trouverez ici les paroles, en anglais et en français, de cette chanson de Pink Floyd.

* * * * *

Je dois à de nombreux écrivains un très grand nombre de mes découvertes, de mes joies, de mes plaisirs, de mes révélations, de mes prises de conscience, de mes émerveillements, etc. Certains de ces écrivains ont eu sur ma vie, sur ma pensée, sur ma façon de concevoir le monde, une influence considérable. Mais il y a peu de ces écrivains à qui j'aie vraiment eu envie de dire, d'écrire mon admiration, la place qu'ils ont prise dans mon panthéon, dans ma vie. Michel del Castillo est de ceux-ci.


Il m'a fallu de très nombreuses années pour me « résigner » à entreprendre la lecture de l'un de ses livres. Un ami m'avait parlé de lui il y a très longtemps, à un moment où je n'avais pas encore beaucoup lu. Cet ami, qui a échangé une correspondance avec Michel del Castillo, me faisait l'éloge de son premier roman, Tanguy. Ce livre parle de l'enfance de l'auteur, à Madrid pendant la guerre, de sa mère qui sera toujours pour lui un personnage énorme, énigmatique, qu'il n'arrive toujours pas à comprendre. Il parle du rejet par son père français. Puis des camps de prisonniers où sa mère et lui finissent par aboutir. Pour s'en échapper, elle n'hésitera pas à laisser derrière lui son fils de six ans... Un auteur au nom espagnol, qui parle de l'Espagne, de la guerre civile, des camps de prisonniers, tout cela n'avait rien pour me séduire. Combien de fois, dans une librairie ou dans une bibliothèque, j'ai ouvert l'un des nombreux livres de Michel del Castillo sans avoir le goût de poursuivre ma lecture. Il aura fallu attendre de tomber, ces dernières années, sur deux de ses récits, fortement autobiographiques : De père français et Le crime des pères. Ces deux livres m'ont bouleversé et, depuis, je veux lire tout ce qu'a écrit Michel del Castillo ; ils m'ont donné la clé pour comprendre et apprécier tous les romans que je n'avais pas envie de lire, et tous ceux qu'il a publiés par la suite.
Je n'hésite pas à dire qu'il y a trois grandes périodes dans ma vie : une trop longue période d'ignorance, d'inconscience, qui correspond à peu près à mes vingt premières années (ça ne se tranche pas vraiment au couteau, mais c'est assez exact pour l'instant). Puis il y a eu la période d'émerveillement, à partir du roman des Amitiés particulières, la découverte de la Grèce et de la Rome antiques, avec tous leurs grands personnages, et plus particulièrement l'empereur Hadrien et Alexandre le Grand, et leur univers respectif. Puis il y a celle, ces dernières années, peu avant de faire la connaissance d'Alexander, de cette période que, sous l'influence de Michel del Castillo, j'appellerais simplement la période du début de la lucidité. L'univers que décrit Michel del Castillo est loin d'être un univers du merveilleux, de la magie, de la beauté, de l'idéal, ... C'est plutôt celui de la vérité, de la réalité telle qu'elle est, de la méchanceté, de la cruauté. Dostoïevski est son maître.
J'ai hésité à parler à Alexander des livres de Michel del Castillo. Je ne voulais pas assombrir sa vision des choses. Et pourtant, il en a connu de ces réalités dramatiques, douloureuses, dans sa courte vie... Mais je lui ai parlé de Tanguy ; c'est le seul roman de cet auteur qu'il ait eu le temps de lire, mais il l'a trouvé très beau, en dépit de cet univers très sombre. Aussitôt après en avoir fait la lecture, il m'a écrit (je résume tout en conservant ses mots) : « Merci énormément de m'avoir parlé de Tanguy... c'est un livre très bouleversant. Plein de mots si terribles et d'autres si plein d'amour. [...] Le monde terrifiant de la guerre qui a permis de laisser s'épanouir un amitié si belle entre Tanguy et Gunther, dans cet enfer du camp de concentration, qui a permis aussi a un religieux d'ouvrir son cœur pour aider cet enfant très meurtri. Et d'autres merveilleux moments que personne, après les avoir lus, ne pourra oublier. Je crois que Tanguy peut être le petit frère de tous ceux qui souffrent de la guerre en ce moment, partout sur la planète. J'espère qu'il y a encore des Gunther et des Père Pardo pour les aimer et les soutenir. Merci Alcib. »

La vie de Michel del Castillo a commencé sur des bases si peu solides que lui-même n'était plus sûr de la date de sa naissance. Il a longtemps cru être né le 3 août 1933, qui est la date que j'ai conservée en mémoire. Mais il aurait constaté, longtemps après être devenu adulte, qu'il serait plutôt né le 2 août 1933 ; il faudra que je noue une ficelle à ma mémoire afin de ne plus oublier.

J'aimerais avoir un jour le courage de lui écrire pour lui dire un peu ce que je lui dois.