samedi 22 septembre 2007

Au coin de la rue, l'aventure

Il y a 25 ans, les éditions du Seuil publiaient un livre au titre évocateur : Au coin de la rue, l'aventure, le livre de deux jeunes auteurs qui font toujours partie de notre paysage culturel, littéraire et philosophique, voire politique, soient Pascal Bruckner et Alain Finkielkraut.

Je n'ai pas lu le livre, mais j'ai toujours aimé ce titre qui me semble annoncer un programme intéressant. C'est le genre de titre que je trouve si évocateur qu'on ne se sent pas le besoin d'acheter le livre car on a l'impression d'en connaître déjà le contenu (ce n'est pas très intelligent comme attitude, je le sais, mais on ne peut pas tout lire, surtout quand on est un lecteur lent comme moi, qui aime rêver autour de certains livres). Je me suis plu à imaginer ce que pouvaient bien dire les deux auteurs...

Le contenu que j'imaginais à ce livre n'a peut-être rien à voir avec le texte des deux auteurs. Mais qu'importe ? Si j'ai pu imaginer une réflexion sur la société, sur le mode de vie, sur les changements importants qui se déroulaient dans nos sociétés occidentales... J'ai pensé aussi que ce titre pouvait essayer de faire comprendre que l'on n'a pas besoin d'être astronaute ou explorateur pour que la vie soit palpitante, que l'aventure peut faire partie de la vie de chacun sans qu'il se sente obligé d'aller la chercher au bout du monde ou dans de continuels déplacements. La possibilité de renouveler sa capacité d'émerveillement est à la portée de chacun...

Il y a quelques années, à la sortie d'une très intense et très belle relation amoureuse, je suis redevenu célibataire et, après un long processus de deuil, j'ai pris ma vie en main, j'ai fait en sorte que le célibat soit un état intéressant plutôt qu'une catastrophe. J'ai réapprivoisé la solitude qui est redevenue une amie qui n'attendait pas de moi l'exclusivité ; je l'ai abondamment trompée. Et comme il arrive très souvent dans ces cas-là, celui qui trompe est le premier trompé. Il faut cependant, au risque de se tromper, sortir de chez soi et aller vers les autres pour apprendre à les connaître et, par conséquent, à se découvrir soi-même. Fort de ce qu'avait fait de moi cette relation amoureuse de cinq ans, je pouvais aller vers les autres en toute confiance... J'ai croisé beaucoup de monde, j'ai même fait de belles Rencontres, avec un « R » majuscule, de celles qui nous marquent à jamais. Et j'ai eu aussi de nombreuses aventures, de celles qui, au mieux, laissent un aimable souvenir... Puis je me suis assagi... Il y aurait beaucoup à dire sur cette période qui a tout de même duré quelques bonnes années, mais je ne voudrais pas effaroucher les bonnes âmes. Et, au fond, y a-t-il vraiment quelque chose à dire ? Si je suis vraiment devenu sage, tout cela n'a plus d'importance.

Au coin de la rue, l'aventure, donc ? Certainement ! Du moins, elle se présente, elle s'offre ; libre à chacun de la percevoir, de lui accorder ou pas de l'attention, de la choisir ou de s'en éloigner.

Hippolyte Frandrin

Il y a quelques semaines, alors qu'il faisait très beau et que je revenais du restaurant, je n'avais pas envie de remonter tout de suite chez moi où le travail m'attendait. En arrivant devant l'entrée de mon immeuble, j'ai décidé de prendre l'air encore quelques minutes et je me suis assis à l'extérieur et j'ai sorti un livre que j'avais apporté avec moi pour en faire la lecture au restaurant. Je lisais depuis quelques minutes quand j'ai vu venir sur le trottoir un jeune homme de dix-neuf ou vingt ans ; je l'ai aperçu d'assez loin car ce qui a frappé mon attention, c'est qu'il était torse nu et, sous le soleil de fin d'après-midi, cette peau lisse et mordorée faisait éclat ; j'avais alors levé les yeux pour vérifier s'il était vraiment torse nu ou si c'était le fruit de mon imagination. J'avais discrètement levé les yeux et à la distance où il se trouvait, il n'avait pas pu remarquer que j'avais levé les yeux de mon livre sans bouger la tête. Le garçon s'était cependant arrêté, comme s'il hésitait entre deux directions à prendre ; celle, déjà amorcée, de remonter ma rue ou celle d'emprunter plutôt la rue transversale.

J'étais curieux de voir ce qu'il allait faire. Dès que j'ai vu qu'il avait choisi de remonter ma rue, donc de venir vers moi, je me suis replongé dans mon livre afin qu'il ne voie pas que je l'avais observé. Il venait donc dans ma direction et je m'attendais à ce qu'il passe devant l'immeuble et poursuive sa route. Pas du tout : en levant les yeux, je l'ai vu se diriger carrément vers moi, dans l'entrée de mon immeuble ; il est venu à moins d'un mètre de moi et, comme s'il se rendait compte que j'étais là ou que peut-être il avait été trop pressé, il a rebroussé chemin, il a repris le trottoir et il s'est arrêté encore devant l'immeuble, comme s'il cherchait quelque chose, une adresse ou quoi encore... Puis il est revenu vers moi et m'a demandé, en anglais, s'il pouvait s'asseoir. Je lui ai fait une place tout en poursuivant ma lecture, ne voulant pas lui laisser croire que je m'intéressais à lui.

Il était donc là, assis à quelque trente centimètres à ma gauche, regardant devant lui comme s'il attendait quelqu'un qui allait passer sur le trottoir. Assis de biais, je pouvais discrètement lever les yeux et épier ses gestes, son attitude sans qu'il puisse voir mon regard, à moins de se tourner carrément vers moi. Ce torse nu était glabre et légèrement bronzé, olivâtre et sans éclat ; il avait l'air tout juste sorti de l'adolescence et, d'une certaine façon, il me faisait penser au Tadzio de Mort à Venise de Visconti, qui aurait vieilli légèrement, l'air maladif et fragile en moins. Il était assez beau, si ce n'était un manque de grâce dans l'expression ; il avait dans l'attitude quelque chose du félin hésitant entre le ronronnement ou le coup de griffes en réponse au geste caressant. Il se dégageait de lui le léger parfum âcre du garçon qui n'est pas rentré chez sa mère depuis quelques jours.

Je l'observais mais il ne le savait pas puisqu'il n'osait pas me regarder en face. Et je sentais que cela l'agaçait que je ne m'occupe pas de lui. Il a commencé à tirer un peu sur la ceinture du caleçon, qui dépassait largement la ceinture du pantalon à taille basse, comme pour y laisser entrer un peu d'air frais ; il a recommencé son jeu plusieurs fois et à chaque fois son geste laissait voir un peu plus la fine lisière de duvet qu'il avait sous le nombril, sans aller tout à fait jusqu'au poil un peu plus viril. Son jeu m'amusait beaucoup et, si je ne m'étais pas assagi, je ne l'aurais pas laissé douter ainsi de son pouvoir de séduction ; je lui aurais au moins parlé. Mais là, devant chez moi, je n'avais pas de marge de manœuvre ; si je lui adressais la parole, je savais qu'il aurait voulu prendre une douche, au moins. Il y a quelques années, j'aurais sûrement joué le jeu pour le plaisir du jeu, sans intention arrêtée. Mais là, je n'avais pas envie de jouer ce jeu, surtout parce que j'étais trop absorbé par le travail et que tout l'appartement ressemblait davantage à un chantier qu'à un terrain de jeu.

Finalement, le garçon s'est impatienté, s'est levé et s'est dirigé vers la rue transversale. Il aura sans doute eu un peu de mal à y trouver quelqu'un qui l'invite à prendre une douche, qui lui offre à manger et peut-être un peu d'argent.

En remontant chez moi, je souriais intérieurement en pensant qu'effectivement, si l'on y est un peu attentif, la vie peut nous offrir des surprises, même à la porte de chez soi. Dans ce cas-ci, puisque je ne cherchais pas une aventure, l'aventure m'a beaucoup amusé. Je repense avec plaisir à une autre aventure qui m'était arrivée un soir d'hiver où j'étais sorti prendre l'air et qui s'était terminée différemment ; je vous la raconterai peut-être un jour, quand les enfants seront couchés.

vendredi 21 septembre 2007

Post-partum


Après avoir livré hier, en fin d'après-midi, le fameux document d'une centaine de pages dont la réalisation m'épuisait en raison de toutes les données que je devais y insérer et de toutes les décisions associées à ces données, sans compter les problèmes d'impression au moment d'assembler toutes les pages de ce document complexe, je me sens épuisé, vide et triste...

La secrétaire à qui j'ai remis le document en quatre exemplaires m'a félicité du travail accompli et suggéré de m'accorder une bonne récompense, comme d'aller manger au restaurant ; c'est ce que j'ai fait hier soir : je suis allé manger, seul, dans un bon restaurant chinois, près de chez moi. J'ai rarement apprécié des plats comme ceux qu'on m'a présentés ; tout était si délicieux ! Et l'attention des propriétaires me fait toujours grand plaisir ; puisque je suis un bon client, la maison m'offre le porto au dessert.

Un projet est terminé, mais il y en a encore bien d'autres en attente. Néanmoins, je me sens aujourd'hui bien vide ; si je sais encore qui je suis, c'est que je ne suis pas sorti bien loin.

Journée mondiale Alzheimer


Ce 21 septembre 2007, c'est la journée mondiale Alzheimer, cette terrible maladie qui touche environ 24 millions de personnes dans le monde. Et ce nombre pourrait tripler au cours des 30 prochaines années, pour atteindre 81 millions. En 2040, combien d'entre nous serons là pour s'en souvenir ? Nous pourrions y être sans nous souvenir.

La maladie frappe normalement les personnes âgées et, très souvent, l'entourage de la personne atteinte a tendance à penser que la perte de mémoire et les autres symptômes sont des effets normaux du vieillissement. Cette croyance empêche les gens qui ont une personne atteinte dans leur entourage de consulter et, par conséquent, d'essayer de ralentir les effets de la maladie. Hélas, il ne semble pas y avoir encore de traitement mais il y a des moyens d'aider la personne atteinte à prolonger sa qualité de vie.

Je n'ai pas connu dans mon entourage immédiat de personnes atteintes. Il est bien possible que des amis ou des colllègues aient eu des parents atteints, mais souvent les gens n'aiment pas en parler. La maladie d'Alzheimer est dans l'esprit de bien des gens une maladie honteuse, comme l'était le Sida. Honteuse parce qu'on en attribue souvent les causes à l'alimentation, au style et aux habitudes de vie, etc. ; on se dit que si quelqu'un dans notre famille est atteint, c'est qu'il ne sait pas bien vivre... Au fond, il faut se débarrasser de cette honte et de cette culpabilité car les causes de la maladie sont nombreuses, aussi bien d'ordre environnemental que génétique. J'imagine que lorsque la maladie frappe, il y a suffisamment de quoi s'occuper sans se charger en plus de la honte et de la culpabilité.

Il arrive que la maladie survienne chez des personnes relativement jeunes, avant 60 ans, par exemple. Et là, ça me semble particulièrement dramatique, pour la personne atteinte, bien entendu, mais aussi pour la famille, les proches, qui normalement ne s'attendent pas à voir un père, une mère, un frère, une soeur, perdre aussi tôt leur mémoire, certaines facultés mentales et, surtout, leur autonomie. Si la maladie frappe une personne dans la cinquantaine, par exemple, j'imagine le bouleversement dans la vie des proches et je n'ose imaginer ce que devient leur vie. Et ce qui me préoccupe énormément, c'est le stress extrême qu'entraînent ces nouvelles responsabilités chez les personnes de l'entourage immédiat. Je n'ose penser à la fatigue et à l'usure pour une fille ou un fils unique, qui serait entièrement responsable de sa mère, par exemple...

En cette journée mondiale d'Alzheimer, je crois que le message que veulent faire passer les associations, c'est d'être attentifs aux symptômes, de ne pas essayer de les ignorer ou de les mettre sur le compte du vieillissement, de consulter rapidement afin d'aider la personne atteinte à conserver le plus longtemps possible sa qualité de vie, en attendant que l'on trouve un vaccin, un traitement.

Je ne sais ce qu'il en dira, mais je ne manquerai pas d'être à l'écoute car un ami très cher témoignera de son expérience ; il en parlera d'abord à l'antenne de Radio Monte-Carlo, vendredi matin, entre huit et neuf heures, à l'émission de Jean-Jacques Bourdin et puis à la télévision, au journal de 20 heures sur TF!, présenté par Patrick Poivre d'Arvor.

lundi 17 septembre 2007

En l'absence de...

Pendant que j'étais sorti manger, ce dimanche soir, faisant une pause dans ce travail qui m'épuise, un garçon pour qui j'ai une affection immense, affection que je ne veux pas tenter de nommer ici, maintenant, m'écrivait un long message, comme une déclaration d'amitié ou d'amour (entre nous, la distinction n'est pas facile à faire). Son message est un long poème, non pas à cause de quelque effort de mise en forme, mais simplement parce c'est l'émotion qui s'exprime, débarrassée de la gangue des conventions. Je ne suis pas surpris de ce qu'il y dit ; très touché, très heureux, de lire sous des mots ce que j'ai toujours senti entre les lignes et ce que nous nous sommes dit assez souvent aussi. Il y a entre nous beaucoup de pudeur, mais pas de fausse réserve.

C'est trop beau : je ne m'attendais pas à recevoir ce soir ce poème inspiré, cette déclaration que j'accepte entièrement, en faisant abstraction des compliments à mon endroit... Ces mots d'Éluard qu'il reprend, je ne sais plus où je les avais trouvés (si quelqu'un est familier avec l'oeuvre d'Éluard...), ils s'appliquent d'abord à lui : « le poète n'est pas celui qui écrit mais celui qui inspire ».

J'aime beaucoup aussi ces autres mots d'Éluard : « Je ne sais plus, tellement je t'aime, lequel de nous deux est absent. »

Je voudrais répondre à ce message ; je ne pourrai pas le faire avant vingt-quatre heures au moins. Je veux néanmoins dire à cet ami, au cas où il repasserait par ici au cours des prochaines heures, que, encore balotté par les événements qui se bousculent, j'aurai du mal à retrouver rapidement le fil de ma vie intérieure afin d'apporter à son message la réponse que je voudrais lui apporter. Autrement dit, je conserve encore durant quelques heures mon coeur entre parenthèses.

En lisant sa crainte d'être maladroit, de n'avoir pas les mots voulus pour s'exprimer, je me sens plus maladroit encore car si ses mots sont déficients que devra-t-il penser des miens ?

Mais en me faisant cette réflexion, j'ai repensé à une phrase de Flaubert lue il y a très longtemps et qui me réconforte en me rappelant que je ne suis pas seul à éprouver ce malaise devant la pauvreté des mots quand nous voulons exprimer des émotions, des sentiments :

« ... comme si la plénitude de l'âme ne débordait pas quelquefois par les métaphores les plus vides, puisque personne, jamais, ne peut donner l'exacte mesure de ses besoins, ni de ses conceptions, ni de ses douleurs, et que la parole humaine est comme un chaudron fêlé où nous battons des mélodies à faire danser les ours, quand on voudrait attendrir les étoiles. »

dimanche 16 septembre 2007

Visse d'arte, visse d'amore




Maria Anna Sofia Cecilia Kalogeropoulos (Μαρία Καλογεροπούλου) : ce nom vous dit quelque chose ? À moins d'être un ami de la famille ou encore... quelqu'un de très cultivé, il est bien possible qu'il ne vous dise rien.
Je ne suis pas un ami de la famille, ni quelqu'un de très cultivé. Cependant, cette femme a beaucoup compté dans ma vie. Et pourtant, elle ne l'a jamais su. J'imagine toutefois que c'était sa raison de vivre : compter un peu dans la vie des gens, en leur apportant du plaisir, de la joie, celle que procure la musique et la voix.
Platon, l'un de ses compatriotes qui l'a précédé de plusieurs siècles dans la vie, disait : « La musique donne une âme à l'univers, des ailes à l'esprit, une envolée à l'imagination, un allégement à la tristesse, de la gaîté et de la vie à toutes choses. Elle rétablit l'ordre et conduit à tout ce qui est bon, juste et beau. » Ce n'est pas elle qui l'aurait contredit, elle qui avait trouvé dans la musique sa raison d'être et son moyen d'être aimée.
Aimée, adulée, adorée, elle le fut. Mais elle fut aussi trahie, abandonnée, cruellement blessée par celui qui avait dit l'aimer mais pour qui la richesse, la puissance et la gloire comptait plus que tout et que la musique ne semblait pas toucher.
Elle a chanté sur toutes les grandes scènes du monde, elle a marqué l'opéra du XXe siècle, et elle est morte seule, à 53 ans, dans son appartement parisien de l'avenue Georges-Mandel. Elle fut l'une des plus grandes cantatrices de son époque, soprano au timbre unique, donnant vie et expression à tous les rôles qu'elle incarna, marquant chacun d'eux de sa grâce et de sa virtuosité.
J'ai découvert cette femme par la radio, sans doute, je ne me souviens plus très bien. J'ai immédiatement aimé sa voix que j'ai appris à apprécier encore grâce aux disques. Je n'ai pas eu plusieurs de ses disques, mais ceux que j'avais, je les ai écoutés intensément, et je les réécoute toujours avec la même émotion. Et tous ceux qui ont partagé quelque peu mon intimité ont aimé Maria Callas ; s'ils ne la connaissaient pas au départ, ils l'ont immédiatement aimée, au point de réclamer parfois que je mette l'un de ses disques...
Elle a mis du baume sur mes blessures et de la joie dans ma vie. Ne serait-ce que pour cela, je veux souligner aujourd'hui le trentième anniversaire de la mort de Maria Callas.

Maria Callas
2 décembre 1923 - 16 septembre 1977

mardi 11 septembre 2007

Un puits dans le désert...

... du bruit dans la nuit.

Il est 23 heures et, pour la deuxième nuit consécutive, l'avenue du Parc vient d'être envahie par une machinerie lourde digne de l'artillerie que les États-Unis ont déployée en Irak quand ils décidèrent de renverser Saddam. L'administration municipale a jugé, comme les cyclistes et les automobilistes qui empruntent régulièrement cette voie, qu'il était temps d'en refaire le pavage. Sauf que ça fait des mois que les trottoirs sont en réfection et que maintenant on entreprend le pavage de la chaussée, mais à 23 heures, et l'on travaillera encore toute la nuit. Ça en fait du bruit, ces machines à faire peur, ces pelles mécaniques, ces marteaux-piqueurs ! Il n'est pas important que les résidents du quartier puissent dormir la nuit ; ce qui compte, c'est que la circulation automobile ne soit pas trop perturbée durant la journée. Merci, Monsieur le Maire !


Si l'administration municipale continue de nous mettre des bâtons dans les roues et des camions dans les rues, sans empêcher les cris sauvages des étudiants dans la nuit, je vais donner suite à ce courriel reçu aujourd'hui. On me propose, pour la modique somme d'un million et demi de dollars, d'acheter une ferme... au Maroc. À huit kilomètres de l'aéroport de Marrakech. Il s'agit d'une ferme de cinq hectares entièrement clôturée, située à huit km de Marjane sur la route d’Agadir, en zone irriguée, route goudronnée dont piste praticable, etc. Équipée de l'eau courante et de l'électricité, la ferme comprend 500 oliviers adultes en plein rendement, 100 jeunes citronniers et des abricotiers, etc. Il y a aussi un puits à moteur diésel, mais je préférerais le grincement de la poulie du puits dans le désert du Petit Prince, car je crois que le renard n'aime pas le bruit du moteur diésel...

Ce qui m'étonne de ce courriel reçu du Maroc, c'est qu'on ait deviné là-bas que j'avais justement envie d'y acheter une ferme ou une villa. Je me demande bien qui, parmi tous les riches Français qui y possèdent des villas, a bien pu suggérer mon nom et me donner l'occasion d'investir au Maroc une partie de mon argent de poche. Je sais qu'il s'agit d'un pays à découvrir, mais je n'y ai jamais mis les pieds. Je connais cependant plusieurs personnes qui sont originaires du Maroc ; mardi dernier encore, j'avais une réunion avec une jeune Marocaine à qui j'ai demandé de faire partie d'un comité ; elle arrivait à peine d'un séjour d'un mois dans sa famille.

Acheter une villa ou une ferme, oui, c'est très bien pour ceux qui ont beaucoup d'argent dont ils ne savent que faire. Mais pendant que les riches achètent, la population locale a de plus en plus de mal à se loger et le malaise immobilier fait des mécontents. À bien y penser, je crois que je vais rester chez moi.

Pendant que j'explorais le Maroc à distance, ailleurs sur la Planète, au trentième étage d'une grande ville, Dr CaSo offrait sa recette de carrés aux dattes. Je croyais qu'il y avait un lien évident entre le Maroc et les dattes et je suis étonné d'apprendre que le Maroc ne figure pas parmi les principaux pays producteurs. Je devais confondre des souvenirs de lectures qui évoquaient plutôt l'Algérie et la Tunisie. Ah, ces nourritures terrestres !

lundi 10 septembre 2007

Au risque de déplaire...

Grâce aux liens, parfois très nombreux, qu'affichent sur leurs blogues respectifs les amis français établis au Québec, il m'arrive à l'occasion d'aller à la découverte des nouveaux arrivants et, assez souvent, de leur souhaiter la bienvenue.

Je suis curieux de savoir comment ils vivent le déracinement, comment ils s'adaptent à leur nouvelle terre d'accueil, comment ils perçoivent les autochtones et leurs habitudes de vie. J'aime bien, d'une certaine façon, redécouvrir le pays que j'habite à travers le regard de ceux qui le découvrent. La naïveté de certains propos fait parfois sourire et la perspicacité de certains autres porte à réfléchir...

Je suis la plupart du temps amusé de lire ce qu'ils écrivent sur les différences linguistiques entre la France et le Québec, même si la généralisation est facile et la caricature souvent grossière (les exemples présentés pour tourner en dérision la langue parlée des Québécois ne représentent pas forcément la langue de tous les Québécois). Je n'ai pas l'intention de défendre ici la langue parlée au Québec ; d'une part parce que je suis plutôt d'accord avec certaines critiques sévères et rigoureuses qu'en font les personnes qualifiées et, d'autre part, parce que ce n'est pas le sujet de ce billet.

Là où j'ai moins envie de sourire, cependant, c'est en lisant les propos sur les habitudes alimentaires. S'il fallait en croire une grande partie des blogueurs français qui arrivent au Québec, aussi bien dire à Montréal, ou qui y sont venus durant quelques jours ou quelques semaines, le plat « national » des Québécois serait la poutine. Or je suis né au Québec et je n'ai jamais mangé de poutine ; je ne connais pas non plus, dans ma famille, parmi mes amis ni parmi les gens que je fréquente, qui que ce soit qui mange ou qui ait déjà mangé ce plat que l'on veut qualifier de « national ». Au fond, je me demande si la poutine n'a pas été inventée par un Québécois qui voulait donner à un touriste français empressé de donner son avis de quoi s'étouffer, à défaut de corde pour se pendre.

Le raccourci est un peu gros, de qualifier les Québécois de « mangeux de poutine ». La malbouffe existe aussi en France et, bien que les traditions culinaires françaises soient bien établies, les commerces de restauration rapide au choix limité et au goût standardisé sont aussi bien fréquentés à Paris et en France que partout ailleurs dans le monde. Et, même si c'est dit avec le sourire, car on sait que les Québécois savent mal résister à un sourire (ils sont si gentils et si tolérants, ces indigènes ! Je préférerais que l'on dise qu'ils sont intelligents et compréhensifs, mais ce serait peut-être trop généraliser) c'est aussi méprisant de la part de ces candides explorateurs lancés à la redécouverte du Nouveau Monde, que si l'on disait que tous les Français sont des râleurs, agressifs et désagréables, qui sentent mauvais, simplement parce que l'on a eu le malheur de prendre un taxi en descendant de l'avion. Je suis toutefois de ceux qui reconnaissent à celui qui a une poutre dans l'oeil le droit de critiquer celui qui aurait une paille aussi bien logée, et vice versa (avec ou sans trait d'union, comme on voudra).

Amis qui me lisez, je sais que ce commentaire ne vous concerne pas car je connais votre intérêt et votre respect, si ce n'est votre amour, pour ces « cousins » de l'Amérique du Nord qui ont conservé leur attachement à ce qui fut la langue et l'histoire communes mais qui ont dû, à compter de 1760, assumer eux-mêmes leur destin et créer leur propre histoire tout en préservant, du mieux qu'ils ont pu dans cet océan anglophone, leur langue et leur culture.

dimanche 9 septembre 2007

Portable ou de bureau ?

J'ai des amis qui n'ont encore jamais eu d'ordinateur de leur vie. Quand ils ont vraiment besoin d'un ordinateur, que ce soit pour écrire un document important ou pour effectuer une recherche essentielle sur Internet, ils m'appellent. Mais depuis plusieurs mois, ils se rendent compte que l'accès à Internet pourrait leur être très utile et, peut-être, agréable aussi. S'ils sont branchés sur Internet, je pourrai m'installer chez eux quand ils partiront en vacances et profiter de la piscine sans craindre de manquer des courriels importants ou de ne pas pouvoir travailler.

Tiens ! celui-ci ressemble au portable que je me suis acheté récemment
et que je n'ai pourtant pas encore vraiment utilisé.


Ils ne savent toutefois pas s'ils devraient acheter un ordinateur portable ou un ordinateur de bureau. Selon moi, un ordinateur de bureau leur serait plus utile, surtout que lui, professeur de musique, a une très impressionnante collection de disques... sur vinyle et qu'il voudrait pouvoir mettre tout cela en fichiers mp3 sur un disque dur. Sauf que ce qui était longtemps un bureau dans leur appartement est redevenu la chambre principale et si l'un des deux veut pouvoir naviguer sur Internet pendant que l'autre veut dormir, c'est embêtant. Avec un portable, Marc pourrait s'installer au salon pendant que sa femme va dormir.

Je suis toutefois convaincu que le portable ne sortira jamais de l'appartement ; je pense qu'un ordinateur de bureau installé sur un petit meuble sur roulettes leur serait plus utile. Une connexion sans fil leur permettrait de naviguer sur Internet de l'une ou l'autre des pièces de l'appartement.


Mais puisqu'ils n'arrivent pas à se décider, je pourrais leur proposer ce modèle. En principe, c'est un portable ; mais au fond, il ne l'est pas trop. Mes amis ne pourront pas dire que je ne prends pas leurs intérêts à coeur. Qu'en pensez-vous ?


samedi 8 septembre 2007

Joindre l'utile à l'agréable


Cette image a déjà servi, il y a un peu moins de deux ans. Mais puisque je suis à peu près dans la même situation, celle de devoir rester à ma table de travail jusqu'à lundi soir, avec de très brèves pauses, aussi bien joindre l'agréable à l'utile en stimulant les neurones avec la boisson la plus appropriée : du thé noir (vert, à l'occasion).

On utilise souvent cette expression : « joindre l'utile à l'agréable », en déformant quelque peu le texte d'un grand poète, parmi les plus illustres de tous les temps. Les trois premières personnes qui donneront la bonne réponse dans les commentaires (que je n'afficherai pas immédiatement) auront droit à une carte postale (de Montréal, puisque j'en sors rarement). Pardon ? Vous dites qu'un concours de cartes postales a déjà été organisé ailleurs ? Oui, je le sais bien ; mais le mien fait appel à votre culture ou à... votre rapidité à utiliser les ressources nécessaires.

Réponse : Félicitations aux deux personnes qui ont trouvé ; Pierre-Yves, dont on peut lire les très beaux textes sur son blogue, et Delest, à qui on ne connaît pas de blogue, mais dont on peut lire les commentaires lumineux sur un blogue « fuligineux » et non moins lumineux. Il s'agissait bien d'Horace, en effet. La citation est tirée de l'Art poétique, comme le disait justement Delest. En latin, l'expression est brève : utile dulci.

[334] La poésie veut instruire ou plaire; [335] parfois son objet est de plaire et d'instruire en même temps. Pour instruire, sois concis; l'esprit reçoit avec docilité et retient fidèlement un court précepte; s'il est trop plein, il laisse échapper tout ce qu'il a reçu de trop. La fiction, imaginée pour amuser, doit, le plus possible, se rapprocher de la vérité; elle n'a pourtant pas le droit de nous entraîner partout où il lui plaît, [340] par exemple devant une Lamie qui retirerait de ses entrailles un enfant vivant qu'elle vient de dévorer. Les vieillards ne veulent pas d'un poème sans enseignement moral; les chevaliers dédaigneux ne vont pas voir un drame trop austère; mais il obtient tous les suffrages celui qui unit l'utile à l'agréable, et plaît et instruit en même temps; [345] son livre enrichit Sosie le libraire, va même au delà des mers, et donne au poète une notoriété durable.
Horace, Art poétique ou Épitre aux Pisons, traduction française de Fr. Richard, Paris, Garnier, 1944. On en trouvera le texte ici.

Ajout du 9 septembre : Puisqu'il est question de cartes postales, voici un projet intéressant. On demande d'envoyer des cartes à des enfants dans une école en Australie. Les cartes peuvent provenir de partout dans le monde. Il serait bon d'indiquer l'adresse de retour afin que les enfants puissent en envoyer une à leur tour (cela fait partie du projet). Personnellement, j'en enverrai quelques-unes de Montréal, que je mettrai dans une enveloppe et que j'affranchirai au tarif des lettres (courrier de première classe) afin que les cartes arrivent en Australie avant Noël (j'ai une collègue qui s'en va passer là-bas quelques semaines à Noël ; en Australie, ce sera les vacances d'été, si j'ai bien compris). Pour en savoir plus sur le projet de cartes pour les enfants, allez voir le blogue de Galinette. Voici l'adresse où envoyer les cartes :

Playroom 4
Alexandria Child Care Centre
41 Henderson Road
Alexandria NSW 2015
Australia

vendredi 7 septembre 2007

À chacun son (ou sa) tour

Site officiel du Parc olympique de Montréal

Montréal a sa tour du Parc olympique et la France a sa tour Eiffel. Il ne devrait donc pas y avoir de jaloux.



J'ai participé cette semaine à un grand concours intitulé Vous aimez les cartes postales ? Les dix premières personnes qui laissaient un commentaire pouvaient recevoir une carte postale. J'ai été l'un des premiers et... j'ai reçu aujourd'hui cette carte de la tour Eiffel, postée à Montréal. Je suis content d'avoir gagné ; il y a eu de nombreuses personnes déçues, mais il y aura d'autres concours : à chacun son tour.

La tour Eiffel aurait confié à Olivier que je lui manquais ; il faudrait donc que je ne la fasse pas attendre trop longtemps. Olivier, à quand le tirage de billets d'avion Montréal-Paris ?

mardi 4 septembre 2007

Miscellanées sans prétention



Avant-hier, au moment même où je publiais mon billet pour souligner l'anniversaire de mon ami acrobate, sur un autre continent, Les Pitous publiaient la photo d'un autre acrobate.

* * *

Je parlais récemment de la Provence, en faisant allusion à Peter Mayle qui, après avoir écrit un livre ventant la vie dans le Luberon, se plaignait d'être envahi par les touristes durant deux mois tous les étés. Mon quartier urbain n'a pas les charmes du Luberon et pourtant chaque année il est envahi ; durant les jours qui précèdent le premier lundi de septembre, les étudiants débarquent à Montréal. Et ce n'est pas pour deux mois, mais bien pour neuf mois que les « étrangers » arrivent en ville, venant de partout, du Canada, des États-Unis et, en nombre plus restreint sans doute, d'Europe, d'Asie. Il y a quatre universités à Montréal et j'habite près de l'Université McGill. Lorsque septembre arrive les commerçants du quartier sont heureux, en particulier ceux qui vendent des produits alimentaires et de la bière. Quand je sors faire mes courses, j'oublie que je vis dans la deuxième ville française au monde ; il m'arrive souvent d'être surpris d'entendre quelqu'un parler français autour de moi, à moins que ce ne soit un voisin immédiat.

Hayden Christensen, jeune acteur né à Vancouver

Ils arrivent avec des camions chargés de meubles ou bien en Audi, en BMW... Hier après-midi, j'ai vu une étudiante arriver en limousine noire pour s'installer dans l'immeuble en face de chez moi ; c'est vrai qu'elle avait trois grosses valises. Avant-hier, c'était deux étudiants venus du Maine, qui ont descendu quelques meubles d'une Range Rover et qui les ont transportés dans le même immeuble, juste en face du mien. Le transport d'un matelas du Maine vers Montréal justifiait sans doute l'emprunt de la Land Rover paternelle, même s'il aurait peut-être été plus économique d'acheter un matelas à Montréal.

Avec toute cette faune nouvelle qui arrive en ville, il est difficile de se concenter sur ce que l'on fait (enfin, je parle pour moi). Au début, cela dure parfois des semaines, c'est la fête toutes les nuits ; si l'on a l'oreille sensible et le sommeil léger, il vaut mieux fermer toutes ses fenêtres. Hier, j'étais au restaurant et je ne parvenais pas à garder les yeux sur ce que je mangeais ou sur le livre que j'avais apporté. C'est qu'un grand nombre de ces étudiants sont beaux à nous en couper le souffle. Avec toute l'insolence de leur beauté, on les croirait tout droit sortis des catalogues d'Abercrombie.

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Parce qu'en principe elle était dans la salle, je pensais que Fibula en aurait parlé ces jours derniers, mais il semble qu'elle ait préféré parler de livres ; entre Rufus Wainwright et Amélie Nothomb, moi je sais pourtant où va ma préférence. Je ne sais pas ce que fait la Nothomb en ce moment, mais j'ai lu que Rufus Wainrwight a fait un triomphe à Montréal. La critique du Journal de Montréal comme celle de La Presse sont très élogieuses. Il semble que l'émotion était forte ; la mère de l'artiste, malade, était dans la salle ; sa soeur est montée sur scène pour interpréter avec lui une chanson, l'amoureux allemand était là aussi (bon, j'ai compris : Rufus n'est pas libre). J'envie Vincent qui aura la chance d'aller voir et entendre Rufus à Nantes, le 18 novembre prochain ; le chanteur sera au Casino de Paris le lendemain. On peut acheter des billets ici ; pour les spectacles de Los Angeles ou pour ailleurs en Europe, pour la Grande-Bretagne, le Japon et l'Australie, consulter le calendrier. Sur le site officiel, vous pourrez l'entendre.

Rufus Wainwright - photo d'André Tremblay, La Presse

Ajout du 6 septembre 2007 : Fibula, qui a vu Rufus en spectacle, a finalement mis en ligne son compte rendu ; j'ai cru comprendre qu'elle l'avait aimé. On peut lire ici son témoignage.

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L'acteur Jean-Louis Trintignant, que j'aime beaucoup, sera à Montréal la semaine prochaine. Du 12 au 16 septembre, il lira à la Place des Arts des extraits du Journal de Jules Renard ; il se rendra ensuite au Palais Montcalm de Québec, les 18 et 19 septembre. On peut lire ici un article qui annonce le passage de Trintignant au Québec.

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J'ai ajouté quelques liens dans la liste des blogues que je lis assez régulièrement. Parmi les nouveaux, il y a Dr CaSo, qui se voulait secrète pendant quelques mois et qui a partiellement dévoilé son identité et sa nouvelle maison. Il y a aussi les nouvelles adresses : celle des Pitous, et celle de S. à Bruxelles qui a déménagé chez Thérèse. J'ai corrigé le lien vers le blogue de Tofsi, le « chtit écureuil... suisse » et j'ai ajouté celui de William à Montréal.

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Merci à Pierre-Vincent, qui vit près de Nantes et qui, de passage dans les Pyrénées, m'a envoyé une carte de Pau. J'aurais eu des souvenirs à évoquer au sujet de Pau, mais le temps me manque. La bonne nouvelle c'est que, l'été prochain peut-être, Pierre-Vincent sera à Montréal plutôt que dans les Pyrénées.

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Au cours des prochains jours, je serai beaucoup moins présent dans la carnétosphère. Je dois rédiger un document d'une trentaine de pages qui décidera pour les trois prochaines années de l'organisation de ma vie professionnelle (qui occupera tout mon temps, de toute façon) ; il me faut tout mettre par écrit : programme de promotion de mes services, plan des opérations, avec la description de toutes les tâches, le temps et les ressources nécessaires pour chacune, les revenus estimés pour chaque mois des trois prochaines années, les moyens prévus pour y arriver, le nombre de clients que je devrai solliciter chaque mois, les dépenses prévues, au centime près. Pas facile, déjà, d'organiser une journée, une semaine de travail ; imaginez le casse-tête quand il faut tout prévoir pour trois ans ! Il n'est pas question d'écrire n'importe quoi non plus : je devrai expliquer tous les écarts entre ce qui est écrit et la réalité. Ces jours-ci, je rêve du beau temps où je n'avais pas à assumer la responsabilité de la planification, de l'organisation ; mais au fond, ce beau temps a été assez court car, si mes parents ont toujours vécu avec « le sens du devoir », je crois que je suis né avec le sens des responsabilités. Il suffit que je m'engage dans un emploi ou dans une activité pour aussitôt me sentir responsable de son bon fonctionnement ; aussi bien que cet engagement me profite, au fond.

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En rédigeant ce billet, j'écoutais France Bleu Provence sur Radio France.

lundi 3 septembre 2007

Le baiser de l'araignée

J'ai avec les araignées une relation particulière. Je n'aime pas vraiment les avoir trop près de moi, dans ma chambre ou dans la salle de bain, par exemple ; et si j'en vois une s'approcher un peu trop de l'endroit où je travaille, je l'invite à aller explorer des endroits plus tranquilles, comme le bord des fenêtres, par exemple. Chaque automne, il y en a des colonies qui s'installent au plafond, le long des fenêtres de la pièce principale ; je les laisse en paix car, en principe, elles me protégeront des mouches. Mais à bien y penser, je crois que je me fais rouler car, en octobre, il me semble qu'il n'y a plus de mouches... J'ai raconté, ici ou en commentaires chez d'autres blogueurs, une belle aventure qui m'est arrivée avec une araignée ; je la raconterai peut-être encore, un jour.

Il est donc trop tôt pour que les araignées envahissent mon appartement ; tout ce que je vois circuler au plafond, depuis quelques jours, c'est une coccinelle comme celle qui, hier encore, il me semble, agrémentait le bandeau du blogue de Pierre-Yves. Mais depuis plusieurs jours, je vois une grosse araignée suspendue à l'extérieur dans l'une des petites fenêtres que tout la jourrnée j'ai sous les yeux. Or ce matin, de ma table de travail, la regardais faire son yoga ; j'ai vu une guêpe (il y en a partout en ce moment) s'approcher de l'araignée comme si c'était une fleur. Elles se sont fait la bise, mais je crois que la guêpe n'a pas trop apprécié, car elle est vite repartie et de toute la journée je ne l'ai revue dans cette partie du ciel que j'ai sous les yeux.


En cherchant sur Internet des photos d'araignées, j'en ai trouvé des dizaines, toutes plus effrayantes les unes que les autres. Puis je suis tombé sur cette image, que je trouve magnifique. J'ai cherché l'adresse du photographe afin de lui demander la permission de mettre cette image dans ce billet ; je n'ai pas trouvé d'adresse où lui écrire et j'avais renoncé à utiliser la photo. Mais après des heures de réflexion, pendant lesquelles j'ai tout de même fait autre chose, j'ai décidé de la publier ici ; je l'enlèverai si le photographe me le demande. Si vous aimez les belles images, de la nature, des paysages, de la Provence (j'y reviens toujours, mais je ne fais pas toujours exprès), de la Vendée, allez vite voir celles qui sont publiées sur Aiguebrun photoblog ; je vous préviens : il faudra avoir un peu de temps devant vous car il y a de superbes photos, de multiples catégories, de nombreux liens. Allez aussi voir l'ancien photoblogue d'Adjaya sur Canalblog ; là aussi, il y a des photos éblouissantes.

dimanche 2 septembre 2007

Anniversaire

C'est aujourd'hui l'anniversaire de mon ancien petit voisin charmant, ce garçon venu de Québec pour entreprendre ses études à l'École nationale de cirque et qui durant cinq ans fut beaucoup plus qu'un voisin puisque mon appartement était un peu l'extension du sien, comme dans les familles qui voient grandir l'adolescent soucieux de découvrir sa liberté nouvelle, son autonomie grandissante. Plus qu'un voisin, Hugo fut, durant ces cinq années, une affectueuse présence, avec toute la vivacité de sa première jeunesse, avec ses joies, ses amours et ses peines, ses fous rires, ses espoirs, ses rêves, ses projets...


Après avoir remporté l'un des premiers prix au Festival de cirque de Tournai, il est parti travailler à Copenhague. Puis, à la fin de cet engagement, il est parti travailler à Las Vegas, dans l'un des spectacles du Cirque du Soleil. Un an et demi plus tard, il a eu envie de faire autre chose. Il est en ce moment sur un bateau de croisière en Alaska, dans un spectacle dont il est la vedette...


Acrobate, certes, mais il peut aussi jouer la comédie puisqu'il a fait du théâtre alors qu'il était étudiant à Québec. Dans l'un des spectacles dont il faisait partie, à Montréal, il faisait des présentations verbales entre certains numéros, et je l'ai entendu chanter ; le jour où le corps aura du mal à suivre la chorégraphie, il pourra toujours amorcer une carrière de chanteur, s'il ne la fait pas en même temps que sa carrière d'acrobate.


J'ai appris à me passer de sa présence mais, même avec des communications à travers Internet et ses multiples ressources, il arrive souvent qu'il me manque beaucoup. De l'Alaska où il se trouve en ce moment, il aura été le premier à m'offrir ses voeux à l'occasion de mon anniversaire quelques secondes après minuit, un soir de la semaine dernière ; je n'étais probablement le premier à lui rendre la politesse hier soir (il a un impressionnant réseau familial et d'amis), mais j'étais certes parmi les premiers.

samedi 1 septembre 2007

Les bonnes manières

J'ai souvent été séduit par les bonnes manières dont faisaient preuve certaines personnes. Cela vient sans doute du fait que ma mère et ma sœur ont été mes premières institutrices ; ce statut de fils et de frère de l'institutrice m'imposait, au temps où les élèves respectaient l'autorité et se tenaient bien en classe et devant les adultes, de donner l'exemple à mes camarades. À l'adolescence, une belle-sœur et un beau-frère enseignants sont venus ajouter aux modèles familiaux pour ajouter plus de pression encore sur l'écolier exemplaire que j'étais la plupart du temps. Cette pression, je n'en étais pas vraiment conscient à cette époque ; je n'étais alors soucieux que d'apprendre et de donner le meilleur de moi-même à l'étude et aux travaux scolaires. Il m'est resté aussi de cette éducation, somme toute assez rudimentaire, le goût de la politesse et des bonnes manières.

Quand, à vingt ans, je vivais à Paris, je fréquentais principalement des artistes, chanteurs, danseurs, musiciens ; si certains d'entre eux avaient reçu une bonne éducation et vivaient assez bien, ceux que je voyais tous les jours vivaient, malgré eux, très modestement. Les cafés et les bistrots de Montparnasse leur servaient de moyen de communication, pour y laisser des messages, et nous tenaient souvent de lieux de rencontre. Toutefois, il m'arrivait d'être invité dans des salons du XVIe arrondissement ; c'est donc que je parvenais à me libérer des manières des habitués du café et du parfum tenace qui s'imprégnait dans les cheveux et dans les vêtements, mélange de tabac brun, de bière blonde sous pression, de café noir ou au lait et de frites dorées. Je me souviens d'un jeune Japonais dont la courtoisie et les bonnes manières m'avaient beaucoup impressionné quand j'avais dîné au restaurant avec lui et quelques amis. Venu étudier à Paris à dix-sept ans, je crois, Yuki était devenu l'amant de la femme qui l'hébergeait et qui devait avoir près de soixante-dix ans. Je ne doute pas un instant qu'au delà de l'amour qui les réunissait, il y avait un profond désir de parfaire une éducation déjà bien assise.

J'ai un ami, au titre nobiliaire dont il ne se sert pas et au passeport diplomatique qu'il n'utilise plus, qui a reçu une éducation européenne très rigoureuse. Sa courtoisie et ses manières sont impeccables. Si, à le fréquenter, j'ai appris à polir encore mes façons de me comporter en société, je dois dire qu'il a aussi appris avec moi la simplicité et le naturel dans la vie pratique. Noblesse oblige, d'accord, mais il faut aussi savoir s'adapter au monde dans lequel on vit. Quand je l'ai connu, il aimait répéter que lorsqu'un aristocrate a tout perdu, il lui reste les bonnes manières et le sens de l'humour ; avec lui, j'ai surtout insisté sur la simplicité et le sens de l'humour.

Jose Luis de Vilallonga
Madrid, 29 janvier 1920 - Palma de Majorque, 30 août 2007

Je repense à tout cela aujourd'hui en apprenant la mort , à 87 ans, de Jose Luis de Vilallonga, acteur et écrivain. Je l'ai vu plusieurs fois à la télévision dans des films que je serais bien en peine d'identifier. Je n'ai de lui que de lointains souvenirs, mais il faisait beaucoup penser à un grand acteur français que j'ai toujours admiré pour son talent mais aussi pour ses qualités d'homme : Michel Piccoli. Il me semblait de la trempe d'un autre grand du cinéma, descendant d'une autre grande famille aristocratique, milanaise celle-là, le duc de Modrone, mieux connu sous le nom de Luchino Visconti, metteur en scène et écrivain, mais surtout réalisateur de cinéma, parmi lesquels il y a plusieurs de mes préférés ; il est décédé quelques mois avant Maria Callas qu'il avait dirigée à l'opéra dans la mise en scène de La Sonnambula de Bellini et La Traviata de Giuseppe Verdi. S'il partageait avec Luchino Visconti l'appartenance à l'aristocratie, à un monde qui ne jouissait plus de ses privilèges, Jose Luis de Vilallonga ne semblait pas confiné dans la solitude résignée des personnages principaux du réalisateur italien dans deux de ses plus beaux films : Le Guépard et Violence et passion.

Jose Luis de Vilallonga a joué notamment dans Les Amants, de Louis Malle, dans Juliette des esprits, de Fellini, mais je ne garde pas de souvenir précis de ses rôles ni de son interprétation. Il a écrit une dizaine de livres, romans, récit et essais, que je n'ai pas lus non plus. Il y a plusieurs années, je m'étais dit que j'essaierais de lire l'un de ses romans, ne serait-ce que pour en découvrir le décor, l'atmosphère et les valeurs sous-tendues ; je n'ai jamais eu l'occasion de le faire. Aujourd'hui, je pense que si je pouvais revenir en arrière, je serais sûrement plus tenté de lire un récit qu'il a écrit sur le dictateur Franco « qui a géré [l'Espagne] comme une ferme »* ou un livre d'entretien avec le roi Juan Carlos.


Je ne sais pas si Jose Luis de la Vilallonga était un bon acteur ou un bon écrivain, mais je me souviens d'un entretien télévisé qui m'avait impressionné alors que j'étais encore très jeune. Quelques mois auparavant, j'avais lu La soirée avec monsieur Teste, de Paul Valéry, qui décrit un homme qui s'efforce de n'être qu'un esprit, éliminant tout geste, toute parole inutile et qui avait, en quelque sorte, « tué la marionnette » en lui. Autant, alors, je m'efforçais d'apprendre à m'exprimer, autant j'étais fasciné par le minimalisme, l'extrême discrétion de M. Teste, que j'essayais d'imiter à mes heures ; je n'y arrivais pas souvent, mais l'exercice était en soit très formateur.


Les animateurs de radio et de télévision n'ont pas la réputation d'être discrets et, trop souvent, ils considèrent leurs questions plus intéressantes que les réponses des personnes qu'elles reçoivent à leur émission, ce qui les fait souvent interrompre leurs invités, manquant en cela de respect envers l'invité et envers les auditeurs intéressés à entendre les réponses. Ne parlons pas des animateurs incompétents qui, dévorés par le trac, n'ont en tête que leurs questions préparées d'avance et qui sans se rendre compte que l'invité est en train de répondre passent à la question suivante.

Un soir, donc, à la télévision, Jose Luis de Vilallonga répondait aux questions d'une femme intelligente mais qui n'était sans doute pas du genre de celles qui inspiraient le séducteur. Ce n'est pas au sujet de cet entretien que Baudelaire aurait écrit qu'« aimer les femmes intelligentes est un plaisir de pédéraste »**. J'avais été très impressionné de la parfaite maîtrise qu'avait de lui-même Jose Luis de Vilallonga ; dès que l'animatrice ouvrait la bouche, quelle que soit la phrase qu'il était en train de prononcer, quel que soit le geste qui discrètement l'accompagnait, il s'arrêtait net et son geste devenait une invitation à l'intervention de l'animatrice qui fut quelques fois décontenancée par cette extrême courtoisie. Si l'acteur, écrivain et marquis espagnol qu'il était n'avait pas l'intention de séduire l'animatrice, il était tout de même conscient que des centaines de milliers de téléspectateurs, ou davantage, avaient les yeux rivés sur lui. Et, mieux que quiconque, il savait pertinemment que, en matière de séduction, un silence vaut mille mots.

* Je ne sais plus où j'ai vu cette expression, « qui a géré le pays comme une ferme » ; il s'agit sans doute une citation de Jose Luis Vilallonga ; si elle n'est pas tirée de son récit sur Franco, Le sabre du caudillo, elle doit être tirée de ses Oeuvres complètes. - Ajout : J'ai trouvé : le titre exact du récit consacré à Franco est Le sabre du caudillo : histoire secrète de l'homme qui gouverna l'Espagne comme s'il s'agissait d'une ferme ; j'ai dû lire quelque part, je ne sais où, une allusion à ce livre.

** Baudelaire pensait sans doute alors au plaisir de l'homosexuel, qui n'est pas du même ordre que celui du pédéraste ; à force d'employer les mêmes mots à toutes les sauces, ils finissent par ne plus pouvoir indiquer les nuances et les distinctions.