jeudi 31 août 2006

Les effets (pervers ?) des blogues


Quand on tient un blogue, la plupart du temps, on écrit pour soi, tout en appréciant le plaisir de se savoir lu par quelques fidèles et par quelques visiteurs ponctuels. On peut mesurer la fidélité des uns et des autres par les commentaires qu'ils laissent la plupart du temps.

On ne sait cependant pas qui sont tous les autres lecteurs qui découvrent l'existence de notre blogue en suivant les liens sur d'autres blogues, en cliquant sur notre pseudo dans les commentaires que nous laissons ici et là, ou encore en parcourant les sites que leur ont suggérés les résultats des moteurs de recherche.

Il y a quelques jours, j'ai reçu dans mes commentaires un message qui n'était pas destiné à la publication ; le recherchiste d'une émission de télévision bien connue au Québec souhaitait pouvoir discuter avec moi de la possiblité d'accorder une entrevue à la caméra pour raconter ce que j'écrivais dans l'un de mes récents billets.


J'ai plusieurs fois participé à des émissions de télévision, mais c'était habituellement pour parler de mon travail, pour donner des conseils aux auditeurs, répondre aux questions ou pour faire la promotion des services de l'organisation qui m'employait. L'idée d'aller à la télévision parler de ma vie privée ne fait pas partie de mes priorités en ce moment, car j'ai d'autres chats à fouetter. Je n'ai pas l'habitude de me cacher ou de mener une double vie ; je n'ai donc pas d'objection à parler de mes intérêts personnels ni de mes préférences affectives ou sexuelles (du moment qu'il ne s'agit pas de curiosité malsaine). Sauf qu'en ce moment, j'ai d'autres priorités et je ne voudrais pas trop attirer l'attention sur ma vie pivée. J'ai des objectifs qui sont tout à fait d'un autre ordre et une trop grande attention sur ma vie affective risquerait de nuire aux objectifs que je vise pour l'association professionnelle que je dirige.


Je n'ai donc rien à gagner à accepter cette entrevue à la télévision, dans une émission diffusée aux heures de grande écoute. Cela pourrait être intéressant si je le faisais en y associant ouvertement ce blogue ; ce serait une excellente façon d'attirer ici une foule de visiteurs d'un jour ; qui sait si, sur le nombre, il n'en resterait pas quelques-uns à revenir régulièrement. Mais comme, pour l'instant, je ne tiens pas à sortir totalement de cet anonymat relatif que me permet ce blogue, un entretien à la télévision ne me paraît pas pertinent.

mardi 29 août 2006

De choses et d'autres, sans importance... 01


Déjà, la couleur de la lumière du jour a changé, le soleil se couche plus tôt, l'air est plus sec et plus frais. Pour moi, tout est parfait : j'adore ce temps-ci de l'année, qui marque la fin des chaleurs inhumaines et de l'insupportable taux d'humidité sur l'île de Montréal. Je l'oublie à chaque fois, mais quand le mois d'août arrive, année après année, j'entre dans une période où je ne me sens plus intelligent, où je ne suis pratiquement plus qu'une bête souffreteuse, un corps égrotant...


Dès que mon anniversaire de naissance est passé, je sens déjà l'énergie revenir et, avec cette énergie renouvelée, le goût de bouger, de retrouver les activités faisant appel autant aux facultés intellectuelles qu'aux capacités musculaires. Cette fébrilité coïncide avec la rentrée, dans les établissements scolaires et universitaires, mais aussi dans la plupart des entreprises.

Je n'ai pas, en ce moment, de patron qui attende quoi que ce soit de moi. Je suis cependant très occupé à essayer d'atteindre des objectifs que je me suis fixés et de respecter des échéanciers que j'ai moi-même négociés avec des collègues et des fournisseurs. J'essaie de rédiger des textes qui seront mis en ligne dans quelques jours, tout en travaillant à un plan d'action à moyen terme et en assumant mes responsabilités d'administrateur d'association. L'alternance entre les activités qui exigent concentration et créativité et celles qui demandent plutôt de la stratégie et du doigté ne se fait pas toujours sans mal et il arrive qu'elles s'interrompent mutuellement et se chevauchent...

Je prends le temps, surtout le matin avant de me mettre au travail, de lire certains blogues et de laisser parfois des commentaires. Je n'aurai cependant pas toujours la concentration nécessaire pour rédiger un billet quotidien ; je vous prie de m'en excuser. Dès que je le pourrai, j'essaierai de reprendre mon rythme normal.

lundi 28 août 2006

Retour aux choses sérieuses.

J'allais écrire que ce qu'il y a de bien avec la convalescence, les vacances et les anniversaires, c'est que ça finit par passer. Mais il me semble que cela mérite d'être nuancé.
La convalescence, en général, on ne tient pas à s'y attarder et, une fois passée, on essaie de l'oublier.
On voudrait, au contraire, souhaiter que les vacances se prolongent et qu'une fois passées, on puisse y penser encore avec plaisir.
Quant à l'anniversaire, une fois qu'il est passé, on peut se dire que c'est une bonne chose et que l'on peut passer à autre chose.
Mais voilà que les vacances me font rêver encore ce matin, puisque je n'ai pas eu de vraies vacances (une convalescence, si légère soit-elle, ne remplace pas des vacances).
Je n'ai cependant pas trop le temps de rêver aujourd'hui, et il en sera probablement ainsi toute la semaine. J'essaierai tout de même de rédiger ce soir un billet, sur un sujet que j'ignore encore.

En attendant, puisque je dois assumer mes responsabilités, je vous propose un peu d'humour sur les personnes « responsables ».

Au cours de la visite d'un asile psychiatrique, le président des États-Unis, le W Buisson, demande au directeur comment il peut vérifier la guérison d'un patient avant de le laisser partir.
- « Eh bien, dit le directeur, c'est assez simple : nous remplissons d'eau une baignoire ; nous offrons ensuite au patient une petite cuillère et une tasse à thé en lui demandant de vider la baignoire. »
- « Je comprends, dit W Buisson... Une personne normale choisit la tasse, parce que ça ira plus vite. »
- « Non ! répond le directeur. Une personne normale tire le bouchon de la baignoire. »

Un fils dit à sa mère :
- « Personne ne s'intéresse à moi, au collège... Les professeurs ne m'aiment pas, les autres non plus. L'inspecteur voudrait me renvoyer et les chauffeurs des bus scolaires ne peuvent plus me sentir. Je ne veux plus aller au collège ! »
- « Allons ! dit sa mère. Il faut pourtant que tu ailles au collège ! Sois courageux et responsable... Après tout, tu as 48 ans et si tu n'y retournes pas, que feront-ils sans leur directeur ? »

vendredi 25 août 2006

Au voleur !

La semaine dernière, Simeric établissait une comparaison entre la Poste française et Postes Canada. Il y parlait de la mauvaise qualité des services, des délais de livraison, de la perte du courrier et, pis encore, du vol de courrier, d'argent, de colis, etc.
J'ai eu envie de laisser un commentaire sur le blogue de Simeric pour y parler de mon expérience, en général très positive, aussi bien avec les services français qu'avec ceux de Postes Canada. Depuis plusieurs années, je reçois du courrier de France et j'en envoie assez régulièrement et je n'ai pratiquement jamais connu de difficulté. Une lettre qui m'était adressée de Paris m'arrivait normalement trois jours plus tard, ce que je considère comme un délai très acceptable. Il semble qu'une lettre postée à Montréal prenne un peu plus de temps pour arriver à son destinataire parisien ; c'est donc en France que la distribution est un peu plus lente. Mon expérience des dernières années me démontre qu'une lettre postée à Montréal pour un correspondant de la région de Montréal parvient normalement à son destinataire le lendemain, presque sans exception.
Quant au vol de courrier ou du contenu de certains envois, nous n'avons à Montréal pas souvent entendu parler d'histoire du genre. J'ai moi-même envoyé à plusieurs reprises des lettres ou des cartes de voeux avec un peu d'argent à l'intérieur et jamais je n'ai eu à me plaindre : les lettres et les cartes arrivaient à destination avec leur contenu.


Or c'était aujourd'hui mon anniversaire et ma soeur qui habite en banlieue de Toronto et qui voulait s'assurer que je la recevrais à temps m'a envoyé hier une carte par le service Xpresspost (« C'est un service d'expédition qui garantit la livraison rapide des documents », dit le site Web de la société d'État canadienne) ; elle avait glissé dans l'enveloppe de l'argent afin que je puisse m'offrir un bon repas au restaurant ou quelque chose qui me ferait plaisir. En ouvrant ma boîte de courrier (qui ferme à clé), j'ai bien reconnu l'écriture de ma soeur et j'étais à peu près assuré qu'elle m'aurait envoyé de l'argent, puisqu'elle ne sait plus trop quoi m'offrir. J'ai voulu décacheter l'enveloppe et, en tirant la pointe du rabat, j'ai constaté que le rabat se décollait très facilement et ça me semblait un mauvais présage. J'ai ouvert et j'ai lu ce que m'écrivait ma soeur ; c'était clair qu'elle avait mis de l'argent dans cette enveloppe et qu'il n'y était plus. L'enveloppe avait été soigneusement décachetée puis recachetée.
J'ai immédiatement appelé ma soeur pour la remercier de son geste mais aussi pour lui signaler le vol, car il ne peut s'agir que d'un vol. (D'ailleurs, si quelqu'un ne répond pas à vos lettres ou ne vous donne aucun signe de vie, envoyez-lui un mot en disant que vous glissez dans l'enveloppe de l'argent, mais n'y mettez pas l'argent ; il est presque certain que la personne communiquera avec vous pour vous dire que l'argent n'y était pas. Ça fonctionne spécialement bien avec les adolescents. Mais je ne suis plus adolescent, du moins pas tous les jours, et ma soeur est trop sérieuse pour faire ce genre de blague.)
Elle a d'abord cru que je plaisantais, puis elle m'a pris au sérieux. L'argent qu'elle avait mis dans cette enveloppe a bel et bien été volé. Bien sûr que l'on dit toujours de ne pas envoyer d'argent par la poste, mais pour que quelqu'un puisse s'assurer qu'il y a de l'argent glissé dans une carte, dans une enveloppe opaque et cachetée, il faut d'abord qu'il ouvre l'enveloppe et cela en soi est un crime : nul n'a le droit d'ouvrir du courrier qui ne lui est pas adressé. Dans ce cas-ci, il y a eu violation de la vie privée suivie d'un vol. Je ne voulais pas y croire, mais je le sais maintenant : il y a des voleurs au sein de Postes Canada, société d'État !
Ma soeur m'a pourtant raconté que son facteur avait été perspicace et avait déjoué une fraude dont ma soeur et mon beau-frère (banquier) auraient pu être victimes. Il a sonné à la porte un jour pour demander qui exactement, dans cette maison, avait déménagé au centre-ville de Toronto et avait demandé que l'on fasse suivre son courrier à la nouvelle adresse. Ma soeur lui a répondu que personne n'avait déménagé et que personne à cette adresse n'avait demandé que l'on fasse suivre le courrier. Le facteur lui a dit en s'excusant qu'avant de vérifier, il avait sans doute déjà envoyé du courrier à la nouvelle adresse. Ma soeur en a eu la confirmation dans les jours suivants : ils ont commencé à recevoir de très nombreuses cartes de crédit qu'ils n'avaient jamais demandées. Morale de cette histoire : à qui peut-on encore faire confiance ? Bien des citoyens ne cessent de dire avec cynisme, surtout au moment de payer leurs impôts, que l'État est le plus grand voleur qui existe ; si c'est le cas, l'État ferait bien de surveiller son commerce, car il est sur le point de se faire doubler à la fois par ses employés et par certains usagers de ses services.

jeudi 24 août 2006

Caius Plinius Caecilius Secundus

Le 24 août de l'an 79, tout s'est arrêté à Pompéi : le temps, la vie elle-même. Vers dix heures, ce matin-là, le Vésuve, qui dormait depuis environ mille ans, se réveille. Une immense fumée noire s'élève dans le ciel pendant qu'il se met à pleuvoir des pierres. Les habitants de Pompéi essaient de se protéger comme ils peuvent, avec des coussins sur la tête ou en se réfugiant dans la cave de leur maison. Mais rapidement Pompéi est ensevelie sous les pierres. Après les pierres, ce fut la cendre chaude. En quelques heures la ville est recouverte d'une épaisse couche de cendre, comme si c'était une abondante couche de neige noire. Plus de 30 000 personnes seraient mortes dans la destruction des villes de Pompéi, d'Herculanum et de Stabies. Selon les scientifiques modernes, les habitants de ces villes voisines du Vésuve n'auraient pas eu le temps de se protéger car ils n'auraient pas eu le temps de voir ce qui se passait ; ils auraient été saisis sur place dans les gestes qu'ils étaient en train d'accomplir par une chaleur immense avant que la couche de cendre ne vienne les pétrifier, les statufier.

Évidemment, je n'étais pas sur place et ce que je viens d'écrire au sujet de cet événement n'est qu'un immense raccourci. Les chaînes de télévision, même celles qui diffusent de l'information continue, n'étaient pas sur place pour nous montrer des images de la catastrophe, ni leurs correspondants pour nous en faire le récit sous l'effet de fortes doses d'adrénaline. Mais il y eut des témoins de cette fin du monde ; parmi eux, deux témoins qui sont passés à l'Histoire : Pline l'Ancien et son neveu Pline le Jeune.

Le premier, né à Côme en 23 et mort à Stabies en 79, est l'auteur d'une importante encyclopédie en 37 volumes, portant le titre d'Histoire naturelle. Il se trouvait à Misène lorsque l'éruption du Vésuve eut lieu ; avec son neveu qui voulut aller secourir un ami, il prit la mer en direction de Pompei, le 24 août. Il durent s'arrêter à Stabies. Il est mort asphyxié par des vapeurs de souffre en faisant des observations sur la plage et son corps a été découvert deux jours plus tard.



Quant à Pline le Jeune, né à Côme en 61, il est le neveu par sa mère de Pline l'Ancien qui l'adoptera. Il deviendra sénateur et haut fonctionnaire sous l'empire de Trajan. Sa correspondance avec l'empereur est une précieuse source de renseignements sur la vie de l'époque et tout particulièrement sur la vie politique et adminstrative. Son récit de l'éruption du Vésuve, qui a presque la précision des textes scientifiques, est le seul qui nous soit parvenu ; ce témoin privilégié n'avait que 17 ans au moment de la catastrophe.

Les portraits de l'oncle et du neveu sont en noir et blanc car à l'époque la photo numérique n'était même pas encore balbutiante. Toutefois, si vous souhaitez voir de très belles photos de Pompéi, je vous suggère d'aller voir chez Olivier de Montréal.

Pline le Jeune a entretenu une importante correspondance avec Trajan, mais aussi avec de nombreux autres épistoliers. Ses lettres sont un peu des prétextes à raconter les événements qui composent sa vie ou ceux dont on parle ; elles servent aussi à exprimer son opinion sur des sujets aussi divers que le bon emploi du temps, les diverses façon de trouver le bonheur ou la sérénité, l'amitié, la vie politique, le suicide, etc.

J'ouvre au hasard un recueil de lettres de Pline et je cite la première qui me tombe sous les yeux :

« Si moi-même, objet de vos éloges, je commence à vous louer, je crains de paraître non pas exprimer mon opinion, mais vous payer de retour. Mais, devrait-il en être ainsi, j'avoue tout net que vos écrits me semblent fort beaux, et plus encore ceux que vous avez composés pour moi. Cela tient à une seule et même raison : vous qui écrivez sur des amis, vous le faites fort bien, et moi qui lis ce qui est écrit en ma faveur, je le trouve fort bon. Adieu. » Lettre de Pline le Jeune à Augurinus (IX, 8).

Dans sa préface à la Correspondance de Pline le Jeune, traduites par Yves Hucher et publiées dans la collection « 10/18 » en 1966, Marcel Jouhandeau écrit ceci :

« À l'égard d'autrui, la conduite de Pline était sans relâche exemplaire. Deux mots reviennent à son esprit, comme un rappel à l'ordre qui l'honore : justitia et humanitas. Jamais il n'outrepassait ses droits et avait-il affaire à un ami, sa générosité n'avait pas de mesure. Il suffit de lire les lettres qu'il adresse à Tacite (VII, 20) pour juger de la tendresse qu'il apporte à ses affections. On sait quels services il a rendu à Suétone. Il faut entendre son langage passionné, à l'idée qu'Atilius Crescens pourrait perdre son procès : "Hun ego, non ut multi, sed artissime diligo." "La parfaite noblesse de son esprit ne saurait pardonner ni l'offense ni le préjudice et si par hasard il en allait autrement", écrit-il "j'estimerais que c'est à moi que vont l'outrage et le préjudice, et je ne les ressentirais pas seulement pour moi mais pour lui." Voilà un ami. Avec ses gens, affranchis ou esclaves, il portait le respect de la personne humaine à ses confins. Zosime, un de ses affranchis, est-il malade, il l'envoie se reposer chez un riche collègue, dont la villa est située dans un endroit particulièrement salubre et il le recommande en ces termes : "J'ai de longue date pour lui une inclination encore accrue du péril où il se trouve. Telle est notre nature. Rien n'excite et n'enflamme autant notre tendresse que la crainte de perdre qui nous aimons." S'agit-il de ses esclaves : "Je suis accablé, écrit-il, par leurs maladies, par leurs morts, surtout s'ils sont jeunes." À ces moments pénibles il les assiste et quand ils ont cessé de vivre il observe leurs dernières volontés avec cette seule restriction que "cela soit à l'intérieur de la maison". Les réflexions qui suivent sont touchantes : "en dépit, nous confie-t-il, de l'apaisement que me donnent ces consolations, je suis abattu et accablé par l'affliction même qui m'a dicté ces consolations".
« [...] À cette noblesse d'âme, les philosophes grecs, des sept sages aux Stoïciens, en passant par Socrate, ont préparé Pline... »


mardi 22 août 2006

« Maintenant, foutez-moi la paix ! »

« Autour de son cou, un petit foulard
que l'on peut suivant son sentiment
qualifier de douteux ou d'aristocratique »
(Philippe Delerm)

La première fois que j’ai rencontré Paul Léautaud c’était… à la télévision. Lui ne fit pas attention à moi car il était mort déjà depuis plusieurs années… Je dînais ce soir-là boulevard Arago avec un groupe d’amis dans l’appartement moderne et très confortable de cette amie qui tenait une boutique de fine maroquinerie, boulevard du Montparnasse. Nous étions toujours quatre ou cinq artistes bohèmes à nous retrouver tous les jours, en fin d’après-midi, dans cette boutique pour faire la conversation et tenir compagnie à Édith jusqu’à ce que vienne le temps de décider où nous irions manger : c’était parfois au café du Rond-Point, à l’angle du boulevard Raspail, parfois chez Rosalie, rue Campagne-Première, ou ailleurs si nous avions un peu plus d’argent. Il nous arrivait souvent d’aller ensemble faire des courses et de se retrouver soit chez André, soit chez Édith.

André habitait boulevard du Montparnasse, deux pièces très sombres au rez-de-chaussée, au fond d'une cour, qui devaient avoir été au préalable le garage et la chambre du chauffeur d'une famille qui habitait à l'étage. C'était loin d'être luxueux ou même confortable ; mais tout de suite, j'ai aimé ce décor. Je découvrais déjà ce que je n'avais encore connu que dans cette chanson d'Aznavour, La Bohème.

Quant à Édith, elle était très fière de son appartement, très joliment décoré et qui avait surtout l’avantage d’être bien chauffé. Comme nous étions au mois de janvier, nous avions accepté avec plaisir la proposition de manger chez elle ce soir-là. Nous avions acheté tout ce qu’il fallait et, chacun mettant la main à la pâte, nous avions cuisiné une paëlla dont j’ai encore le goût en bouche.

Le téléviseur alimentait la conversation pendant le dîner. Et c’est là que j’ai découvert cet être qui m’avait fasciné : Paul Léautaud.

Plus tard, j’ai habité avec quelqu’un qui avait lu tout ce qui avait été publié des écrits de Léautaud ainsi que tout ce qui s’était écrit à son sujet. J’ai commencé à lire son Journal, en plusieurs volumes. Depuis lors, Léautaud fait partie de mes fidèles amis.

Né à Paris le 18 janvier 1872, d’un père souffleur à la Comédie française et d’une compagne provisoire de son père. Sa mère l’abandonna cinq jour après sa naissance et il ne la reverra qu’à quelques reprises au cours de sa vie, entretenant envers elle des sentiments plutôt troubles.

Il vécut très modestement et consacra presque tous ses revenus à acheter de la nourriture pour les animaux de toutes sortes qu’il recueillait, surtout à partir du moment où il s’installa à Fontenay-aux-Roses.

Il est mort le mercredi 22 février 1956, à la Vallée-aux-Loups, dans cette « maison de jardinier » où Chateaubriand s’était installé en 1807 pour fuir les rugissements de Napoléon et qu’il dut revendre en 1816, la mort dans l’âme… mais c’est une autre histoire. En 1914, le docteur Henry Le Savoureux, racheta la maison et le jardin (et tous ces arbres qu'y avait plantés Chateaubriand...) qui, depuis 1816, avaient connu plusieurs autres propriétaires. Grand admirateur de Chateaubriand, le docteur Le Savoureux y installa une clinique pour une clientèle privilégiée, tout en y tenant un salon littéraire. C’est ainsi qu’il invita Léautaud à venir finir ses jours à sa clinique de Châtenay-Malabry. C'est après avoir accepté quelque chose à boire de la part d'une employée de la clinique qu'il s'est retourné dans son lit en lançant ces mots : « Et maintenant, foutez-moi la paix ! » Ce furent ses derniers mots, car quelques minutes plus tard, il était mort.

« Le Docteur Le Savoureux m'a expliqué il y a quelque temps qu'il est fort question d'exproprier une partie de la Vallée aux Loups pour l'établissement de je ne sais quelle ligne de tramway. Il cherche à parer à cette tuile en cherchant à faire classer la Vallée aux Loups comme lieu historique. Sa Société Chateaubriand, son Musée Chateaubriand, ses dîners auxquels il convie toutes sortes de gens plus ou moins notoires, et je crois bien jusque ses fonctions de conseiller municipal et ses générosités pour les écoles et patronages de l'endroit, tout cela doit être encore en vue de la réussite qu'il désire. Il connaît fort bien Chateaubriand, il a fait de la Vallée aux Loups une maison délicieuse, parfaitement restaurée, et son Musée est plein de choses intéressantes, remarquables, rares », écrivait Paul Léautaud dans son Journal littéraire, quelque deux ans avant sa mort.

« Misanthrope à la trogne voltairienne, d'une efficacité incisive dans son écriture, il fait le choix d'une existence retranchée, bien que toujours en contact avec les gens essentiels du microcosme littéraire (il compte parmi ses amis Guillaume Apollinaire, Paul Valéry et André Gide) », peut-on lire sur Wikipédia.

« J'ai toujours plus joui de mes chagrins que de mes bonheurs », écrit Léautaud dans ses Propos d'un jour.

« Je n'ai vécu que pour écrire. Je n'ai senti, vu, entendu les choses, les sentiments, les gens, que pour écrire. J'ai préféré cela au bonheur matériel, aux réputations faciles. J'y ai même souvent sacrifié mon plaisir du moment, mes plus secrets bonheurs et affections, même le bonheur de quelques êtres, devant le chagrin desquels je n'ai pas reculé, pour écrire ce qui me faisait plaisir à écrire. Je garde de tout cela un profond bonheur. » (Léautaud, Journal)


Dans Passe-temps, faisant le portait de madame Cantili, il précise :

« J'ai toujours aimé les êtres originaux, bizarres, chimériques, singuliers. Ils sont pour moi le sel de la vie, autant qu'en sont l'horreur les gens qui ressemblent à tout le monde. J'aime leur fantaisie, leur folie. Je les suis quand je les rencontre dans la rue, je cherche à me renseigner sur eux, je voudrais les connaître et les fréquenter, je n'ai que dégoût pour ceux qui se retournent et rient sur leur passage. Ils ont encore pour me plaire qu'ils sont souvent très bons, bien qu'étant toujours très pauvres. N'est-ce pas curieux, cet assemblage si fréquent de l'originalité et de la bonté, alors que les gens qui se ressemblent par milliers sont, dans leur médiocrité, en général si égoïstes et si malfaisants ? Je rattache encore cela à tout ce qui sépare des êtres qui sont libres d'autres qui ne sont que des esclaves. S'habiller à sa guise, agir et vivre de même, sans souci des sots qui s'étonnent ou qui se moquent, c'est encore, dans un petit domaine, le signe d'un esprit libre. »

Philippe Delerm a publié en 2006 un très bel hommage à Paul Léautaud, qui porte justement le titre de... Et maintenant, foutez-moi la paix !, mais qui est une délicieuse invitation à découvrir Léautaud ou à passer quelques heures en sa compagnie avant de se plonger dans ses écrits.



lundi 21 août 2006

L'effet pervers de Brokeback Mountain.


Qui n'a pas entendu parler de ce film sorti sur nos écrans en décembre ou en janvier dernier ? Les entrées dans les salles de cinéma, tant en Amérique qu'en Europe, pour ne prendre en considération que ces deux continents, ont atteint, dès les premiers mois de l'année, des chiffres rarement égalés. Au delà du succès commercial, ce film a suscité un intérêt dans les conversations, les forums, les blogues ; certains sites ont été créés spécialement pour entretenir ou peut-être plus précisément : pour endiguer la fièvre et les échanges d'idées autour du film.


L'histoire que raconte ce film n'a pas cessé d'alimenter les conversations et, en cela, il a certainement contribué à sensibiliser un grand nombre de personnes à une réalité qui ne les avait jusque-là pas beaucoup intéressées. Cette histoire qui raconte une passion secrète vécue durant une vingtaine d'années par deux hommes qui, pour les moins ouverts à l'homosexualité, pourraient ressembler à leurs frères, à leurs pères, montre bien que la passion entre personnes de même sexe peut survenir dans n'importe quel milieu social, peu importe les conditions économiques...

Ce film montre qu'il n'était pas facile, dans les années 1960, de vivre ouvertement une passion, une relation homosexuelle, pas facile d'abord d'accepter soi-même de vivre ce genre de passion, et encore moins facile de la vivre sous le regard de la société.


On se dit qu'en 2006, dans nos sociétés (en particulier au Québec où l'acceptation ne pose pas de problème et où les droits sont reconnus), nous avons de la chance de pouvoir vivre assez ouvertement et librement, du moins dans une ville comme Montréal.


Si ce film a contribué à faire évoluer les mentalités et à faire diminuer la discrimination (et je crois qu'on peut dire qu'il a joué ce rôle), il a eu dans certains milieux un effet moins heureux.

Je parlais récemment, par Internet, avec un jeune homme qui habite une ville de moins de 25 000 habitants à l'est du Québec. La plupart des garçons de son âge, du moins ceux qui sont homosexuels, sont partis vivre dans des villes plus importantes comme Montréal et Québec. Il se sent assez seul et il envisage de s'installer à Montréal dès qu'il pourra y trouver un poste convenable sans perdre les avantages sociaux attachés à son poste actuel.


Puisque la plupart des garçons et des hommes qui veulent vivre ouvertement leur vie affective en fonction de leurs préférences ont choisi d'aller vivre ailleurs, ce jeune homme a du mal à trouver dans sa ville ou dans sa région un compagnon avec qui il pourrait construire une relation stable.

Il n'a cependant aucune difficulté à trouver des partenaires pour vivre sainement sa sexualité, sauf que ces partenaires occasionnels sont la plupart du temps mariés ou fiancés et par conséquent leurs rencontres sont secrètes. Sur ce plan, tout allait assez bien jusqu'à la sortie de ce film dont tout le monde a parlé. Car la région est très belle et idéale pour les amateurs de chasse et de pêche et le jeune homme à qui je parlais aime les deux, d'autant plus que ces excursions de chasse et de pêche étaient des occasions privilégiées de vivre durant quelques jours avec l'un ou l'autre de ses partenaires occasionnels. Or, depuis la sortie de ce film, toutes les femmes se méfient et, connaissant les préférences du jeune homme, ne laissent plus partir leur mari à la chasse ou à la pêche si le jeune homme en question doit faire partie de l'expédition.

dimanche 20 août 2006

Icare, mon prochain...


« Le Vol d'Icare de Breughel, plein de soleil, est l'expression même de la solitude, non pas de l'égoïsme, mais de l'indifférence qui isole les hommes les uns des autres. Il a sans doute raison, ce laboureur, de tracer son sillon pendant qu'Icare se tue. Il faut que la vie continue, que le grain semé ou récolté pendant que d'autres se meurent. Mais on souhaiterait qu'il lâche sa charrue et aille au secours de son prochain. Je me trompe peut-être et sans doute ignore-t-il qu'un homme se tue. Il est aussi inconscient que la mer et le ciel, que les collines et les rochers. Icare meurt, non pas abandonné mais ignoré. Chacun de nous est comme ce laboureur. Chaque fois que l'on sort, on passe à côté d'un désespoir, d'une souffrance ignorée. On ne voit pas les regards implorants, ni les misères de l'âme ou du corps. Je suis loin de mon prochain. Si j'en étais vraiment proche, j'abandonnerais toujours, sans même y réfléchir ce que je suis occupée à faire, pour aller vers lui. »
Anne Philipe, Le temps d'un soupir*

En écrivant ces lignes, Anne Philipe évoque les derniers jours de son mari, Gérard, qui dort paisiblement à côté d'elle sans savoir ce qu'elle sait depuis des semaines, des mois : il est condamné à mort, comme nous tous, mais dans son cas, c'est une mort très prochaine qui est annoncée. Et pourtant, tout autour, à l'extérieur surtout, le monde continue... Ce qu'elle ignore, cependant, c'est le moment où le souffle calme s'arrêtera tout à fait et où elle parlera désormais de lui à l'imparfait...

Anne Philipe fait allusion à l'indifférence, à l'ignorance les uns des autres, aux souffrances, aux drames, aux tragédies qui se jouent tout autour de nous sans que nous nous en rendions compte, sans que nous songions à offrir notre aide ou, tout au moins, notre attention.
C'est l'une des interprétations possibles de ce tableau de Breughel où l'on voit Icare achever sa chute dans l'eau, devant un pêcheur trop occupé à jeter ses filets, un berger tournant le dos à la mer et un laboureur bien concentré sur son sillon...
Pour les uns, Icare est victime de sa trop grande ambition ou d'avoir été grisé par le succès... Pour d'autres, Icare représente justement le courage, la volonté de liberté, de s'élever au-dessus d'une condition qui le contraint...

Et vous, qu'en pensez-vous ?

On trouvera sur
ce site le tableau (j'y ai emprunté l'image) ainsi que diverses interprétations. Ce site permet aussi de cliquer sur certains parties du tableau pour mieux en apprécier les détails.
D'autres commentaires intéressants se trouvent ici.
On notera que l'orthographe la plus courante du nom de ce peintre est plutôt Bruegel que Breughel ; on écrit aussi Brueghel.

* Anne Philipe, Le temps d'un soupir, Julliard, Paris, 1963, p. 87-88


samedi 19 août 2006

Grand Amour


Rassurez-vous, je ne vous dirai pas que je suis amoureux de ce jeune homme. Je vous dirai cependant que je l'ai déjà été. Pas de lui précisément, mais presque...

Il s'agit ici d'une image faite par un photographe professionnel, dont le nom apparaît dans le coin supérieur gauche, d'un jeune modèle que je ne connais pas. Toutefois, cette photo pourrait être celle d'un jeune homme qui a partagé ma vie durant cinq ans, il y a de cela plusieurs années et qui est pourtant resté l'un de mes plus fidèles amis. J'ai de lui une photo grand format, en noir et blanc comme celle-ci, sur laquelle il porte une chemise blanche qui lui donne cet air angélique, légèrement plus pudique que ce jeune homme dont l'épaule partiellement dénudée fait penser à Baudelaire, non pour son « Invitation au voyage », mais plutôt comme « une promesse de bonheur » (définition de la beauté, selon le poète). Les traits semblables, le regard identique, l'éclairage, ... tout contribue à créer l'impression qu'il pourrait s'agir de la même image.

Dans son billet d'hier, sur ses Chemins de poussières, Olivier de Paris se demandait si, dans ses relations amoureuses précédentes, ces femmes qui avaient croisé ses chemins et lui-même avaient vécu la même histoire. Cette interrogation et les commentaires laissés en réponse à la question m'ont inspiré ce commentaire que je reprendrai ici.

J'ai vécu, il y a plusieurs années, une histoire d'amour, une relation passionnée, fusionnelle, à la fois exaltante, stimulante et dévorante. Nous n'avions (et n'avons toujours pas) le même âge. Nos attentes respectives par rapport à cette relation amoureuse n'étaient forcément pas les mêmes au départ, mais elles n'étaient pas incompatibles ; elles étaient peut-être même complémentaires. Chacun de son côté a apporté à cette relation ce qu'il pouvait y apporter (l'innocence, la passion, l'intensité d'une part ; la confiance, l'assurance, la continuité de l'autre). Et chacun en a retiré ce qui lui convenait sans que ce soit perçu par l'autre comme du pillage affectif.

Au bout de cinq ans, cet amour a évolué. L'un des partenaires a eu besoin d'aller vivre à l'étranger (pas l'étranger pour l'étranger ; mais plutôt l'attrait d'une métropole « où l'on ne dort jamais » et pour la chance de se frotter aux artistes qui l'inspiraient). De là, chacun a vécu différemment l'éloignement, la séparation, le « hiatus »...

De son côté, ses films ont raconté notre histoire, d'une certaine façon. J'aurais envie d'en faire un roman et même un film... Si je faisais ce film, je raconterais la même histoire, mais pas de la même façon. Un étranger qui regarderait ses films et le mien pourrait penser qu'il ne s'agit pas de la même histoire, mais nous, nous savons que nous avons vécu une histoire extraordinaire, unique et que, quel que soit le point de vue que l'on adopte, quel que soit l'accent qu'on lui donne, cette histoire restera la nôtre. Nous pourrions travailler ensemble au scénario et à la réalisation de ce prochain film ; selon le point de vue du réalisateur choisi (lui, moi ou une troisième personne), l'histoire aurait une couleur, un ton particulier, mais chacun de nous se reconnaîtrait dans cette histoire.

Et ce qui compte, après toutes ces années et ces autres histoires vécues, c'est qu'après tout ce temps, nous soyons capables, encore aujourd'hui, de nous asseoir et d'évoquer les merveilleux moments de cette histoire et surtout l'inoubliable transformation mutuelle que cet amour aura permis. Personnellement, et je suis persuadé qu'il en est ainsi de son côté, j'avance encore sur les bases solides que cet amour aura permis de construire en moi...

Il arrive que ce premier Grand Amour lise ce blogue. Je ne crois pas qu'il puisse dire que j'ai menti. Comme dans le cas de toutes les histoires que l'on raconte, oralement ou par écrit, on éclaire certaines scènes plutôt que d'autres ; et les scènes qui sont mises en lumière n'en sont pas moins vraies parce que d'autres sont momentanément dans l'ombre.


Abbaye à vendre...

La photo vient de ce site

Bien qu'en matière de vin, je sois plutôt amateur de bordeaux que de bourgogne (« vins de Bordeaux » ou « vins de Bourgogne », corrigerait Louise de Vilmorin si elle le pouvait encore, elle qui aimait surtout le « vin de Champagne », semble-t-il), je suis tout de même touché par cette nouvelle qui concerne un élément du patrimoine de la Bourgogne et qui a longtemps été associé au milieu littéraire français.

Je n'y ai pas participé moi-même, bien entendu, mais j'ai si souvent lu dans l'histoire de la littérature contemporaine, dans les journaux de quelques écrivains que j'ai fréquentés (sur papier imprimé), le nom de Pontigny, associé à une abbaye principalement connue à une certaine époque du début du vingtième siècle pour ses réunions d'écrivains et d'intellectuels, les « décades de Pontigny ». J'apprends que l'abbaye et les terrains qui la bordent, jusqu'à maintenant propriété de l'État français (à moins que ce ne soit de la mairie), seront vendus à des intérêts privés. Et, semble-t-il, comme on le fait souvent dans ce genre de situation, les négociations se feraient dans le plus grand secret, privant de leur droit de parole les citoyens, véritables propriétaires de ce patrimoine...

Cet article était publié dans le journal Le Monde du mardi 15 août :


L'abbaye de Pontigny mise en vente


L'abbaye cistercienne de Pontigny (Yonne) est mise en vente. En 2003, le conseil régional de Bourgogne avait acquis pour 1,46 million d'euros les bâtiments, remaniés ou reconstruits au fil du temps, avec son parc d'une dizaine d'hectares. Il souhaite aujourd'hui s'en séparer. Ce qui suscite l'inquiétude de nombreuses associations, soucieuses de la préservation de ce patrimoine.
L'abbaye de Pontigny, seconde fille de Cîteaux, a été fondée en 1114 par des bénédictins. De nombreuses personnalités de l'époque y ont séjourné, parmi lesquelles Thomas Becket, l'archevêque de Cantorbéry, qui y vint en exil entre 1164 et 1166. A la Révolution, l'abbaye et ses possessions furent vendues comme biens nationaux - et l'abbatiale du XIIe siècle devint l'église paroissiale, propriété de la commune.
Mais
c'est surtout à partir de 1908 que l'abbaye a connu une renommée nationale. Paul Desjardins, le propriétaire du site depuis 1906, y organisait les Décades de Pontigny. Dix jours par an, cette manifestation réunissait des intellectuels plus ou moins célèbres pour discuter de littérature ou de philosophie : André Gide, Roger Martin du Gard, André Maurois ou Jacques Rivière participèrent régulièrement à ces joutes, qui durèrent jusqu'en 1939.

Après la guerre, l'abbaye connut une succession de propriétaires. En 1968, elle est achetée par un centre de Ladapt (Ligue pour l'adaptation des diminués physiques au travail), devenue locataire à partir de 2003 après son rachat par le conseil régional, alors présidé par Jean-Pierre Soissons (UMP), qui désirait redonner à Pontigny une vocation culturelle. Mais le conseil régional bascule à gauche en 2004, et la nouvelle majorité, n'ayant pas "trouvé de partenaires publics souhaitant investir dans le site", décide de mettre en vente l'abbaye.


Claire Frayssinet Le Monde 15.08.06


On pourra en apprendre un peu plus en lisant ce blogue.

jeudi 17 août 2006

Les hauts (et les bas) de Ramatuelle


Après avoir parlé à Poeri, le 5 août dernier, comme je le raconte dans mon billet du 9 août, mon coeur et mon esprit étaient, bien entendu, avec lui et avec sa mère, mais j'avais cependant le sentiment que Poeri incarnait soudain à lui seul toute la région et... j'avais mal à la Provence. J'évoquais en pensée ce qui me lie à cette région, les souvenirs que j'en conserve mais surtout les rêves que j'ai élaborés au fil des ans et qui, ces dernières années, se sont actualisés, en quelque sorte, dans la mesure où je connais des personnes qui y habitent, qui y vivent, qui m'en parlent et qui me donnent le goût d'en savoir plus encore. Rien ne vaudra jamais la présence concrète — « Il ne me suffit pas de lire que les sables des plages sont doux ; je veux que mes pieds nus le sentent... Toute connaissance que n'a pas précédé une sensation m'est inutile », écrivait Gide —, mais à défaut d'y être en personne, Internet est très utile pour trouver des renseignements qui permettent de mieux connaître l'environnement des êtres qui sont loin.


Sans que je puisse dire pourquoi, l'évocation de la Provence, durant tous ces derniers jours, me ramenait sans cesse à l'esprit le nom d'un village : celui de Ramatuelle. Je n'y ai jamais mis les pieds ; je ne connais personne qui y vive ni qui que ce soit qui m'en aurait parlé ces dernières années. Je croyais cependant avoir lu ce nom, il y a de nombreuses années, dans un récit d'Anne Philipe, Le temps d'un soupir, qui raconte les dernières heures de son mari, le père de ses deux enfants, l'acteur Gérard Philipe. Je retiens de la lecture des livres d'Anne Philipe un sentiment de lucidité et de tendresse, de sensibilité et de pudeur... L'un des derniers que j'aie lus raconte la mort de sa mère, atteinte du cancer, je crois ; le ton de ce récit ne dément en rien ce que je viens de dire de ses livres.


Je n'ai pas relu ce livre depuis et pourtant ce nom de Ramatuelle semblait vouloir s'imposer à moi, comme pour incarner la Provence. Si je me souviens de ce récit d'Anne Philipe, la narratrice, qui est l'auteur en réalité, raconte à un moment donné qu'elle attend le facteur qui, au volant de sa R4 jaune (qui se souvient de cette voiture des années 1959-1960 ?), grimpe la route qui conduit vers les hauts de Ramatuelle ; elle se demande s'il y aura une lettre de l'un ou l'autre de ses enfants qui étudient ailleurs, dans une grande ville... J'évoque ici de lointains souvenirs de lecture et je ne suis pas sûr de ne pas télescoper différents souvenirs.


Puisque Ramatuelle semblait vouloir s'imposer à mes pensées, j'ai voulu en savoir un peu plus au sujet de ce village du Var. Le site de la commune m'apprend que sa population qui ne compte qu'environ deux mille habitants en temps normal atteint parfois de dix à vingt mille personnes en raison du tourisme. La vigne et le tourisme sont ses deux principales sources de revenus. Le village n'est pas très loin de Saint-Tropez, ce qui peut aisément expliquer sa fréquentation ; sans compter qu'il s'agit d'un très beau village, selon ce que nous montrent les photos du site officiel de la commune, d'où j'ai emprunté quelques photos, et que l'on trouvera à cette adresse. Si l'on fait d'autres recherches, pour l'immobilier, par exemple, on trouvera de superbes villas à louer ou à vendre. Compte tenu de sa situation géographique et de sa configuration, on peut imaginer à quel point cet endroit peut être un paradis (surtout si l'on regarde l'endroit avant l'envahissement par les touristes). Il n'est pas étonnant qu'en cherchant une maison dans la région à la fin des années 1950, le légendaire acteur Gérard Philipe et sa femme décident d'acheter là une maison qui devait devenir, du moins aux yeux d'Anne Philipe, la maison de l'amour (ni elle ni lui ne se doutaient que cet amour prendrait fin un peu plus d'un an plus tard). Ne voyant rien sur le site de la commune au sujet de Gérard Philipe, qui fut sans doute son résident le plus célèbre, je me suis demandé si je n'avais pas inventé sa présence à Ramatuelle. Non, Gérard Philipe a bien vécu à Ramatuelle, environ un an, avant de rentrer à sa maison de Cergy. Mort à Cergy ou à Paris le 25 novembre 1959, ses obsèques eurent lieu à Ramatuelle le 28 novembre et sa dépouille repose au cimetière de Ramatuelle. Si la commune n'en parle pas, c'est peut-être à la demande de la famille, qui sait...

Pourquoi donc ce nom de Ramatuelle hantait-il mon esprit ces jours derniers ? Comment expliquer les mécanismes du souvenir, de la mémoire ? Il se fait au creux de notre cerveau des associations d'images que nous ne sommes pas toujours en mesure d'expliquer, à moins d'entreprendre une longue analyse sur le divan des disciples de Freud ou de Lacan. Quel lien ma mémoire faisait-elle entre Ramatuelle et mon ami Poeri qui vit la plupart du temps à Aix-en-Provence et sa mère qui habite une autre commune plus au Nord-Est, si mon sens de l'orientation est bon, vers le pays de Jean Giono, un village de moins de mille habitants où l'église paroissiale restaurée a conservé sa nef romane ? La réponse est peut-être à chercher du côté affectif plutôt que du côté intellectuel. Qui sait si mon coeur plutôt que ma raison n'a pas associé la terrible nouvelle que venait de m'annoncer Poeri au souvenir de la lecture de ce récit d'Anne Philipe...

Je viens de prendre sur les rayons ce livre, Le temps d'un soupir ; sur la quatrième page de couverture de l'édition de 1963, chez Juliard, on peut lire ceci :
« C'est une méditation sur l'amour et sur la mort, un dialogue avec une ombre, un monologue qui se poursuivent en dehors du temps. Où sommes-nous ? Quand sommes-nous ? Le passé, le présent, les lieux se confondent dans une plainte qui n'est pas seulement celle de la solitude. Le désespoir et le scandale pour l'esprit et le coeur face à une séparation éternelle sous-tendent et nourrissent un texte dont la déchirante sérénité exprime à chaque phrase comme la conquête de soi-même sur une douleur totale. À travers la sensibilité lucide d'une femme d'aujourd'hui ce n'est pas sans émotion que le lecteur reconnaîtra un écho des grandes voix stoïciennes de l'Antiquité. »
« Où sommes-nous ? Quand sommes-nous ? Le passé, le présent, les lieux se confondent... » En effet, il semble bien que ces mots ne s'appliquent pas seulement au récit d'Anne Philipe ; je me sens assez touché par ces questions et par la confusion du passé et du présent, des lieux, que ceux-ci soit d'un côté ou de l'autre de l'Atlantique...

Lundi dernier, un événement tragique est venu ajouter à mon trouble. Ramatuelle est un village dont je n'avais pratiquement pas entendu parler durant des années, sauf par ce récit d'Anne Philipe. Puis, dès le cinq août dernier, ce nom me revient sans cesse à l'esprit dès que j'évoque la Provence. Lundi dernier, en écoutant le bulletin de nouvelles, j'apprends qu'un incendie s'est déclaré dans les environs du villages de Ramatuelle.
L’incendie qui s’est déclaré vers 15 heures lundi 14 août à Ramatuelle, au quartier de la Quessine, a été circonscrit en fin d’après-midi le jour même. Les flammes, attisées par un vent de sud-ouest se sont dirigées vers Bonne Terrasse et le phare de Camarat. Les sapeurs-pompiers du Var, guidés par le Comité communal des feux de forêts, sont intervenus très rapidement, relayés par cinq Canadairs, des Trackkers, un Dash 8 et des hélicoptères.

Par précaution, certains lieux ont été évacués : le camping des Tournels, le village Léo-Lagrange, le village du Merlier... Les vacanciers et les résidents ont pu rejoindre leur lieu d’habitation dans la soirée.

Aucune habitation n’a été touchée. 56 hectares ont brûlé.

Et, le lendemain, j'apprends ceci :
Hélas, trois sapeurs-pompiers de Puget-Ville ont trouvé la mort dans un accident routier en rentrant de Ramatuelle, sur la route de La Garde-Freinet.

La commune de Ramatuelle s’associe à la douleur des familles et à la peine des sapeurs-pompiers du Var, une nouvelle fois touchés par ce deuil cruel.

Les renseignements au sujet de l'incendie se trouvent aussi sur le site de la commune, dans la section « actualités ». On y trouvera les coordonnées si l'on veut faire des dons aux familles ou obtenir des renseignements au sujet des obsèques.

Je trouve parfois que certaines coïncidences imposent la réflexion, forcent des tentatives d'explication. Je ne suis cependant pas sorcier, ni devin, ni psychanalyste. Je constate des associations, des coïncidences, mais j'aurais beau essayer de trouver des explications intelligentes, je ne crois pas pouvoir y arriver. J'y renonce d'avance.

mercredi 16 août 2006

HP - La danse des Canards (GOF)

Rions un peu ;o)

On dira ce que l'on voudra ! Si l'on pense que je ne suis pas sérieux, on aura raison : je le suis trop par moment, mais j'adore rire et rares sont ceux qui savent m'apporter cette détente (il suffit parfois d'une oreille complice pour y arriver sans peine).

Il y a quelques années, lors des fêtes de bureau, j'avais honte quand les secrétaires se mettaient à danser sur cette musique, mais dès que j'ai entendu cette version, j'ai éclaté d'un grand éclat de rire et, depuis, je l'écoute souvent avec autant de plaisir... Il existe des dizaines de vidéo sur cette trame musicale, la plupart plus bêtes les unes que les autres, qui peuvent être drôles pour ceux ou celles qui y ont participé. Mais ce montage d'extraits de film (du film Harry Potter, sans doute - je ne l'ai pas vu) est particulièrement bien synchronisé aux paroles et à la musique de cette chanson. Et son mérite principal, c'est de me faire rire aux éclats à chaque fois que je la regarde.

Je ne sais pas coment on peut y arriver à partir d'ici, mais comme les images sont assez sombres, il faudrait pouvoir les regarder en plein écran (s'il le faut, inscrivez-vous à YouTube - un peu embêtant avec la validation des caractères illisibles -, mais le jeu en vaut la chandelle). Et, évidemment, il faut écouter la musique qui accompagne les images en montant un peu le volume...

Questionnement existentiel...


Ces dernières semaines, j'ai eu besoin de prendre du repos et un peu de recul par rapport à mes activités habituelles. J'ai senti le besoin de dormir et de ne rien faire... J'essaie de reprendre mes activités, je dois assumer un certain nombre de responsabilités, remplir des obligations ; je sens que mon corps aussi bien que mon esprit résistent encore au besoin de se mettre en mouvement...

Durant ces semaines, même si j'avais parfois envie d'écrire, j'avais du mal à me concentrer assez longtemps pour donner forme à un billet à afficher dans ce carnet. Il m'était plus facile de laisser de temps à autre un commentaire que de prendre l'initiative de rédiger un billet et... de le terminer.

Je me suis posé quelques fois la question de la pertinence de poursuivre la tenue de ce carnet... Deux commentaires lus sur d'autres blogues m'ont fait réfléchir, pas forcément dans le bon sens. Je me rends compte que j'ai souvent tendance à écrire de longs billets, mettant à rude épreuve la patience des lectrices et des lecteurs. L'un des commentaires qui m'ont touché, ébranlé, surtout qu'il venait de quelqu'un qui tenait aussi un blogue, disait qu'il ne voyait pas la nécessité d'exposer ainsi ses états d'âme, ses émotions ou sa sexualité (ce n'était pas le cas de ce blogueur qui a d'ailleurs supprimé le sien, ayant atteint son objectif).

J'ai ouvert ce blogue en octobre dernier sans trop savoir ce que j'y mettrais ; quelque dix mois plus tard, je ne suis toujours pas plus fixé sur ce que je veux que soit ce carnet. Je n'ai pas tous les jours envie de rédiger une thèse sur la place de la virgule dans la Recherche du temps perdu ou du silence dans le cinéma de Marguerite Duras ; à la rigueur un petit billet sur le rôle de la grive dans les Mémoires d'outre-tombe ou de l'emplacement du cèdre dans le jardin de la Vallée-aux-Loups... Ma vie personnelle si l'on entend par « vie personnelle » l'ensemble des événements qui fait briller les yeux de celui qui se fait demander : « Et toi, quoi de neuf ? » est d'un ennui mortel, ce qui ne signifie toutefois pas que moi-même je m'ennuie à mourir...

Bref, on ne pourra pas compter sur moi pour trouver ici régulièrement des critiques sur les derniers livres publiés ou les derniers films sortis, ni des analyses sur la situation politique au Moyen-Orient (quoique je retienne depuis longtemps des commentaires rageurs sur le cynisme et la mauvaise foi du gouvernement israélien, qui n'ont d'égaux que ceux de leur complice, ce grand pays qui se trouve au sud du Québec), mais si on a la patience ou la bonté de lire encore des billets personnels et des états d'âme, je pense qu'on pourra toujours en trouver à cette adresse. Merci.

dimanche 13 août 2006

Et la tendresse... ?

« … C’est une façon de mourir à soi-même et de mourir aux autres, que de ne plus savoir être tendre. » Jeanne Moreau

Cette phrase de Jeanne Moreau,
au cours d'une entrevue qu'elle accordait à la télévision, en 1996, me rappelle certains passages des Nourritures terrestres qui, il y a quelques années, résumaient presque toute ma philosophie...

« Je n'ai jamais rien vu de doucement beau dans ce monde, sans désirer aussitôt que toute ma tendresse le touche. Amoureuse beauté de la terre, l'effloration de ta surface est merveilleuse. Ô paysage où mon désir s'est enfoncé ! Pays ouvert où ma recherche se promène ; allée de papyrus qui se referme sur de l'eau ; roseaux courbés sur la rivière ; ouvertures des clairières ; apparition de la plaine dans l'embrasure des branchages, de la promesse illimitée. Je me suis promené dans les couloirs de roches ou de plantes. J'ai vu se dérouler des printemps. »

« Certes, tout ce que j'ai rencontré de rire sur les lèvres, j'ai voulu l'embrasser ; de sang sur les joues, de larmes dans les yeux, j'ai voulu le boire ; mordre à la pulpe de tous les fruits que vers moi penchèrent des branches. À chaque auberge me saluait une faim ; devant chaque source m'attendait une soif — une soif, devant chacune, particulière ; — et j'aurais voulu d'autres mots pour marquer mes désirs
de marche, où s'ouvrait une route ;
de repos, où l'ombre m'invitait ;
de nage, au bord des eaux profondes ;
d'amour ou de sommeil au bord de chaque lit.
J'ai porté hardiment ma main sur chaque chose et me suis cru des droits sur chaque objet de mes désirs. (Et d'ailleurs, ce que nous souhaitons, Nathanaël, ce n'est point tant la possession que l'amour.) Devant moi, ah ! que toute chose s'irise ; que toute beauté se revête et se diapre de mon amour. »
(André Gide, Nourritures terrestres).


vendredi 11 août 2006

« Nous nous choisissons par nos fêlures... »


« Nous nous choississons par nos fêlures... »
(Michel del Castillo, De père français).

Si, dans le choix de nos amis, nous sommes séduits, attirés par des qualités, des forces, des vertus, je crois en effet que c'est plutôt par nos fêlures que nous laissons un autre s'approcher de ce que nous avons de plus précieux : le coeur, les sentiments. Accepter l'amitié, et l'amour en fait, c'est d'abord se reconnaître vulnérable avant de conjuguer nos forces...

jeudi 10 août 2006

Contre l'esprit de sérieux...

J'habite à droite de cet immeuble du centre,
sous la plus basse branche du conifère au premier plan, pourrait-on dire,
juste au pied du mont Royal, au sud du parc Jeanne-Mance.

Il y a une dizaine d'années, l'organisme où je travaillais avait accueilli un étudiant, que j'appellerai William, venu faire un stage de fin d'études. Quelques mois plus tard, un autre collègue a dû s'absenter durant près d'un an pour subir des opérations aux hanches et poursuivre sa réadaptation ; nous avions alors fait appel à William, maintenant diplômé, pour remplacer le collègue en convalescence. Même si nous étions tous très autonomes dans nos fonctions, nous avions décidé, William et moi, de travailler ensemble pour animer certaines rencontres avec des groupes de clients ; la chimie qui s'est installée est vite devenue très stimulante. Sur le plan professionnel, il apportait des techniques nouvelles, un regard neuf, alors que j'avais l'expérience, l'aisance, un peu de culture, etc. ; nous avions le même goût du jeu dans la communication.

Nous sommes vite devenus amis et, sous le regard amusé de toute l'équipe de travail, absolument inséparables ; au restaurant, par exemple, nous étions toujours assis l'un à côté de l'autre ou l'un en face de l'autre : ce n'était pas une règle écrite, mais chacun savait qu'il ne fallait pas l'enfreindre. William était en couple depuis quelques années avec une charmante jeune fille ; je les ai invités à dîner ensemble et nous nous sommes revus à quelques reprises. Mais quelques mois plus tard, la jeune femme devint amoureuse d'un ami de William et et partit vivre avec lui, laissant William seul avec sa peine. En tant qu'ami, j'essayai bien de le distraire et de le consoler, mais arrive-t-on jamais à consoler quelqu'un ? Je crois plutôt que c'est une question de cheminement intérieur et de temps... N'attendez pas de détails croustillants ; notre amitié resta de l'amitié ; certains l'appelleraient peut-être une « amitié particulière », mais elle resta de l'amitié.

Nous ne nous voyons plus beaucoup ; la dernière fois que je lui ai parlé, c'était le 25 avril, pour son anniversaire. Ces dernières années, il a commencé à écrire et à publier des livres, à donner des conférences et à vendre des disques de ses conférences ; sa nouvelle compagne gère ses contrats et son agenda. Il publie chaque semaine une infolettre ; le sujet de l'infolettre de cette semaine était « Vivez plus vieux en cessant de vous prendre au sérieux ». En lisant ce titre, j'ai éclaté de rire et j'ai immédiatement envoyé un courriel à William, lui demandant s'il me visait personnellement avec le titre de ce bulletin. Je n'ai pas encore reçu de réponse de sa part, mais je suis absolument certain que lorsqu'il lira mon message, il éclatera d'un rire énorme, sonore comme une fontaine italienne...




Depuis que j'ai appris à lire, à lire vraiment en appréciant les livres que je lisais, j'aime la Grèce. Cet amour me vient d'abord du roman de Roger Peyrefitte, Les amitiés particulières, et de tous les autres qu'il publia par la suite, sans oublier son énorme et incontournable trilogie sur Alexandre le Grand, son héros. Au début, ce n'était qu'un intérêt intellectuel ; puis j'ai connu des gens d'origine grecque, puis les restaurants, la musique, surtout la musique traditionnelle ; puis j'ai découvert les livres sur l'antiquité, les reproductions d'oeuvres d'art, puis la section du musée du Louvre consacrée à la Grèce ancienne. Bien sûr, j'ai exploré certains auteurs anciens, certaines oeuvres. Quand, le 5 août 2000, j'ai eu besoin de choisir un pseudonyme pour naviguer sur Internet, il était clair que ce pseudonyme serait grec... Puis je me suis fait des amis (Loupiot, Poeri, Tramaque, ...) qui, de nationalité française, sont des Grecs de coeur et d'esprit. Malgré tout, je ne suis encore jamais allé en Grèce moi-même. Mais ces dernières années, durant l'été, je fais des cures d'immersion grecque : je lis des livres qui parlent de la Grèce (Jacqueline de Romilly, Jacques Lacarrière, ...) et j'écoute la musique traditionnelle et le rebetiko, mais aussi du Mikis Teodorakis, puis Melina Mercouri, Angelique Ionatos, Agnès Baltsa... Et puis, au moins une fois durant l'été, je vais m'asseoir à la terrasse d'un restaurant grec pour manger des calamars grillés ; même si le goût des plats n'a sûrement plus grand chose de grec, le menu est en grec et il y a parfois de la musique grecque. C'est ce que j'ai fait cet après-midi ; j'aurais dû rester chez moi pour travailler, mais il faisait trop beau et j'avais envie de m'évader. Je suis parti à vélo et, durant quelques heures, j'étais à la fois en Grèce et beaucoup en Provence où je voudrais tellement pouvoir m'asseoir à une terrasse et écouter la voix de Poeri...



En sortant du restaurant, je suis reparti à vélo et je suis allé marcher sur le mont Royal. À défaut de pouvoir aller à la campagne, les sentiers boisés du mont Royal me permettent d'échapper un moment à la frénésie urbaine. J'en profite pour ne penser à rien, pour faire des projets d'avenir ou pour me laisser aller à des rêveries sans but, pour dialoguer avec les écureuils ou observer des oiseaux que je ne vois nulle part ailleurs... Je suis donc resté plus d'une heure et demie, appuyé contre un arbre ou à marcher dans les sentiers.

Quand j'ai ouvert la porte de l'appartement, je me suis dit qu'on avait sûrement essayé de me joindre. Un coup d'oeil rapide sur l'afficheur téléphonique m'a confirmé qu'il y avait eu plusieurs appels, mais je n'ai reconnu personne ni aucun des numéros. Il y avait toutefois un message sur le répondeur et, je ne sais pourquoi, j'avais l'intuition que ce message venait de France. En effet, c'était un message de Guillaume, un charmant garçon de Versailles qui, il y a cinq ans, avait eu la générosité de m'héberger durant quelques jours dans son tout nouvel appartement ; puis, la veille de mon retour, nous avions exploré ensemble les jardins de Versailles (le château étant fermé en raison de l'une des très rares grèves en France) ; Sébastien, le plus charmant des Français d'origine portugaise, était venu nous rejoindre devant la statue équestre de Louis XIV et, tous trois (sans la statue), nous étions allés manger une crêpe... bretonne.



Après avoir rédigé ce qui précède, j'allais me déshabiller pour mettre une tenue d'intérieur plus confortable ; j'étais dans ma chambre et je venais d'enlever mes chaussures quand le téléphone a sonné. J'ai eu le temps de voir sur l'afficheur le numéro et le nom de Hugo, qui fut mon voisin immédiat et ami durant cinq ans et qui, il y a un an, allait vivre à Las Vegas où il travaille comme acrobate dans l'un des spectacles du Cirque du Soleil. Il est venu assister aux funérailles de l'une de ses grands-mères, à Québec, et il est de passage à Montréal durant quelques jours. Il arrivait de Québec au moment où il m'a téléphoné et m'a demandé si j'avais mangé ; nous nous sommes donné rendez-vous devant le restaurant chinois, près de chez moi, où nous avons mangé si souvent ensemble durant cinq ans. Les propriétaires du restaurant l'ont reconnu, se souvenant même de ses plats préférés... Nous avons passé encore une très agréable fin de soirée autour d'un repas, à nous raconter les dernières nouvelles... Il a mûri un peu, embelli surtout, mais il est resté le charmant petit frère que j'aimerai toujours. Somme toute, cette journée s'est très bien déroulée et s'est terminée en tendresse et en beauté...

mercredi 9 août 2006

Un message personnel...

... pour Poeri



Voici ce message, inspiré d'un poème grec,
et illustré ici en couleur :


Crie pour libérer ton coeur.
Espère pour vaincre ton chagrin.
Pleure pour apaiser ta douleur.
Crois pour trouver la paix en toi.

Et si tu as besoin de moi, je suis là.

J'ai mal... à la Provence


Depuis samedi dernier, la seule évocation de la Provence me fait mal et me tire des larmes, quel que soit le moment du jour ou de la nuit. En fait, depuis samedi midi, je n'ai en tête que la Provence et tout ce qu'elle évoque pour moi et si j'arrive à retenir mes larmes en n'affichant que ma tristesse au cours de mes sorties en public, je ne les empêche pas du tout du moment que je rentre chez moi, où je passe la très grande partie de mon temps. J'ai mal à la Provence comme on a mal au foie... Je sais bien ce qui a déclenché cette peine immense, mais je sais aussi que la cause de cette peine est plus complexe que l'annonce d'une mauvaise nouvelle...


Durant de nombreuses années, la Provence n'était pour moi que l'une des magnifiques régions de la France, avec l'avantage d'un climat assez doux en hiver, qui me faisait rêver à la retraite que je pourrais y prendre un jour lointain après avoir bien travaillé et gagné l'argent nécessaire pour y vivre sans souci matériel. Le jour où l'on m'a dit qu'en se levant la nuit pour aller assouvir un besoin naturel ou en voulant enfiler ses chaussures, on pouvait mettre le pied sur un scorpion, mon rêve de retraite en Provence s'était quelque peu estompé pour faire place à d'autres options...

Lors de mon premier séjour en France, lorsque j'avais vingt ans, les circonstances m'ont permis de faire partie d'une troupe d'artistes professionnels et, avec eux, j'ai fait quelques tournées qui m'ont conduit dans plusieurs villes de Belgique et de France, dont Avignon, Carcassone et Aix-en-Provence. J'ai toujours conservé d'Aix de très doux souvenirs, car j'y ai amorcé alors une relation amoureuse qui se préparait depuis quelques semaines à Paris, mais qui a pris un tournant plus affirmé dans une loge de l'Opéra d'Aix (que l'on appelle le Théâtre du Jeu de paume, je crois ?) puis dans les rues d'Aix dans les heures qui ont suivi et qui s'est finalement concrétisée ensuite à Carcassonne...

Puis, grâce à Internet, j'ai fait la connaissance ces dernières années d'un garçon sans pareil qui, s'il n'est pas toujours à Aix-en-Provence, y revient toujours... J'ai parlé de lui dans ce cyber-carnet, le 26 novembre 2005. J'ai des photos de lui, mais elles ne lui rendent pas justice, je trouve. Il faut voir, quand on lui parle, ses yeux s'allumer, son sourire s'illuminer ; il faut entendre sa voix, être attentif à ses intonations... À défaut de pouvoir présenter de lui des images vidéo qui permettraient de juger de sa beauté, je trouve que ce sont des portraits de la Renaissance italienne qui le représentent le mieux à mes yeux (autoportraits de Filippino Lippi ou portrait de Botticelli par son élève, par exemple). Français de naissance, avec du sang espagnol, une formation universitaire en partie italienne, il est aussi un fils de la Grèce classique ; il est fait du meilleur de ces cultures, à la fois par héritage et par élection.

Je me souviens très précisément des premiers mots qu'il m'a adressés un soir dans un salon de clavardage. Je fréquentais quotidiennement ce salon depuis que je l'avais découvert au hasard de mes explorations le jour même de mon abonnement à Internet le 5 août 2000 ; je m'y étais fait une certaine notoriété et de nombreux amis. Si bien que, lorsque je suis venu en Europe, à l'automne de l'année suivante, j'ai dû rencontrer près de soixante-dix personnes avec qui j'avais eu l'occasion de dialoguer plus ou moins souvent dans ce salon, sur Internet.

Je me souviens des premiers mots qu'il m'ait adressés, mais je n'ai plus aucune idée de la date, pas même de l'année (je pourrais la retrouver par des courriels que nous nous sommes envoyés, mais cela n'a pas vraiment d'importance car j'ai le sentiment de le connaitre depuis toujours). Ce soir où j'ai fait la connaissance de Poeri (c'était son pseudonyme), je me sentais vulnérable et j'avais dû émettre dans le salon de clavardage un commentaire pour m'attirer un peu d'attention. De l'attention, j'en ai reçue immédiatement ; et quelle attention ! Je me suis demandé qui était ce garçon dont je voyais pour la première fois le pseudonyme au salon et qui s'adressait à moi comme s'il m'avait toujours connu et de la meilleure façon. Ses propos étaient si empreints de sensibilité et de finesse, d'intelligence et de tendresse... Depuis ce jour, Poeri et moi n'avons cessé d'apprendre à connaître les événements qui composent l'histoire de nos vies respectives, mais l'essentiel, ce que nous sommes réellement, chacun au fond de soi, nous le connaissons, chacun le reconnaît chez l'autre.

Comme il le souligne dans son commentaire à mon billet du 26 novembre 2005, nous en avons passé des heures à nous parler, soit sur MSN, soit dans ce salon de clavardage où nous avions d'autres bons copains, soit au téléphone... Combien de fois m'a-t-il demandé de venir en Provence, de venir chez lui, profiter de sa terrasse à Aix... Combien de fois ai-je regretté de ne pas être en mesure de répondre à son invitation. Combien de fois ai-je pleuré de bonheur de connaître ce garçon et pleuré de tristesse que la distance soit si grande entre Montréal et Aix-en-Provence.

Ce jeune homme est très occupé. Il essaie de terminer la rédaction de sa thèse de doctorat et pour cela, il se déplace entre la Provence et l'Italie. D'autre part, il est très sollicité par ses amis et par sa famille. Ce fils unique est orphelin de père depuis son enfance... Il a pour sa mère l'adoration des fils élevés dans l'amour et, comme on peut le deviner, il est tout pour sa mère.

Ces derniers temps, je l'apercevais moins souvent sur MSN, et plus du tout dans ce salon de clavardage où nous avons fait connaissance. Je m'en attriste, mais je comprends sa situation, sachant qu'en raison de ses déplacements fréquents, il n'a pas conservé un appartement à Aix et qu'il n'a pas forcément une adresse fixe et que, d'autre part, la santé de sa mère le préoccupe depuis plusieurs mois.

Samedi dernier, cinq août, c'était le jour de son anniversaire de naissance. Quand j'ai vu son pseudonyme apparaître sur MSN, samedi dernier, je l'ai immédiatement salué et j'ai voulu lui offrir mes voeux d'anniversaire. J'ai toutefois senti qu'il n'avait pas le coeur à la fête et j'ai voulu savoir ce qui n'allait pas. Je savais que la santé de sa mère le préoccupait, mais je me demandais ce qui, en quelques semaines, avait pu changer...

En insistant un peu pour qu'il ne garde pas pour lui seul une nouvelle qui semblait le briser à ce point, il a accepté de me confier qu'on lui avait annoncé une terrible nouvelle au sujet de sa mère. Cette mère qu'il adore, qui lui avait donné naissance précisément ce 5 août, il y a une trentaine d'années, est atteinte d'une maladie épouvantable qui, dans un cas, pourrait lui permettre de vivre une dizaines d'années (mais dans quel état ?) et, dans l'autre cas, pourrait évoluer rapidement et entraîner la mort d'ici un an. Quelle nouvelle agréable à recevoir le jour de son anniversaire !

Poeri est anéanti. On le serait à moins. Il m'a gentiment envoyé une photographie de sa mère, prise il y a deux semaines. Je ne commettrai pas l'indiscrétion d'afficher ici la photographie de sa mère qui, très élégamment vêtue de blanc, du cou aux chevilles, porte un joli chapeau de soleil, avait accepté de poser pour son fils, assise sur les marches d'un immeuble devant une très belle porte en bois scuplté, avec le chien dont m'a si souvent parlé Poeri, qui tenait le plus souvent compagnie à sa mère qu'à lui-même. On devine dans le regard de cette femme tout l'amour qui circule entre ces deux êtres : celle qui, au cours d'une promenade amoureuse avec son fils dans les rues d'Aix-en-Provence peut-être, profite d'une pause-photo pour s'accorder un moment de repos en souriant à son fils qui saisit ce moment à travers son appareil.

Je regarde la photographie de cette femme d'un peu plus de cinquante ans, encore très belle, et je l'imagine, juste avant la naissance de son fils, avec le même chapeau qu'elle porte sur cette image ; elle pourrait ressembler à cette jeune femme peinte par Pierre Bonnard :


Je ne connais cette femme que par les mots de son fils, mots discrets et cependant si révélateurs. Elle ignore mon existence, même si elle a sans doute vu passer quelques mots que j'avais adressés à Poeri au moment où celui-ci était de passage chez elle, de retour d'Italie. Je suis néanmoins atterré d'apprendre le terrible diagnostic qui la concerne et que son fils n'avait pas encore eu le courage de lui annoncer après l'avoir lui-même appris de la bouche des médecins.

J'ai mal pour elle, bien sûr. Mais j'ai très mal pour son fils, mon ami. Je sens la douleur qui l'habite et qui ne le quittera plus durant des mois, des années... Elle évoluera, se transformera, mais elle fera désormais partie de lui, je le crains. Et cette seule pensée m'est pénible ; elle m'oppresse et me rend infiniment triste.


mardi 8 août 2006

Faites le un si vous êtes satisfait...

On a vu un peu partout cet extrait de l'émission « Le coeur a ses raisons » ; il circule sur Internet depuis plusieurs semaines et, à chaque fois, je le trouve aussi drôle. Puisque celui de chez Olivier ne fonctionne plus, j'ai pensé que je pourrais l'afficher ici et le revoir pour rire encore...

lundi 7 août 2006

Tout n'est pas perdu...

Les journaux de samedi dernier publiaient une nouvelle qui devrait nous réjouir : on n'aura peut-être plus besoin de tolérer ces comportements et ces commentaires stupides autour de soi ...


Une pilule qui rend intelligent ?
[2006-08-05 15:26]

BERLIN (Reuters) — Un scientifique allemand teste actuellement une « pilule contre la bêtise » qui obtient des résultats encourageants sur des souris et des drosophiles, rapporte le quotidien Bild.
Hans-Hilger Ropers, directeur de l'Institut Max Planck de la génétique moléculaire à Berlin, aurait mis au point, explique le journal, une pilule efficace contre l'hyperactivité de certaines cellules nerveuses du cerveau, stimulant la mémoire du passé proche et augmentant la concentration.
« Sur les souris et les drosophiles, cela évite de perdre la mémoire du passé proche », a déclaré Ropers au Bild. A 62 ans, le scientifique croit avoir mis au point la première pilule mondiale contre la stupidité.

Le Dr Ropers a étudié la médecine à Freiburg et à Munich. Avant sa nomination au poste de directeur du Max-Planck-Institute for Molecular Genetics en 1994, il était chef du Département de génétique humaine à Nijmegen, en Hollande, où il s’est également spécialisé en génétique médicale. Le Dr Ropers est membre du conseil de HUGO. Son département se concentre sur les déficiences mentales et les troubles connexes, les réarrangements chromosomiques équilibrés associés aux maladies, les puces d’ADN (« arrays ») de l’HCG, de même que le profilage des gènes au moyen des puces d’ADN.