mercredi 30 novembre 2016

Chien à vendre ?

L'été a été assez difficile pour Rupert et pour moi, en raison surtout des longues périodes de grande chaleur aggravée par un fort taux d'humidité. Montréal est une île : le fleuve et les rivières qui l'entourent ne bénéficient pas de l'air marin qui fait le bonheur des amateurs de bords de mer.

Ni Rupert ni moi ne supportons bien la chaleur, et cet été a été particulièrement chaud. J'ai appris, au fil des ans, à limiter les occasions de m'exposer à la chaleur extérieure, sur les trottoirs chauffés à bloc sous un soleil brûlant. Mais, pour Rupert, c'était son premier été : il voulait être dehors car c'était l'occasion de voir beaucoup d'activité, de rencontrer beaucoup de piétons dont plusieurs s'arrêtaient pour le caresser, de faire la connaissance de nombreux chiens ou de retrouver ses amis. Mais après quelques minutes, il avait du mal à respirer, à se rafraîchir. J'avais beau lui sortir une bouteille d'eau glacée et son bol, cela ne suffisait pas. Il finissait par accepter de rentrer à l'appartement climatisé, où je devais tout de même lui donner des glaçons à croquer... Et, après quelques minutes, quand il commençait à se sentir mieux, il voulait ressortir pour ne rien manquer du spectacle de la rue, pour sentir les fleurs des jardins voisins, pour se vautrer dans l'herbe...

Durant plusieurs jours, j'essayais d'éviter d'aller au petit parc qui a été son premier terrain de jeu, l'endroit où il a rencontré ses premiers amis. Il s'y amusait bien, seul ou avec d'autres. Mais, au moment où je voulais rentrer car j'en avais assez de cuire sous le soleil brûlant, un autre chien arrivait et il n'était pas question que Rupert le laisse seul (l'accompagnateur du chien ne compte pas beaucoup dans ces rencontres canines ; il est plutôt un censeur, un empêcheur de s'amuser en toute liberté)... Et quand, enfin, il n'y avait pas d'autre chien en vue, que j'essayais de ramener Rupert à la maison, il refusait, il me mordillait les talons... Je devinais bien qu'il voulait me signifier sa volonté de rester là, de continuer à jouer, mais je n'aimais pas qu'il me saute sur les jambes ou sur les pieds. J'essayais de lui faire comprendre qu'il ne devait pas faire cela, mais il n'y avait rien à faire. Si j'essayais de l'en empêcher, il insistait, comme s'il croyait que c'était un jeu. Constatant que les paroles et la douceur ne fonctionnaient pas, je devais l'éloigner physiquement de moi, et ce qui devait être une agréable sortie au parc finissait pratiquement toujours par une épreuve de force. J'étais déçu à chaque fois, et lui de même. J'étais mécontent de lui, mécontent de moi. Nous rentrions à la maison en silence. Il allait dormir et, moi, ronger mon frein en attendant de pouvoir me concentrer sur autre chose. Mais, le temps de me calmer, il était déjà prêt à ressortir...

Je sais bien qu'il doit savoir et accepter qu'il n'est pas le maître. Et si je ne l'avais pas su, je l'aurais vite appris, car chacun pense savoir comment éduquer... le chien des autres. Mais je n'aime pas non plus l'idée des rapports d'autorité et d'obéissance. Je suis conscient de n'avoir pas la patience qu'avait Alexander, mais je voulais développer avec Rupert une relation heureuse, harmonieuse, plutôt que basée sur le refus, la privation... Je me rendais compte que Rupert était en pleine adolescence et qu'il me faudrait, en attendant d'avoir recours à un expert en éducation canine, faire preuve de beaucoup de patience... Je dois dire aussi que, passant tout mon temps au service de Monsieur, j'étais de plus en plus frustré de ne pas pouvoir lire ni écrire, d'autant plus qu'à cause de lui, je restais beaucoup plus chez moi qu'auparavant...

Pendant tout ce temps, les admirateurs et admiratrices de Rupert le trouvaient merveilleux - et j'étais tout à fait d'accord avec eux (je n'étais pas obligé de toujours leur confier nos petits problèmes de couple). À plusieurs reprises, des personnes du quartier m'ont fait comprendre que si je voulais un jour me défaire de Rupert, elles seraient très intéressées à l'« adopter ». Puis, un soir, un automobiliste s'est arrêté au milieu de la rue pour contempler Rupert et me poser de nombreuses questions à son sujet ; puis il m'a fait une offre monétaire, très précise, en me laissant sa carte de visite. Je l'ai remercié de son appréciation, mais je lui ai fait comprendre que Rupert n'était pas à vendre... Cet automobiliste, qui habitait la banlieue, passait devant chez moi au moins deux fois par semaine : à chaque fois, il me renouvelait son offre.

Pour être tout à fait honnête, je dois dire que, durant cette période, je me suis demandé si je n'avais pas fait une erreur en adoptant un jeune chien, si je n'avais pas négligé de réfléchir à certaines conséquences, certaines obligations... Je me disais que je n'avais pas de voiture pour conduire Rupert à un cours d'éducation canine, par exemple, ou lui faire faire des promenades, lui faire découvrir de nouveaux lieux, le faire participer à de nouvelles activités... Bref, je me demandais parfois s'il ne serait pas plus heureux ailleurs, dans une famille, par exemple, où il pourrait y avoir d'autres chiens, ou non. Je sais que la séparation aurait été très difficile pour lui et insupportable pour moi ; je m'en serais voulu jusqu'à ma mort... et peut-être au-delà.

Puis, à la fin de l'été, quand les températures ont commencé à devenir plus « civilisées », on dirait que tout est devenu plus facile entre nous, les relations plus harmonieuses, les occasions d'impatience de ma part, plus rares... Rupert a continué de mûrir, et moi à mieux décoder ses envies, ses besoins, à mieux le comprendre... Tout n'est pas parfait : j'ai moi-même à régler un certain nombre de problèmes plutôt agaçants dans ma vie personnelle (il se pourrait, par exemple, que je doive déménager), et le fait de ne pas avoir de voiture limite les occasions de sortir du quartier avec Rupert (cette année encore, je n'irai pas dans ma famille à Noël, pour ne pas laisser Rupert seul trop longtemps, et parce que ce serait vraiment trop compliqué de l'emmener avec moi ; entre eux et Rupert, je choisis Rupert sans hésiter. Ma famille, désormais, c'est d'abord Rupert). Mais Rupert et moi nous comprenons de mieux en mieux. Il sait maintenant, par exemple, qu'après lui avoir donné à manger, je dois prendre le temps de me préparer quelque chose et de le manger ; même s'il aurait très envie d'aller jouer au parc, il sait qu'il doit attendre un peu et il s'occupe. Le matin, et souvent aussi après la sieste de l'après-midi, il adore que je vienne m'asseoir près de lui, que je lui fasse des massages en douceur : nous apprécions tous les deux, parmi d'autres, ces moments de complicité.

À la question posée en titre « Chien à vendre ? », quelqu'un pourrait répondre : « Oui, il y a sûrement, quelque part, un ou des chiens à vendre », mais certainement pas Rupert. D'abord Rupert ne m'appartient pas, il n'est pas « ma propriété », « mon bien » ; il est un être qui partage ma vie ; je l'ai adopté, on me l'a confié. J'en suis responsable et heureux.

mercredi 23 novembre 2016

Rupert pompier ?

Quelqu'un me demandait récemment quelle serait la « profession » de Rupert ou, si l'on préfère, quelle serait sa spécialité. Je ne savais trop quoi répondre, sauf que les bulldogs, en général, en plus d'être de merveilleux compagnons, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur, sont d'excellents chiens de famille et peuvent très bien veiller sur des enfants, et même sur des bébés.

Ce qui me semble certain, c'est qu'il ne sera pas pompier. Jane me disait que, lors de l'incendie de sa maison, peu avant Noël, quelques mois après le départ d'Alexander, Alexander Bull s'était enfui, ayant eu peur du feu et de toute l'agitation causée par l'incendie ; il avait disparu toute la journée... (ce qu'il y avait de rassurant, dans ce cas, c'est que le domaine était immense et que le plus proche voisin était loin : tôt où tard, Alexander Bull reviendrait, se rapprocherait tout au moins des écuries où il comptait de nombreux amis).


Il y avait ce matin, près de chez moi, un incendie important. J'aurais pu prendre moi-même des fenêtres de mon salon ces photos du journal La Presse, mais je ne voulais pas ouvrir les fenêtres tellement la fumée était dense.


 Photos : Patrick Sanfaçon, La Presse

Je n'ai pas voulu aller voir de plus près, sachant que toute cette agitation rendrait Rupert nerveux et, surtout, je ne voulais pas qu'il respire cette fumée. Mais, quelques heures plus tard, Rupert voulait sortir ; je lui ai proposé d'aller au coin de la rue où un grand nombre de curieux, journalistes, pompiers, policiers, etc., jouaient leur rôle respectif.

Rupert a bien consenti à me suivre, mais il était quelque peu craintif... Aussitôt que nous sommes arrivés au coin de la rue, où tout ce monde s'agitait, j'ai vu un policier se diriger vers nous. J'ai d'abord cru qu'il venait me dire que je ne devais pas rester là avec mon chien puis, voyant son expression, j'ai deviné ce qu'il voulait. Il a demandé la permission de prendre quelques photos de Rupert. Celui-ci s'y prêtre parfois de bonne grâce, mais il n'est pas vraiment cabotin : il ne prend pas la pose. Que le photographe se débrouille comme il peut ! Avant qu'il soit aperçu par les nombreuses caméras de télévision, Rupert a insisté pour revenir vers la maison.

Les incendies qui ne le menacent pas directement semblent le laisser froid. Et ces rassemblements de personnes ne l'intéressent pas davantage. Il a préféré retrouver des carrés de neige encore blanche où il pourrait jouer. 

P. S. : Après avoir rédigé et publié ce billet, je me suis souvenu d'un autre billet que j'avais rédigé au sujet d'un incendie dans mon immeuble, en août 2007, intitulé Tout feu tout flamme. Rupert n'était même pas encore un rêve, et Alexander Bull avait pourtant deux ans déjà.

lundi 21 novembre 2016

Première neige...

Hier soir, en sortant Rupert avant qu'il n'aille s'installer pour la nuit, j'ai constaté que la première neige annoncée cet automne tombait sur Montréal. J'ai immédiatement fait un voeu (qui n'a pas vraiment de lien avec la neige elle-même). Rupert a eu l'air un peu surpris, mais il préfère la neige à la pluie : alors qu'il n'a pas envie de sortir sous la pluie, il n'a pas hésité en voyant tomber la neige. Sa première réaction a été d'essayer d'en attraper les flocons...

Ce matin, tout était blanc. J'ai essayé de prendre quelques photos, mais Rupert était trop excité, il n'arrêtait pas de sauter et de courir sur ce nouveau tapis blanc ; je ne sais pas s'il se souvenait de l'hiver dernier... L'appareil n'était pas assez rapide pour capter sa joie. Voici tout de même les deux seules photos qui sont un peu claires, lors de brefs moments de calme :



Quand il est arrivé, il y aura bientôt un an, il découvrait vraiment sa première neige. Je ne dirais pas qu'il en était très excité, mais sa curiosité était visible et amusante.


Rupert est arrivé chez moi le 11 décembre, et je vous l'avais présenté ici, le 18 décembre 2015.