
Je n'ai jamais cherché les honneurs officiels et je ne crois pas en avoir obtenu non plus (je m'en souviendrais, il me semble). Exactement comme quelqu'un que j'aime, les titres pour moi-même n'ont pas d'importance, mais je respecte entièrement les titres qui se respectent, de la même manière que je respecte les institutions, les symboles, les traditions... Il m'arrive d'être impertinent, insolent, mais rarement irrespectueux ; je n'irais pas jusqu'à piétiner un drapeau pour la simple raison qu'il est celui de mes adversaires politiques, par exemple.
Je ne sais pas comment je réagirais si on voulait me remettre la médaille de l'
Ordre du Canada, par exemple. De nombreux Québécois ont refusé la décoration pour des raisons politiques ; à tort ou à raison, ils ne voulaient pas avoir l'air de renoncer à leur identité, à leurs convictions, à leur engagement en acceptant une décoration d'une institution à laquelle ils refusent d'être soumis. Il faudrait voir pour quelle raison on voudrait me l'offrir (je sais bien que je ne cours aucun risque), mais je respecte néanmoins la décoration.
Avant 1e 17 avril 1967, date de création de l'Ordre du Canada, la plus haute distinction que pouvaient souhaiter recevoir les Canadiens était l'
Ordre de l'Empire britannique. Si l'Ordre national du Canada suscite peu de convoitise au Québec, sauf dans quelques milieux très restreints, les Québécois s'identifient davantage à l'
Ordre national du Québec, la plus haute distinction décernée par le gouvernement du Québec.
Francophone et longtemps influencé par la littérature et la culture françaises, j'ai toujours été curieux de savoir, par exemple, à qui la France (pendant longtemps, la France était incarnée par De Gaulle lui-même, mais ça c'est une autre histoire), remettait sa
Légion d'honneur. « L’ordre national de la Légion d’honneur est la plus haute décoration honorifique française. Elle a été instituée le 19 mai 1802 par Napoléon Bonaparte sur le modèle de l'Ordre de Saint-Louis, mais sans le limiter aux seuls officiers. Elle récompense les mérites éminents militaires ou civils rendus à la Nation », peut-on lire sur la page que lui consacre Wikipédia.
Or, la Légion d'honneur, plus haute distinction française, vient de perdre beaucoup de lustre à mes yeux. Il est dommage que les décorations honorifiques, si elles flattent l'ego des recrues qui les reçoivent, perdent leur prestige en raison des mauvais choix qui sont faits.
Je viens de lire dans les
nouvelles du jour que le président français remettra le 2 février prochain la Légion d'honneur au premier ministre du Québec, Jean Charest. Je veux bien croire qu'il s'agit d'une politesse envers un chef d'État en visite en France. Mais s'il y a parmi les premiers ministres québécois quelqu'un qui mérite si peu ce titre de chef d'État, c'est bien Jean Charest. Politicien dans le sens le plus péjoratif du terme, c'est-à-dire : celui qui fait de la petite politique au jour le jour, au gré de ses intérêts (réélection en vue) et de ceux de ses amis (dans ce cas, une minorité d'individus et d'entreprises établis au Québec mais sans attache morale au territoire et au peuple québécois et dont la principale valeur s'exprime en symbole monétaire). Ce politicien que l'on croirait sans vision politique tant ses actions nationales (québécoises) sont inexistantes, a en fait deux grands objectifs : démanteler l'État du Québec (État qui n'a pas encore la reconnaissance officielle d'un pays souverain mais qui, depuis près de 50, s'est toujours imposé comme tel) pour en faire une province comme les autres (province : région administrative d'un pays) et, deuxième objectif : privatiser le plus grand nombre possible d'institutions au Québec pour le bénéfice de ses amis, hommes d'affaires aux grands yeux et aux dents longues.
La Légion d'honneur « récompense les mérites éminents militaires ou civils rendus à la Nation », dit-on. Or, depuis 50 ans, jamais un premier ministre du Québec n'aura autant fait, par ses actions cachées et par son laisser-faire évident, pour enlever toute portée au mot « nation » et pour faire oublier aux Québécois l'existence du mot État. Honte au président français de si mal s'acoquiner et, par la même occasion, de déshonorer la Légion d'honneur !