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jeudi 3 janvier 2019

Il y a 10 ans, Harry

Il y a dix ans, un chat siamois nommé Harry rendait son dernier souffle. Atteint d'un cancer dont il souffrait depuis plus d'un an, il avait conservé une très bonne qualité de vie grâce aux soins médicaux certes, mais grâce surtout à l'amour inconditionnel de son ami Alexander ; toutefois, ce 3 janvier 2009, Harry fit comprendre que la douleur devenait insupportable. Comme il le lui avait promis, Alexander (qui était médecin) a lui-même donné les injections qui devaient mettre fin aux souffrances que l'on ne pouvait plus atténuer autrement.

Harry repose depuis dans le parc qui entoure la maison de la grand-mère d'Alexander, grand-mère qui avait trouvé autour de sa maison ce petit chat perdu et qu'elle avait offert à Alexander qui avait alors treize ans. Alexander et Harry devaient partager durant treize autres années la plus délicieuse des relations que puissent vivre un être humain et un animal.

Il y a dix ans, mais je n'ai rien oublié de ce chat adoré nommé Harry et de ce garçon adorable qu'était Alexander, qui restent très présents dans mon coeur et dans mes pensées, comme tous les êtres qui ont fait partie de « notre petite famille », comme nous aimions, Alexander et moi, appeler ceux que nous aimions.

mercredi 1 avril 2015

L'âme d'une maison

« Petit à petit les chats deviennent l'âme de la maison », a écrit Jean Cocteau.

Ce n'est certes pas Alexander qui le démentirait. S'il a découvert Cocteau un peu trop tard pour le connaître vraiment, il a toutefois, pendant treize ans, partagé sa vie avec le siamois que sa grand-mère avait recueilli tout petit, perdu dans le grand parc autour de la maison. Si Alexander Bull était son ami le plus cher, le complice de ses jeux, de ses sorties, de ses promenades, etc., Harry le siamois était vraiment le maître et l'âme de sa maison. Notre amie Jane m'écrivait : « Je ne sais pas ce qu'ils se disent, ces deux-là, mais, quand ils se regardent, c'est évident qu'ils se comprennent. » Il avait très confiance en la sagesse de son chat, et il partageait l'avis de Colette que « ce que chatte ne sait pas ne vaut pas qu'on le sache » (je cite de mémoire ce commentaire qu'Alexander avait écrit en juillet 2008 au sujet du chant du rossignol sous la lune).

Jacques Laurent a écrit ceci, que tous les amis des chats approuveront certainement : « Il suffit de croiser son regard avec celui d'un chat pour mesurer la profondeur des énigmes que chaque paillette de ses yeux pose aux braves humains que nous sommes. »

Il n'y a rien d'étonnant, dirait le prêtre, le pasteur, le rabbin, etc., à ce que certains d'entre nous puissent, volontairement ou non, s'éloigner de Dieu, puisque Dieu des chats a perdu le sien. Déjà que, la plupart du temps, c'est avec le cœur dans la gorge et les larmes aux yeux que j'écris dans ces pages, je n'ose essayer de m'imaginer ce que l'on peut ressentir dans un cas semblable. J'espère simplement que Roro retrouvera, sinon celui de la raison, le chemin de sa maison.

Cela me rappelle la belle histoire d'amour qu'a vécu un ami avec... une belle chatte blanche.


Un ami, qui avait une très jolie maison à la campagne, a trouvé un soir, en rentrant chez lui, une très belle chatte angora, toute blanche, bien installée au salon (elle était entrée par une fenêtre ouverte). Il a consulté les « avis de recherche », a trouvé la maîtresse inconsolable et il lui a ramené la belle blanche qui, l'a-t-il appris, s'appelait Hortense.

Le lendemain, Hortense était encore installée au salon. Après cinq ou six raccompagnements au domicile de sa maîtresse, celle-ci a dit : « Elle préfère votre maison à la mienne ; ne la contrarions pas ! » Et Hortense a vécu ainsi de longues années dans cette superbe maison, avant de déménager avec cet ami dans une nouvelle maison que tous les deux ont aimé longtemps, jusqu'au dernier soupir d'Hortense...

lundi 22 décembre 2014

Le 22 décembre 2008 - il y a exactement six ans - Alexander prenait la route pour se rendre chez sa grand-mère, dans la région de Cumbria, de Lakes District, au nord de l'Angleterre, pour y fêter Noël avec une partie de sa famille. Je me souviens de ce jour comme si c'était hier ; je me souviens des moindres détails de notre conversation de ce matin-là, comme je me souviens pratiquement de chaque instant de cette journée, des messages échangés avec notre meilleure amie qui s'inquiétait parce qu'Alexander ne répondait pas à son téléphone mobile, pas plus que le chauffeur ne répondait au téléphone de la voiture (Alexander, qui n'avait sans doute pas beaucoup dormi de la nuit, avait fermé la sonnerie de son téléphone et demandé au chauffeur de faire de même).

Après que la voiture eut quitté l'immeuble qu'Alexander habitait à Londres, le gardien avait téléphoné à notre amie, au nord-est de l'Angleterre, pour l'aviser que la voiture venait de partir, mais qu'un peu plus tôt, Alexander avait eu un petit accident... Jane s'en était inquiétée et avait voulu savoir ce qu'Alexander m'en avait dit. Il ne m'en avait pas dit grand-chose ; il avait sans doute voulu m'en parler mais, pensant qu'il s'était simplement levé en retard, je n'avais pas posé de question... Inutile de dire que nous étions tous soulagés quand, après quelques heures de route, Alexander était arrivé chez sa grand-mère ; celle-ci avait fait préparer du thé et un léger goûter qu'elle allait partager avec Alexander. Après quoi, me disait Jane qui venait de parler au téléphone à la grand-mère, Alexander allait m'écrire pour me dire qu'il était bien arrivé, me décrire sa chambre si bien aménagée pour lui, son chat Harry et son inséparable ami Alexander Bull.

Alexander était heureux de retrouver sa grand-mère, de l'aider dans ses derniers préparatifs pour la grande réception du réveillon... Mais je ne peux m'empêcher de penser qu'il avait l'intuition, dont il ne voulait pas vraiment parler, que ce serait le dernier Noël qu'ils allaient passer ensemble. Il m'avait pourtant dit : « L'an prochain, tu ne seras pas seul ; tu seras avec moi dans ma famille. » Mais, dans les jours suivants, je sentais qu'il était encore plus attentif à tout ce qui l'entourait : la couleur du ciel dans la campagne anglaise, la forme et le mouvement des nuages, la danse des flocons de neige dans l'air froid... Il avait pris une voiture, chez sa grand-mère, une grosse voiture qui tient bien la route et, avec son ami Alexander Bull, il était parti explorer la campagne des environs. Il avait roulé longtemps, comme il l'avait fait à moto quelques mois plus tôt, puis il s'était arrêté dans le vieux pub d'un petit village où il avait pris du thé et du pain d'épices, et il s'était joint aux gens du coin qui, la bonne bière aidant, chantaient en chœur de vieilles chansons anglaises... Même Alexander Bull, qui ne voulait rien manquer, chantait avec eux... Puis il s'était installé au vieux piano et avait joué quelques airs avant de reprendre la route.

Il était rentré fatigué mais assez content de cette longue randonnée dans la campagne anglaise sous la neige. Il avait repris du thé et quelques bonnes choses puis il était monté à sa chambre d'où il m'avait écrit avant de se mettre au lit sans attendre le dîner... (Alexander Bull était monté avec lui mais, dès qu'il a senti les bonnes odeurs de la cuisine, il était redescendu pour surveiller la préparation du dîner). Je ne sais pourquoi, mais j'avais aussi l'impression qu'Alexander savourait chacun de ces moments comme s'ils n'allaient pas revenir, comme s'il sentait qu'il ne serait plus là pour les revivre au Noël suivant...

Tout cela est bien gravé dans ma mémoire, et surtout dans mon cœur. Ces images, ces mots, ne me quittent jamais, mais ils sont plus douloureux encore durant ces jours qui précèdent Noël, et plus particulièrement en ce 22 décembre... Quand donc les oublierai-je ? Jamais ! C'est un « jamais » tout relatif, qui ne concerne que moi, bien sûr. Mais tant que je vivrai, ce passé sera présent, et jusqu'à mon dernier souffle Alexander sera vivant.

jeudi 5 avril 2012

Son jumeau a trente ans

Depuis quelques semaines, je pensais à cette date qui arrivait et, plus la date approchait, plus mon anxiété augmentait. Depuis bientôt quatre ans, cet anniversaire est pour moi l'un des plus importants, l'un des plus chers à mon cœur, l'anniversaire de naissance de ce garçon exceptionnel qui m'a invité à faire un bout de chemin avec lui. Hélas, il n'est plus là pour que nous fêtions ensemble l'anniversaire de sa venue sur la terre, mais tous les jours seront pour moi des occasions de remercier le ciel de l'avoir envoyé sur cette planète et placé sur mon chemin.


Il n'aura jamais plus de vingt-sept ans. Mais son jumeau, lui, aura trente ans aujourd'hui. Ce marronnier rose planté par sa mère dans le vaste parc d'une grande maison du Kent n'oubliera jamais non plus ce garçon merveilleux qui, lorsqu'il était enfant, venait partager avec lui son chocolat de l'après-midi, lui raconter des histoires afin qu'il ne s'ennuie jamais, et lui prêter son cache-nez lorsqu'il faisait froid.


Au moment d'écrire ces quelques lignes, je me souviens vaguement avoir rêvé, la nuit dernière, que la grand-mère d'Alexander me parlait du petit garçon qu'il a été et qu'il est pratiquement resté jusqu'à son dernier jour sur cette terre.

vendredi 24 juin 2011

Que s'ouvrent enfin les roses...

Les blogues permettent de belles émotions, de beaux moments, de belles rencontres, on l'a dit et écrit très souvent, depuis 2005 en ce qui me concerne.
J'ai abondamment parlé d'Alexander et je pourrais parler de lui encore et encore, si je n'étais pas soucieux de préserver un peu de son jardin secret, et surtout sa vie privée, qui concerne plusieurs membres de sa grande famille officielle (que nous distinguions de notre petite famille merveilleuse, composée des êtres choisis que nous aimons, qui nous aiment)... J'ai dit et redit à quel point ce garçon qui a découvert mon blogue en cherchant des images sur Internet a bouleversé ma vie. Et je n'aurai sans doute pas assez du reste de cette vie pour essayer de comprendre pourquoi j’ai été choisi. « Ce n’est pas un hasard, m’écrit sa grande amie ; il a été dirigé vers vous par quelqu’un qui veille sur lui. »
Grâce à ce blogue qu’ils ont découvert après son départ, des amis d'Alexander m’ont écrit, m’ont fait des confidences si bouleversantes. L’histoire de chacun de ces amis est à la fois magnifique et tragique...


Puis, tout récemment, un autre lecteur a laissé en commentaires sous l'article du 7 juin dernier une histoire qui m'a vivement ému, bouleversé. Sachant que bien des lecteurs ne reviennent pas, après avoir lu l'article du jour, vérifier les nouveaux commentaires qui s'y sont rajoutés... Avec sa permission, je veux reprendre ici l’histoire de Colin et de son jeune soldat allemand. Avec beaucoup moins, Marguerite Duras a fait un film dans lequel elle raconte la mort d'un aviateur anglais ; imaginons ce que pourrait faire Colin avec son histoire.
Je ne connais de Colin que ce qu'il a écrit en commentaires depuis quelques semaines, rien de plus.
Il est aussi un ami du Petit Prince. Je suis certain qu'Alexander aurait aussi été très ému par l'histoire qu'il raconte ici, après avoir envoyé les paroles d’une chanson que lui chantait une vieille dame chez qui il passait quelques semaines l’été et que l’on peut lire en commentaire à cet article du 7 juin dernier.
Je n’ai rien changé, même pas une virgule, au texte de Colin, que voici :

Je ne sais plus les mots perdus ce matin, il m'en est venu d'autres, différents surement, mais les souvenirs sont bien les mêmes.
Pour vous donner des nouvelles de ma rose.

Il y a un petit cimetière caché par de grands arbres en surplomb d'un petit village. Petit village où je passais quelques semaines l'été.
Là, il y a une tombe abandonnée. Les chaînes qui l'entourent sont rouillées, l'inscription sommaire, mangée par la mousse. Il n'y a pas de croix, il n'y en a jamais eu, je pense. J'ai dechiffré l'épitaphe usée par le temps, un soir d'été, attiré par l'ombre, la solitude de l'endroit, la douceur de la pierre encore chaude.
C'est la tombe d'un jeune soldat allemand, mort en 1917.
Je ne sais pas pourquoi il est enterré là, pourquoi personne ne l'a ramené chez lui, pourquoi personne n'a jamais réclamé son corps.
J'ai pensé alors que nous avions peut être eu la même enfance.
Personne dans le village n'a jamais pu me raconter son histoire. Les plus anciens, déjà en ce temps là, le temps de mes étés, ne savaient plus, ou ne voulaient plus savoir.
Mais moi, je ne sais qu'une chose. Si on a prit le soin de donner à ce jeune homme, si près encore de l'enfance, une sépulture dans ce petit cimetière si loin de chez lui, dans ces temps troublés, c'est qu'il méritait qu'on le traite en soldat, pas en ennemi.
Il s'appelait Günther Von Rosenwald.
Nom prédestiné.
Il n'avait personne pour le pleurer. J'ai été celui là.
Il a été mon ami, mon confident. Par delà le temps, les circonstances tragiques de cette guerre. Et je veux croire que dans une autre dimension, je ne sais où, là où les gens peuvent s'aimer, j'ai été le sien.
C'est près de lui, où je passais mes après midi d'été, à dessiner, à lire, à pleurer souvent, à lui parler, que l'on venait parfois me récupérer le soir quand j'en oubliais de rentrer.
On me grondait, me menaçant de me renvoyer au Foyer si je n'étais pas plus obéissant. Alors je devenais sage pour ne pas abandonner Günther trop tôt, trop vite. Il n'avait que moi...et je n'avais que lui.
J'imaginais qu'il m'attendait chaque été avec la même impatience que la mienne, sanglé dans son uniforme.
Je serais mort de chagrin si l'on m'avait envoyé dans une autre famille d'accueil pour l'été, mais celà n'est heureusement, jamais arrivé.
Le reste de l'année je lui écrivais des poèmes que je lui lisais lors de nos retrouvailles. De grandes lettres aussi.
Avant je lui apportais des fleurs des champs, des coquelicots mêlés d'épis de blé, de grandes marguerites arrachées aux fossés. Maintenant, comme la forêt de roses qui témoigne de son nom, ne fleurit plus depuis si longtemps, je lui en apporte.
Cette année, j'ai enfin son âge.
J'ai écrit son histoire. Avec rien. Deux dates, et les mots soufflés par les grands arbres qui ombragent son tombeau depuis toutes ces années.
Je viens de faire le voyage jusqu'à lui pour lui donner ma rose.
Il y avait une petite pancarte sur sa tombe. La mairie veut recupérer sa place à moins que quelqu'un ne se réclame de sa famille. C'est le lot de toutes les plus vieilles tombes qui ne sont plus à personne.
Je suis entrain d'essayer de réunir les papiers nécessaires pour que personne ne touche à cette tombe. Le maire m'a promit son soutien. J'ai effectué de nombreuses recherches dans son pays. J'ai rencontré des gens portant son patronyme. Epluché de poussiéreux dossiers militaires. Personne ne sait qui il est. Qui il était.
Ce texte que je vous ai envoyé précédemment, c'est la grand'mère de la famille qui me le chantait parce qu'elle savait, elle aussi bien sur où je passais mes après midi. Elle était la seule à me comprendre. J'aurais aimé qu'elle soit ma vraie grand'mère, comme celle de votre Alexander si tendrement chéri.
Je ne sais pas si Günther Von Rosenwald a une étoile dans le ciel, mais dans mon cœur il sait qu'il peut trouver des milliers de roses.

mardi 5 avril 2011

Son anniversaire de naissance

Depuis que je tiens ce blogue, j'ai souvent souligné l'anniversaire de personnes qui, d'une façon ou d'une autre, ont compté pour moi : Alexandre le Grand, Héphaistion, Franz Pforr, et tant d'autres.

Si je ne devais désormais me souvenir que d'un seul anniversaire de naissance, ce serait celui d'un garçon merveilleux, tout à fait exceptionnel, tout aussi important pour moi qu'Héphaistion pour Alexandre, que Patrocle pour Achille, qu'Antinoüs pour Hadrien, .. un garçon anglais qui a bouleversé ma vie et lui a donné tout son sens.


Pas besoin d'un anniversaire pour penser à Alexander. Au réveil, ma première pensée est pour lui ; avant de sombrer dans le sommeil, c'est lui encore qui occupe mes pensées ; entre les deux, il est là, présent dans tout ce que je pense, tout ce que je dis, tout ce que je fais. En plaisantant, Alexander disait que c'était du thé qui circulait dans les veines des Anglais. De la même manière, je peux affirmer que c'est Alexander qui circule dans mes voies respiratoires et dans mes veines...

En ce 5 avril, je veux remercier le Ciel de nous avoir envoyé sur Terre ce Petit Prince merveilleux et de m'avoir permis de me trouver sur sa route. Je pense à ceux et celles qui l'ont connu bien avant moi et qui restent inconsolables : Charles, leur grand-mère, Jane, Abigail, son cousin préféré, des amis, ... et en particulier à ceux et celles qui se souviennent de l'arrivée de ce petit ange, un 5 avril, il y a déjà... 29 ans.

mercredi 7 juillet 2010

Notre Petit Prince

Ces dernières années, Alexander habitait Londres,
à deux pas de l'abbaye de Westminster

Depuis minuit heure de Greenwich, la famille d'Alexander est rassemblée, avec des amis très chers, autour du caveau où reposent les cendres d'Alexander, pour prier et commémorer le premier anniversaire de son départ. Je voudrais être là, avec eux, dans cette église du XIIIe siècle, dans ce paisible petit village de la campagne anglaise, afin de joindre aux leurs mes hommages et mes prières. Il n'était pas possible que j'y sois moi-même physiquement, mais j'y suis encore très bien représenté par une amie merveilleuse qui a déposé à l'entrée du caveau un important arrangement en forme de coeur, composé de roses roses, avec une carte portant mon nom. Alexander n'avait pas besoin que mon nom y soit écrit mais je suis heureux qu'il le soit : il rappellera ainsi à ceux de la famille qui préféreraient l'oublier qu'Alexander avait un amoureux et que cet amoureux ne l'oubliera jamais.

Enfant, il a cependant grandi
plus près de l'abbaye de Cantorbéry

Je suis heureux que sa grand-mère ait pu se déplacer et se joindre aux autres. Ainsi, il y aura au moins trois personnes pour m'associer en pensée à Alexander. Ce Petit Prince m'avait choisi et, durant quinze mois, même à distance, nous avons appris à nous connaître et nous avons partagé autant d'émotions, de découvertes, d'émerveillement, d'inquiétudes aussi, que peuvent en partager en plusieurs années un couple marié.

Alexander, notre Petit Prince, a compris, il y a quelques jours, que cette grand-mère qui l'a toujours adoré et qu'il adorait, même si, bien involontairement, il l'a selon lui trop souvent fait pleurer, viendrait à l'église avec les autres pour lui rendre hommage. La semaine dernière, en ouvrant sa porte, la grand-mère qui aime les animaux comme les a toujours aimés Alexander, a découvert un joli renardeau qui dormait en boule. Il savait bien où aller trouver refuge, lui aussi ! Elle lui a donné à boire et à manger et, depuis, le renardeau la suit partout.

Lorsqu'il est minuit, en Angleterre, il est dix-neuf heures à Montréal. Pratiquement tous les soirs à cette heure, Alexander et moi étions en conversation et nous guettions s'écouler les dernières secondes avant que le carillon de Westminster ne sonne minuit. Peu importe le sujet de conversation. nous faisions une pause pour souligner la présence rassurante du carillon et les douze coups du Big Ben. Lui les entendait par ses fenêtres ouvertes, à proximité, et moi je les écoutais sur mon ordinateur grâce un petit logiciel qui reproduit exactement, chaque quinze minutes et en temps réel, le son du carillon et du Big Ben. Après quoi nous poursuivions la conversation exactement là où nous l'avions interrompue. Chaque soir, à dix-neuf-heures, j'ai un fort pincement au coeur (et la plupart du temps bien davantage) ; je ne peux jamais m'empêcher de penser qu'à ce moment précis il est minuit à Londres.

Et pourtant c'est dans une plus modeste église, comme celle-ci, pas celle-ci,
mais dans une église de ce genre, plus ancienne (XIIIe siècle),
que reposent ses cendres, près de ceux qui,
depuis des siècles, l'ont précédé

Depuis minuit, donc, la famille et des amis très proches unissent leurs prières pour rappeler à Alexander combien il est aimé, et pour demander que son âme soit maintenant dans la paix, dans l'amour et dans la lumière, entourée de toutes celles qui l'ont précédée, qui aiment Alexander et qu'Alexander a toujours aimées. Je ne suis pas sûr de savoir bien prier , si je l'ai jamais su ; j'ai perdu l'habitude des répétitions de mots quand le coeur n'y était pas vraiment. J'essaie de réapprendre, à ma façon, sans faire semblant ; cela aussi, je le dois en grande partie à Alexander.

En début de soirée, avant dix-neuf heures, j'ai abondamment pleuré et je continue en rédigeant ces mots. Je ne me sentais pas prêt, pas encore digne, ce soir, de participer à cette commémoration. J'aurais voulu me faire beau, à l'intérieur comme à l'extérieur, comme Alexander avait l'exquise politesse de soigner sa tenue vestimentaire et de se parfumer pour venir me parler.

Je ne suis pas sûr d'avoir les bonnes couleurs,
mais cette image donne un aperçu

Néanmoins, j'ai allumé des bougies blanches devant les plus belles images de lui, près de plusieurs objets rappelant son passage sur Terre. J'ai affiché sur l'un des écrans de l'ordinateur des images de l'église où la famille est réunie et, pour mieux me joindre à eux, j'écoute sans interruption des airs de cornemuse. C'est que Charles, le grand frère adoré, a eu l'excellente idée de retenir les services d'une dizaine de Highlanders, joueurs de cornemuse, en tenue de gala traditionnelle. Durant vingt-quatre heures, ils joueront en continu, d'abord ensemble au début de la nuit, puis encore en fin de soirée de ce 7 juillet, se relayant le reste du temps. Quelle magnifique façon de faire sentir à Alexander qu'il n'est pas seul, que nous l'aimons et que nous ne l'oublions pas ! Alexander a toujours adoré la cornemuse. Souvent nous en avons écouté ensemble. Je dois dire que je suis toujours très ému par son timbre et souvent profondément remué par les airs auxquels elle est associée. J'imagine que ce sont mes origines irlandaises qui, ainsi chatouillées, se réveillent.

J'ai reçu ce matin un long message, vraiment bouleversant, exprimant tant d'amour pour notre Petit Prince et me révélant encore davantage à quel point, durant son court passage sur Terre, il aura été merveilleux. Je constate encore une fois que sa capacité d'émerveillement était pratiquement, à vingt-sept ans, aussi belle et étonnante qu'à cinq ans. Du premier au dernier jour de son existence ici, il aura conservé son innocence, une pureté rare, son authenticité... J'aimerais pouvoir un jour m'approcher de la qualité intrinsèque de ce garçon. Il faudrait plusieurs vies.

Ce n'est pas le texte que j'aurais voulu écrire pour souligner ce douloureux anniversaire du départ de notre Petit Prince. Mais avec le temps, j'ai pris davantage conscience de la complexité, de la richesse de ce garçon, et j'ai du mal à organiser mes idées pour parler de lui dans ces pages. Il y aurait encore tant et tant à dire à son sujet. Je ne renonce pourtant pas à essayer de construire autour de son nom, de son esprit, une cathédrale de mots qui recèleront à jamais les richesses de cet être merveilleux que j'ai eu le privilège d'accompagner un moment.

Pour l'instant, en écoutant la cornemuse, je vais me replonger dans la lecture de notre correspondance, et dans celle d'amis d'Alexander ; la plus grande majorité des pages écrites par les amis, en particulier celles de « Docteur Jane », sont absolument bouleversantes. Qui donc a dit que les Anglais avaient le sang froid ? Ces pages révèlent chaque fois davantage, s'il en était besoin, la mesure de ce que nous avons perdu avec le départ d'Alexander.


Merci, Alexander, d'avoir croisé ma route, d'avoir attiré et retenu mon attention en m'invitant à marcher avec toi. Tu as inspiré et donné tant d'amour, tu as accordé tant d'attention et de réconfort, prodigué tant de joies inattendues, de bonheurs inespérés. Tu as mérité d'être maintenant et pour toujours dans la paix, l'amour et la lumière... jusqu'au jour où tu voudras revenir sur Terre. Ce jour-là, je t'en prie, dis-le moi.

dimanche 14 mars 2010

Amour maternel

Je n'y avais vraiment pas pensé...

Il faut dire que ma mère étant décédée depuis quelques années, à un âge très respectable (ma mère était déjà relativement âgée lorsque je suis né), et que les relations avec ma mère ressemblaient davantage aux relations que j'aurais pu avoir avec une grand-mère distante si j'étais né plusieurs années plus tôt, la fête des Mères a toujours été pour moi une fête assez « conventionnelle », sans grande connotation affective. La fête a parfois pris plus d'importance lorsqu'il s'agissait de souligner la fête des mères de certaines personnes que j'aimais car je pouvais alors y associer des émotions...

Ces deux dernières années, j'ai essayé de ne pas évoquer trop souvent la relation avec la mère car Alexander a eu le malheur de perdre la sienne alors qu'il n'avait que quatre ans. Il conservait de celle-ci de précieux souvenirs de berceuses qu'elle lui chantait, de dentelles et de petits anges voletant au-dessus de son petit lit, souvenirs ravivés bien sûr par les récits émouvants qu'on lui a souvent faits par la suite. Mais ce qu'il ressentait, surtout, c'était l'absence d'une maman. Même s'il y avait un père qui adorait ses enfants, et même s'il y avait plein de monde pour s'occuper d'eux, Charles et Alexander se sentaient souvent très seuls dans cette grande maison. « C'est difficile pour des petits garçons de grandir dans une maison où il n'y a pas de mummy », disait-il. Et je n'oublierai jamais ce récit déchirant, bouleversant, qu'il m'a fait du premier Noël sans sa mère, alors qu'il croyait qu'elle arriverait avec le Père Noël ; même s'il y en avait une tonne, il ne fallait surtout pas ouvrir les cadeaux avant l'arrivée du Père Noël car alors sa maman ne viendrait plus... Chaque Noël, Alexander revivait en silence ce premier Noël où sa mère n'est pas venue... « Il n'y a qu'à toi que je puisse raconter cela », me disait-il. Ce n'était pas parce que personne ne pouvait comprendre mais surtout parce qu'il ne voulait faire de peine à personne en exprimant la sienne. Le petit garçon n'a pourtant pas manqué d'amour : l'amour d'un père occupé mais qui adorait ses deux fils et qui savait vraiment leur faire plaisir ; Alexander n'aura jamais oublié certaines joies immenses qui l'attendaient parfois au réveil, que ce soit à son anniversaire ou en d'autres circonstances. L'amour d'une grand-mère qui n'était pas toujours là car elle vivait un peu loin mais qui aurait tout donné, et qui l'a souvent fait, pour l'amour de ces deux petits anges (les plus précieux souvenirs d'Alexander lui viennent sans doute de tout ce qu'il a pu apprendre, vivre avec sa grand-mère ; l'année dernière encore, elle l'avait invité au théâtre, voir une représentation du Petit Prince : pour l'occasion, il avait apporté avec lui, pour qu'il puisse entendre la pièce, le Petit Prince de chiffon que lui avait offert sa grand-mère alors qu'il avait quatre ans et dont il ne se séparait jamais ; usé, léché, déchiré même, si souvent recousu par ses soins, il adorait son Petit Prince et même à l'hôpital, il était là, le plus rassurant possible). L'amour d'une marraine merveilleuse qui en dépit d'un emploi du temps très chargé tenait à offrir à son filleul et à son frère des moments de vie de famille en les invitant souvent à passer du temps avec ses propres fils, leurs cousins... Puis il y a eu Jane, la meilleure amie de sa mère, qui a vu naître ce petit ange et qui l'a vu grandir ; Jane a toujours aimé Alexander et son frère Charles comme s'ils étaient ses propres fils. Et comme elle a si vite senti qu'Alexander ne serait pas « un garçon comme les autres », qu'il était dès ses premières années un véritable poète, amoureux des chevaux, des plantes, de tout ce qui vit, sachant comme saint François parler aux bêtes et consoler les fleurs, elle a eu pour Alexander une affection particulière qui, au fil des ans, s'est transformée en solide amitié.

Malgré cette rare complicité, cette indéfectible amitié, Jane a tout de même conservé envers Alexander la fibre maternelle. Et en ce dimanche 14 mars, son coeur de mère n'a pu s'empêcher de saigner en raison de l'absence du Petit Prince tant aimé. Si l'amour de ses filles et l'amour de ses gendres peuvent combler son coeur de mère, ils ne peuvent faire oublier qu'il y a quelques mois encore un Petit Prince aux cheveux de jais et aux grands yeux verts la faisait rire ou pleurer en donnant à la vie tout son sens, en faisant prendre conscience de toute sa richesse...


Je n'y avais pas pensé et je n'y aurais pas pensé avant le mois de mai... si Jane ne m'avait exprimé sa douleur en ce jour de la fête des Mères.

Au Royaume Uni et en Irlande, il y a eu, entre le seizième siècle et 1935, une fête qui s'applelait « Mothering Sunday », et qui voulait que les Chrétiens se rendent au moins une fois l'an à l'église que fréquentaient leur mère respective ; ainsi, presque chaque mère se trouvait ce jour-là en présence de ses enfants. Cette fête était célébrée le quatrième dimanche du carême ; en 2010, ce dimanche tombe le 14 mars.



À compter de 1935, Mothering Sunday n'était plus célébrée en Europe. Il aura fallu attendre quelques années pour que la fête des Mères soit remise au goût du jour par les soldats états-uniens venus combattre en Europe au cours de la Seconde Guerre mondiale. Ils célébraient cette fête le deuxième dimanche de mars mais les habitants du Royaume Uni et de l'Irlande ont tenu alors à conserver le même jour qu'ils avaient l'habitude de célébrer le Mothering Sunday, soit le quatrième dimanche du carême.

Voilà pourquoi ce dimanche 14 mars, maintenant que je le sais, j'ai une pensée particulière pour les mamans du Royaume Uni et de l'Irlande, une pensée toute spéciale et les voeux les plus cordiaux pour les mamans que je connais : Jane, Abigail...

Et comme c'était aussi la semaine dernière, dimanche 7 mars, la fête des Grands-mères, j'en profite pour offrir mes voeux à la plus extraordinaire des grands-mères, celle qui a su accompagner un petit garçon merveilleux pour en faire un garçon exceptionnel, un Petit Prince, celle qu'il adorait tant, la grand-maman d'Alexander. Meilleurs voeux aussi à toutes les grands-mères qui aiment leurs petits-enfants.

lundi 8 mars 2010

Femmes de coeur


On pourrait croire parfois que le simple fait d'être une femme dans un monde généralement fait par des hommes pour des hommes est un exploit en soi. Certaines s'en tirent mieux que d'autres. Mais rien n'est jamais vraiment gagné de façon définitive, ne serait-ce que pour les salaires.

J'ai connu plusieurs femmes formidable, des artistes, des femmes d'affaires, des dirigeantes, etc. Mais, comme pour tout le reste dans la vie, on ne connaît bien que ce que l'on apprivoise, que celles et ceux que l'on apprend patiemment à connaître. J'ai eu l'occasion, depuis quelques mois, de vérifier la qualité de la présence de certaines amies ; il y a des jours où, vraiment, je ne sais pas dans quel état j'aurais terminé la journée et commencé la nuit si je n'avais pas eu l'oreille attentive et le coeur ouvert de certaines de ces amies. Je pense notamment à Pierrette qui, à l'âge où la plupart des gens sont à la retraite depuis un bon moment, continue de travailler et de conseiller des gens qui vivent des situations difficiles. Le soir, chez elle, son téléphone ne dérougit pas car la famille et les amis veulent aussi bénéficier de son écoute et de ses conseils. Je pense à une autre amie, à l'une de mes soeurs, ... Je les remercie de leur présence réelle.


Alexander n'a pas eu la chance de bien connaître sa mère car celle-ci est décédée alors qu'il n'avait que quatre ans. Il a pu toutefois compter sur l'amour inconditionnel d'une grand-mère extraordinaire qui lui a appris énormément de choses, dont le nom des oiseaux, des plantes, etc. Il y avait tellement d'amour, d'admiration, dans ses mots lorsqu'il me parlait de sa grand-mère que je rêvais de venir avec Alexander m'asseoir au coin du feu afin qu'elle me parle du petit garçon merveilleux qu'il était. J'ai vécu avec lui, à distance, les inquiétudes que l'on ressent profondément lorsque ceux que l'on aime sont en cause.

Il a eu le malheur de perdre sa marraine alors qu'il n'avait que quinze ans. Elle était une femme remarquable, mais elle était surtout sa marraine qui l'aimait inconditionnellement et qui l'encourageait à rester lui-même, à résister aux pressions familiales qui voulaient faire de lui un garçon plus lisse, plus conventionnel. Et puis elle était la mère de cousins avec qui il aura passé beaucoup de temps pour tenter d'oublier qu'il n'y avait pas de maman à la maison.

Plus tard, à la fin de ses études de médecine, il a pris un appartement près du palais de Westminster. Il a eu la chance d'avoir comme voisine une autre femme formidable qui est vite devenue une amie, une complice... Il aimait beaucoup jouer avec elle au backgammon car, contrairement à Alexander le bouledogue, Abigail ne trichait pas ; celui ou celle qui avait remporté dix parties se faisait organiser par l'autre toute une journée, qui pouvait consister en une sortie au musée, au cinéma, au concert, repas au restaurant, etc. Même Alexander bull adorait recevoir une invitation d'Abigail ; il se faisait beau pour descendre à son appartement. Depuis le départ d'Alexander, Abigail ne pouvait plus tolérer son absence ; elle ne pourrait plus lui apporter de la soupe de légumes, un plat de lentilles, des macarons, etc. ; aller et venir dans cet immeuble en sachant qu'elle n'y retrouverait pas la présence aimante et attentive d'Alexander lui est devenu insupportable : Abigail a quitté son appartement pour aller vivre chez ses enfants à l'extérieur de Londres.

Et enfin, une autre femme a joué un rôle immense dans la vie d'Alexander. Comme elle était la meilleure amie de sa mère, Jane considérait que, d'une certaine façon, son amie lui avait confié son petit ange. Alexander a toujours eu sa chambre chez Jane, à la campagne. Encore maintenant, ses jouets d'enfant sont là, bien présents. Jane a toujours été pour Alexander comme une mère mais aussi une très précieuse amie, une grande complice. Quand Alexander ne pouvait pas communiquer avec moi, soit parce qu'il y avait une panne d'électricité ou d'Internet, soit parce qu'il était à l'hôpital, Jane était là pour me donner des nouvelles d'Alexander et pour lui transmettre mes messages, pour lui imprimer ce que je lui écrivais aussi bien que les images qui accompagnaient mes mots. Jane était là pour le rassurer lorsqu'il était inquiet, pour recevoir ses confidences, pour lui trouver des objets qui lui feraient grandement plaisir. Et surtout, elle aura été présente jour et nuit jusqu'au dernier souffle, tenant avec amour la main de notre petit prince, lui disant les mots qui apaiseraient ses angoisses, écoutant les siens. Depuis le départ d'Alexander, Jane est absolument inconsolable. Sa présence, ses messages presque quotidiens, me sont si précieux, indispensables. Et si elle n'était pas là, Alexander le bouledogue se laisserait sûrement mourir. Si je n'avais qu'une seule médaille à décerner aujourd'hui, c'est à Jane qu'il faudrait la remettre. Je sais que toutes les femmes qui ont tellement compté pour Alexander seraient d'accord avec moi. Bonne fête, Jane.
Bonne journée internationale des femmes.

dimanche 3 janvier 2010

Il y a un an, Harry...


Il y a un an, alors que son ami se préparait à quitter la campagne de sa grand-mère pour rentrer à Londres, Harry (Potter) faisait comprendre qu'il était temps de partir sur son étoile. Il avait donné le meilleur de lui-même et le cancer dont il était atteint ne lui laissait plus le choix. Il était trop fatigué pour faire le voyage de retour à Londres et il voulait éviter à Alexander un autre aller-retour quelques jours plus tard pour venir le mettre en terre dans le jardin où il avait été recueilli treize ans plus tôt.

Il me manque. Tout comme me manquent les mots de celui qui m'en parlait avec tant d'amour.

Jane m'écrivait, il y a quelques jours, que ses quatre chatons nés chez elle cet automne avaient poussé les personnages de la crèche sous l'immense sapin de Noël et s'étaient fait un nid confortable pour dormir. Harry faisait de même. Comme ils ont raison de penser à leur confort, à leur bien-être ! Nous devrions plus souvent faire comme eux.

Alexander bull, lui qui l'an dernier cherchait Harry partout dans la maison, en reniflant un à un les jouets du chat en faisant semblant que Harry voulait jouer à cache-cache, alors qu'il avait bien compris ce qui se passait, cette année, ne voulant pas laisser aux chatons tout le plaisir que procure l'arbre de Noël, il a croqué un ange de bois. Je suis sûr qu'il aurait préféré qu'il soit en pain d'épice, comme ceux qu'il aimait partager avec son ami lors de leurs sorties dans Londres. Mais il n'aura pas eu à se priver longtemps de toutes les gâteries qu'il aime ; en faisant avec Jane la visite chez plusieurs personnes âgées du village, il aura été choyé. Ce chien est un vrai personnage, m'écrivait Alistair il y a quelques semaines. Il est aussi bien élevé que son ami et il adore faire plaisir, saluer, s'asseoir, donner la patte. Il n'est donc pas étonnant que tout le monde l'aime. Abigail, sa voisine et amie à Londres, lorsqu'elle recevait chez elle, aimait adresser à Alexander bull, sur de jolis cartons, des invitations écrites que son ami lui lisaient. Et s'il est aimé, il aime son public : à la portière de la voiture lorsqu'il circule, il se prend pour la reine saluant ses sujets. « He thinks he is royal, but he is not ! » disait Alexander ; je ne suis pas tout à fait d'accord : s'il n'est pas royal, il est au moins princier.

Vendredi soir, en pensant à Harry et à son ami, qui nous ont tous deux quittés en 2009, j'ai regardé une nouvelle fois le premier film de la série des Harry Potter. Je crois que ce soir j'en regarderai un autre.

lundi 14 décembre 2009

Orphelins


En regagnant beaucoup trop tôt son étoile, Alexander a laissé derrière lui pour regretter son absence quelques personnes merveilleuses pour qui il était tout : sa grand-mère, son frère Charles, Jane, la meilleure amie de sa mère, fidèle amie et complice, Abigail, sa voisine et amie, son cousin préféré, des amis, Russell, Alistair, des collègues de travail, quelques autres personnes sûrement dont j'ignore l'existence, sans oublier son meilleur ami, Alexander le bouledogue, complice de tous les instants, le petit Troy, mignon petit chat gris-souris recueilli sous la pluie qu'il aura confié à son amie Abigail...

Je ne nommerai pas quelqu'un qui, s'il prétendait aimer Alexander, devrait ces jours-ci mais pas uniquement, en faire la preuve.

Un adorable poulain nommé Montréal, d'autres chevaux avec qui il aura gagné des parties de polo ou avec qui il aura fait de l'exercice à la campagne ou à Hyde Park, des pigeons d'un petit parc près du British Museum avec qui il allait dialoguer en prenant son thé après avoir passé un bon moment avec Alexandre le Grand et Héphaistion dans la salle 22 du musée, de nombreux chiens que lui aura présentés son bouledogue dans les parcs préférés de Londres, des écureuils qui le remerciaient de faire comprendre à Alexander bull qu'eux aussi aimaient jouer dans le gazon, et tant d'autres animaux à poils ou à plumes, des insectes de toutes sortes, dont les fourmis qui se souviennent, doivent tous se demander où est passé leur ami...

Et combien d'animaux en cage dans les animaleries de Londres seront cette année privés de jouets, de cadeaux, parce qu'Alexander ne sera pas là pour jouer le Père Noël discret ! Depuis plusieurs années, parce qu'il ne pouvait tolérer leur solitude, surtout à Noël, Alexander avait entrepris d'offrir des cadeaux aux animaux qui n'avaient pas de foyer, personne pour les choyer. Puis, parce qu'il trouvait beaucoup trop triste de faire le tour des animaleries et de voir tous ces animaux en cages, et puisqu'il ne pouvait pas tous les adopter, il avait demandé à son vétérinaire de s'occuper de la distribution.

Alexander aimait beaucoup les oiseaux, puis les loups, et les tigres... Il avait d'ailleurs adopté au zoo de Londres un tigre blanc. Il ne s'occupait pas lui-même de nourrir et de soigner le tigre, bien entendu, mais il s'était engagé à défrayer les coûts de son alimentation... Il ne l'a pas dit, mais je suis certain qu'il aurait préféré que son tigre devienne végétarien. Et, avec sa discrétion légendaire, Alexander ne s'est jamais vanté de son grand coeur et de sa générosité ; il m'aura fallu pour écrire cet article recueillir des éléments provenant de nombreuses conversations et de quelques correspondances.

Même les chats de papier sont orphelins. À l'été 2008, je lui avais demandé la permission d'écrire un article sur une association qu'il avait fondée pour défendre les chats qui sont maltraités dans les bandes dessinées. Il avait souhaité que je n'en parle pas encore car il n'avait pas le temps de s'occuper de nouvelles adhésions.

mercredi 7 octobre 2009

L'Aiglon et moi

Dès les premières années de son enfance, Alexander était amoureux du duc de Reichstadt ou, plus précisément, de « Napoléon François Charles Joseph Bonaparte, prince impérial de France et prince de Parme, titré roi de Rome puis Napoléon II et duc de Reichstadt », dit l'Aiglon (titre posthume). Cela n'avait rien de politique : Alexander trouvait beau ce jeune homme, mort à 21 ans. Je dois dire que je le trouvais beau aussi. Je ne retrouve plus le portrait que je connaissais de lui qui m'avait séduit, que j'avais dû trouver dans un dictionnaire ou une encyclopédie car les livres étaient très rares chez moi, contrairement à Alexander qui avait accès à la bibliothèque paternelle et qui avait du maître des lieux la permission de lire tout ce qu'il était capable de lire. Je ne retrouve plus ce portrait, mais je me souviens que, très jeune aussi, je m'étais intéressé à ce fils de Napoléon, non pas à cause de son père ou de son histoire mais à cause de la beauté du jeune homme. Je suis toutefois conscient que s'il avait été fils du boulanger ou du cordonnier, je n'aurais jamais vu son portrait et j'ignorerais même son existence.


Je ne sais pas exactement l'âge que devait avoir Alexander, je dirais entre quatre et six ans, lorsqu'il a annoncé à son frère Charles que lorsqu'il serait grand, il se marierait avec l'Aiglon. Charles n'oubliait pas son rôle de frère aîné qui devait contribuer à l'éducation du petit Alexander : « Tu ne peux pas te marier avec l'Aiglon ; c'est un garçon ! » « Et alors ? », demanda Alexander. Très tôt, Alexander savait ce qu'il aimait et ce qu'il voulait.


« Mon coeur, je ne l'ai pas donné souvent, mais quand je le donne, c'est pour toujours », m'écrivait Alexander au printemps 2008. Pas un instant je n'ai douté qu'Alexander était parfaitement sincère et j'étais persuadé déjà qu'il ne revenait jamais sur ses engagements. Une promesse, un engagement, c'était sacré. Les amoureux élus par Alexander n'ont pas été très nombreux. L'Aiglon a été le premier et j'aurai été le dernier. Avant moi, il y a eu Héphaistion, à qui il aura été fidèle jusqu'au dernier instant, comme Héphaistion le fut envers Alexandre, de l'enfance jusqu'aux dernières conquêtes de l'empereur. Il aura aimé d'autres personnes et ces personnes, je les aime aussi, mais jamais, j'en suis persuadé, il n'aura aimé quelqu'un comme il m'a aimé. Et jamais je n'aurai aimé quelqu'un comme je l'ai aimé, comme je l'aime, comme je l'aimerai toujours.


Il y a quelques mois, nous avions longuement parlé de son amour pour l'Aiglon. Il ne s'agissait pas d'un amour comme celui qu'il a toujours eu pour le Petit Prince, mais jamais il n'avait oublié ce premier amour, qui avait sa place d'honneur chez lui comme dans son coeur. Il devait m'envoyer des photos du portrait qu'il possédait chez lui mais un incident l'avait empêché de le faire au moment où il devait le faire ; il en était très malheureux car il n'était pas en mesure de respecter ce qu'il considérait comme une promesse. Il y a un certain nombre de choses qu'il n'a pas eu le temps de m'envoyer ; le seul fait qu'il y ait pensé est pour moi un grand bonheur. Ils ne sont pas très nombreux les portraits de l'Aiglon ; j'imagine qu'Alexander avait chez lui l'un de ceux que l'on peut trouver dans des musées ou dans des livres. Alexander connaissait pratiquement par coeur cette pièce d'Edmond Rostand, qu'il avait vue au théâtre plus d'une fois, notamment à Paris où sa grand-mère, sachant toujours comment lui faire plaisir, l'avait accompagné il y a quelques années. Il aimait particulièrement le poème que l'on retrouve à la fin de l'Aiglon, qu'il récitait par coeur, en mettant l'accent sur les dernières lignes, celles-là mêmes que citait Jane le 7 juillet dernier :

Dans la Crypte des Capucins, à Vienne.

_ Et maintenant il faut que Ton Altesse dorme,
-- Âme pour qui la Mort est une guérison, --
Dorme, au fond du caveau, dans la double prison
De son cercueil de bronze et de cet uniforme.

Qu'un vain paperassier cherche, gratte, et s'informe;
Même quand il a tort, le poète a raison.
Mes vers peuvent périr, mais, sur son horizon,
Wagram verra toujours monter ta blanche forme!

Dors. Ce n'est pas toujours la Légende qui ment.
Un rêve est moins trompeur, parfois, qu'un document.
Dors; tu fus ce Jeune homme et ce Fils, quoi qu'on dise.

Les cercueils sont nombreux, les caveaux sont étroits,
Et cette cave a l'air d'un débarras de rois...
Dors dans le coin, à droite, où la lumière est grise.

Dors dans cet endroit pauvre où les archiducs blonds
Sont vêtus d'un airain que le Temps vert-de-grise.
On dirait qu'un départ dont l'instant s'éternise
Encombre les couloirs de bagages oblongs.

Des touristes anglais traînent là leurs talons,
Puis ils vont voir, plus loin, ton coeur, dans une église.
Dors, tu fus ce Jeune homme et ce Fils, quoi qu'on dise.
Dors, tu fus ce martyr; du moins, nous le voulons.

... Un capucin pressé d'expédier son monde
Frappe avec une clef sur ton cercueil qui gronde,
Dit un nom, une date -- et passe, en abrégeant...

Dors! mais rêve en dormant que l'on t'a fait revivre,
Et que, laissant ton corps dans son cercueil de cuivre,
J'ai pu voler ton coeur dans son urne d'argent.



Dans quelques heures, il y aura trois mois, Alexander, que tu es reparti « sur la Lune » comme tu le disais si tendrement (je sais bien que derrière cette poésie, il y avait une angoisse car tant de personnes aimées ont fait le voyage avant toi). « Si un jour je devais partir sur la Lune, disais-tu, tu n'auras qu'à regarder le ciel, la nuit, et tu me verras en train de t'envoyer des baisers... » Je te répondais toujours que je préférais recevoir et te donner des baisers sur la Terre... Quand je serai parti à mon tour, je ne sais pas s'il restera quelqu'un pour comprendre ce que nous avons vécu, ce que, malgré ton départ, nous continuons de vivre. Si, dans quelques années, quelqu'un tombe sur ces pages, je ne sais pas ce qu'il en pensera... Comme tu me le disais souvent toi-même, « il n'y a que toi à qui je puisse dire certaines choses, que toi qui puisses me comprendre » (je sais bien, et tu le savais aussi, que d'autres personnes, des anges dans ta vie, pouvaient aussi te comprendre mais, dans certains cas, tu ne voulais pas leur faire de peine en leur racontant les tiennes). Je sais bien qu'en regardant vivre l'enfant que, grâce à toi, j'ai retrouvé en moi, « les grandes personnes » me trouveront parfois bien bizarre ; je m'en fiche : je sais maintenant où se trouve l'essentiel... Chaque nuit je regarde le ciel ; j'y cherche la Lune, « notre » Lune, et ses étoiles. Je ne les vois pas toujours, mais je sais que tu es là. Je t'aime et je t'aimerai toujours.

dimanche 30 août 2009

86 400 fois par jour...


Une journée, ce n'est toujours que 86 400 occasions de dire « Je t'aime » à celui qui m'inspire cet amour et qui m'aura aimé plus que tout et mieux que personne.

L'an dernier à cette date, il avait travaillé toute la journée puis il était rentré brièvement à la maison pour m'écrire quelques lignes, pour promener un peu Alexander Bull, manger une banane avec un peu de thé, avant de repartir travailler toute la nuit à l'urgence car l'un des médecins était malade et que, la fin de semaine, l'urgence est toujours très occupée. Il était désolé de devoir repartir car il avait attendu avec tant de joie ce moment de me retrouver. Il savait que je comprendrais et que je ne lui en voudrais pas ; je lui avais dit tant de fois que je ne pourrais jamais lui en vouloir pour quoi que ce soit, surtout pas pour faire ce qu'il aimait : sauver des vies, soulager des souffrances... Il m'envoyait plein de baisers et de câlins et il m'invitait à lui écrire plein de mots d'amour qu'il trouverait en rentrant.

Il faisait très chaud à Londres et, déjà fatigué, il n'avait pas le courage de marcher jusqu'au métro ; il se sentait coupable de prendre un taxi pour retourner au travail. Il allait pourtant travailler encore jusqu'au lendemain matin ; avant de rentrer, il irait rendre visite à sa grand-mère, dans le même hôpital.

Le lendemain matin, vers huit heures et demie, il rentrait à la maison, allait chercher Alexander Bull chez Abigail, il m'écrivait encore quelques lignes pour me dire son amour et me dire que je ne devais pas trop l'admirer, qu'il ne faisait que son travail... Il avait préparé du thé et attendait une voiture qui le conduirait dans sa famille, à la campagne ; il dormirait à l'arrière de la voiture, durant le trajet. Alexander Bull l'accompagnerait. Il voulait rentrer le soir même mais, s'il était trop fatigué, il dormirait là-bas et rentrerait le lendemain. Je lui manquais déjà beaucoup. Toute la journée, comme toujours, je penserais à lui en me demandant à chaque instant ce qu'il était en train de faire, sachant que cette journée serait éprouvante à plus d'un titre. Près de trente-deux millions de secondes plus tard, je revis pleinement les émotions de cette longue journée...

mardi 25 août 2009

Anniversaires

Il me semble que c'était hier... Il y a pourtant un an, le 25 août 2008, je venais à peine de me réveiller, j'étais en train de préparer mon petit déjeuner, quand le téléphone a sonné : c'était un fleuriste qui voulait vérifier s'il y aurait quelqu'un pour recevoir les fleurs qui m'étaient destinées. Après avoir confirmé que j'y serais, j'ai raccroché, en me demandant qui donc pouvait bien m'envoyer des fleurs. À vrai dire, je m'en doutais un peu. Mais quand, dans les minutes qui ont suivi, j'ai vu arriver toutes ces magnifiques roses, j'ai tout de suite su qu'elles étaient de lui.

J'étais si heureux ! Et j'avais si hâte qu'il rentre à la maison, après une longue journée de travail à l'urgence et quelques heures passées au chevet de sa grand-mère qu'il avait fait admettre à son hôpital et qui allait y passer quelques semaines au cours desquelles Alexander serait là, chaque jour avant ou après son travail. J'avais hâte de le remercier et, comme je savais que sa journée aurait été difficile, j'avais hâte de pouvoir lui redire combien je l'aimais et d'essayer de lui faire oublier la fatigue, l'angoisse... Je ne sais pas si j'y parvenais toujours, mais je suis sûr que ces quelques heures de conversation que nous avions pratiquement chaque jour étaient pour lui, comme pour moi, des rendez-vous d'amoureux plus importants encore que l'alimentation et le sommeil. S'il prévoyait être en retard, ne serait-ce que de cinq minutes, il trouvait le moyen de me prévenir.

Cette journée d'anniversaire, l'an dernier, aura donc été faite de joie, de moments de tendresse partagée, mais je ne peux pas m'empêcher de penser aussi combien cette journée avait été difficile pour lui ; même s'il n'en parlait pas, je sentais la fatigue, l'inquiétude, l'angoisse. Je sais qu'il aurait voulu que nous puissions célébrer mon anniversaire dans d'autres conditions. Et moi je n'aurais voulu qu'une chose : pouvoir le serrer dans mes bras et lui faire oublier toute sa peine. Cette année, il n'y aura pas de fleurs, il n'y aura pas d'anniversaire, sinon l'anniversaire de cet anniversaire. Je penserai à tout l'amour que j'ai reçu, à tout l'amour que nous avons partagé, en essayant de ne pas trop penser à tout ce que nous n'avons pas eu le temps de vivre ensemble.

Quelques jours plus tôt, Alexander m'avait envoyé de Bordeaux
une carte postale, la première qui me livrait son écriture. Il avait mis tellement d'attention, tellement d'amour dans le choix de la carte, le choix du timbre... Je savais que rien n'était laissé au hasard : le violet de l'image reprenant la couleur que j'utilisais en lui écrivant, le timbre illustrant la fondation de Québec, son écriture au stylo-plume Montblanc... Je me réjouissais d'avance de ces quelques jours qu'il allait passer à Bordeaux, en pensant au château où il irait rencontrer le châtelain, voir la vigne et acheter du vin ; il m'avait dit vouloir, si c'était possible, assister à un ballet... Mais ce séjour avait été rendu difficile par l'inquiétude que lui avait apportée dès le premier matin un appel téléphonique venu d'Angleterre ; il avait vécu cette journée dans l'attente et l'anxiété. Le soir venu, même s'il ne voulait pas m'en parler, car Alexander essayait toujours de ne pas « embêter » les autres avec ses craintes, ses préoccupations, il m'avait écrit une longue lettre pleine d'amour que j'ai relue ces derniers jours et qui, malgré tout, laissait transparaître sa détresse. La journée avait été difficile, il était inquiet, il se sentait seul dans cette belle et grande ville (où il voulait retourner avec moi) et il aurait tellement voulu que je sois là pour le serrer dans mes bras. Quand il pensait à moi, disait-il, il sentait la force et le courage remonter en lui. Oui, j'aurais voulu être là ce soir-là, et tant d'autres soirs.

De Bordeaux aussi, il avait expédié un colis qu'il avait apporté de Londres et qui m'était destiné. Le colis contenait de nombreux petits objets, absolument charmants, chacun plein de sens et exprimant tout son amour, mais il contenait surtout
un adorable petit lapin à qui Alexander avait expliqué qu'il allait faire un long voyage, traverser l'Atlantique, et qu'il serait reçu par « un gentil monsieur » qui allait l'aimer toujours et lui donner tous les jours plein de câlins. Ce petit lapin a toute une histoire qui mériterait à elle seule un billet, que j'écrirai peut-être un jour. Il évoque notamment cet autre petit lapin. Quand vint le temps de lui trouver un nom, j'ai suggéré à Alexander une liste de prénoms qui, bien entendu, devaient être des prénoms anglais. Parmi eux, il y avait celui de « James » ; immédiatement, Alexander m'a dit que mon lapin ne pouvait pas s'appeler James car c'est ainsi qu'il appelle son aspirateur. Finalement, j'ai retenu le premier prénom auquel j'ai pensé, le plus beau de tous : Alexander. Mon merveilleux amoureux était content de ce choix. J'ai relu il y a deux jours plus de deux cents pages de correspondance (pour le mois d'août 2008 seulement, sans compter les heures de conversation quotidienne) ; dans l'un de ses messages, Alexander disait qu'il était heureux que j'aie donné son prénom à notre petit lapin car ainsi, disait-il, « je serai toujours près de toi, avec toi ». Ces mots prennent aujourd'hui un sens plus dramatique que celui que j'avais voulu comprendre il y a un an. De toute façon, Alexander dort avec moi toutes les nuits et il est avec moi à chaque instant.

lundi 3 août 2009

D'un lac à l'autre

L'image vient d'ici>

Tout me rappelle Alexander. Et c'est normal, car Alexander a été associé à tout ce que je pense, tout ce que je fais depuis près de seize mois. Et avant même que, grâce à ce blogue, Alexander ait pu constater que nous avions en commun tant d'intérêts, tant de lectures faites chacun de notre côté, tant d'écrivains fétiches, nous avions déjà été émus par les mêmes images, les mêmes musiques, les mêmes films... Avant même que j'apprenne l'existence d'Alexander, nous avions pleuré ensemble à certains moments... J'ai vite compris que, sans le savoir, j'avais eu à un moment donné énormément de peine pour Alexander (que je ne connaissais pas encore, mais je me disais qu'il devait exister et, sans pouvoir imaginer exactement à quoi il pouvait ressembler, je m'étais fait tout de même une idée assez ressemblante), sans oser croire qu'un jour j'aurais l'occasion de lui exprimer ma douleur qui n'était, en comparaison avec la sienne, qu'une goutte dans l'océan. Je ne savais pas encore qu'à la suite de cette tragédie, Alexander adolescent avait senti le besoin de partir quelques semaines, sans en avertir sa famille ou ce qui lui en restait (il avait dit aller étudier chez un copain), pour aller seul faire du camping sauvage, en plein mois de novembre, sur les bords du Loch Ness. Sachant cela, il n'est donc pas étonnant qu'Alexander ait pu parler avec familiarité de Nessie, le gentil monstre du lac écossais.

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Une visite au Loch Ness, ainsi que la tournée des châteaux hantés d'Écosse, faisait évidemment partie des très nombreux projets que nous faisions, projets désormais orphelins. Si je fais un jour cette tournée, ce que j'espère bien, il me manquera les commentaires si fins, si pertinents, de celui dont la sensibilité, la clairvoyance et la culture m'impressionnent toujours.

L'image vient d'ici>

Hier, allant faire ma promenade au mont Royal, je pensais aux dernières volontés d'Alexander au sujet de son écorce terrestre. Si quelques-unes de ses volontés ont jusqu'ici été respectées, il en reste une à exécuter, très importante : celle de répandre ses cendres près du « Round Pond », dans les Jardins de Kensington. Charles, le grand frère d'Alexander (pas si grand que ça : il n'a pas encore trente ans) ne semble pas encore prêt à se séparer des cendres du petit frère adoré ; quand il le sera, il devra aussi être très fort pour résister au clan familial qui insiste pour que les cendres soient déposées dans le caveau familial. Je considère que les dernières volontés sont sacrées et que les héritiers, en particulier l'exécuteur testamentaire, doivent les exécuter. Nous serons quelques-uns à appuyer Charles contre la volonté tyrannique du clan... Il me plaît davantage de penser qu'Alexander appréciera éternellement le grand air, la beauté et la vie des Jardins de Kensington plutôt que d'être éternellement enfermé dans un sombre caveau. Je pourrai un jour aller m'entretenir avec lui près de l'étang rond, ce que je ne pourrais sans doute jamais faire au caveau familial... Je pensais à cela, en remontant l'avenue du Parc et, en me souvenant du regret d'Alexander que les cendres d'Alexandre le Grand et celles de son fidèle Héphaistion n'aient pas été réunies comme le furent celles d'un autre couple célèbre, Achille et Patrocle, je me disais que je devrais dès maintenant, même si j'espère vivre encore un peu, assez pour réaliser quelques projets pour Alexander, rédiger un testament officiel, notarié, spécifiant que je voudrais que mes cendres soient aussi répandues dans les jardins de Kensington...


Je pensais à tout cela lorsque j'ai vu venir vers moi une voiture comme celle-ci : un authentique taxi londonien. Alexander adorait ces taxis, les vrais classiques anciens et, bien entendu, noirs, et non pas multicolores ou transformés en panneaux publicitaires. Le plus possible, Alexander se déplaçait dans Londres à pied ou en métro (il aimait vraiment son Tube) ; mais lorsqu'il devait prendre lui-même une voiture, il prenait toujours un bon vieux taxi noir, confortable, avec de la place pour son fidèle ami... En voyant cette voiture se diriger vers moi, je me suis dit qu'il s'agissait encore d'un signe que me faisait Alexander. J'aurais tellement aimé que la voiture s'arrête à ma hauteur et qu'Alexander me fasse signe d'y monter...


Photo : Alexander

Je lisais ce matin quelques pages du journal en ligne d'une lectrice de ce blogue. Elle y parlait de son chat, vieux compagnon de quinze ans, qu'elle avait dû amener chez le vétérinaire et qu'elle en était revenue avec son panier vide... Je n'ai pu m'empêcher de penser douloureusement à Harry, l'adorable félin qui durant treize ans a tenu compagnie à Alexander. Le pauvre Harry souffrait d'un cancer et, le trois janvier dernier, alors qu'Alexander, Harry et Alexander se trouvaient à la campagne, chez la grand-mère où ils avaient passé la période des fêtes de Noël et du Nouvel an, Alexander avait dû lui-même (il avait promis à Harry qu'il serait là le temps venu et il a tenu sa promesse) lui administrer trois injections avant de s'effondrer lui-même de douleur et de chagrin. Il y a exactement sept mois aujourd'hui que Harry repose au jardin où l'avait recueilli la grand-mère d'Alexander. Celui-ci était si fier de m'envoyer, l'été dernier cette photo qu'il a prise dans les rues de Londres, car il y voyait un hommage à « son » Harry, de son vrai nom Harry Potter mais, comme pour les membres de la famille royale, le prénom suffisait ; on ajoutait Potter s'il fallait préciser.



Le 3 août 1954, disparaissait Colette, écrivain français, qu'Alexander aimait beaucoup, sans doute sous l'influence de sa grand-mère qui lui ressemble pas seulement par l'apparence physique, disait Alexander. Il m'en parlait avec tant d'amour, de vénération, que je ne peux penser à Alexander sans penser à sa grand-mère, que j'aime comme si elle était la mienne. Cet amour entre Alexander et sa grand-mère était bien partagé ; en apprenant le départ d'Alexander, sa grand-mère a dû être hospitalisée. Elle ne s'en remet pas, considérant que ce n'était pas le tour d'Alexander, et elle n'a qu'une idée en tête, celle d'aller le rejoindre.


vendredi 10 juillet 2009

Médecine d'urgence


En rentrant de son travail, l'année dernière à cette date, 10 juillet, Alexander m'annonçait, non pour s'en glorifier mais simplement pour partager avec moi une information le concernant, qu'il était officiellement devenu médecin spécialisé en médecine d'urgence (une semaine plus tard, il m'annoncerait une moins bonne nouvelle, mais c'est autre chose). Il en avait reçu la confirmation par écrit avant de quitter l'hôpital et, à l'exception de quelques collègues qui étaient là au moment d'ouvrir sa lettre, j'étais le premier à l'apprendre. Je me réjouissais pour lui et je lui ai demandé s'il allait répandre la nouvelle autour de lui ; non, il ne le ferait pas. Il me l'annonçait, à moi, c'était le plus important, et il le dirait à sa grand-mère pour qui il était le plus précieux des trésors. Le lendemain, lorsqu'il m'a dit que sa grand-mère lui demandait de choisir le cadeau qu'elle voulait lui offrir pour sa promotion, il m'a dit : « Devine ce que j'ai demandé. » Sans hésiter une seconde, j'ai répondu : « Une vache ! » Et j'avais raison ; il demanderait de trouver une humble vache sans arbre généalogique et qui, autrement, serait envoyée à l'abattoir ; il pourrait ainsi lui offrir quelques années d'une vie agréable à la campagne, où elle serait choyée comme toutes les bêtes « de la maison ». Elle s'appellerait... Claudia.

Ce qui l'intéressait, c'était de pratiquer la médecine, d'exercer sa profession le plus consciencieusement possible, pour sauver des vies, soulager des souffrances, rassurer des familles, et non de s'en faire une gloire. Pour des raisons que je ne dévoilerai pas, il avait plutôt demandé à l'hôpital de ne pas inscrire son nom sur la liste des promotions de l'année qui serait remise aux médias ; l'hôpital a accédé à sa demande...

Alexander avait choisi très tôt de devenir médecin ; des drames dans son entourage l'avaient décidé à étudier la médecine et, alors qu'il était adolescent, une tragédie lui a fait opter pour la médecine d'urgence plutôt que pour le travail auprès des personnes atteintes du VIH, son premier choix. Il lui avait fallu beaucoup de détermination pour atteindre son objectif, contre la volonté de certains membres influents de son entourage.

Alexander était un médecin très respecté et aimé de ses collègues et de ses patients. Il prenait très à coeur son travail et il lui arrivait d'être malheureux durant plusieurs jours lorsque survenaient des catastrophes, comme des incendies dans des quartiers défavorisés où les grands brûlés arrivaient en nombre. Contrairement à ce qui se fait souvent dans les services d'urgence, les pleurs d'un enfant ne déterminaient pas forcément ses priorités ; il y avait souvent là des blessés graves ou des personnes âgées qui réclamaient d'abord son attention, et c'était à ses yeux aussi important que de consoler un enfant qu'un bonbon aurait pu satisfaire un moment. Il se sentait personnellement responsable de chacun de ses patients. La perte d'une vie le bouleversait toujours au plus haut point ; il ne s'y faisait jamais, même si c'était celle d'une chauve-souris tombée dans sa cheminée et qu'il n'avait pu sauver parce qu'il était absent. Je me souviens qu'une nuit à l'urgence il dût pratiquer seul son premier accouchement ; il n'aimait pas beaucoup ce genre d'intervention, mais il était très fier d'avoir aidé à donner la vie. Le lendemain matin, même si la patiente ne relevait plus de son service, Alexander était allé la saluer et prendre des nouvelles du petit garçon.

Je me souviens avec tendresse d'une dame âgée transportée à l'urgence durant la nuit en raison d'un malaise cardiaque ; Alexander s'en était occupé et, lorsque le matin il retourna la voir pour prendre de ses nouvelles, tout allait bien. Mais Alexander remarqua que le sac de voyage posé par terre, dans lequel elle avait apporté quelques affaires, semblait pris de drôles de secousses. La dame aperçut le regard d'Alexander et l'anxiété se lut sur son visage. Alexander se pencha et sortit du sac un petit chien que sa maîtresse n'avait pas voulu laisser seul. Bien que les animaux soient interdits dans les hôpitaux, Alexander caressa le chien* et le remit dans le sac avant de sortir. Au moment de quitter l'hôpital, la dame reconnaissante vint serrer la main d'Alexander et le remercier. Souvent nous en avons parlé avec tendresse et nous aurions tant souhaité qu'Alexander puisse lui aussi amener son chien avec lui lorsqu'il était hospitalisé ; mais on ne cache pas facilement un bouledogue anglais dans un sac, quel qu'il soit.

La période la plus difficile pour lui fut sans doute celle où sa grand-mère était, durant plusieurs semaines, à la demande du petit-fils médecin, patiente en oncologie à l'hôpital d'Alexander. Chaque jour il allait passer des heures avec elle, avant ou après son travail ou durant des pauses qu'il s'octroyait, sans jamais s'accorder un seul jour de congé. Les murs de cette chambre en auront vu des larmes versées... Je me souviens de ce dimanche soir de septembre où la grand-mère quitta l'hôpital pour rentrer chez elle à la campagne ; ce fut pour la grand-mère comme pour le petit-fils un cruel déchirement. Je sentis ce soir-là qu'une fois de plus Alexander était devenu orphelin. « Ce soir, je voudrais rentrer à la pension », m'avait-il dit. Je n'ai pas eu besoin — et je n'en aurais pas eu le courage — de demander d'explication : je croyais que mon coeur allait s'arrêter de battre de douleur en pensant à la sienne. Je pouvais très bien imaginer le petit garçon qui, malgré toutes les personnes qui l'entouraient dans la grande maison, se sentait parfois si seul qu'il préférait retrouver ses camarades et la routine bien réglée de la pension. Dix mois plus tard, la même douleur déchirante me revient lorsque j'y pense.

Un jour, Alexander avait reçu un jeune homme qui n'avait pas eu de chance ; renversé par une voiture, il était passé sous les roues ; on l'avait conduit à l'urgence où il avait été pris en charge par Alexander ; le lendemain matin, ce qu'Alexander m'avait dit appréhender était arrivé : le jeune homme venait de mourir. Environ trois semaines plus tôt, en avril 2008, alors que j'apprenais à peine à le connaître, j'avais été bouleversé quand Alexander avait lui-même été renversé par une voiture en traversant la rue pour se rendre au travail. Dans son malheur, il avait eu la chance d'être projeté par-dessus la voiture plutôt que de passer sous les roues. Allongé dans la rue pendant qu'on lui prodiguait les premiers soins, Alexander s'inquiétait de son chat et de son chien, du sac à dos contenant ses trésors, traînant sur le sol, et de... moi. Ses collègues avaient eu la surprise ce matin-là de voir arriver Alexander... en ambulance. Tout le temps qu'il était allongé sur une civière, il ne pensait qu'à une chose, me disait-il : que je sois là pour lui tenir la main afin qu'il ait moins peur et se sente moins seul. Le soir venu, Alexander avait appelé sa voisine et amie pour lui demander de nourrir son chat, de s'occuper de son chien parce qu'il devait « travailler plus tard », sans lui dire qu'il avait été le matin même victime d'un sérieux accident. En dépit des côtes cassées, des contusions multiples et des nombreux points de suture, il avait voulu reprendre le travail le plus rapidement possible.

Ne t'inquiète pas Alexander, je ne raconterai pas ici toute ta vie. D'abord, Blogger risquerait de m'avertir que je manque d'espace et même si j'ai fait parfois le récit de choses très intimes à mon sujet, je n'ai pas l'ambition de raconter ici des choses trop personnelles. Parler de soi, c'est toujours parler des autres, car nous ne sommes, malgré tout, jamais seul ; que nous le voulions ou non, nous appartenons toujours à un réseau complexe de personnes aux obscurs destins que nous exposons en parlant de nous. Et parler des autres, et à plus forte raison de ceux que l'on aime, c'est encore parler de soi. Je ne commencerai donc pas à raconter ta vie ; au delà des événements qui l'ont jalonnée, il y aurait l'immense richesse d'une vie intérieure qui s'est arrêtée beaucoup trop tôt, à laquelle j'ai l'immense privilège d'avoir été associé... Je voulais simplement souligner cette date, qui n'était pour toi qu'une nouvelle étape et qui n'ajouterait rien de plus à ton dévouement pour les autres...

Alexander m'a toujours dit avec beaucoup de conviction qu'il aimait sa profession et que c'était ce qui comptait le plus dans sa vie, même si ses intérêts étaient si multiples et qu'il aurait pu consacrer tout son temps, entre autres, à la recherche historique et à l'écriture. Je pourrais comprendre cependant si la médecine lui avait laissé un goût amer : il avait choisi cette profession pour soulager des souffrances et sauver des vies et, pourtant, la médecine l'avait, lui, passablement fait souffrir sans vraiment soulager ses souffrances ni même sauver sa vie. Mais l'amertume ne fait pas partie de la palette de sentiments d'Alexander ; si on lui demandait ce qu'il choisirait si c'était à refaire, je suis convaincu que sa réponse serait la même : médecine d'urgence.

* Ce chien était d'une race précise et il portait un nom ; c'est moi qui les oublie. Lorsqu'on lui présentait un animal, la première question d'Alexander était toujours : « Quel est son nom ? » Grâce à lui, je mets en pratique cette courtoisie envers l'animal. Ainsi, j'ai fait la connaissance, dans un parc près de chez moi, d'Olive, la compagne bouledogue d'un jeune homme que je ne connais pas et, l'autre jour, en reconnaissant Olive qui passait pas très loin d'où j'étais, j'ai simplement prononcé son nom et elle s'est lancée sur moi comme si j'étais déjà un grand ami. Notre amitié s'arrêtera là, sûrement, mais j'étais heureux de ce moment d'affection entre un bouledogue et moi.