
Je suis né à la campagne et j'y ai grandi jusqu'à l'âge de 15 ans. Autour de la maison, il y avait un jardin, des bâtiments de ferme, des champs et, pas très loin, la forêt. De quelque côté que l'on regarde, on voyait des arbres, des conifères, surtout, des pins, des sapins, des épinettes, mais aussi des érables, des bouleaux, des trembles, des noisetiers... En fait c'est mon père qui, le premier, avait défriché ce coin de forêt pour y construire d'abord une habitation rudimentaire, faite de troncs d'arbres qu'il avait lui-même abattus, cabane dans laquelle sont nés les premiers de mes frères et de mes soeurs. Par la suite, mon père a construit la maison dans laquelle j'ai vécu de ma naissance jusqu'à quinze ans, avec deux parenthèses. Ce n'était pas un château ni un manoir luxueux, mais c'était une jolie maison de campagne avec une grande galerie qui courait sur trois côtés. Je ne me souviens pas moi-même du temps où nous n'avions pas encore de voisins établis sur des terres voisines qu'ils avaient aussi défrichées et ensemencées.

Quand on vit à la campagne, surtout quand on y est né, les arbres, les plantes, ça nous semble tout naturel ; on en jouit sans trop se rendre compte de la chance que l'on a. Puis, quand on doit, pour « gagner sa vie », s'installer dans les grandes villes, vivre entre l'asphalte et le béton, avec quelques arbres qui essaient tant bien que mal d'humaniser tout cela, on se rend compte du privilège que l'on avait de vivre parmi les plantes, de voir grandir les arbres, d'observer les saumons et les truites frétiller dans la transparence des rivières voisines, d'admirer les bêtes, grandes ou petites, qui peuplent les forêts...
À Montréal, il y a longtemps que j'habite au pied du mont Royal. Quand j'ai besoin de respirer, de retrouver la sérénité, j'ai souvent eu le réflexe d'aller marcher sur le mont Royal. La végétation, les oiseaux et petites bêtes qui aiment ce grand parc autant que moi, me font rapidement oublier le rythme trépidant de la ville ou les agitations de l'esprit et du cœur. Après avoir marché un moment dans les sentiers, après avoir bien senti le sol sous mes pieds, j'aime retrouver « mon » arbre, quelque peu à l'écart et m'y appuyer. Bien adossé à son tronc, il me semble sentir monter en moi une énergie nouvelle comme si mes pieds la puisaient dans le sol, près des racines de l'arbre, et comme si cette énergie grimpait dans le tronc de l'arbre et passait directement en moi au contact de ma colonne vertébrale. Je peux rester ainsi très longtemps, adossé à cet arbre, à refaire le plein d'énergie et à refaire le monde de mes rêves.

Je sais que je ne suis pas le seul à sentir le végétal en moi. J'en parlais récemment avec quelqu'un que j'aime beaucoup ; il me disait accorder aussi beaucoup d'importance à ce contact, à ce ressourcement de l'énergie venant du sol, passant par la végétation et par les arbres.
Sur le plan de la symbolique, avec ses racines s'enfonçant dans le sol et ses branches s'élevant vers le ciel, l'arbre est un symbole de vie, comme s'il était un lien entre la Terre et le Ciel, entre l'humain et le divin. Dans
La fugue du petit Poucet, Michel Tournier le dit très bien : « Plus vous voulez vous élever, plus il faut avoir les pieds sur terre. Chaque arbre vous le dit. »
Comme la vie de l'arbre est généralement plus longue que celle de l'homme, on en fait aussi un symbole de renaissance, de fertilité et d'éternité. D'ailleurs, de nombreux parents ont la sagesse, à la naissance d'un enfant, de planter un arbre, en espérant les voir grandir ensemble, le plus longtemps possible.
Les arbres sont, pour diverses raisons, importants dans nos vies personnelles, mais leur présence est essentielle à la survie de la planète sur laquelle nos vivons, pour l'air qu'ils contribuent à purifier, pour la lutte contre le réchauffement et contre la désertification, etc.

La plupart des photos proviennent d'ici
S'il m'arrive souvent de me sentir en communion avec les arbres, je crois que je suis aussi comme le renard du Petit Prince. Je m'intéresse aux choses que me font découvrir ceux qui m'ont apprivoisé ou aux choses qui me rappellent ceux que j'aime. Il y a quelque semaines déjà, mon ami Poeri (dont ce sera l'anniversaire ce mardi 5 août) m'a envoyé des liens vers un film d'animation que l'on peut retrouver sur Internet, film qui a obtenu un grand succès au cinéma et que l'on a pu voir aussi à la télévision. Il s'agit du film d'animation qu'a réalisé le dessinateur québécois Frédéric Back sur une nouvelle de l'écrivain provençal Jean Giono, « L'homme qui plantait des arbres ».
Je n'avais encore jamais eu la patience de regarder au complet le film à la télévision mais, puisque Poeri attirait mon attention sur ce film comme résultat d'une superbe collaboration québéco-provençale, je me devais de le regarder au complet. On peut le trouver en deux parties, je crois, sur
Dailymotion (la suite sera annoncée sur la page ; je crois même qu'il y a une version anglaise)ou encore en une seule partie sur
Sub (le film dure environ 30 minutes). La narration est assurée par l'excellent Philippe Noiret. La combinaison du texte, de Giono son message, les dessins et l'animation de Frédéric Back et la voix de Noiret font de ce film un document très poétique et très touchant. On aurait tout de suite envie de de prendre ce qu'il faut et d'aller planter des arbres parout où l'Homme a détruit la nature, partout où la Terre a besoin de respirer et de boire..
De plus, comme il s'agit d'un très beau texte de Jean Giono et que ce texte est du domaine public, on pourra
lire ici le texte intégral, en français, en anglais ou en russe, je crois.
Je ne sais pas pourquoi Peter Doyle, qui a fait la traduction anglaise, a traduit « tendres comme des adolescents et décidés » par « they were as tender as young girls, and very determined. » C'est comme si, dans son esprit, des adolescents tendres étaient forcément des jeunes filles ! On devrait le priver de sa nationalité anglaise... à moins qu'il ne soit aux États-Unis. Traduttore, traditore, disent les Italiens. « Tout décodage est un autre encodage », me disait hier un ami très cher. Traduire, c'est trahir, en voici donc une preuve supplémentaire.
Message personnel : Quelqu'un que j'aime énormément doit subir aujourd'hui des soins médicaux qui ne sont pas agréables mais nécessaires. Il ne rentrera pas dormir chez lui ce soir. S'il lit ces mots, qu'il sache, encore une fois, que si la distance m'empêche d'être là en personne, j'y serai entièrement de cœur et d'esprit.