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jeudi 5 avril 2012

Son jumeau a trente ans

Depuis quelques semaines, je pensais à cette date qui arrivait et, plus la date approchait, plus mon anxiété augmentait. Depuis bientôt quatre ans, cet anniversaire est pour moi l'un des plus importants, l'un des plus chers à mon cœur, l'anniversaire de naissance de ce garçon exceptionnel qui m'a invité à faire un bout de chemin avec lui. Hélas, il n'est plus là pour que nous fêtions ensemble l'anniversaire de sa venue sur la terre, mais tous les jours seront pour moi des occasions de remercier le ciel de l'avoir envoyé sur cette planète et placé sur mon chemin.


Il n'aura jamais plus de vingt-sept ans. Mais son jumeau, lui, aura trente ans aujourd'hui. Ce marronnier rose planté par sa mère dans le vaste parc d'une grande maison du Kent n'oubliera jamais non plus ce garçon merveilleux qui, lorsqu'il était enfant, venait partager avec lui son chocolat de l'après-midi, lui raconter des histoires afin qu'il ne s'ennuie jamais, et lui prêter son cache-nez lorsqu'il faisait froid.


Au moment d'écrire ces quelques lignes, je me souviens vaguement avoir rêvé, la nuit dernière, que la grand-mère d'Alexander me parlait du petit garçon qu'il a été et qu'il est pratiquement resté jusqu'à son dernier jour sur cette terre.

lundi 5 avril 2010

Tout rose et vêtu de blanc, beau comme un ange...

Sa « chute » sur la Terre, le 5 avril 1982, s'est faite dans les meilleures conditions, en douceur, comme son départ. C'est à croire que le mot « discrétion » était inscrit dans les étoiles pour lui.

Alexander était pourtant ardemment désiré et attendu. À la maternité où sa mère est arrivée durant la nuit, tout était prêt pour l'accueillir. La chambre elle-même était très jolie, avec des couleurs très douces.

Sa première valise était ouverte sur un canapé, contenant plein de jolis vêtements de laine blanche ainsi qu'un charmant petit lapin tout aussi blanc.


Il n'est pas étonnant qu'il ait tant aimé ces petites bêtes de poil ou de peluche. Il aimait surtout ceux qui ont les oreilles tombantes, comme celui, rose, qui est arrivé chez moi en août 2008, en provenance de Londres et passant par Bordeaux.

Les fleurs ne tardèrent pas à arriver, que le papa avait demandé au personnel de garder en attendant la venue du Petit Prince tant attendu.

Jane, la meilleure amie de la mère est vite arrivée pour remplacer auprès d'elle le père qui avait besoin de se remettre de ses émotions. Tout vêtu de laine et de dentelle blanche, Alexander avait l'air d'un petit ange. Contrairement à bien des bébés naissants, Alexander n'était pas rouge et froissé comme quelqu'un qui vient de vivre une nuit difficile. Il était très beau, tout rose avec des petits cheveux noirs. De grands yeux verts, ouverts sur ce qui l'entourait, semblaient pressés de découvrir ce monde qui allait l'enchanter durant plusieurs années. Ses petites mains roses serrent déjà les doigts amoureux qu'on leur présente.

Alexander bébé pleurait rarement. La vie lui fournira plus tard plusieurs occasions et plusieurs raisons de pleurer. Moi-même, sans le vouloir évidemment, je l'aurai fait pleurer aussi ; j'aimerais tant pouvoir revenir en arrière pour effacer ces mauvais souvenirs.

Le soir de ce cinq avril 1982, Charles, le grand frère qui n'avait pas encore deux ans arrivait à la maternité, fou de joie de connaître enfin son petit frère. Au fil des ans, cet amour inconditionnel et réciproque n'a jamais fait défaut. Alexander lui-même m'a raconté des moments de complicité et de tendresse dont je préserverai le secret.

Quelques jours plus tard, dans le parc entourant la grande maison, sa mère plantait un marronnier rose (non, s'il avait été blanc plutôt que rose, je ne crois pas que l'orientation sexuelle d'Alexander aurait été différente). Alexander a lui-même très bien parlé de son ami le marronnier en commentaire à ce billet du 4 août 2008.

J'aurais aimé aller un jour avec Alexander embrasser son « jumeau », le grand marronnier de vingt-huit ans...

vendredi 17 août 2007

Pour l'amour de l'art

Ceux qui écrivent ont parfois peur de la page blanche, de même que certains peintres peuvent craindre la toile blanche. Jean Cocteau a eu l'idée d'écrire un Livre blanc et de le publier sans nom d'auteur ; il faut dire que son livre n'avait rien de blanc, si ce ne sont les marges autour du texte et des dessins pour le moins explicites. Quelqu'un, ces dernières années, a eu l'idée de publier un nouveau livre blanc, sous une couverture imprimée, mais ne contenant que des pages entièrement blanches ; il laisse ainsi à chacun la liberté de créer son propre roman. En peinture, les tableaux blancs se vendent très cher. C'est qu'au fond il faut autant de talent pour peindre en blanc une toile que pour la peindre en noir ; j'espère bien que Pierre Soulages serait d'accord avec moi. Ce n'est certes pas Kasimir Malevitch qui me contredirait, lui qui peignait en 1918 ce tableau intitulé Carré blanc sur fond blanc :

Kasimir Malevitch, Carré blanc sur fond blanc (1918)
Musée d'Art moderne (MOMA), de New York

Chacun est libre d'interpréter comme il veut l'oeuvre d'art qu'on lui présente. La question du rôle du spectateur dans l'art mérite réflexion... Selon la théorie de l'« oeuvre ouverte » chère à Umberto Eco, chaque spectateur contribue en quelque sorte à la création de l'oeuvre dans la mesure où il va vers l'oeuvre, tente un dialogue...
« Toute œuvre d'art alors même qu'elle est une forme achevée et close dans sa perfection d'organisme exactement calibré, est ouverte au moins en ce qu'elle peut être interprétée de différentes façons, sans que son irréductible singularité soit altérée. Jouir d'une œuvre d'art revient à en donner une interprétation, une exécution, à la faire revivre dans une perspective originale. » Umberto Eco
Certains artistes, comme la plupart des enfants, ne peuvent voir une page blanche (ou un mur) sans vouloir immédiatement y appliquer de la couleur. Il y a des adultes qui, ayant sans doute conservé leur âme d'enfant, ont des réactions spontanées qui les poussent à mettre de la couleur et même leur marque personnelle sur ce qu'ils considèrent comme une page blanche qui leur est offerte.

C'est le cas d'une jeune femme qui se dit artiste, venue de Lou Martegue (ou : Martigues pour ceux qui ne parlent pas la langue de Mistral) pour admirer (?) les oeuvres de la Collection Lambert exposées au musée d'art contemporain d'Avignon (ou serait-ce à l'hôtel de Caumont ?). Apercevant un tryptique blanc de l'artiste Cy Twombly, inspiré du Phèdre de Platon, cette femme, soi-disant artiste, n'a rien trouvé de mieux que de poser sur la toile blanche ses lèvres grassement peintes d’un rouge vif de marque Bourjois.

Poursuivie par la galerie pour avoir endommagé une toile estimée à deux millions d'euros, une oeuvre de 1977, Rindy Sam a refusé hier de reconnaître sa culpabilité. Elle assume son geste mais refuse d'admettre qu'elle a causé quelque dommage que ce soit. Elle affirme que son geste était spontané ; je suppose qu'il faut interpréter ce geste spontané comme un immense déclaration d'amour. Pour le propriétaire du tableau, il s'agit plutôt d'un viol et j'aurais tendance à penser comme lui.

Personnellement, j'ai horreur de ces personnes qui, sous prétexte de spontanéité, donc de vérité, d'authenticité, se croient tout permis. Faudrait-il alors considérer comme spontané, donc authentique, l'amour du pédophile pour la petite fille ou le petit garçon qui se trouve sur son chemin ? Et comment cette artiste spontanée interpréterait-elle mon geste si, la croisant dans les rues de Martigues (autre belle ville de Provence que j'aimerais visiter prochainement) et, réagissant dans un grand élan spontané, je lui marquais spontanément la joue au fer rouge comme on fait avec le bétail ?

La restauration du tableau constitue une tâche délicate dans la mesure où le rouge à lèvres sur une toile ne s'efface pas aussi facilement qu'une tache d'eau. Selon le directeur du musée, « le rouge à lèvres est le matériau le plus violent, à cause de la combinaison des pigments et du gras. On sait mieux réparer les lacérations que ce genre de dommages ». La jeune femme à la spontanéité agressante subira son procès le 9 octobre prochain ; trois dédommagements seront réclamés par l'avocat de la Collection Lambert : pour le vandalisme contre l'oeuvre, pour la mauvaise image donnée au musée, pour l'impossibilité de prolonger l'exposition de trois semaines, comme prévu.

Pour ma part, j'espère qu'elle sera reconnue coupable et que la peine que lui infligera le Tribunal sera exemplaire. Autrement, sous prétexte d'art spontané, n'importe quel illuminé ira peindre des moustaches à la Joconde ou circoncire le David de Michel-Ange.

Cy Twombly, Pan II, détail de Pan, sept parties, 1980.
Techniques mixtes sur gravure pointe sèche sur papier, 59 x 59 cm.
Collection Yvon Lambert. - L'image vient d'ici.

Quant au peintre Cy Twombly, maintenant âgé de 79 ans, il est né en Virginie, aux États-Unis et vit depuis 50 ans à Gaeta, en Italie. Il semble avoir une prédilection pour Platon et pour la mythologie gréco-latine. Roland Barthes a contribué, vers 1960, à asseoir sa réputation. Dans le sillage de Roland Barthes, Renaud Camus, près de trente ans plus tard, a exprimé dans son journal son amour pour le lyrisme dans la peinture de Cy Twombly.