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mardi 5 décembre 2017

Un jour je m'en irai sans en avoir tout dit...


Et ce jour, c'est aujourd'hui : au réveil, ce matin, j'apprends que Jean d'Ormesson est parti... dans mon sommeil.



Né le 16 juin 1925, Jean d'Ormesson est mort à son domicile, d'une crise cardiaque, au cours de la nuit de lundi à mardi, 5 décembre 2017, à l'âge de 92 ans. Nous avions tellement l'habitude de le voir partout que nous avions fini par le croire vraiment immortel. Mais, à 92 ans, il n'était pas si vieux : d'autres écrivains français sont morts à un âge plus avancé encore (Julien Green, à près de 99 ans, par exemple) ; mes parents (qui n'étaient pas écrivains) sont tous deux morts à 94 ans, à quelques années d'intervalle.


Né avec une cuillère d'argent dans la bouche, il aura mis pas mal de temps à savoir ce qu'il voulait faire de sa vie... Il a failli devenir professeur dans un collège de jeunes filles aux États-Unis, mais... il est tombé gravement malade. Rentré en France, il est entré à l'UNESCO puis... il en est devenu le directeur. Il a fait du journalisme, est devenu directeur du journal Le Figaro et, dans ses moments libres, il a... écrit des livres.


Il fut, à 48 ans, le plus jeune membre de l'Académie française. Il n'en fut pas forcément le plus « sage », le plus discret des Immortels. C'est lui qui a, notamment, livré le combat pour faire entrer à l'Académie la première femme ; Marguerite Yourcenar y fut admise le 22 janvier 1981 mais, après son discours de réception, elle n'y a jamais remis les pieds.


On a beaucoup vu et entendu Jean d'Ormesson. Comme son grand maître Chateaubriand, dont il est devenu l'un des spécialistes, il a sans doute « cherché la gloire pour se faire aimer ». Cultivé, merveilleux conteur, on aimait l'inviter à la radio, à la télévision pour parler de tout et de rien. Il fut certainement un excellent ambassadeur de l'« esprit français », du moins de celui que l'on aime mettre de l'avant, celui de la conversation claire, brillante, élégante...


On aimait un peu se moquer de lui, de son omniprésence médiatique. Mais s'il alimentait volontiers, par ses fausses confidences et sa fausse modestie, la conversation ou les discussions à son sujet, il était le premier à en rire.


Je n'ai pas tout lu de Jean d'Ormesson (il a beaucoup écrit), mais j'aime à l'occasion prendre l'un de ses livres et m'y plonger ; je sais que je ne m'ennuierai pas... Toutefois, celui de ses livres que j'ai lu et relu, que j'aime relire un peu comme les Mémoires d'outre-tombe, c'est son roman Au plaisir de Dieu, dans lequel il raconte l'histoire d'une famille (la sienne) de la noblesse française et l'évolution des mentalité et des mœurs sur plusieurs générations. C'est le premier que j'aie lu  des livres de Jean d'Ormesson, dont j'avais aimé la série télévisée tiré de ce roman, sorte de « Downton Abbey » française avant l'heure.


« De génération en génération, nous nous étions méfiés des questions. Et de tout temps, de tout cœur, aux questions sans réponses, nous avions préféré les réponses sans question. » Jean d'Ormesson, Au plaisir de Dieu


Comme Voltaire qui disait avoir choisi le bonheur car c'est meilleur pour la santé, Jean d'Ormesson appartient à la catégorie des écrivains du bonheur. Il a choisi d'être résolument heureux. Agnostique, il disait ne pas savoir si Dieu existe, ajoutant : « Je crois en Dieu car j'espère qu'il existe. » Lorsqu'il apparaîtra devant Lui, Dieu lui accordera peut-être le privilège d'écrire un dernier livre pour nous raconter sa vie au Paradis... à moins qu'il persuade l'écrivain que nous, pauvres mortels, ne méritons pas un tel livre, fût-il celui d'un Immortel.

mardi 8 avril 2014

Merci, Madame Marois !

Je ne comprends pas ce peuple qui aime s'autotsunamiser si régulièrement ! 

Je ne comprends pas ces Québécois qui ont décidé, hier, d'infliger au Québec un recul d'au moins quatre décennies.

Je peux comprendre que l'on ait envie d'envoyer des messages à un gouvernement minoritaire qui a prétendu obtenir un mandat de gouvernement majoritaire. Mais je ne comprends pas la démesure du camouflet, la force et le volume du crachat en plein visage.


Je ne comprends pas que l'on congédie à la première occasion ce gouvernement voué aux plus grands, aux plus nobles intérêts des Québécois, pour ramener au pouvoir une équipe de vieux politiciens (dans le sens le plus péjoratif du terme) associé depuis des décennies à la collusion, à la corruption, une équipe dont on a tant voulu se défaire il y a dix-huit mois à peine, une équipe d'hommes et de femmes voués à l'enrichissement personnel des amis du pouvoir, une équipe sous enquête pour des pratiques frauduleuses au cours des dernières décennies, une équipe capable de nommer à la tête des tribunaux de justice des candidats aux postes de juges, clairement identifiés à l'aide d'autocollants jaunes, en fonction du montant de leurs contributions au financement de ce Parti libéral, une équipe dont plusieurs anciens ministres qui le redeviendront risquent de se retrouver bientôt, au terme de longues enquêtes en cours, accusés de fraude et de corruption.

Je ne comprends pas mes concitoyens de choisir l'équipe de ceux qui les exploitent et qui les volent plutôt que l'équipe de ceux qui avaient entrepris de faire la lutte à la collusion, à la corruption, avec des mesures efficaces pour assurer la transparence et l'intégrité dans la gestion des finances publiques.

Je ne comprends pas cette immense majorité de Québécois qui, durant de trop longues années, exigeaient que les pratiques frauduleuses soient dénoncées, que les responsables de ces magouilles propres à une certaine équipe, puisse reporter au pouvoir cette même équipe, avant même de savoir quelles seront les accusations criminelles précises dont feront l'objet un certain nombre de ces élus, avant même de savoir quels seront les jugements et les éventuelles condamnations... Je ne comprends pas que pour une majorité de Québécois les fraudeurs et criminels d'hier, avant même d'avoir payé pour leurs crimes, soient dignes aujourd'hui qu'on leur confie la gestion des affaires de la nation.

Je ne comprends pas cette hargne persistante envers une femme qui a donné sa vie à la politique, qui a dirigé le plus grand nombre de ministères et des plus importants au Québec (Services sociaux, Santé, Éducation, Conseil du trésor, etc.), et qui n'a cessé de croire au Québec, aux Québécoises et Québécois, à l'autodétermination de ce peuple sans doute plus masochiste que libre de ses choix. Madame Marois ne méritait certes pas ce dénigrement systématique, misogyne, mesquin, volontairement cruel et peu flatteur pour ceux qui s'en donnaient à cœur joie. On aurait parlé des animaux comme on traitait Mme Marois, et la Société protectrice des animaux serait rapidement intervenue.

Mme Marois, qui a sans jamais aucune défaillance cru à la nation québécoise, au peuple québécois, au pays québécois, ne méritait certes pas la brutalité sans ménagement, le congédiement sauvage dont elle est l'objet à titre de première ministre et à titre de député, par ceux qui, le sourire carnassier aux lèvres, vont maintenant, plutôt que de s'accorder la liberté, l'autodétermination, l'affirmation légitime, digne et fière, pouvoir s'occuper tranquillement de la décoration de leur cellule...


Je suis profondément blessé par ce choix sans âme des Québécois, par l'ingratitude envers cette femme, ce gouvernement, qui avaient pour le Québec une vision noble et généreuse, par ce congédiement digne de ces chefs d'entreprise qui ne s'occupent que de « vraies affaires » et, à la moindre occasion, mettent à la porte sans préavis leurs meilleurs, leurs plus loyaux collaborateurs. Je suis blessé d'appartenir à ce peuple qui remercie ses plus ardents défenseurs comme ils congédieraient leur concierge pour se faire maintenant les concierges de ceux qui veulent leur bien et qui sauront se l'approprier.

Mais plus encore que pour moi-même et pour mes rêves d'avenir dans un pays à construire, je suis profondément blessé et j'ai honte du traitement accordé à Mme Marois qui s'est généreusement et sans réserve vouée au plein épanouissement dans toutes ses dimensions, jusqu'au bout de chacune de ses moindres ramifications, de cet étrange pays qui n'ose pas le devenir, que l'on appelle le Québec.

Le nouveau premier ministre élu l'a clairement annoncé, et ce n'était pas cette fois une « maladresse » due à l'improvisation circonstancielle : il fera du Québec une « province » comme les autres dans ce Canada qui, jour après jour, année après année, siècle après siècle, renie et bafoue ma langue, mes valeurs, ma culture, ce Canada auquel jamais je ne pourrai m'identifier.

Merci, Madame Marois, de vous être si totalement investie de la plus noble façon dans la vie politique, dans la défense des intérêts québécois, de la langue et la culture de ce peuple francophone noyé dans une mer anglophone. Merci de nous avoir permis un temps, certes trop court, de croire que le Québec marchait vers son autodétermination, vers sa souveraineté, sa pleine réalisation et son plein épanouissement. Merci de nous avoir permis de croire à l’affirmation concrète de notre nation, de ses valeurs les plus hautes, de ses idéaux les plus nobles, de ses aspirations les plus légitimes et les plus libératrices, dans toute la richesse du terme. Merci de nous avoir permis de croire encore un moment que nous étions « quelque chose comme un grand Peuple ».

dimanche 30 mars 2014

Voulais-tu m'épouser ?

Lors de notre première conversation en direct, sur MSN, je ne me souviens plus exactement ce que j'ai dit pour qu'Alexander me demande : « Est-ce une demande en mariage ? » J'ai immédiatement répondu que c'était le cas et que s'il le voulait, je pourrais reformuler ma demande. Spontanément, il a ajouté : « Ce serait un bon coup à leur faire ! » « Le bon coup » aurait été de répondre « oui » à ma demande en mariage. Et j'ai compris que ceux qu'ils désignait par « leur », les autres, ce sont les membres de sa famille qui auraient voulu qu'Alexander leur ressemble. Bien entendu, ces « autres » n'incluaient ni ses parents (trop tôt décédés, mais qui auraient encouragé Alexander à vivre sa vie comme il l'entendait), ni son frère, qui voulaient plus que tout le bonheur d'Alexander. Et ce n'est certes pas sa grand-mère, ni son cousin préféré qui auraient tenté de changer quoi que ce soit chez Alexander. J'ai bien compris alors que, même si j'avais insisté pour qu'un jour on se marie, je n'aurais jamais obtenu satisfaction. Alexander, quant à lui, l'aurait probablement voulu, mais il savait aussi qu'il ne fallait pas y penser ; il aurait eu alors contre lui toute la famille officielle et, au fond, il savait très bien que ce n'aurait pas été une décision « raisonnable ». Il ne tenait pas à créer à tout prix un scandale.


J'ai été touché que lors des préparatifs de ses funérailles, la meilleure amie d'Alexander, son frère Charles, tiennent compte de mon avis dans certains choix à faire. Et, bien que très loin du lieu de rassemblement de la famille et des amis, j'y étais bien présent, représenté par des amies, par un superbe arrangement de fleurs qu'aimait Alexander, portant une carte à mon nom, et par un petit renard. Officiellement, je n'étais rien pour eux, mais dans leur esprit et dans leur coeur, j'étais l'amoureux d'Alexander, et si cela était pour moi le plus beau, le plus noble des titres, il méritait aux yeux de quelques-uns, de ceux qui comptaient pour Alexander, tout leur respect et leur tendresse.


Maggie Smith y est excellente, comme toujours !

Si vous ne connaissez pas encore cette série, courez vite acheter les DVD de la série (il faut la suivre en anglais, bien entendu, pour bien saisir toutes les nuances de l'expression dans la noblesse anglaise)

Dans l'excellente série de la télévision britannique, Dowton Abbey, une jeune employée de cuisine, dans le château de la famille Crawley que dirige Lord Grantham, accepte d'épouser sur son lit de mort un collègue de travail blessé à la guerre, non sans avoir des scrupules au sujet de la validité de ce mariage. Et pourtant, en juillet 2009, le président français Sarkozy a autorisé le mariage posthume de Damien Gaillet, mort en Afghanistan en 2008. 
Au coeur de l'été 2008, une embuscade des talibans dans le secteur de Surobi, en Afghanistan, provoque la mort de dix soldats du 8e régiment parachutiste d'infanterie de marine. Parmi les victimes, Damien Gaillet, Caennais de 20 ans, engagé depuis juin 2007 : l'Afghanistan constituait sa première mission sur un théâtre d'opération extérieur. La veille de sa mort, j'ai eu un dernier message de Damien », confiait le 19 août 2008, sa fiancée Aurélie, 20 ans. Ils se connaissaient depuis la classe de 5e et vivaient ensemble depuis 2004. « Je devais le rejoindre à Castres, base du régiment, en 2009 », ajoutait, à l'époque, la jeune femme. Elle a depuis entamé des démarches en vue d'un mariage à titre posthume : une procédure très rare qui passe par la présidence de la République saisie d'une cinquantaine de demandes par an. Après instruction du dossier, Nicolas Sarkozy a, le 20 mai, autorisé ce mariage par un décret spécial. Le parquet du tribunal de Caen a notifié cette décision à la jeune femme à laquelle il appartient d'entreprendre les démarches propres à toute union. Le mariage sera réputé célébré à la date du jour précédant la mort du jeune soldat.

Au cours de cette première conversation, au sujet du mariage, Alexander et moi avions évoqué l'union civile entre Elton John et David Furnish, qui forment un couple officiel depuis 2005, dès que l'union civile entre conjoints de même sexe a été adoptée en Angleterre. Le 17 juillet 2013, le projet de loi instituant le mariage homosexuel en Angleterre et au pays de Galles a reçu la sanction royale (l'Écosse et l'Irlande du Nord ont leur propre système juridique). Ce mariage homosexuel adopté par l'Angleterre et le pays de Galles est devenu possible ce 29 mars 2014. Elton John, qui célébrait le 25 mars dernier son 67e anniversaire, a déclaré : « Je suis très fier de la Grande Bretagne et des lois qui ont vu le jour depuis que nous sommes ensemble ». Par la même occasion, il a annoncé que David Furnish et lui allaient se marier, probablement en mai prochain.

Je ne crois pas me trouver sur la liste des invités, mais je leur souhaiterai de nombreuses années de bonheur... et pas trop d'enfants (ils en ont déjà adopté deux).

lundi 10 novembre 2008

Inspiration


« Le visage est le miroir de l'âme,
et les yeux, sans rien dire,
révèlent les secrets du cœur. »

Saint Jérôme, Lettre 18, à la jeune veuve Furia

Cette citation de saint Jérôme a-t-elle un sens pour vous ? Que vous inspire-t-elle ? Vous inspire-t-elle, seulement ?

Si, parmi les divinités grecques, Apollon personnifiait « tout ce qui est noble, calme et harmonieux », l'être qui m'inspire le plus en ce moment n'appartient pas aux divinités ; il est au contraire bien incarné et présent parmi nous, mais il n'en est pas moins noble et inspirant. Peut-être n'est-il pas parfait, je dis bien : peut-être, mais il réunit un très grand nombre de vertus et de qualités parmi les plus admirables ; ses valeurs profondes, son exemple, stimulent en nous ce qu'il y a de meilleur et le goût de s'en inspirer. Il conserve cependant assez d'humain pour donner envie de l'approcher, de le fréquenter, de l'aimer.

dimanche 31 août 2008

Diana, princesse des cœurs


Le premier juillet 2007, date à laquelle Diana, princesse de Galles, aurait célébré son 46e anniversaire, ses deux fils, les princes William et Harry, ont organisé à Londres un immense concert qui a rassemblé au stade de Wembley près 65 000 personnes. De son côté, le palais de Buckingham lui a rendu hommage à l’occasion des dix ans de sa disparition par une cérémonie officielle et une messe souvenir à la chapelle des Gardes, messe à laquelle assistaient la famille royale, plusieurs membres de la famille de Diana, de nombreux artistes chers à la princesse, les trois plus récents premiers ministres britanniques, en tout, quelque 500 personnes triées sur le volet.


Ce 31 août 2008, les cérémonies de commémorations seront sans doute plus modestes, plus discrètes, mais ne seront néanmoins pas absentes. À Paris, des milliers d’admirateurs viendront se recueillir sur le pont de l’Alma pour rendre hommage à une jeune femme qu’ils considèrent comme un modèle et dont l’engagement envers ceux qui souffrent continue, à des titres divers, de les inspirer. À Londres, des milliers d’autres se recueilleront devant le palais de Kensington, dernière résidence de la princesse et dans quelques lieux associés à la vie de celle qui a su conquérir le cœur des Anglais. Dans le Northamptonshire, au nord de Londres, lieu où a grandi Diana Frances Spencer, de nombreux autres fidèles ne manqueront pas de souligner l’événement près du domaine d’Althorp où elle repose sur une petite île au milieu de l’étang ovale. Le domaine ancestral d’Althorp, résidence de la famille Spencer depuis le début du seizième siècle, est généralement ouvert au public, sauf le 31 août. La famille se réunit chaque année pour se recueillir et rendre hommage à celle qui n’était pas seulement « princesse des cœurs », comme on la surnommait, et « princesse du peuple », comme l’avait constaté l’ancien premier ministre Tony Blair. Pour la famille, elle était tout cela, mais elle était surtout une sœur, une cousine, une jeune tante dont la disparition, il y a onze ans, a causé une douleur sans nom et un vide immense.



Je ne suis pas de la famille, je ne suis même pas Anglais (je crois qu’il n’est plus écrit sur notre passeport que les citoyens canadiens sont des sujets britanniques), et pourtant je me souviens parfaitement de cette nuit du 31 août et des premiers jours de septembre 1997. Comme John F. Kennedy a pu dire à Berlin Ouest le 21 juin 1963 : Ich bin ein Berliner, « Je suis un Berlinois », je me suis senti ces jours-là tout aussi Anglais que les dizaines de milliers de personnes qui se sont massées devant le palais de Kensington à Londres ; à certains moments, j’avais presque le sentiment d’appartenir à la famille royale ou, plus précisément, à la famille Spencer. La rigidité du protocole de la famille Windsor a fait passer le silence de la reine et des siens pour de l’insensibilité, avant que le premier ministre ne réussisse à la convaincre de mettre les drapeaux en berne et de s’adresser à son peuple. La monarchie britannique a vacillé un moment, le peuple se sentant plus près de leur princesse que d’une reine qui leur a paru trop distante. Dans ce contexte, la population britannique, et des milliards de personnes dans le monde qui ont suivi à la télévision ces jours de deuil et les funérailles, auraient plus volontiers prêté allégeance à la famille Spencer qu’à la famille Mountbatten-Windsor.

Onze ans plus tard, on retient que Diana fut l’une des femmes les plus célèbres et les plus populaires du monde, une figure emblématique de la mode, une beauté féminine et un modèle pour ses admiratrices. Son charme a contribué à redonner du lustre et de la vitalité à la monarchie jusque-là frileuse et poussiéreuse. Sa popularité dans le monde aura très certainement stimulé l'industrie touristique anglaise. De plus, elle fut admirée et imitée pour son engagement dans des causes humanitaires. En 1987, par exemple, elle fut la première célébrité à se faire photographier en tenant la main d’une personne atteinte du VIH. Bill Clinton déclarait en décembre 2001 : « En 1987, lorsqu'une large partie de la population croyait qu'il était possible de contracter le sida par de simples contacts, Lady Di s'est assise sur le lit d'un malade du sida et lui a serré la main. Elle a montré au monde que les séropositifs ne méritaient pas l'isolement mais la compassion. Ces prises de position ont contribué à faire évoluer l'opinion mondiale, à donner espoir aux séropositifs et à sauver des vies. »

En plus de son engagement dans la lutte contre le Sida, Diana a consacré du temps, de l’énergie, à diverses causes humanitaires : lutte contre les mines antipersonnel avec la Croix-Rouge internationale et la Croix-Rouge britannique ; Centrepoint (aide aux sans domicile fixe) ; The Chain of Hope (hospitalisation d'enfants défavorisés venus du monde entier) ; Great Ormond Street Hospital (hôpital pour enfants) ; Aids National Trust (lutte contre le sida) ; Royal Marsden NHS Trust (hôpital) ; diverses associations de lutte contre le cancer. Son exemple aura inspiré d’autres personnes à prendre la relève et à s’engager pour le bien de ceux qui souffrent. Chacun de nous ne peut pas en faire autant ; ce qui est intéressant, cependant, c’est de constater que plusieurs personnes qui pourraient simplement profiter agréablement de leurs loisirs et de leurs ressources financières choisissent de s’engager et de faire du bénévolat auprès d’organisations humanitaires.



Avec le recul, en pensant à l’héritage que nous laisse Diana, je me faisais aujourd’hui les réflexions suivantes : Voilà une jeune femme qui semblait jouir au départ d’excellentes conditions d’existence. Comme bien des jeunes filles, elle a dû rêver au prince charmant ; mais ne soyons pas sexiste ni discriminatoire : certains garçons aussi rêvent au prince charmant — et plusieurs le trouvent. Mais voilà que ses ennuis ont commencé peu après que le prince se soit présenté. En épousant le prince héritier, elle épousait aussi un rôle très exigeant, des responsabilités assez lourdes, des règles et des conventions très contraignantes. Quelles qu’en soient les causes et les circonstances, la « princesse des cœurs » a eu du mal à faire sa place dans ce monde, avec toutes ses conventions, son protocole pointilleux et froid, dans ce monde de représentation où les apparences sont plus importantes que les valeurs personnelles, où les rôles que l’on doit assumer sont plus importants que de vivre en fonction de ses intuitions, de ses goûts personnels, de ses convictions, selon son cœur, en somme.

À la naissance de ses enfants, William et Harry, elle a été bien inspirée de se consacrer surtout à son rôle de mère. Mal à l’aise dans un monde rigide, elle a choisi de donner à ses enfants une vie d’enfants « comme les autres », une mère aimante et présente, des jeux, des découvertes, à l’abri le plus possible de la censure royale et des regards du public et des médias. Elle aura donné à ses enfants une solide base affective qui leur permettra ensuite de faire face à bien des situations.

Elle aura compris que c’est l’amour qui nous anime et qui nous permet de nous épanouir et d’être heureux. L’amour réciproque que l’on éprouve pour un être, avec qui l’on partage plusieurs aspects de la vie, si possible, mais aussi l’amour et la tendresse que l’on éprouve pour notre entourage, pour nos semblables. Quand l’entourage ne permet pas de ressentir, d’exprimer, de partager cette tendresse, l’être authentique a parfois du mal à se sentir en harmonie avec lui-même, avec la vie… Quand le protocole, les règles établies, les conventions ou les bonnes manières empêchent l’expression spontanée, l’être authentique souffre et, à force de souffrir ces contradictions, il finit par développer des maladies…


La principale leçon que je retiens, donc, c’est qu’il faut vivre le plus possible en accord avec soi-même, avec nos propres valeurs, nos propres convictions, nos propres émotions et nos sentiments. S’il faut parfois faire des concessions pour respecter des conventions, si l’on veut éviter les conflits intérieurs et la maladie, il faut surtout essayer de vivre en harmonie avec soi, de vivre le plus spontanément possible, selon son intuition, selon son cœur…

Du haut de son nuage, elle observe avec tendresse ses deux fils dont elle est très fière, ainsi que certains membres de sa famille. Elle apprécie leur amour et leur fidélité et elle veille sur eux avec bienveillance. Elle voit bien qu'il reste encore beaucoup de travail à faire pour combattre la maladie et la souffrance, que les hommes continuent de se faire la guerre et de construire des engins qui ne font pas que tuer des militaires mais qui blessent et tuent des civils, adultes et enfants. Elle constate bien que ce monde qu'elle a quitté trop tôt vit un peu trop dans la souffrance. Elle n'en garde cependant pas moins sa sérénité car elle sait que chacun doit faire son effort, chacun doit y mettre du sien pour essayer de faire en sorte que ce monde soit supportable et, si possible, agréable à vivre. La mère qu'elle a été sait bien qu'il faut laisser les êtres faire leurs propre expériences et tirer leurs propres leçons ; c'est ainsi qu'ils pourront apprendre et grandir intérieurement. Néanmoins, elle sait qu'une attention bienveillante et tendre, bien que discrète, ne peut qu'encourager tous ceux qui sont de bonne volonté ; quant aux autres, ils apprendront bien un jour, d'une façon ou d'une autre...

Je suis persuadé que si elle avait un message à donner à ceux et celles qui l'aiment, à tous ceux et celles qui ont pleuré sa disparition, ce serait de chercher la sérénité qu'elle a maintenant trouvée, d'oublier la tristesse et la morosité et de vivre le plus souvent possible dans l'amour et dans la joie.

* * *
Il me semblait essentiel d'accompagner cet article de musique et Elton John, qui fut un ami personnel de Diana, me semblait tout à fait approprié. Pour l'occasion, Elton John a réécrit avec Bernie Taupin des paroles tout à fait adaptées à la situation, exprimant dans « Candle in the Wind » ce qu'était Diana pour lui et pour les milliards de personnes qui assistaient aux funérailles, que ce soit en personne à l'abbaye de Westminster ou par la télévision ; les paroles de la chanson suivent la musique, ci-dessous. Précisons qu'Elton John n'aura chanté cette chanson qu'une seule fois en public, le 6 septembre 1997, et qu'il aura toujours refusé de chanter en public cette version dont les paroles ont été écrites pour son amie Diana. J'ajoute, en audio et en vidéo ici, cette chanson rappelant la « princesse des cœurs », ainsi que deux autres chansons tirées du disque qui a été distribué dès le 13 septembre 1997 et qui portait le titre de la chanson principale,
« Candle in the Wind » (article sur Wikipédia).










Candle in the Wind

Goodbye, England's rose;
may you ever grow in our hearts.
You were the grace that placed itself
where lives were torn apart.
You called out to our country,
and you whispered to those in pain.
Now you belong to heaven,
and the stars spell out your name.
And it seems to me you lived your life
like a candle in the wind:
never fading with the sunset
when the rain set in.
And your footsteps will always fall here,
along England's greenest hills;
your candle's burned out long before
your legend ever will.
Loveliness we've lost;
these empty days without your smile.
This torch we'll always carry
for our nation's golden child.
And even though we try,
the truth brings us to tears;
all our words cannot express
the joy you brought us through the years.
Goodbye England's rose,
from a country lost without your soul,
who'll miss the wings of your compassion
more than you'll ever know.

Lyrics were revised and sang by Elton John,
at the funeral of Lady Di.

samedi 1 septembre 2007

Les bonnes manières

J'ai souvent été séduit par les bonnes manières dont faisaient preuve certaines personnes. Cela vient sans doute du fait que ma mère et ma sœur ont été mes premières institutrices ; ce statut de fils et de frère de l'institutrice m'imposait, au temps où les élèves respectaient l'autorité et se tenaient bien en classe et devant les adultes, de donner l'exemple à mes camarades. À l'adolescence, une belle-sœur et un beau-frère enseignants sont venus ajouter aux modèles familiaux pour ajouter plus de pression encore sur l'écolier exemplaire que j'étais la plupart du temps. Cette pression, je n'en étais pas vraiment conscient à cette époque ; je n'étais alors soucieux que d'apprendre et de donner le meilleur de moi-même à l'étude et aux travaux scolaires. Il m'est resté aussi de cette éducation, somme toute assez rudimentaire, le goût de la politesse et des bonnes manières.

Quand, à vingt ans, je vivais à Paris, je fréquentais principalement des artistes, chanteurs, danseurs, musiciens ; si certains d'entre eux avaient reçu une bonne éducation et vivaient assez bien, ceux que je voyais tous les jours vivaient, malgré eux, très modestement. Les cafés et les bistrots de Montparnasse leur servaient de moyen de communication, pour y laisser des messages, et nous tenaient souvent de lieux de rencontre. Toutefois, il m'arrivait d'être invité dans des salons du XVIe arrondissement ; c'est donc que je parvenais à me libérer des manières des habitués du café et du parfum tenace qui s'imprégnait dans les cheveux et dans les vêtements, mélange de tabac brun, de bière blonde sous pression, de café noir ou au lait et de frites dorées. Je me souviens d'un jeune Japonais dont la courtoisie et les bonnes manières m'avaient beaucoup impressionné quand j'avais dîné au restaurant avec lui et quelques amis. Venu étudier à Paris à dix-sept ans, je crois, Yuki était devenu l'amant de la femme qui l'hébergeait et qui devait avoir près de soixante-dix ans. Je ne doute pas un instant qu'au delà de l'amour qui les réunissait, il y avait un profond désir de parfaire une éducation déjà bien assise.

J'ai un ami, au titre nobiliaire dont il ne se sert pas et au passeport diplomatique qu'il n'utilise plus, qui a reçu une éducation européenne très rigoureuse. Sa courtoisie et ses manières sont impeccables. Si, à le fréquenter, j'ai appris à polir encore mes façons de me comporter en société, je dois dire qu'il a aussi appris avec moi la simplicité et le naturel dans la vie pratique. Noblesse oblige, d'accord, mais il faut aussi savoir s'adapter au monde dans lequel on vit. Quand je l'ai connu, il aimait répéter que lorsqu'un aristocrate a tout perdu, il lui reste les bonnes manières et le sens de l'humour ; avec lui, j'ai surtout insisté sur la simplicité et le sens de l'humour.

Jose Luis de Vilallonga
Madrid, 29 janvier 1920 - Palma de Majorque, 30 août 2007

Je repense à tout cela aujourd'hui en apprenant la mort , à 87 ans, de Jose Luis de Vilallonga, acteur et écrivain. Je l'ai vu plusieurs fois à la télévision dans des films que je serais bien en peine d'identifier. Je n'ai de lui que de lointains souvenirs, mais il faisait beaucoup penser à un grand acteur français que j'ai toujours admiré pour son talent mais aussi pour ses qualités d'homme : Michel Piccoli. Il me semblait de la trempe d'un autre grand du cinéma, descendant d'une autre grande famille aristocratique, milanaise celle-là, le duc de Modrone, mieux connu sous le nom de Luchino Visconti, metteur en scène et écrivain, mais surtout réalisateur de cinéma, parmi lesquels il y a plusieurs de mes préférés ; il est décédé quelques mois avant Maria Callas qu'il avait dirigée à l'opéra dans la mise en scène de La Sonnambula de Bellini et La Traviata de Giuseppe Verdi. S'il partageait avec Luchino Visconti l'appartenance à l'aristocratie, à un monde qui ne jouissait plus de ses privilèges, Jose Luis de Vilallonga ne semblait pas confiné dans la solitude résignée des personnages principaux du réalisateur italien dans deux de ses plus beaux films : Le Guépard et Violence et passion.

Jose Luis de Vilallonga a joué notamment dans Les Amants, de Louis Malle, dans Juliette des esprits, de Fellini, mais je ne garde pas de souvenir précis de ses rôles ni de son interprétation. Il a écrit une dizaine de livres, romans, récit et essais, que je n'ai pas lus non plus. Il y a plusieurs années, je m'étais dit que j'essaierais de lire l'un de ses romans, ne serait-ce que pour en découvrir le décor, l'atmosphère et les valeurs sous-tendues ; je n'ai jamais eu l'occasion de le faire. Aujourd'hui, je pense que si je pouvais revenir en arrière, je serais sûrement plus tenté de lire un récit qu'il a écrit sur le dictateur Franco « qui a géré [l'Espagne] comme une ferme »* ou un livre d'entretien avec le roi Juan Carlos.


Je ne sais pas si Jose Luis de la Vilallonga était un bon acteur ou un bon écrivain, mais je me souviens d'un entretien télévisé qui m'avait impressionné alors que j'étais encore très jeune. Quelques mois auparavant, j'avais lu La soirée avec monsieur Teste, de Paul Valéry, qui décrit un homme qui s'efforce de n'être qu'un esprit, éliminant tout geste, toute parole inutile et qui avait, en quelque sorte, « tué la marionnette » en lui. Autant, alors, je m'efforçais d'apprendre à m'exprimer, autant j'étais fasciné par le minimalisme, l'extrême discrétion de M. Teste, que j'essayais d'imiter à mes heures ; je n'y arrivais pas souvent, mais l'exercice était en soit très formateur.


Les animateurs de radio et de télévision n'ont pas la réputation d'être discrets et, trop souvent, ils considèrent leurs questions plus intéressantes que les réponses des personnes qu'elles reçoivent à leur émission, ce qui les fait souvent interrompre leurs invités, manquant en cela de respect envers l'invité et envers les auditeurs intéressés à entendre les réponses. Ne parlons pas des animateurs incompétents qui, dévorés par le trac, n'ont en tête que leurs questions préparées d'avance et qui sans se rendre compte que l'invité est en train de répondre passent à la question suivante.

Un soir, donc, à la télévision, Jose Luis de Vilallonga répondait aux questions d'une femme intelligente mais qui n'était sans doute pas du genre de celles qui inspiraient le séducteur. Ce n'est pas au sujet de cet entretien que Baudelaire aurait écrit qu'« aimer les femmes intelligentes est un plaisir de pédéraste »**. J'avais été très impressionné de la parfaite maîtrise qu'avait de lui-même Jose Luis de Vilallonga ; dès que l'animatrice ouvrait la bouche, quelle que soit la phrase qu'il était en train de prononcer, quel que soit le geste qui discrètement l'accompagnait, il s'arrêtait net et son geste devenait une invitation à l'intervention de l'animatrice qui fut quelques fois décontenancée par cette extrême courtoisie. Si l'acteur, écrivain et marquis espagnol qu'il était n'avait pas l'intention de séduire l'animatrice, il était tout de même conscient que des centaines de milliers de téléspectateurs, ou davantage, avaient les yeux rivés sur lui. Et, mieux que quiconque, il savait pertinemment que, en matière de séduction, un silence vaut mille mots.

* Je ne sais plus où j'ai vu cette expression, « qui a géré le pays comme une ferme » ; il s'agit sans doute une citation de Jose Luis Vilallonga ; si elle n'est pas tirée de son récit sur Franco, Le sabre du caudillo, elle doit être tirée de ses Oeuvres complètes. - Ajout : J'ai trouvé : le titre exact du récit consacré à Franco est Le sabre du caudillo : histoire secrète de l'homme qui gouverna l'Espagne comme s'il s'agissait d'une ferme ; j'ai dû lire quelque part, je ne sais où, une allusion à ce livre.

** Baudelaire pensait sans doute alors au plaisir de l'homosexuel, qui n'est pas du même ordre que celui du pédéraste ; à force d'employer les mêmes mots à toutes les sauces, ils finissent par ne plus pouvoir indiquer les nuances et les distinctions.