lundi 27 juin 2011

L'absent



Qu'elle est lourde à porter l'absence de l'ami,
L'ami qui tous les soirs venait à cette table
Et qui ne viendra plus, la mort est misérable,
Qui poignarde le coeur et qui te déconstruit.

Il avait dit un jour: "Lorsque je partirai
Pour les lointains pays au-delà de la terre,
Vous ne pleurerez pas, vous lèverez vos verres
Et vous boirez pour moi à mon éternité."

Dans le creux de mes nuits, pourtant, je voudrais bien
Boire à son souvenir pour lui rester fidèle,
Mais j'ai trop de chagrin et sa voix qui m'appelle
Se plante comme un clou dans le creux de ma main.

Alors je reste là au bord de mon passé,
Silencieux et vaincu, pendant que sa voix passe
Et j'écoute la vie s'installer à sa place,
Sa place qui pourtant demeure abandonnée.

La vie de chaque jour aux minuscules joies
Veut remplir à tout prix le vide de l'absence
Mais elle ne pourra pas, avec ses manigances,
Me prendre mon ami pour la seconde fois.

Qu'elle est lourde à porter l'absence de l'ami!
Qu'elle est lourde à porter l'absence de l'ami!

Paroles : Louis Amade
Musique : Gilbert Bécaud

dimanche 26 juin 2011

Naufrage

Dans l'un des nombreux livres sur le sujet que j'ai consultés ces derniers mois, j'ai lu que pour certains, la perte d'un être cher est un épisode, alors que pour d'autres, c'est une tragédie qui engendre le naufrage du survivant.

Ai-je besoin d'ajouter que je n'appartiens pas du tout au premier groupe ?
Et que, parmi les proches d'Alexander, je ne suis pas le seul à risquer le naufrage ?

vendredi 24 juin 2011

Que s'ouvrent enfin les roses...

Les blogues permettent de belles émotions, de beaux moments, de belles rencontres, on l'a dit et écrit très souvent, depuis 2005 en ce qui me concerne.
J'ai abondamment parlé d'Alexander et je pourrais parler de lui encore et encore, si je n'étais pas soucieux de préserver un peu de son jardin secret, et surtout sa vie privée, qui concerne plusieurs membres de sa grande famille officielle (que nous distinguions de notre petite famille merveilleuse, composée des êtres choisis que nous aimons, qui nous aiment)... J'ai dit et redit à quel point ce garçon qui a découvert mon blogue en cherchant des images sur Internet a bouleversé ma vie. Et je n'aurai sans doute pas assez du reste de cette vie pour essayer de comprendre pourquoi j’ai été choisi. « Ce n’est pas un hasard, m’écrit sa grande amie ; il a été dirigé vers vous par quelqu’un qui veille sur lui. »
Grâce à ce blogue qu’ils ont découvert après son départ, des amis d'Alexander m’ont écrit, m’ont fait des confidences si bouleversantes. L’histoire de chacun de ces amis est à la fois magnifique et tragique...


Puis, tout récemment, un autre lecteur a laissé en commentaires sous l'article du 7 juin dernier une histoire qui m'a vivement ému, bouleversé. Sachant que bien des lecteurs ne reviennent pas, après avoir lu l'article du jour, vérifier les nouveaux commentaires qui s'y sont rajoutés... Avec sa permission, je veux reprendre ici l’histoire de Colin et de son jeune soldat allemand. Avec beaucoup moins, Marguerite Duras a fait un film dans lequel elle raconte la mort d'un aviateur anglais ; imaginons ce que pourrait faire Colin avec son histoire.
Je ne connais de Colin que ce qu'il a écrit en commentaires depuis quelques semaines, rien de plus.
Il est aussi un ami du Petit Prince. Je suis certain qu'Alexander aurait aussi été très ému par l'histoire qu'il raconte ici, après avoir envoyé les paroles d’une chanson que lui chantait une vieille dame chez qui il passait quelques semaines l’été et que l’on peut lire en commentaire à cet article du 7 juin dernier.
Je n’ai rien changé, même pas une virgule, au texte de Colin, que voici :

Je ne sais plus les mots perdus ce matin, il m'en est venu d'autres, différents surement, mais les souvenirs sont bien les mêmes.
Pour vous donner des nouvelles de ma rose.

Il y a un petit cimetière caché par de grands arbres en surplomb d'un petit village. Petit village où je passais quelques semaines l'été.
Là, il y a une tombe abandonnée. Les chaînes qui l'entourent sont rouillées, l'inscription sommaire, mangée par la mousse. Il n'y a pas de croix, il n'y en a jamais eu, je pense. J'ai dechiffré l'épitaphe usée par le temps, un soir d'été, attiré par l'ombre, la solitude de l'endroit, la douceur de la pierre encore chaude.
C'est la tombe d'un jeune soldat allemand, mort en 1917.
Je ne sais pas pourquoi il est enterré là, pourquoi personne ne l'a ramené chez lui, pourquoi personne n'a jamais réclamé son corps.
J'ai pensé alors que nous avions peut être eu la même enfance.
Personne dans le village n'a jamais pu me raconter son histoire. Les plus anciens, déjà en ce temps là, le temps de mes étés, ne savaient plus, ou ne voulaient plus savoir.
Mais moi, je ne sais qu'une chose. Si on a prit le soin de donner à ce jeune homme, si près encore de l'enfance, une sépulture dans ce petit cimetière si loin de chez lui, dans ces temps troublés, c'est qu'il méritait qu'on le traite en soldat, pas en ennemi.
Il s'appelait Günther Von Rosenwald.
Nom prédestiné.
Il n'avait personne pour le pleurer. J'ai été celui là.
Il a été mon ami, mon confident. Par delà le temps, les circonstances tragiques de cette guerre. Et je veux croire que dans une autre dimension, je ne sais où, là où les gens peuvent s'aimer, j'ai été le sien.
C'est près de lui, où je passais mes après midi d'été, à dessiner, à lire, à pleurer souvent, à lui parler, que l'on venait parfois me récupérer le soir quand j'en oubliais de rentrer.
On me grondait, me menaçant de me renvoyer au Foyer si je n'étais pas plus obéissant. Alors je devenais sage pour ne pas abandonner Günther trop tôt, trop vite. Il n'avait que moi...et je n'avais que lui.
J'imaginais qu'il m'attendait chaque été avec la même impatience que la mienne, sanglé dans son uniforme.
Je serais mort de chagrin si l'on m'avait envoyé dans une autre famille d'accueil pour l'été, mais celà n'est heureusement, jamais arrivé.
Le reste de l'année je lui écrivais des poèmes que je lui lisais lors de nos retrouvailles. De grandes lettres aussi.
Avant je lui apportais des fleurs des champs, des coquelicots mêlés d'épis de blé, de grandes marguerites arrachées aux fossés. Maintenant, comme la forêt de roses qui témoigne de son nom, ne fleurit plus depuis si longtemps, je lui en apporte.
Cette année, j'ai enfin son âge.
J'ai écrit son histoire. Avec rien. Deux dates, et les mots soufflés par les grands arbres qui ombragent son tombeau depuis toutes ces années.
Je viens de faire le voyage jusqu'à lui pour lui donner ma rose.
Il y avait une petite pancarte sur sa tombe. La mairie veut recupérer sa place à moins que quelqu'un ne se réclame de sa famille. C'est le lot de toutes les plus vieilles tombes qui ne sont plus à personne.
Je suis entrain d'essayer de réunir les papiers nécessaires pour que personne ne touche à cette tombe. Le maire m'a promit son soutien. J'ai effectué de nombreuses recherches dans son pays. J'ai rencontré des gens portant son patronyme. Epluché de poussiéreux dossiers militaires. Personne ne sait qui il est. Qui il était.
Ce texte que je vous ai envoyé précédemment, c'est la grand'mère de la famille qui me le chantait parce qu'elle savait, elle aussi bien sur où je passais mes après midi. Elle était la seule à me comprendre. J'aurais aimé qu'elle soit ma vraie grand'mère, comme celle de votre Alexander si tendrement chéri.
Je ne sais pas si Günther Von Rosenwald a une étoile dans le ciel, mais dans mon cœur il sait qu'il peut trouver des milliers de roses.

lundi 20 juin 2011

Rendez-vous manqués

J'avais l'intention d'écrire un billet pour souligner, ce dimanche, la fête des Pères mais, vraiment, je n'étais pas inspiré. Je n'aurais pu que rappeler cette fête du 15 juin 2008, la première que j'aie soulignée avec Alexander, sans savoir qu'elle serait aussi la dernière. Je retiens principalement l'amour d'Alexander pour son père, la fidélité envers ceux qu'il aime. Je suis encore très ému en pensant que, sur la tombe de son père, Alexander lui avait parlé de moi ; il m'avait dit au retour que son père approuvait son choix car il voulait d'abord que son fils soit heureux et qu'il était persuadé qu'il le serait avec moi.

J'ai été tenté de rédiger quelques lignes pour évoquer notre dernière conversation en direct, le 20 juin 2009, sans savoir qu'elle serait la dernière, mais c'est encore trop douloureux. Non que la conversation elle-même ait été difficile ; ce qui fait si mal c'est de penser que nous avions mis fin à cette conversation, persuadés que nous allions la poursuivre le lendemain, le surlendemain, les jours, les semaines, les mois suivants... Le dialogue s'est poursuivi jusqu'au 7 juillet, mais pas directement : Docteur Jane lui imprimait les longs messages que je lui écrivais quelques fois par jour, accompagnés toujours d'une rose virtuelle et, souvent, de photos que je prenais au cours de mes promenades et qui le faisaient rêver à sa venue à Montréal. Chaque jour, plusieurs fois par jour à l'occasion, Docteur Jane me rédigeait ses réponses et me donnait des nouvelles de toute notre petite famille.

Je ne peux pas oublier non plus qu'un autre Alexander, qui connaissait notre Petit Prince, m'écrivait l'année dernière à cette date pour me dire qu'il allait subir une opération et qu'il ne pourrait pas m'écrire durant quelques semaines. Je n'ai pas de nouvelles depuis. Chaque jour, je pense aussi à lui, à son ami Maurice.

Je m'inquiète au sujet de la santé de personnes que j'aime. Je crois que je devrais aussi commence à m'inquiéter au sujet de ma propre situation.

mardi 7 juin 2011

23

23 mois déjà ! 23 mois depuis son départ.


Mais ces chiffres qui représentent des mois n'ont aucun sens car c'est à chaque seconde que je constate que je suis resté sur terre quand Alexander a regagné son étoile.

dimanche 5 juin 2011

Un moment d'Obama... ou plutôt : d'embarras

En fin d'après-midi, samedi (je croyais que nous étions vendredi), je suis sorti faire une course et je m'étonnais de voir la plupart des magasins fermés... Je n'ai pas dépensé beaucoup d'argent mais en marchant, comme je le fais la plupart du temps quand mes neurones le permettent, je réfléchissais ou, plutôt, je dialoguais avec moi-même, en silence bien sûr. Un petit incident survenu quelques minutes plus tôt a entraîné ma pensée sur des questions de politesse, de courtoisie. Et, bien évidemment, j'ai songé à Alexander, que je pouvais imaginer dans toutes sortes d'événements, de situations, et qui jamais, jamais, n'aurait été pris en défaut. Il avait reçu une excellente éducation ; il connaissait toutes les bonnes manières, tous les codes, tous les protocoles auxquels il pouvait être exposé un jour ou l'autre. Plus important que toutes les règles, tous les codes, il possédait une noblesse naturelle, une très grande attention aux autres, la politesse du coeur.

Si la courtoisie naturelle est précieuse dans les relations personnelles, privées ou intimes, la connaissance des codes, des protocoles est indispensable dans certaines circonstances, dans les cérémonies officielles, par exemple. J'aurais aimé voir Alexander, concrètement, dans ce genre de situation : je sais qu'il aurait toujours été impeccable, mais le voir de mes yeux n'aurait fait qu'augmenter la part d'admiration que contient mon amour. Sa timidité lui aurait fait éviter de devoir prononcer une allocution comme celle que prononçait le président des États-Unis dans un dîner officiel en son honneur au Palais de Buckingham mais il aurait très bien su s'interrompre s'il avait été à la droite de la reine à la place de Barack Obama.


Cela vaut la peine, si on regarde la vidéo,
d'agrandir l'image au plein écran

Cette vidéo ne montre que la dernière minute de l'allocution du président Obama, mais une minute vraiment très embarrassante. Je ne sais pas comment lui-même a pris l'incident devant tout ce monde mais l'entourage de la reine ne savait plus où se mettre. Les joues de la duchesse de Cornouailles, sous son maquillage, étaient aussi rouges que l'uniforme de style tudor du Beefeater qui se tenait debout à l'arrière ; elle aurait eu envie de lui tirer la manche, comme on touche un chien pour le distraire d'un comportement à corriger. La reine elle-même, la seule qui pouvait vraiment faire quelque chose pendant « son » hymne national, a bien essayé de l'interrompre mais je pense que Barack Obama a voulu voir dans les gestes discrets de la reine un intérêt pour les derniers mots de son allocution, comme il a voulu croire que l'orchestre voulait donner plus d'emphase à ses derniers mots.

L'orchestre a sans doute attaqué un peu trop tôt l'hymne national britannique (et peut-être bien que le président des États-Unis a reçu des excuses pour cela) mais, dès les premières mesures, le président Obama aurait dû savoir se taire et attendre la fin de l'hymne national pour porter son toast. On ne parle pas, et surtout pas à la reine elle-même, durant le « God Save the Queen » ! Quoi qu'il arrive, le protocole veut que l'on ne mette jamais la reine dans l'embarras.

samedi 4 juin 2011

Plume d'ange

Je ne me souviens plus de la dernière que j'avais vu les étoiles. Quand il ne pleuvait pas, le ciel était couvert depuis longtemps et les étoiles n'étaient plus visibles. Je me suis senti encore plus séparé de mon Petit Prince. Cette nuit, je suis sorti et j'ai vu quelques étoiles dans le ciel. Tout va bien, alors.


Durant une dizaines de jours, alors que les étoiles n'étaient pas visibles, je voyais des petites plumes blanches partout dans l'appartement. En les voyant flotter dans l'air de ma chambre, j'ai d'abord cru qu'il s'agissait de duvet d'oie provenant de la couette sur mon lit. Mais je les voyais aussi bien dans le cuisine, dans la salle de bain que dans le salon. Puisqu'il y a des moustiquaires aux fenêtres, ces plumes ne venaient pas de l'extérieur. Il est fort possible qu'elles viennent de ma couette de duvet d'oie, mais alors, puisque cette couette se trouve sur mon lit depuis des années, pourquoi n'ai-je pas vu auparavant les plumes dans l'air ? Et si l'usure de la couette permet aux plumes de s'enfuir, pourquoi n'y en a-t-il plus dans l'air depuis quelques jours ?

J'écoutais l'autre soir Lisa Williams, cette Britannique qui vit en Californie, qui parle avec les personnes disparues et qui anime à la télévision une émission hebdomadaire au cours de laquelle elle sert d'interprète entre des personnes disparues et leurs proches curieux d'avoir de leurs nouvelles. Lisa Williams demandait à quelqu'un si elle avait remarqué des plumes autour d'elles, à la maison et même à l'extérieur ; c'était, semble-t-il l'un des moyens utilisés par une personne chère disparue pour exprimer sa présence. J'ai alors pensé que, puisqu'il n'y avait pas d'étoiles depuis quelque temps, Alexander avait aussi adopté ce moyen de manifester sa présence.