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lundi 1 août 2011

Aimer, perdre et... pleurer



Que dire à quelqu'un de très cher qui, en moins d'une semaine, a perdu sa mère et son grand-père ?
Quelqu'un qui, à peine arrivé chez des amis à la campagne, à l'autre bout du pays, pour tenter de refaire un peu ses forces après le départ de sa mère, doit refaire le chemin en sens inverse pour aller aux funérailles de son grand-père ?
Je crois qu'il n'y a rien à dire. Dans ces circonstances, les mots sont bien impuissants. Seules la présence et l'affection des amis, même à distance, peuvent tenter d'apporter un peu de soutien et de réconfort.
Il connaissait déjà l'intensité de la douleur et l'immensité du vide causés par la perte d'un être cher. Avant même de pouvoir se rendre compte de l'ampleur du désastre, on doit se demander, quand deux autres départs consécutifs viennent s'ajouter à celui dont on essayait de se remettre, quand est-ce que cela va s'arrêter.

« Aimer, perdre et grandir » : c'est le titre d'un livre de Jean Monbourquette que l'on m'a, parmi d'autres titres, suggéré de lire pour tenter de donner un sens à la perte de celui qui donnait à ma vie tout son sens. Je n'ai jamais été capable de lire ce livre, ni aucun autre du genre, qui veut nous faire croire que la perte des êtres qui nous sont chers nous fera grandir. Non, merci ! Je ne crois pas qu'il faille perdre ceux que l'on aime pour grandir. Si c'est cela, je préfère rester petit, serais-je porté à dire. Il faut être religieux, profondément croyant, et avoir abandonné pratiquement toute attache terrestre, pour pouvoir accepter la perte comme occasion de grandir. Je sais que le départ d'Alexander me force à trouver en moi des ressources que je ne me connaissais peut-être pas, mais je n'ai pas le choix ; je ne peux toutefois pas envisager sereinement « la chance » que j'ai de pouvoir « grandir ». Le seul point sur lequel j'aurai grandi, c'est sur la capacité de continuer de vivre avec la perte, malgré la perte.  Je reste toutefois convaincu que j'aurais évolué et grandi énormément plus avec la présence d'Alexander.

Cela dit, j'ai plusieurs fois eu recours aux services d'écoute de la Maison Monbourquette, au téléphone ou en personne, face à face, afin d'exprimer les trop fortes angoisses, les douleurs insoutenables, qui ont suivi le départ d'Alexander, et il m'arrive encore d'y faire appel. Il y a là des bénévoles formidables qui savent écouter sans juger, faire exprimer l'angoisse, le chagrin, en posant les bonnes questions sans suggérer eux-mêmes des réponses, et sans tenter même de faire allusion à Dieu ou aux pratiques spirituelles. Leur mission, c'est l'écoute, l'accompagnement des personnes en deuil, pas la foi.

Quand à notre ami si horriblement éprouvé, qu'il sache qu'il sera dans mon coeur et dans mes pensées, et que je serai là pour lui, aujourd'hui, demain, la semaine prochaine, dans les années à venir, aussi longtemps que je pourrai dire toujours.
Et, chez moi, de nouvelles bougies se sont ajoutées pour apporter un peu de lumière sur ces moments très sombres.

dimanche 6 août 2006

Quatre jours loin de chez moi (suite et fin... enfin)

Cette première nuit après l'opération n'a pas été trop difficile ; les anti-douleurs qu'on m'avait administrés sous différentes formes en fin de soirée avaient dû jouer leur rôle avec beaucoup d'efficacité. Je ne me souviens pas de m'être réveillé au cours de la nuit, mais au petit matin, j'avais les yeux bien ouverts avant que l'on vienne s'occuper de moi et dès qu'un préposé s'est approché, je lui ai demandé d'abaisser les barres d'appui escamotables de mon lit électrique aux multiples panneaux de commandes, dont deux sont insérés dans les barres d'appuis de chaque côté du lit... Je pouvais ainsi contrôler moi-même la hauteur du lit, le relèvement de la tête ou du pied, et bien d'autres fonctions que je n'utilisais pas ; il m'était cependant impossible de descendre moi-même les barres d'appui escamotables de chaque côté du lit. Le préposé m'a demandé pourquoi. « Parce que je veux pouvoir m'asseoir sur le bord du lit ». « Ah non, vous ne pouvez pas faire cela avant qu'on ait fait avec vous le premier lever. Après une anesthésie, une chirurgie, vous pourriez avoir un malaise, vous évanouir... Nous viendrons avec les infirmières vous aider à vous lever, mais dans une heure ou une heure et demie ; en ce moment, nous n'avons pas le temps. »
J'allais me résigner à attendre quand, cinq minutes plus tard, trois personnes sont arrivées pour m'aider à me lever et, voyant que je n'éprouvais ni faiblesse ni vertige, m'ont autorisé à m'asseoir sur le bord du lit, non sans me recommander la plus grande prudence dans mes mouvements. Dans les minutes qui ont suivi, je suis descendu du lit et j'ai commencé à marcher dans la chambre. Quand le préposé est revenu pour me demander si j'étais prêt à faire ma toilette, il a été surpris : je l'avais déjà faite. L'infirmière est revenue me donner quelques comprimés et me faire une injection, après avoir vérifié l'état du drain qu'on m'avait posé et des pansements. Le petit déjeuner est arrivé, liquide seulement, afin de ne pas imposer au foie un effort trop grand : « jus d'orange, sauce aux pommes, gruau coulé, cassonade, lait et café ». Après avoir absorbé tout cela, c'est-à-dire quelque dix minutes plus tard, j'étais prêt à faire face à ma principale préoccupation de la journée : comment occuper mon temps. J'ai commencé à marcher un peu dans le couloir, en m'aventurant de plus en plus loin. Puis j'ai découvert, à quelques pas seulement de ma chambre, une grande salle, avec de grandes fenêtres en saillie qui donnaient sur le jardin privé des soeurs hospitalières et, un peu plus loin, de l'autre côté de l'avenue du Parc, sur le parc Jeanne-Mance et le mont Royal. Puis, plus intéressant encore, il y avait, de chaque côté de ces grandes fenêtres, un petit balcon avec deux fauteuils.
Comme il faisait très beau et très chaud, j'étais ravi de pouvoir m'asseoir sur un de ces balcons et d'y passer de longues minutes à rêver, à lire ou tout simplement à admirer le jardin des soeurs, pas très fleuri, mais très agréablement planté d'arbres et d'arbustes d'essences diverses. Finalement, je pouvais jouir du soleil, de l'air, du calme, de la vue sur un jardin, sur un parc, sur la montagne et, en tournant légèrement la tête vers la gauche, sur tout le centre-ville de Montréal. Je n'ai pas de balcon chez moi et, paradoxalement, il fallait que je sois hospitalisé pour pouvoir profiter d'un balcon, comme si j'étais dans un grand hôtel. Au fond, l'Hôtel-Dieu portait bien son nom... Où donc aurais-je pu profiter du soleil de cette façon, à peine vêtu d'une légère blouse de coton, avec une vue magnifique, sans voisin immédiat car, étrangement, j'étais toujours seul sur l'un ou l'autre dec es deux balcons, sauf durant quelques minutes où un infirmier est venu manger son sandwich à côté de moi. Comme il fallait que je boive beaucoup d'eau et que, par conséquent, je doive aussi l'éliminer, j'ai souvent fait l'aller-retour entre ma chambre et ce balcon et c'est ainsi que j'ai passé la plus grande partie de mon temps ce lundi trois juillet, lendemain de l'opération chirurgicale pour m'enlever la vésicule biliaire. Quand j'ai rencontré le chirurgien, le mardi suivant, et qu'il m'a dit que je pouvais rentrer chez moi, j'avais l'air plus en santé que lorsque j'étais arrivé ; j'étais bronzé comme je ne l'ai pas été depuis des années.


Voilà, au fond ce qu'au départ je voulais raconter : ces quatre jours de « vacances » passées à l'hôpital, où j'ai été très bien reçu et très bien traité, où l'on s'est occupé de moi comme personne ne l'a fait ces dernières années, sauf mon charmant voisin par moments quand il était là, avant qu'il n'entreprenne pour de bon sa carrière d'acrobate...

En sortant de l'hôpital, le mardi quatre juillet, de nombreuses tâches m'attendaient, auxquelles je ne pouvais pas vraiment me soustraire, au risque de retarder de plusieurs semaines, voire de quelques mois l'avancement de certains dossiers que je trouvais importants. Officiellement, j'étais en convalescence pour un mois ; j'avais avisé mon employeur que je n'irais pas au travail durant quelques semaines, sauf un jour ou deux pour régler certaines affaires urgentes et ramasser mes affaires avant les vacances car le bureau serait fermé durant deux semaines. J'étais donc en congé de mon emploi alimentaire, mais je ne pouvais pas vraiment abandonner les responsablilités que j'assume, bénévolement, à la présidence de l'association professionnelle...

Je devais me reposer, mais je n'en avais pas le temps... Heureux de mon séjour à l'hôpital, qui m'avait forcé à me reposer durant quatre jours, et heureux aussi de rentrer chez moi, de retrouver ma musique, mes livres, mes outils de travail, mon ordinateur, Internet, etc... J'avais du pain sur la planche, mais en même temps, j'avais envie d'écrire, de raconter ce que je venais de vivre. Il s'agissait pour moi d'une expérience intéressante, positive, et je sentais le besoin de l'écrire, ne serait-ce que pour moi-même. Je ne savais pas au départ que ce serait aussi long et, honnêtement, je ne croyais pas qu'on se donnerait la peine de lire jusqu'à la fin ces deux longs billets et... d'en réclamer la suite. Mon intention, au départ, c'était de parler du balcon, du soleil, des vacances... et non des détails au sujet de l'hospitalisation elle-même... Mais voilà que, deux jours après avoir commencé ce long récit, j'ai été pris dans un tourbillon d'activités qui m'ont pris du temps, qui m'ont fait perdre le fil de ce récit en me prenant un peu mon âme, en quelque sorte.

Quand j'ai commencé ce récit, je me sentais bien. J'avais retrouvé ma sensibilité, ma capacité de m'émouvoir, de bien ressentir les choses. Je me sentais sensible et vulnérable ; un rien me faisait pleurer, de joie comme de tristesse. J'aurais voulu avoir près de moi quelqu'un avec qui je puisse partager ces émotions, avoir quelqu'un que j'aurais pu serrer contre moi et embrasser, quelqu'un avec qui partager un repas, etc. Mais ce n'était pas le cas.

Et, le temps passant, je me suis senti tout à fait déphasé. Je devais être en convalescence, me reposer, mais j'étais très pris par des obligations. À défaut de pouvoir partager avec un être proche des émotions, des confidences, j'aurais voulu pouvoir écrire des pages personnelles mais, au lieu de cela, je devais rédiger des rapports, concevoir et élaborer des stratégies d'affaires, etc. J'ai été si bien happé par les responsabilités habituelles que je n'avais plus d'énergie ensuite pour m'occuper de ce qui me touchait vraiment et dont j'avais retrouvé le chemin...

Puis un jour, il m'a fallu décrocher totalement. J'ai eu besoin de ne rien faire. J'étais fatigué. J'avais besoin de dormir. Les quelques heures de la journée au cours desquelles je ne dormais pas étaient consacrées aux courses, à la préparation des repas, aux repas eux-mêmes, à la lecture, à quelques brefs commentaires laissés à la suite de la lecture de quelques blogues. Je ne pouvais pas vraiment répondre aux commentaires laissés ici, à la suite des deux billets précédents car je voulais d'abord écrire cette troisième partie mais... je n'y arrivais pas. J'en suis désolé. Il m'aura fallu de nombreuses tentatives pour arriver à écrire ce billet, qui ne ressemble en rien à ce que j'avais en tête au départ ; j'ose espérer que je pourrai ensuite retrouver le goût et la capacité d'écrire plus régulièrement, des billets plus... courts et plus légers.

Merci de votre patience et de votre compréhension. Merci aussi de votre impatience si tel a été le cas...

Voici une photographie de l'Hôtel-Dieu de Montréal. Le salon vitré auquel je fais allusion se trouve à chaque étage au centre du pavillon le plus foncé, qui donne sur le jardin. Je me trouvais au quatrième étage, et les fenêtres de ma chambre, à quelques mètres seulement de ce salon vitré et des deux balcons, donnaient aussi sur le même jardin et sur le parc... (en cliquant sur les images, vous devriez pouvoir les agrandir).


Voici une image, prise par un autre patient de l'Hôtel-Dieu, et qui montre la vue qu'il avait de sa chambre ; c'est à peu près la vue que j'avais de la mienne, sauf que j'étais un peu plus haut : les arbres du premier plan ne me paraissaient pas si près. Ce que l'on ne voit pas sur cette image, c'est tout le centre-ville, qui se trouve à gauche de ce jardin, quelques rues plus loin... J'ai donc emprunté cette image à un autre patient de l'Hôtel-Dieu, dont j'avais lu le blogue il y a près d'un an, mais dont j'ai malheureusement perdu l'adresse ; j'avais conservé cette image, sans me douter qu'un jour j'aurais l'occasion de l'avoir sous les yeux en format réel.