samedi 31 décembre 2005

La magie de Noël

Chaque année durant la période des fêtes, j'essaie de retrouver un certain climat, une certaine ambiance ; j'essaie de recréer la magie de Noël... Chaque année, c'est de plus en plus difficile. Il y a un film de Bergman qui évoque pour moi ce climat de magie et de fête pour les enfants... La première partie du film Fanny et Alexandre évoque, en plus grandiose, ce que je voudrais que soit Noël si j'étais enfant. En regardant ce film, je ne peux m'empêcher de m'imaginer dans la peau d'Alexandre...


Les temps ont bien changé. Quand j'étais en
fant, mes parents recevaient la famille (mes frères et soeurs, beaux-frères et belles-soeurs, avec leurs enfants) pour le repas du « Jour de l'An », qui était le repas du soir du premier janvier. Au début de mon adolescence, il m'est arrivé une fois ou deux d'inviter deux amis dont je n'aurais jamais voulu me séparer (mais ça, c'est une autre histoire). Lors de ces repas, il devait y avoir entre 55 et 60 personnes à la maison. Il fallait bien entendu dresser des tables pour les enfants et d'autres pour les adultes... Aussi longtemps que mes parents ont été capables de le faire, ils ont poursuivi la tradition, sauf que la famille s'est un peu dispersée et, en raison des distances et parfois des tempêtes de neige, il n'était pas possible pour tous de se joindre à nous. Toutes les traditions ne se perdent pas partout : Yves, avec qui je suis allé voir le film « Capote », jeudi dernier, revenait de fêter Noël dans sa famille et, me disait-il, il y avait encore 45 personnes autour de la table.

vendredi 30 décembre 2005

Besoin du bonheur de tous...

« Il y a sur terre de telles immensités de misère, de détresse, de gêne et d’horreur, que l’homme heureux n’y peut songer sans prendre honte de son bonheur. Et pourtant ne peut rien pour le bonheur d’autrui celui qui ne sait être heureux lui-même. Je sens en moi l’impérieuse obligation d’être heureux. Mais tout bonheur me paraît haïssable qui ne s’obtient qu’aux dépens d’autrui… Je préfère le repas d'auberge à la table la mieux servie, le jardin public au plus beau parc enclos de murs, le livre que je ne crains pas d'emmener en promenade à l'édition la plus rare, et, si je devais être seul à pourvoir contempler une oeuvre d'art, plus elle serait belle et plus l'emporterait sur la joie ma tristesse. Mon bonheur est d'augmenter celui des autres. J'ai besoin du bonheur de tous pour être heureux. »
André Gide, Les Nourritures terrestres

jeudi 29 décembre 2005

Nourritures terrestres


« Nathanaël, à présent, jette mon livre. Émancipe-t'en. Quitte-moi ; maintenant tu m'importunes ; tu me retiens ; l'amour que je me suis surfait pour toi m'occupe trop. Je suis las de feindre d'éduquer quelqu'un. Quand ai-je dit que je te voulais pareil à moi ? C'est parce que tu diffères de moi que je t'aime ; je n'aime en toi que ce qui diffère de moi. Éduquer ! Qui donc éduquerais-je, que moi-même ?

« Nathanaël, te le dirai-je ? Je me suis interminablement éduqué. Je continue. Je ne m'estime jamais que dans ce que je pourrais faire.

« Nathanaël, jette mon livre ; ne t'y satisfais point. Ne crois pas que ta vérité puisse être trouvée par quelque autre ; plus que de tout, aie honte de cela. Si je cherchais tes aliments, tu n'aurais pas de faim pour les manger ; si je te préparais ton lit, tu n'aurais pas sommeil pour y dormir.

« Jette mon livre ; dis-toi bien que ce n'est là qu'une des mille postures possible en face de la vie. Cherche la tienne. Ce qu'un autre aurait aussi bien fait que toi, ne le fais pas. Ce qu'un autre aurait aussi bien dit que toi, ne le dis pas, aussi bien écrit que toi, ne l'écris pas. Ne t'attache en toi qu'à ce que tu sens qui n'est nulle part ailleurs qu'en toi-même, et crée de toi, impatiemment ou patiemment, ah ! le plus irremplaçable des êtres.



« Du jour où je parvins à me persuader que je n'avais pas besoin d'être heureux, commença d'habiter en moi le bonheur ; oui, du jour où je me persuadai que je n'avais besoin de rien pour être heureux. Il semblait, après avoir donné le coup de pioche à l'égoïsme, que j'avais fait jaillir aussitôt de mon coeur une telle abondance de joie que j'en pusse abreuver tous les autres. Je compris que le meilleur enseignement est d'exemple. J'assumai mon bonheur comme une vocation.»

mercredi 28 décembre 2005

Lettre d'un [buveur] noctambule attardé...

Mon cher C...,
Je t'ai annoncé il y a quelques jours, bien imprudemment, une lettre à venir, commencée le matin même et loin d'être terminée. Je me repens aujourd'hui — doux repentir — de t'avoir parlé de cette lettre écrite spontanément en me mettant au lit, après t'avoir laissé à ton taxi devant la porte du « Clandestin » ; car, en fait, je m'adressais d'abord à moi-même en exprimant ainsi ces réflexions, de façon à faire le point avant de m'endormir...

Et il me semble maintenant que cette lettre n'a plus sa raison d'être puisque je t'ai exprimé déjà l'essentiel de son contenu, l'émotion de départ... Et puis ce n'est pas la lettre que tu attends de moi ; je me sens très peu « philosophe » en ce moment. Philosophe, oui, je l'ai été, je le suis encore — on le devient forcément avec l'âge, avec l'expérience surtout, à condition bien sûr d'avoir un minimum d'intérêt pour la réflexion —, mais je me suis efforcé, ces derniers mois, de reconquérir mes émotions trop souvent ensevelies sous les cendres de ma rationalité... Et je suis encore en train d'exprimer de façon rationnelle ce qui ne l'est pas... Seule façon de m'en sortir, peut-être, c'est de te livrer, tel quel le début de cette lettre, sans essayer de me justifier, de m'en excuser à l'avance... Oublions le prétexte ; voici donc le texte :
Bien avant le « temps des cerises », j'étais là, chaque soir, près du bar... Chaque soir, pour la simple raison sans doute que je réapprivoise mal une solitude que je n'attendais plus à me refuser d'en admettre l'éventualité : quand nous vivons ce que l'on nomme le bonheur, tout est éternel... Chaque soir aussi pour arriver à calmer la turbulence de l'émotion, serpent vorace, qui me ronge les entrailles... Près du bar, d'abord parce que c'est à peu près le seul endroit où je puisse distinguer les traits de ceux qui m'entourent, où je puisse voir tout le monde, être reconnu de ceux qui me connaissent et faire connaissance avec les autres... Chaque soir près du bar, aussi parce que je suis un peu voyeur et que c'est là que l'éclairage permet de mieux observer tous les jeux de physionomies, chacun se dévoilant davantage dans sa façon de commander une bière, un verre et d'attendre un sourire du barman, que dans l'attitude un peu figée, paralysante, que la plupart d'entre eux maintiennent, camouflent dans un coin sombre jusqu'au moment où un rayon de lumière ou un regard perçant viendra les découvrir...
Tu vois bien que j'essaie de retarder le plus possible le moment de parler de toi. C'est que malgré tout, les mots me font un peu peur, surtout quand je ne suis pas là pour en mesurer l'impact sur celui qui les reçoit, pour atténuer d'un sourire la portée de certains d'entre eux ou, au contraire, pour appuyer du regard certains autres...
Il n'y a pas que les mots pour s'exprimer non plus ; les meilleures communications, les véritables communions s'établissent souvent dans le silence — ou malgré les mots qui les entourent... J'oserai tout de même te dire maintenant que je me tenais près du bar aussi — surtout — parce que tu y étais... J'ai toujours pris un plaisir immense à t'observer, fasciné par l'éclat de ton sourire, par la nervosité juvénile de tes mouvements, ta vivacité, ta candeur rayonnante... Tu sembles aussi mettre tellement d'intensité dans ce que tu fais ! Comme on regarde jouer un enfant, avec admiration, avec tendresse, avec discrétion aussi — au début tout au moins —, de façon à éviter de le rendre conscient, à éviter qu'il se sente épié... Curieux, fasciné, il m'est souvent arrivé de faire d'un ami un complice, de lui avouer le plaisir pris à te regarder... Puis, au fil des semaines, j'ai senti le besoin de t'exprimer mon émotion, ma tendresse... Mais, d'un autre côté, je te sentais heureux et insouciant ; je risquais d'être mal compris et je n'aurais pas voulu jeter une ombre sur ton bonheur. Il aurait suffi de te le dire franchement, clairement ; l'affection, la tendresse que tu m'inspirais n'attendaient rien en retour, sinon que tu les acceptes librement, comme un sourire... La tendresse, élan spontané du coeur, contrairement au désir qui crée l'attente, s'offre au partage, ne se marchande pas. — Cela dit, je me serais senti plus à l'aise avec toi. Mais tu me semblais si inaccessible ! Un peu comme un oiseau sur la branche — un Oiseau du Paradis... Mais pourquoi suis-je en train de t'écrire ? pourquoi suis-je en train de te dire tout cela ? Il me faut, pour écrire, plus que du papier et un stylo — ou une machine — ; il me faut un peu de calme, mais surtout une émotion de départ... Sans l'avoir préméditée, cette lettre m'est venue spontanément, s'est imposée à moi un matin en me couchant, rentrant du bar...
On écrit des lettres comme on fait l'amour : parfois le désir est intense mais les gestes un peu gauches... L'émotion de départ étant là depuis très longtemps, je m'étonne d'ailleurs de n'avoir pas entrepris plus tôt de t'écrire cette lettre ; j'espérais sans doute avoir l'occasion de parler un peu avec toi. Mais faut-il toujours dire les choses quand elles nous brûlent les lèvres ?
Voilà, mon cher C..., où j'en étais resté au moment où je t'ai annoncé cette lettre qui, comme je te l'ai dit déjà, pourrait très bien se résumer par cette citation d'André Gide tirée des Nourritures terrestres : « Je n'ai jamais rien vu de doucement beau dans ce monde sans désirer aussitôt que toute ma tendresse le touche... » Eh bien ! toi qui attendais de moi une lettre philosophique, je te dirai qu'à elle seule cette phrase de Gide exprime à peu près toute ma philosophie, tout mon Credo... Et, puisque j'en suis aux Nourritures terrestres, pourquoi ne t'offrirais-je pas aussi celle-ci : « Certes, tout ce que j'ai rencontré de rire sur les lèvres, j'ai voulu l'embrasser ; de sang sur les joues, de larmes dans les yeux, j'ai voulu le boire ; mordre à la pulpe de tous les fruits que vers moi penchèrent des branches... »
[Ajout manuscrit au réveil] : Retrouvant mes esprits, reprenant cette lettre que je ne peux que continuer sur le ton de l'indignation — revers de l'amour — à la suite de ce que tu m'as annoncé samedi soir, dimanche matin plus précisément. Dis-moi, je t'en prie, que je n'ai fait qu'un mauvais rêve, que ce n'était qu'un cauchemar ! Dis-moi que ce n'est pas vrai ! Je suis profondément choqué ! Comment peut-on être aussi injuste ? d'aussi mauvaise foi ?! Au fond, ils ont raison de dire que tu ne cadrais pas bien dans ce décor un peu lugubre ; car tu y apportais la lumière et la joie ! Pour ma part, j'ai commencé à boycotter le bar et je tenterai, dès jeudi soir, d'amener plusieurs amis — les tiens, les miens —, à en faire autant.
J'ai cependant confiance que tu trouveras assez rapidement un autre emploi où tu seras mieux, plus heureux encore. Mon premier réflexe a été, hier, de te téléphoner pour te dire tout cela, mais je m'en suis empêché par respect de ton intimité. Si tu sentais l'envie d'en parler, ou le goût de parler d'autre chose, tu pourras me téléphoner toi-même.
Bon courage. Le sourire reste la plus efficace des armes. Ne laisse surtout pas les autres ou des événements extérieurs perturber ta sérénité, ta joie. Tu vaux mieux qu'eux, mieux que cela ! Aie conscience de ta valeur, garde confiance en toi, et passe rapidement à autre chose ; tourne la page... « Les commencements sont toujours si délicieux ! » Si mon amitié pouvait t'être de quelque réconfort, n'hésite pas à y faire appel ; je te l'offre généreusement et sans arrière-pensée.
Bien affectueusement,
J-M.

mardi 27 décembre 2005

Le mot et la chose

Tableau de Fragonard


Le Mot et la Chose

Madame quel est votre mot
Et sur le mot et sur la chose
On vous a dit souvent le mot
On vous a fait souvent la chose
Ainsi de la chose et du mot
Vous pouvez dire quelque chose
Et je gagerais que le mot
Vous plaît beaucoup moins que la chose
Pour moi voici quel est mon mot
Et sur le mot et sur la chose
J'avouerai que j'aime le mot
J'avouerai que j'aime la chose
Mais c'est la chose avec le mot
Mais c'est le mot avec la chose
Autrement la chose et le mot
À mes yeux seraient peu de chose
Je crois même en faveur du mot
Pouvoir ajouter quelque chose
Une chose qui donne au mot
Tout l'avantage sur la chose
C'est qu'on peut dire encore le mot
Alors qu'on ne fait plus la chose
Et pour peu que vaille le mot
Mon Dieu c'est toujours quelque chose
De là je conclus que le mot
Doit être mis avant la chose
Qu'il ne faut ajouter au mot
Qu'autant que l'on peut quelque chose
Et que pour le jour où le mot
Viendra seul hélas sans la chose
Il faut se réserver le mot
Pour se consoler de la chose
Pour vous je crois qu'avec le mot
Vous voyez toujours autre chose
Vous dites si gaiement le mot
Vous méritez si bien la chose
Que pour vous la chose et le mot
Doivent être la même chose
Et vous n'avez pas dit le mot
Qu'on est déjà prêt à la chose
Mais quand je vous dis que le mot
Doit être mis avant la chose
Vous devez me croire à ce mot
Bien peu connaisseur en la chose
Et bien voici mon dernier mot
Et sur le mot et sur la chose
Madame passez-moi le mot
Et je vous passerai la chose

Abbé de Lattaignant (1697-1779)

Surnommé de son vivant « Le grand chansonnier », cet abbé est pratiquement oublié de nos jours. On se souvient cependant de cette chanson populaire : « J'ai du bon tabac dans ma tabatière... ». Prêtre désinvolte à la vie dissolue, cet admirateur de Voltaire et des femmes n'en fut pas moins inhumé avec tous les honneurs dus à sa fonction : « Le 11 janvier 1779, a été inhumé à la cave de cette église (Saint-Benoît) le corps de M. Gabriel-Charles de Lattaignant, prêtre du diocèse de Paris, chanoine honoraire de l'église métropolitaine de Reims, doyen de la chambre ecclésiastique, âgé de quatre-vingt-deux-ans... Inhumation faite par M. le Curé avec l'assistance de vingt ecclésiastiques... »

lundi 26 décembre 2005

Comment vous sentez-vous ?

Les statisticiens nous fournissent constamment de nouvelles données ; nous sommes libres d'en faire l'usage que nous voulons. Je ne sais pas si vous avez tendance à vous comparer aux autres afin de vérifier si vous avez raison d'être heureux ou malheureux ; les statistiques peuvent servir à cela aussi. Examinons celles-ci.

Si on pouvait réduire la population du monde en un village de 100 personnes tout en maintenant les proportions de tous les peuples existants sur la terre, ce village serait ainsi composé :
- 57 asiatiques
- 21 européens
- 14 américains (Nord, Centre et Sud)
- 8 africains

Il y aurait :
- 52 femmes et 48 hommes
- 30 blancs et 70 non blancs
- 30 chrétiens et 70 non chrétiens
- 89 hétérosexuels et 11 homosexuels
- 6 personnes posséderaient 59 % de la richesse totale et tous les 6 seraient originaires des États-Unis.
- 80 vivraient dans des mauvaises maisons
- 70 seraient analphabètes
- 50 souffriraient de malnutrition
- 1 serait en train de mourir
- 1 serait en train de naître
- 1 posséderait un ordinateur
- 1 (oui, un seulement) aurait un diplôme universitaire.

Si on considère le monde de cette manière, le besoin d'accepter et de comprendre devient évident. Prenez en considération aussi ceci :
* Si vous vous êtes levé ce matin avec plus de santé que de maladie, vous êtes plus chanceux que le million de personnes qui ne verra pas la semaine prochaine.
* Si vous n'avez jamais été dans le danger d'une bataille, la solitude de l'emprisonnement, l'agonie de la torture, l'étau de la faim, vous êtes mieux que 500 millions de personnes.
* Si vous pouvez aller à l'église sans peur d'être menacé, torturé ou tué, vous avez une meilleure chance que 3 milliards de personnes.
* Si vous avez de la nourriture dans votre frigo, des habits sur vous, un toit sur votre tête et un endroit pour dormir, vous êtes plus riche que les 75 % des habitants de la terre.
* Si vous avez de l'argent à la banque, dans votre portefeuille et de la monnaie dans une petite boite, vous faites partie du 8 % des plus privilégiés du monde.
* Si vos parents sont encore vivants et toujours mariés, vous êtes des personnes réellement rares.
* Si vous lisez ce texte, vous ne faites pas partie des deux milliards de personnes qui ne savent pas lire.

+ Travaille comme si tu n'avais pas besoin d'argent +
+ Aime comme si personne ne t'avait jamais fait souffrir +
+ Danse comme si personne ne te regardait +
+ Chante comme si personne ne t'écoutait +
+ Vis comme si le paradis était sur terre +

dimanche 25 décembre 2005

Joyeux Noël !



La période des fêtes, c'est vraiment le moment privilégié
pour jeter un regard sur l'année qui se termine
et pour ouvrir son coeur et son esprit
aux nombreux bonheurs et aux stimulants projets
qu'apportera la nouvelle année.

Joyeux Noël !

samedi 24 décembre 2005

Tu seras un homme...


Je conserve de mon enfance assez peu de souvenirs. J'ai probablement voulu jeter un voile sur ces premiers chapitres de ma vie et il suffirait probablement de peu de chose pour que je consente à lever un coin du voile pour en arriver à faire la lumière sur les raisons qui m'ont amené à vouloir « oublier » ces bases sur lesquelles j'ai tenté par la suite de construire quelque chose de solide.

Fils, frère, beau-frère d'institutrices et d'instituteur, j'ai été un élève sage. J'ai habité l'école et durant quelques années, je m'y sentais chez moi. Presque toujours premier de classe, j'étais, du moins à l'école, l'enfant modèle. Je ne peux pas dire que cela m'ait permis de me faire de nombreux amis, surtout pas à l'adolescence quand la timidité, la conscience de soi, la pudeur sont venues compliquer encore davantage les relations avec mes camarades. Les hommes dans nos familles étaient assez peu présents : très souvent, ils devaient aller travailler à l'extérieur du village ; dans certains cas, ils pouvaient revenir à la maison à chaque fin de semaine, dans d'autres, ils ne revenaient qu'après quelques mois d'absence. Quand ils étaient à la maison, ils semblaient aussi à l'aise qu'un poisson dans un fauteuil et ils en devenaient muets comme des carpes.

Les seuls modèles masculins que les adolescents pouvaient avoir sous les yeux restaient les instituteurs, assez peu nombreux, les quatre ou cinq commerçants et le curé du village. Le moins que je puisse dire, c'est que je n'étais pas très inspiré par tous ces exemples. Non pas parce que ces adultes avaient des comportements qui soient repréhensibles. Ils manquaient simplement d'idéal, de rêve ; du moins c'est la perception que j'en avais. Certains professeurs pouvaient néanmoins inspirer le goût de la connaissance même si je sentais que, bien souvent, leurs connaissances ne semblaient pas dépasser le contenu de nos programmes scolaires.

Les livres, autres que les manuels scolaires, n'existaient pas dans notre environnement. Puisque ma mère enseignait et qu'elle devait à l'occasion commander des manuels, j'ai eu la chance un jour d'avoir mon propre dictionnaire, le Nouveau Larousse classique ; j'en ai passé des heures à lire la définition des mots ; quand venait le temps de rédiger des compositions, j'avais cette chance de pouvoir puiser dans cet immense réservoir pour y trouver les mots les plus justes pour exprimer ce que je voulais décrire. Mon amour des mots et mon souci du mot le plus juste vient de là, à n'en pas douter. J'ai gardé ce dictionnaire, dont la couverture est arrachée et auxquel il manque des pages, car ma soeur cadette avait eu la bonne idée d'y découper des images pour illustrer ses propres travaux scolaires.

Il y avait bien eu déjà une bibliothèque municipale, mais elle était fermée et les livres prenaient la poussière dans une pièce de la salle paroissiale, sans doute parce que l'on jugeait que les lecteurs n'étaient pas assez nombreux et que cela coûtait trop cher de payer quelqu'un pour s'occuper de la bibliothèque. C'est révoltant de constater que c'est toujours la culture qui fait les frais des restrictions budgétaires de toutes les administrations. À l'époque, je ne pouvais ni m'en indigner, ni revendiquer, ne sachant même pas qu'il existât une telle chose nommée « culture » (sauf celle de la pomme de terre), une autre chose nommée « littérature »...


Dans ce contexte, je ne me souviens plus comment j'ai pu tomber un jour sur un texte que j'ai oublié, mais dont j'ai retenu très précisément les mots de cette phrase du docteur Alexis Carrel : « Tous les petits garçons rêvent de devenir des hommes ; combien d'hommes ont la méme ambition ? » Cette phrase m'a marqué et durant de nombreuses annnées, elle m'a accompagné, nourri, fait réfléchir. Elle me permettait de croire que les exemples masculins qui avaient entouré mon enfance et mon adolescence n'étaient pas les seuls modèles possibles. Si je n'avais pas encore rencontré ces maîtres qui m'inspireraient l'idéal, de nobles ambitions, cette phrase avait le mérite de nourrir en moi l'espoir d'une vie meilleure, plus stimulante, plus exaltante...




Puis un jour, je suis tombé sur ce poème de Kipling, que j'ai trouvé drôlement inspirant. Je l'ai lu et relu de nombreuses fois, et à diverses périodes de ma vie. Je viens de le relire, et je le trouve toujours aussi inspirant. Pour le plaisir de le relire, pour le rappeler à la mémoire de ceux et celles qui l'auraient oublié, et surtout pour permettre à des lecteurs égarés de le découvrir à leur tour, voici ce poème :


Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir,
Ou, perdre d'un seul coup le gain de cent parties
Sans un geste et sans un soupir ;

Si tu peux être amant sans être fou d'amour,
Si tu peux être fort sans cesser d'être tendre
Et, te sentant haï sans haïr à ton tour,
Pourtant lutter et te défendre ;

Si tu peux supporter d'entendre tes paroles
Travesties par des gueux pour exciter des sots,
Et d'entendre mentir sur toi leur bouche folle,
Sans mentir toi-même d'un seul mot ;

Si tu peux rester digne en étant populaire,
Si tu peux rester peuple en conseillant les rois
Et si tu peux aimer tous tes amis en frère
Sans qu'aucun d'eux soit tout pour toi ;

Si tu sais méditer, observer et connaître
Sans jamais devenir sceptique ou destructeur ;
Rêver, mais sans laisser ton rêve être ton maître,
Penser sans n'être qu'un penseur ;

Si tu peux être dur sans jamais être en rage,
Si tu peux être brave et jamais imprudent,
Si tu sais être bon, si tu sais être sage
Sans être moral ni pédant ;

Si tu peux rencontrer Triomphe après Défaite
Et recevoir ces deux menteurs d'un même front,
Si tu peux conserver ton courage et ta tête
Quand tous les autres les perdront,

Alors, les Rois, les Dieux, la Chance et la Victoire
Seront à tout jamais tes esclaves soumis
Et, ce qui vaut mieux que les Rois et la Gloire,
Tu seras un Homme, mon fils.


Rudyard Kipling, traduction de Paul Éluard

vendredi 23 décembre 2005

jeudi 22 décembre 2005

Soutien moral

Notre ami Guillaume, l'un des Pitous du Quai de Somme a vu sa voiture emboutie par « une voiture vaguement bleue » qui ne s'est même pas arrêtée pour montrer ses papiers et encore moins pour « laisser un numéro de téléphone ». Les voitures sont d'un tel sans-gêne de nos jours ; elles font preuve d'un tel manque de civisme que je partage tout à fait l'indignation et la frustration de Guillaume. Je comprends aussi très bien ses « mots de tête ».

Pour tenter de l'encourager et, qui sait, peut-être aussi pour lui donner un peu d'inspiration pour les réclammations à son agent d'assurance, reprenons ici quelques-unes de ces perles que l'on a tous lues un jour ou l'autre.


- Je prends un moment de silence pour vous envoyer un mot.
- J'ai pris contact avec votre répondeur et celui-ci m'a aimablement conseillé de vous écrire.
- Pour l'instant, je n'ai aucune assurance chez vous, sinon celle de votre considération distinguée.
- Je viens, par la présente, vous déclarer un accident qui, pour être banal, n'en est pas moins inhabituel. Je vous donnerai tous les détails quand j'aurai retrouvé mes esprits.
- Vous me dites que l'accident ne rentre pas dans le champ de la garantie, mais, en tous cas, la voiture de mon voisin est rentrée dans mon champ.
-Ayant prononcé quelques invectives à l'encontre de cette conductrice, celle-ci m'a semblé froissée, mais moins pourtant que la tôle de ma voiture.
- Vous m'avez conseillé d'assurer ma voiture pour l'usage promenade, mais j'ai oublié de vous préciser que tous les dimanches, j'allais raccompagner ma belle-mère qui vient déjeuner à la maison. Puis-je, en toute honnêteté, considérer ce déplacement comme promenade ?
- Ma femme s'entête à vouloir conduire de nouveau la voiture quand elle sera à la retraite. Je lui ai dit que vous nous feriez payer plus cher parce qu'elle n'a pas conduit depuis dix ans et que vous aviez dit qu'elle était novice, mais ça lui fait plaisir. Pas de payer plus cher, mais d'être encore novice à son âge.
- J'avoue que je n'aurais pas dû faire demi-tour sur l'autoroute avec ma caravane, mais j'avais oublié ma femme à la station-service.
- Ma voiture a été heurtée, alors qu'elle était en stationnement, par un automobiliste qui effectuait une marche arrière. En rédigeant le constat amiable, j'ai commis une erreur : j'ai signalé que j'étais à l'arrêt et non en stationnement. Puis-je faire marche arrière ?
- J'espère que vous n'aurez aucune difficulté pour exercer un recours et récupérer ce qui m'est dû. En effet, bien qu'il ne soit pas assuré, ce monsieur a les moyens : on dit qu'il est propriétaire d'une fabrique de chaussures qui marche bien.
- Il est exact que mon chien a mordu le petit garçon alors qu'ils jouaient ensemble gentiment, mais je n'étais pas assez près pour savoir lequel des deux a commencé à mordre l'autre.
- Vous refusez de régler mon incendie sous prétexte que je n'ai pas payé ma prime. Je vous rappelle pourtant que, l'année dernière, j'avais payé ma prime sans avoir d'incendie. Où est la justice là-dedans ?
- Préférez-vous que je vous règle mon assurance incendie avec un mois de retard ou que je vous adresse un chèque sans provision ?
- L'homme prenait toute la rue et j'ai dû effectuer de nombreuses manoeuvres avant de le frapper.

- En voulant éviter de frapper le pare-choc de l'auto qui me précédait, j'ai écrasé un piéton.
- Je conduisais ma voiture depuis quarante ans lorsque je me suis endormi au volant et que j'ai eu cet accident ! Une voiture invisible est arrivée de nulle part, a frappé mon véhicule et est disparue.
- Le poteau de téléphone s'approchait rapidement, j'ai essayé de l'éviter mais il a frappé l'avant de ma voiture.
- J'étais certain que le vieil homme ne se rendrait jamais de l'autre côté de la route, alors je l'ai frappé.
- Je viens d'acheter un camion en remplacement de mon ancien qui est décédé sur la table d'opération de mon garage local. La cause est un cancer généralisé qui s'était développé dans la transmission, l'embrayage et les freins. Il est mort à l'âge respectable de 11 ans et 338 424 km parcourus (sans accidents) et laisse dans le deuil, outre son propriétaire, les nombreux clients qui n'ont pas été livrés à temps (sic !). La dépouille sera exposée en arrière du magasin pour environ une semaine ; après quoi, elle sera écrasée.

Assistance en ligne...

Il vous est sûrement arrivé d'avoir de la difficulté à obtenir le service que vous recherchiez ou l'aide dont vous aviez besoin. Quand on se raconte cela entre nous, il y a parfois de quoi désespérer du genre humain ou encore... en rire franchement.
Et si on regardait les choses de l'autre bout de la lorgnette et que l'on voyait un peu le point de vue d'un préposé au service technique. Voici une petite histoire enregistrée dans un service d'assistance en ligne :

Service technique
; que puis-je pour vous ?
• Et bien j'ai un problème avec WordPerfect.
Quelle sorte de problème ?
• Et bien j'étais en train de taper et soudain tout est parti.
Parti ?
• Ça a disparu.
Mmm. Et a quoi ressemble votre écran à présent ?
• À rien.
À rien ?
• Il est vide ; il se passe rien quand je tape.
Vous êtes toujours dans WordPerfect ou vous en êtes sorti ?
• Comment je sais ?
Pouvez-vous voir le prompt C:? à l'écran ?
• C'est quoi un "prompte-ce"
Laissez tomber. Pouvez-vous bouger le curseur à l'écran ?
• Y a pas de curseur. Je vous ai dit, il se passe rien quand je tape.
Est-ce que votre moniteur est allumé ?
• C'est quoi un moniteur ?
• L
e truc avec l'écran qui ressemble à une télé. Est-ce qu'il y a une petite lumière qui vous dit qu'il est allumé ?
• Je ne sais pas.
Et bien regardez à l'arrière de votre moniteur et regardez où va le fil électrique. Vous pouvez voir ?
• Je pense...
Bien ! Suivez le cordon jusqu'à la prise, et dites-moi s'il est branché.
• Oui.
Derrière le moniteur, avez-vous remarqué qu'il y avait deux câbles branchés à l'arrière ?
• Non.
Et bien il y en a deux. Regardez de nouveau et trouvez le deuxième.
• ...Oui, c'est bon.
Suivez-le et dites-moi s'il est solidement branché à l'ordinateur.
• Je ne peux pas l'atteindre.
Oh ! Pouvez-vous le voir ?
• Non.
Même en vous penchant ou en vous mettant à genoux ?
• Oh non, c'est juste que je n'ai pas le bon angle, il fait si sombre.
Sombre ?
• Oui, le bureau est éteint, la seule lumière vient de la fenêtre.
Et bien allumez la lumière.
• Je ne peux pas.
Pourquoi ! ?
• Parce qu'il y a une panne de courant.
Une panne... Ah ! Voilà la raison. Est-ce que vous avez encore les manuels et les boites et l'emballage que vous avez eus avec l'ordinateur ?
• Heu... Oui, c'est dans le placard.
Bien ! Allez les chercher, débranchez votre système, emballez-le comme c'était quand vous l'avez eu. Et apportez-le au magasin où vous l'avez acheté.
• Vraiment ? C'est si sérieux ?
J'en ai peur.
• Et qu'est-ce que je leur dis ?
Dites-leur que vous êtes trop con pour posséder un ordinateur.


Et à propos de la devinette...
Merci à celles et ceux qui ont participé au jeu de la devinette et merci de votre patience pour la réponse ; j'espère que le Père Noël vous récompensera en conséquence.
Béo était sur une bonne piste ; le mot vient du verbe « touiller »...
Koyot avait trouvé le sens exact : félicitations ! La touillette est un petit objet qui sert à remuer le café, par exemple.
Pour entendre l'explication qu'en donne France Culture, cliquez
ici ; vous verrez à l'écran 50 mots dont vous pourrez entendre la définition par un simple clic de souris.

mercredi 21 décembre 2005

Un authentique hiver...

Si j'habitais aujourd'hui une telle maison (celle-ci est probablement située dans un quartier résidentiel de la ville de Québec), je préparerais sans doute un bon feu dans la cheminée, je me ferais du thé chaud et fort, je mettrais de la musique (probablement des airs de concert de Mozart, l'Ave verum corpus, le Vorrei spiegarvi, etc. ; peut-être bien que j'aurais aussi le goût de réentendre le triste mais sublime Misere d'Allegri) ; je m'installerais dans un fauteuil confortable, avec un livre choisi et un carnet de notes...
Sachant que presque tout le monde est en train de courir à gauche et à droite dans des magasins bondés, que chacun essaie de jongler avec un emploi du temps surchargé et un budget à respecter, c'est peut-être cruel de ma part de vouloir m'arrêter et de prendre le temps de lire, en plein milieu de l'après-midi, au beau milieu de la semaine, à moins de quatre jours de Noël... Mais justement, j'ai décidé que je ne jouais pas le jeu. Vous ne me verrez pas en train de courir les magasins pour encourager la culture Coca Cola (c'est à croire qu'on a fait dériver le nom de la marque de cette boisson du nom de saint Nicolas). Je ne veux pas en faire une leçon : chacun fait ce qu'il veut ; je dis simplement que j'ai choisi de ne pas jouer le jeu...

Pour connaître l'histoire de la fête de Noël et tout ce qui tourne autour, je vous conseille d'aller voir le blogue d'Olivier (au 20 décembre), ainsi que celui de Miss Lulu, qui donne la parole à plusieurs blogueurs (que ce mot est laid !) dispersés sur la Planète (il faut absolument cliquer sur les portes).

Joyeuses fêtes à tous !

mardi 20 décembre 2005

Question de... languette

Je n'ai pas d'affection particulière pour les mots de la langue française qui se terminent en « ette » ; ce sont généralement des diminutifs et, pour tout dire, je préfère « les vraies choses » à leurs diminutifs respectifs.
Toutes les calculettes, causettes, trempettes, et autres branlettes ne sont souvent pour moi que des agaçe... J'aime bien la sapinette et la racinette, cependant, surtout en été, dans une guinguette...
Certains Québécois utilisent, pour désigner un sous-vêtement masculin (il se répand de plus en plus pour désigner l'équivalent féminin), un terme dont j'ai horreur et que vous ne m'entendrez jamais prononcer... ni même écrire (du moins dans cette acceptation). Durant des années, je ne l'entendais que dans la bouche de Québécois venant d'une certaine région du territoire ; cela permettait d'identifier immédiatement la provenance de la personne qui le prononçait et c'était amusant... Or de plus en plus, on utilise ce terme dans le milieu de la couture, de la mode, des médias... J'ai bien prévenu mes amis que si jamais je les entendais prononcer ce mot pour désigner la pièce de vêtement en question, c'en était fini de notre amitié. Et s'il m'arrivait dans un dîner en ville ou une soirée mondaine d'entendre quelqu'un le prononcer, ce serait sans appel : cette personne serait inscrite à jamais sur ma liste noire.
À la lecture de ces lignes, les Québécois auront sans doute compris assez vite quel est ce terme à proscrire ; pour les Européens, surtout si vous êtes amateurs de bandes dessinées, pensez au personnage féminin du duo créé par Willy Vandersteen...
Comme la langue française est vivante et que, conséquemment, elle évolue, elle ne cesse de nous offrir des mots nouveaux qui ne sont pas toujours des plus heureuses trouvailles. Tiens, si nous faisions un jeu ; je vous propose une devinette : qui peut me dire le sens exact du mot « touillette » ?
Réponse demain.

lundi 19 décembre 2005

Un nouvel ordi...

Depuis quelques semaines, j'entends parler les gens, je lis un peu partout que plusieurs personnes de mon entourage ou de mon univers s'achètent ou ont l'intention d'acheter un nouvel ordinateur... J'ai beau essayer de croire que je ne suis pas influençable, mais j'ai suivi l'exemple d'Oscar Wilde qui disait qu'il « résistait à tout, sauf à la tentation » ; je suis donc allé m'acheter un nouvel ordinateur. Qu'en dites-vous ?


dimanche 18 décembre 2005

Adieu, Sol !












11 novembre 1929 -
17 décembre 2005


Le Québec et la langue française sont en deuil ! Sol, le magnifique clown s'est éteint hier, en même temps que son créateur, le comédien Marc Favreau, à 76 ans, des suites d'un cancer virulent.

Créé dans les années 1950 pour la télévision, ce personnage de clown volait des ses propres ailes depuis 1972... Depuis 40 ans, Sol avait 40 ans ; on avait fini par oublier que son créateur prenait de l'âge : le vice et la laideur en moins, Sol était le Portrait de Dorian Gray de Marc Favreau, en somme. À 76 ans, ce grand enfant et ce rigoureux artiste qu'était Marc Favreau continuait d'écrire des textes qui amusaient peut-être les enfants, mais qui enchantaient surtout les adultes par la magie de sa langue.

Génie de la langue française au même titre que Raymond Devos et Jacques Prévert, Marc Favreau a reçu quelques reconnaissances officielles : le Conseil de la langue française lui a décerné, en 1989, la médaille de l'Ordre des francophones d’Amérique ; en 1995, il a été nommé Chevalier de l'Ordre national du Québec. Puis, en 1999, enfin, le prix Georges-Émile-Lapalme, soulignait sa contribution à l'amélioration de la langue française au Québec. Sa véritable reconnaissance, toutefois, c'est sans doute l'admiration et l'affection qu'il suscitait partout où il passait.
Je garde un souvenir ému de la dernière fois où je l'ai vu en personne ; c'était il y a deux ans, je crois : alors que je faisais des courses au Complexe Desjardins, centre commercial près de chez moi, je m'étais arrêté pour manger un peu avant de continuer ; j'avais eu la joie de voir venir vers moi le clown magnifique qui recueillait de l'argent pour les sans-abri. En lui remettant un peu d'argent, feignant la surprise je lui avais dit : « Sol, vous faites la manche, maintenant ! » En ce moment même, j'oublie la réponse qu'il m'avait faite, qui était tout à fait pertinente et tout à fait dans l'esprit du personnage...

Sol n'avait certes pas l'intention de prendre sa retraite, et son créateur non plus ; Marc Favreau préparait encore des spectacles pour le mois de février et il n'a jamais pensé un instant à cesser de créer des monologues ; sa créativité était sa source de vie.
La photo de gauche est de Yanick Macdonald

samedi 17 décembre 2005

L'ordre des choses...

Il est bon de mettre régulièrement
de l'ordre dans sa bibliothèque
si l'on veut pouvoir s'y retrouver
quand on a besoin d'un livre en particulier...
Habituellement, je fais cela le vendredi, en fin de journée,
avant d'aller promener le chien.

Mais où est donc passé ce chien ?
Vous n'auriez pas croisé un chien perdu ?

vendredi 16 décembre 2005

Candide, vraiment ?

Hier soir, en revenant de la Poste, près de chez moi, mon attention a été retenue par un jeune homme qui traversait tranquillement la rue dans ma direction ; il devait avoir tout juste un peu plus de vingt ans, beau, élégant... Ce qui m'a frappé, c'est qu'en dépit de la neige qui jonche les rues et les trottoirs, en dépit du fait que le mercure devait indiquer en négatif l'équivalent de l'âge de ce jeune homme, celui-ci ne portait pas de manteau. J'ai compris pourquoi quand il est arrivé près de moi, sur le trottoir : il a ouvert la porte d'un de ces luxueux et polluants véhicules utilitaires sports (VUS)... Je me suis dit que ce jeune homme devait faire bien des ravages (dans tous les sens du terme) autour de lui. Puis je me suis demandé comment ou pourquoi un garçon de cet âge pouvait conduire un véhicule qui vaut trois ou quatre fois mon revenu annuel... Plus tard dans ma réflexion, je me demandais quel devait être le rapport de ce garçon avec la philosophie. Et ce matin, puisque « Chaque homme dans sa nuit » me donne l'occasion d'y repenser, je me demande quelle serait la lecture de ce jeune homme du chef-d'oeuvre de Voltaire, Candide.

p. s. : « Chaque homme dans sa nuit » : http://chaquehomme.canalblog.com/archives/2005/12/16/1114280.html

jeudi 15 décembre 2005

Savoir recevoir...


Non, non, même si je suis sorti à cinq heures, il ne s'agit pas d'un billet de Louise Masson ou de la baronne Nadine de Rotschild sur l'art de recevoir des invités, même si la saison s'y prête et que les prochains jours seront pour un très grand nombre de personnes sur cette Planète (sur les autres, je ne sais pas) l'occasion de partager des voeux, des cadeaux, des aliments et des boissons avec leur familles, leurs amis, les gens qu'ils aiment. Certains seront invités, d'autres auront invité ; dans certains cas, il y aura réciprocité. Puis il y a tous ceux et celles de par le Monde qui seront seuls parce qu'ils n'ont pas de famille, pas d'amis, personne qui se préoccupe d'eux. Il faut ajouter à ce nombre ceux qui ne pourront pas célébrer avec les autres parce qu'ils sont malades, qu'ils sont éloignés ou parce qu'ils travaillent afin de permettre que la vie continue. Et il ne faut pas oublier ceux qui, pour une raison ou pour une autre, n'ont pas le coeur à la fête ; je serais plutôt de ceux-ci. J'ai une famille, très grande même, assez pour s'y perdre ; l'ennui, c'est que je n'ai pas vraiment l'esprit de famille et que ça ne semble pas s'améliorer avec le temps. Je n'ai rien contre qui que ce soit dans cette famille ; on dirait que le sentiment d'appartenance ne s'est tout simplement pas développé. Je crois savoir pourquoi le ciment n'a pas pris entre eux et moi, mais ce n'est pas le but de mon billet aujourd'hui.
Depuis quelques jours, je réfléchis aux arguments que je pourrai donner pour ne pas participer aux célébrations qui auront lieu dans mon entourage, tant dans le milieu professionnel que dans le milieu familial. Quant aux amis, ils sont tous assez dispersés ; certains, parmi les plus chers, ne sont même pas au pays (j'appelle « pays » le Québec, cet espace géopolitique où je vis). Je pourrai difficilement refuser de perpétuer la tradition établie depuis plusieurs années ; un couple d'amis m'invitera à venir monter avec eux l'arbre de Noël et nous dégusterons ensuite le sublime repas qu'aura préparé Laure pendant que Marc et moi aurons accroché au sapin les multiples décorations, colorées et lumineuses. J'irai sans doute dîner aussi chez un autre ami qui, comme moi, n'a pas tellement l'esprit de famille ; le repas sera simple, mais il y aura du très bon vin. Au cours de la semaine prochaine, je devrais aussi manger avec « mon voisin » avant qu'il ne retourne à Las Vegas...
J'en étais donc là de ces réflexions en fin d'après-midi quand je suis sorti pour aller faire quelques courses. Je devais passer à la Poste prendre livraison d'un envoi qui m'était destiné ; on avait sonné à la porte ce matin et je me doutais bien que ce devait être le facteur, mais je n'avais pas envie de répondre à cette heure si matinale : je me suis dit que si c'était important, je le saurais bien assez tôt et, pour être tout à fait franc, je n'attendais rien de bon qui puisse venir par la poste et qui exige une signature. J'avais déjà reçu un colis au début de la semaine...
C'était donc un colis qui m'attendait à la Poste : j'ai immédiatement reconnu l'écriture du Premier Grand Amour de ma vie ; j'ai cru qu'il pouvait s'agir d'une cassette vidéo ou d'un DVD de ses dernières émissions de télévision. Je verrais bien en arrivant à la maison... Je me suis arrêté chez le marchand de journaux du coin pour faire vérifier si le billet de loterie acheté mardi rapportait quelque chose ; surprise : je gagnais un petit montant, pas assez pour faire des folies, pas même pour acheter un billet d'avion, mais c'était déjà quelque chose. En rentrant, j'ai écouté les messages sur le répondeur : il y avait encore des invitations tardives pour des repas du temps des fêtes ; même chose dans le courrier électronique, en plus des très belles cartes électroniques venant notamment de Bruxelles.... Parmi la correspondance, il y avait aussi une lettre de l'un de mes anciens professeurs d'université, un mentor, pour qui j'ai beaucoup d'admiration et je dirai pourquoi un jour prochain ; sa lettre est accompagnée d'un texte qu'il présentera dans quelques mois lors d'un colloque réunissant des universitaires et des professionnels des communications ; il me demande mon avis sur son texte et des suggestions pour l'améliorer : c'est plutôt flatteur, non ?
Il y avait aussi dans mon courrier électronique un message affectueux et très touchant de mon ami Poeri, d'Aix-en-Provence, en commentaire à mon billet du 26 novembre dernier. Le soleil a été magnifique, aujourd'hui, à Montréal. La vraie lumière et la vraie chaleur sont cependant venues d'Aix-en-Provence.
Et, curieusement, le colis que j'ai fini par ouvrir, provenant de Toronto, contenait... dans une boîte métallique si joliment emballée, des savons à l'huile d'olive, au miel, à la verveine et à la lavande, des produits de la Savonnerie de l'Occitane, de Manosque en Provence. Je ne sais pas pourquoi cette référence à la Provence de la part de ce Premier Grand Amour de ma vie ; souvenir de vacances récentes dans ce pays merveilleux, peut-être ? Il y avait bien une carte magnifique avec le colis, contenant quelques mots et... autre chose ; mais rien qui explique la raison de ce choix. Je le saurai bientôt.
Cette journée qui s'annonçait sans histoire et plutôt terne si je pense aux activités que j'avais au programme, se sera donc terminée dans la joie et l'émotion. Pendant un moment, je me suis demandé ce qui m'arrivait, quelle était la raison de tous ces témoignages d'affection aujourd'hui. Puis je me suis dit que je n'avais pas à me poser la question ; il suffisait que je ne les aie pas sollicités. Et il me reste à les accepter avec une gratitude au moins équivalente à la générosité des personnes qui me les ont offerts. Merci, du fond du coeur.

mercredi 14 décembre 2005

Douceur, charme et virilité

Il y a des êtres qui, sans le savoir, et surtout sans le vouloir, ont le don de vous réconcilier avec l'humanité, avec la douceur des choses... Il y a quelque temps déjà, j'ai commencé à rédiger un billet, assez long, que je n'ai pas encore terminé ; j'y reviendrai. Dans ce billet, je voulais parler de ce jeune jeune homme, probablement inconnu au Québec, sauf des téléspectateurs de TV5, mais dont la popularité semble s'affirmer en France. Il s'agit de Samuel Benchetrit. Il est écrivain, auteur de théâtre, réalisateur de cinéma. Il a écrit pour Jean-Louis Trintignant la pièce Moins 2, une pièce pour rire de la mort, qui a quelque peu aidé Trintignant à mieux vivre après la mort de sa fille Marie (celle-ci avait été la femme de Samuel Benchetrit).
Il a 32 ans ; il a grandi dans les banlieues de Paris, là où de nombreuses voitures ont été incendiées ces dernières semaines. Ce n'est pas le genre de garçon que l'on invitera dans les salons bourgeois ; il est timide et ne se tient pas bien droit dans un fauteuil Louis XVI. Il a la pudeur et la réserve de ceux qui préfèrent agir et créer plutôt que de parler. Mais il est loin d'être bête et, si on le provoque un peu, il dit des choses plutôt sensées. Il parle avec beaucoup de sympathie de ses anciens voisins de banlieue. Et lui qui est tout en douceur et en tendresse n'accepte pas du tout le discours d'un certain ministre de l'Intérieur français à l'ego plus grand que la France et au discours belliqueux, accusateur et répressif ; il exècre même le personnage et le dit franchement. Comme quoi la douceur n'est pas forcément incompatible avec la virilité (dans le bon sens du terme, celui de la force d'âme et du courage de ses opinions). Il dit avoir eu beaucoup de chance de s'en sortir ; ses meilleurs copains des cités sont morts à cause de la drogue. Si le monde autour de lui était plein de violence, il avait la chance de trouver chez lui la douceur et l'amour de ses parents.
Il a un charme fou, fait de timidité et de tendresse, qui rappelle un peu celui de son « beau-père », Jean-Louis Trintignant. Puis il est authentique ; on l'écouterait longtemps : pas de langue de bois chez lui... Il a commencé à raconter sa vie dans les cités ; le premier tome, Chroniques de l'asphalte, chez Julliard, raconte ses trente premières années ; il compte publier quatre autres volumes. Il aime ses parents. Son père qui était serrurier avait l'habitude de dire : « Il ne faut jamais forcer une serrure. Si tous les hommes ouvraient doucement leur porte, le monde irait mieux. »

mardi 13 décembre 2005

Sieste au soleil...

Quand on dit que la planète se réchauffe... On a beau annoncer moins onze degrés Celsius en début d'après-midi, je n'allais pas me priver d'une petite sieste au soleil.
Puisque je me suis couché tard et levé relativement tôt, je sentais que le manque de sommeil allait affecter de façon négative mon humeur pour le reste de la journée. Or, en passant devant la porte de ma chambre, je n'ai pu résister : je me suis allongé sur mon lit et... je me suis endormi au soleil, la fenêtre ouverte. Je n'ai pas l'habitude de dormir le jour, mais là, c'était bon, à cause du soleil, sans doute.
Au réveil, j'ai déjeuné et... me voilà en pleine forme et prêt à tout.

Actualité brûlante

lundi 12 décembre 2005

Alcib citoyen...


Alcib sera occupé toute la journée et une bonne partie de la soirée... La démocratie réclame sa contribution à l'action politique... À plus tard...

dimanche 11 décembre 2005

Les images de Thomas...

J'aime les images et, parmi celles auxquelles on a accès sur Internet, j'ai un intérêt particulier pour celles de Thomas. Il y a quelques jours, j'ai parlé du jardin de ce copain de Bruxelles, jardin photographié par Thomas, le fils de ce copain. En plus de représenter l'accueil, la tranquillité, la sérénité, ce jardin représente le printemps dans toute sa splendeur...
Hier, Thomas a mis en ligne de nouvelles images. Pour moi qui ai dû chausser hier pour la première fois de la saison mes bottes de neige, celle-ci évoque déjà la nostalgie de l'automne qui semble vraiment céder la place à l'hiver.


Quant à celle-ci, elle me tiendrait bien lieu de sapin de Noël, cette année.

Vous, les deux ou trois personnes qui, discrètement, venez voir ce qu'on trouve dans ce blogue, allez jeter un coup d'oeil sur les images de Thomas ; elles sont tellement plus belles mises en page par Thomas lui-même ; et si le coeur vous en dit, laissez-lui aussi un petit commentaire : ça fait toujours plaisir de savoir que quelqu'un est passé : http://tom.byethost15.com/category.php

samedi 10 décembre 2005

La peur d'aimer...

Je me demande si au fond nous ne parlons pas toujours que de deux types de choses dans la vie : les choses que nous aimons et les choses dont nous avons peur... Il arrive que nous parlions des choses que nous aimons pour tenter d'oublier celles dont nous avons peur. Il arrive aussi, sans doute, que nous parlions des choses dont nous avons peur, de peur de parler de celles que nous aimons...

Mais, non, tout va bien, je vous assure...

Puisqu'il est aussi mon cri du coeur d'aujourd'hui, je reprends ici le commentaire que je viens de laisser à la suite du billet de Marie-Magique...

Comme je t'envie, Magique, cette humilité, cet orgueil finalement bien placé, ce sentiment retrouvé qui te fait croire que, toi aussi, tu mérites un peu d'attention des autres, un peu d'encouragement et d'aide si cela se présente... Je ne suis pas de ceux dont tu parles (je constate que je tutoie ; l'ai-je fait auparavant, je ne m'en souviens plus) ; les regrets, les excuses et les remerciements ne me concernent donc pas. Mais comme je suis heureux de voir que tu acceptes que l'on pense sincèrement à toi, que l'on veuille t'aider si on le peut... Je me reconnais tellement dans tes refus, dans tes « mais, non, tout va bien, je vous assure » ; et le pire, c'est qu'on y croie nous-même au moment où on l'affirme... Faut-il que nous ayons été négligé durant l'enfance, pas reconnu, pour entretenir si solidement ce sentiment d'abnégation ! Faut-il qu'elles soient si solides, ces murailles que l'on a appris à dresser autour de soi, ces murs de Berlin que si peu de personnes sauront franchir pour comprendre ce qui vraiment se passe au-delà du mur ! Faut-il qu'ils soient efficaces, ces mécanismes de défense développés depuis si longtemps qu'on ne remarque même plus leur déclenchement ! Si efficaces en effet, pour nous donner l'illusion que nous n'attendons rien des autres, de crainte d'être déçu... Faut-il qu'elle ait été bafouée, trahie, cette confiance qu'il y a longtemps, nous voulions accorder aux autres, aux « adultes » autour de nous ! Faut-il qu'elle ait été détruite en nous pour que nous n'osions plus croire à l'ouverture désintéressée des autres, à leur générosité si magnifiquement offerte ! Faut-il qu'il soit malheureux, cet enfant en nous que trop souvent nous essayons d'oublier pour présenter l'image de l'adulte que nous avons cru devoir devenir ! Faut-il qu'il soit malheureux en effet d'avoir été bafoué, pour qu'enfin il ose crier à tue-tête : « J'ai mal ! », alors que l'adulte en nous essaie encore de lui mettre un coussin non pas sous la nuque, mais carrément sur la tête, pour étouffer ses cris... au cas où les voisins entendraient.
C'est bizarre, ce soin que nous prenons des autres, ces considérations que nous avons pour tout le monde autour de soi, mais que nous nous refusons et que nous refusons de ceux qui veulent penser à nous. C'est étrange, en effet, la protection que nous voulons apporter aux enfants autour de soi, qu'ils soient à nous ou à d'autres, mais que nous refusons à l'enfant en nous qui est blessé, qui crie, qui appelle à l'aide... Devenir adulte, certes, nous n'y échappons pas. Mais on ne peut pas devenir un adulte équilibré si l'enfant en nous n'a pas réglé ses comptes avec l'enfance et avec la vie, adultes compris.


Marie-Magique : http://marie-magique.blogspot.com/

vendredi 9 décembre 2005

Mon voisin

Parmi les quelques blogues que j'essaie de lire régulièrement, il y a celui d'un jeune Québécois qui travaille à Paris depuis quelques mois et qui raconte son adaptation à la vie parisienne... Son dernier billet date de quelques jours déjà et s'intitule « Mon voisin » ; il fait allusion à un garçon de vingt ans qui semble rentrer très tard la nuit, quand ce n'est pas au petit matin ; comble de bonheur, ce jeune homme à la bonne habitude de claquer la porte de son appartement à chaque fois qu'il y entre ou qu'il en sort, réveillant ainsi notre jeune Québécois qui est habitué à dormir dans la tranquillité.
Depuis que j'en ai fait la lecture, j'ai envie de répondre à ce billet pour lui parler aussi de mon voisin ou plutôt : de mon ex-voisin, qui est arrivé dans cet immeuble il y a près de cinq ans, dans l'appartement voisin du mien, mais qui n'a rien en commun avec le jeune voisin parisien sans-gêne, si ce n'est son âge, au moment de son arrivée (19 ans) et... le fait d'avoir été aussi « mon voisin ».
Quand il est arrivé, « mon voisin » était étudiant ; il venait de terminer à Québec des études collégiales en arts graphiques et il allait entreprendre des études d'interprétation théâtrale ou des études en arts du cirque. Il fut admis à l'École Nationale du Cirque et il y étudia durant trois ans. À la fin de la troisième année, il représenta son école au Festival international de cirque de Tournai, en Belgique, et y remporta l'un des trois premiers prix. Peu de temps après cela, il a commencé à recevoir des offres et six mois plus tard, il partait travailler à Copenhague. Revenu à Montréal au milieu de l'été, pour y vider son appartement (et me présenter un jeune Danois venu participer à un colloque au Palais des congrès), il est reparti quelques semaines plus tard, pour Las Vegas...
Je ne saurais pas parler ce soir de l'importance qu'a pris ce jeune homme dans ma vie au cours des dernières années qu'il a passées dans cet immeuble, allant et venant à son gré de son appartement au mien et vice-versa... Je puis néanmoins affirmer que son envol du cocon de Montréal fut l'occasion pour moi de faire un deuil très douloureux...
Ce soir, je dialoguais sur Internet avec un copain parisien que je n'ai jamais rencontré ; je sais cependant qu'il est musicien, qu'il gagne bien sa vie et qu'il connaît bien le milieu culturel québécois puisqu'il a eu souvent l'occasion de travailler avec nos artistes et nos artisans... Il plaisantait, ce soir, en disant qu'il viendrait me prendre à Montréal et que nous irions passer quelques jours à Las Vegas, qu'il me présenterait à Céline et à René et qu'il en profiterait pour faire connaissance avec mon jeune « voisin », dont j'avais parlé un peu plus tôt, je ne sais plus à quel sujet... Or, après avoir mis fin à cette conversation, détendue, enjouée, j'allais replonger dans la solitude de début de soirée, quand les amis européens sont couchés, que les Québécois sont en train de manger, quand le téléphone a sonné. C'était « mon voisin » qui m'appelait... de Montréal ! Il est en vacances pour deux semaines. Il ira passer une semaine dans sa famille à Québec et, quand il reviendra, nous mangerons ensemble...
J'ai cherché une image pour illustrer ce billet ; je suis tombé sur ce tableau de Francis Picabia, intitulé « Les acrobates, gymnastique banale ». Mon cher voisin en comprendra le sens, le clin d'oeil complice et affectueux...

Une source prête à jaillir...

« Je crois qu’au fond de nous-mêmes,
au plus secret de notre coeur,
il y a une source prête à jaillir... »
Julien Green, Journal — 14 juin 1934

Je crois, moi, qu'en ce moment la source en moi se terre plutôt ici... et il faudrait peu de chose, l'évocation de l'un des nombreux sujets sensibles, pour que la source s'exprime ainsi :

jeudi 8 décembre 2005

Il y a 25 ans...

Il y a 25 ans, John Lennon était assassiné devant le Dakota, immeuble qu'il habitait en face du Central Park, à New York... Je n'ai appris sa mort que le lendemain, par un appel téléphonique d'une amie, Moyra, chez qui j'avais passé une partie de la soirée, la veille.
Moyra est photographe et, quelques mois plus tôt, elle avait pris une série de photos chez moi, dont un certain nombre nous montraient, mon « grand amour » et moi... Hors, depuis quelques semaines, cet amour qui cinq ans plus tôt avait transformé ma vie et qui, depuis, n'avait pas cessé de l'enrichir énormément, semblait de plus en plus mis entre parenthèse par l'être aimé. Il n'y avait pas eu de dispute, il n'y avait pas de désaccord exprimé ; il n'y avait qu'une absence qui s'allongeait, qui se renouvellait de jour en jour, qu'un silence toujours justifié... Mon amour était assez fort pour accepter cette absence sans en faire un drame ; je savais aussi que son amour ne pouvait pas s'éteindre ainsi. J'avais donc décidé de respecter son silence et d'attendre que soit terminée sa période de réflexion, même si cette réflexion devait déboucher sur la remise en question de ce que nous vivions depuis cinq ans...
Le 8 décembre 1980, j'étais en train d'encadrer certaines des photos prises par Moyra et j'ai voulu obtenir sa signature sur l'une des photographies. Je lui ai téléphoné et elle m'a invité à passer chez elle. Elle a préparé du café et nous avons parlé. Bien entendu, elle m'a donné quelques nouvelles de l'être aimé qui avait entrepris depuis septembre des études en cinéma (plus tard, dans le cadre du Festival des films du monde, j'aurai l'honneur de voir mon nom sur le grand écran du cinéma Le Parisien car son film, qui m'était dédié, avait remporté le premier prix du festival de cinéma étudiant et, à ce titre, était présenté au Festival des films du monde). En fin de soirée, j'ai donc quitté Moyra pour rentrer chez moi avec mes photos dédicacées.
Le lendemain, Moyra m'a appelé pour me dire qu'elle était inquiète après mon départ ; elle sentait qu'il y avait du drame dans l'air et craignait qu'il ne m'arrive quelque chose. En m'appelant, elle venait prendre de mes nouvelles ; rassurée à mon sujet, elle pouvait donc réserver à la mort de John Lennon, qu'elle venait de m'annoncer, l'intuition funeste qu'elle avait eu la veille.
Ce qui s'est gravé dans ma mémoire, c'est le souvenir de la soirée passée chez Moyra ; je ne me souviens plus trop de la journée suivante, après avoir appris la mort de John Lennon. Bien entendu, je reçus la nouvelle comme un choc et je crois bien en avoir été assommé durant un moment. Non pas que j'aie porté à John Lennon une admiration particulière ; il était l'un des Beatles, groupe musical qui avait marqué mon adolescence et je continuais d'aimer les chansons du groupe aussi bien que celles de chacun de ceux qui poursuivaient leur carrière en solo. Je dois cependant ajouter que, chez moi, à cette époque, je n'écoutais pratiquement que de la musique classique. Et j'avais été quelque peu agacé quelques années plus tôt par les déclarations de John Lennon à l'effet que les Beatles étaient plus populaires que le Christ. Il me semblait qu'il se prenait un peu lui-même pour le Messie qui sauverait le monde en lui apportant la paix. C'est un noble idéal, certes. Sauf que j'ai un peu de mal avec l'ego démesuré de certaines vedettes...
Quoi qu'il en soit, les mort violentes ont la plupart du temps le même effet sur les humains ; la violence est un viol de la tranquillité des esprits. Il est toujours triste d'apprendre la mort de quelqu'un, d'autant plus s'il s'agit de quelqu'un que nous connaissions ou que nous admirions, même à distance. On a tendance à penser que les personnalités et les célébrités font partie de l'univers dans lequel nous vivons et que, quel que soit leur âge, elles devraient toujours en faire partie. Ce qui est ironique, dans la mort de John Lennon, c'est que celui qui l'a tué l'a fait pour devenir célèbre à son tour, comme s'il suffisait de voler la vie de quelqu'un pour assurer la sienne et lui donner un sens...

mercredi 7 décembre 2005

J'aime les jardins...

J'aime les jardins depuis longtemps, si non depuis toujours. J'en ai vu quelques-uns, et de très beaux... Lors de mon dernier séjour en Europe, invité par son propriétaire à prendre l'apéritif et à voir le jardin, j'ai eu l'occasion de marcher un peu dans celui-ci, qui est un jardin privé, à Bruxelles. La photo a été prise par Thomas, qui sait voir les choses et nous en faire voir la beauté. Sans sa permission, je me permets de publier ici cette image et d'ajouter l'adresse du site sur lequel vous pourrez voir bien d'autres photos, toutes plus belles les unes que les autres... Si Thomas me le demande, je supprimerai ce billet et la photo...

Site de Thomas B. : http://tom.byethost15.com/category.php

mardi 6 décembre 2005

Le flacon bleu... (rêverie)

François avait encore un peu de temps devant lui avant de se rendre dîner chez ses amis. Il pouvait relaxer en écoutant un peu de musique... Il avait pris une douche, s'était habillé et mettait une dernière touche à sa toilette quand le téléphone sonna ; il alla répondre à son bureau. La conversation fut brève, mais agréable. Bien assis dans son fauteuil, il avait raccroché et s'était plongé dans une douce rêverie.

Distraitement, il manipulait un flacon d'eau de toilette qu'il avait dans les mains au moment où le téléphone avait sonné. Il tournait et retournait dans ses mains ce flacon, qu'il semblait regarder sans le voir. Il palpait cependant cette longue bouteille aux quatre côtés égaux, comme un socle de statue de style empire ou une obélisque tronquée, inversée, aux angles adoucis, sur laquelle on aurait posé un chapeau militaire ou l'un de ces bibis qu'affectionne particulièrement la Reine d'Angleterre... François dévissa le bouchon de plastique noir et le posa sur le bureau ; le parfum s'exhala, dégageant un arôme qu'il connaissait bien, une fine odeur de propreté, fraîche et distinguée...

François reconnaissait bien ce parfum, à base de fruits agrumes, de chèvrefeuille et de fleurs d'oranger, sur un fond boisé de cèdre, de mousse de chêne et de bois de santal. Mais en ce moment précis, plus qu'un parfum, cet arôme subtil évoquait le souvenir d'un après-midi d'octobre, à Paris.
Ce jour-là, après la toilette, il avait enfilé un jean, un léger col roulé et un blouson de daim, puis, avant de sortir, s'était généreusement aspergé de cette nouvelle eau d'Hermès, achetée la veille, avenue de l'Opéra.

Il sortit et marcha longuement, boulevard Raspail, en direction de Saint-Germain-des-Prés, sans but précis. Le soleil était magnifique, l'air était frais et sec ; il faisait bon marcher sur ces grands trottoirs jonchés des feuilles mortes des marronniers et des platanes, qui crissaient sous les pas... François se sentait bien ; libre comme l'air, il marchait lentement, en regardant l'architecture des maisons, observant les gens qu'il rencontrait, répondant d'un sourire s'il surprenait un regard curieux ou complice... Prêt à tout et n'ayant besoin de rien, il pouvait s'offrir ce luxe d'être heureux.



Cliquez sur les photos pour les voir en format réel.
La photo des feuilles d'automne est de Max Sauter
http://perso.wanadoo.fr/sauter/paris/paris.htm

lundi 5 décembre 2005

Fenêtre...


« Un livre est une fenêtre
par laquelle on s'évade. »
Julien Green

dimanche 4 décembre 2005

Nostalgie confortante... et déconcertante

Depuis deux ou trois jours, j'ai commencé la rédaction de billets à publier ici, mais je n'ai pas eu le temps de les terminer... J'ai été assez sollicité par la « vie réelle » et, outre le temps que j'ai passé à diverses occupations, j'ai eu du mal à trouver la concentration nécessaire pour rédiger ce que je voulais écrire ici...

Fatigué, j'ai décidé que ce dimanche serait jour de repos et j'ai annulé ma participation à une activité politique. Cependant, je n'arrivais pas aujourd'hui non plus à retrouver l'émotion de départ, l'étincelle qui avait déclenché la rédaction des quelques billets qui sont en attente.

J'ai donc entrepris de mettre un peu d'ordre dans de vieux papiers, de vieux souvenirs. J'ai ainsi numérisé une série d'articles de magazines que je conservais depuis longtemps, de façon à pouvoir me débarrasser du papier...

Ce retour dans mes souvenirs m'a donné des idées et je suis parti à la recherche d'images plus ou moins associées aux souvenirs que réveillaient en moi les articles numérisés. Je crois que j'aurai assez d'images pour alimenter ces pages durant quelques mois... Parmi les photos retrouvées, il y en a quelques-unes de la série américaine « The Walton », qui raconte l'histoire d'une famille nombreuse et unie qui habite les montagnes de la Virginie durant la récession, je crois. John Boy Walton en est le narrateur. Celui-ci écrit quotidiennement son journal intime, prétexte à raconter les événements qui se déroulent sous ses yeux et auxquels il est mêlé à l'occasion. La plupart du temps, ce sont de petits drames familiaux qui se terminent toujours bien...
C'est un jeune ami anglophone (qui ressemblait beaucoup au personnage principal, selon moi) qui m'avait fait découvrir cette série et, après en avoir vu quelques épisodes en sa compagnie, je ne pouvais plus m'empêcher de regarder les reprises de ces émissions... Je crois que les émissions étaient enregistrées en noir et blanc ; je ne peux pas vraiment l'affirmer puisque durant plus de huit ans, je n'ai pas eu de téléviseur chez moi et quand j'en ai acheté un, c'était un téléviseur noir et blanc...

Je me reconnaissais assez bien dans cet univers : grande famille, vie à la campagne (ce que j'ai connu durant mon enfance était à peine moins rustique que ce nous était présenté dans cette série). John Boy, s'il n'était pas l'aîné des enfants était tout au moins l'aîné des garçons (je n'étais ni l'un ni l'autre), tenait un journal et il voulait devenir journaliste... Là où je ne reconnaissais pas notre famille, c'est qu'il y avait dans celle-ci beaucoup de communication, beaucoup de dialogue entre tous les membres de la famille et beaucoup d'affection et de tendresse les uns envers les autres. Dans cette famille pourtant nombreuse, chacun avait sa personnalité, affirmée et reconnue, de la plus jeune jusqu'au grand-père et à la grand-mère qui partageaient la maison... J'ai dû essuyer souvent des larmes de regret quand je voyais et que j'entendais ces membres d'une même famille se parler entre eux, se préoccuper de l'autre et trouver le moyen de faire en sorte que, au moment où s'éteignaient les lumières (tout le monde se couchait au même moment), on pouvait se souhaiter une « bonne nuit » en toute sérénité. Quand la dernière lampe était éteinte, la paix régnait sur la maison et dans les coeurs...
John Boy, pourtant encore adolescent, était un modèle à suivre. L'acteur Richard Thomas a vraiment été marqué par ce personnage qu'il n'a pourtant pas joué si longtemps, mais les téléspectateurs ont surtout retenu de lui ce rôle de bon garçon que chaque famille voudrait avoir... J'imagine que la demande a dû être tellement forte qu'on a demandé au comédien vedette, plusieurs années plus tard, d'enregistrer le texte du roman de Earl Hamner Jr, Spencer's Mountain, dont on tiré la série télévisée « The Walton ».

Pour ma part, je reverrais avec plaisir cette série d'émissions. Je crois qu'on peut maintenant la trouver en dvd...

Parmi les autres images retrouvées, il y a celles d'un comédien que j'ai aimé dans deux films que j'ai vus il y a plusieurs années ; il s'agit de Brad Davis.

Dans le film de Rainer Werner Fasbinder, Querelle, on le voit notamment avec Jeanne Moreau. Je reverrais sans doute avec beaucoup de plaisir ce film que je n'ai encore jamais revu.

Le second est un film d'Alan Parker, Midnight Express (L'Express de minuit, en français, je crois). Je ne sais trop que dire de ce film, absolument bouleversant... Il raconte l'hisoire de Billy Hayes, un jeune Américain arrêté à l'aéroport d'Istambul pour avoir sur lui quelques grammes de hashisch. Les Turcs décident d'en faire un exemple et le condamnent à la prison à perpétuité ; on l'enferme dans des cellules où il n'y a plus rien d'humain... Le titre du film fait référence à une réplique que l'on entend dans le film ; l'un des codétenus dit au jeune Américain qu'il ne faut pas compter su la justice : « La seule façon de sortir d'ici, c'est de prendre L'Express de minuit... » Il ne s'agit pas du train qui vient prendre les prisonniers en fin de journée, mais de l'évasion... Coeurs sensibles s'abstenir. De même que si vous projetez un voyage en Turquie dans les prochains jours (la Turquie a bien changé en trente ans, mais il est clair que si le gouvernement de Turquie décidait de remettre un prix pour sa contribution au tourisme turc, ce n'est certainement pas celui-ci qui l'obtiendrait).

L'histoire de Billy Hayes est une histoire vraie et Alan Parker y réalise là un chef-d'oeuvre de mise en scène et de réalisation, faisant revivre tout le drame et toute la cruauté de cet univers carcéral.

La peine, la pitié, l'angoisse, la colère, la révolte... les sentiments des spectateurs ne sont pas épargnés... Et personne ne pourra rester indifférent à un tel film...

Des années et des années plus tard, le seul fait de penser à ce film me bouleverse encore. Et je regrette un peu d'avoir pris le temps ce soir ce revoir certaines photos tirées de ce film. Je risque d'avoir du mal à dormir...

Et ce qui ajoute à l'émotion, c'est que Brad Davis, le comédien qui incarne le personnage de Billy Hayes dans ce film et qui a obtenu plusieurs récompenses dans les mois qui ont suivi la sortie du film, en 1978, est mort du Sida en 1991. Il aurait été contaminé par des seringues lors de la consommation d'héroïne. Sa veuve continue, semble-t-il, de militer pour la prévention du VIH.

Bref, c'est un film que j'ai adoré, un film qui m'a bouleversé, troublé, révolté, un film dont je n'ai pas cessé de parler à chaque fois que j'en ai l'occasion... Je crois cependant que c'est un film que je ne pourrais plus revoir.


Avec le recul, je me rends compte qu'il n'y a pas que le hasard qui provoque des rencontres... Les choix que nous faisons dans la vie, qu'il s'agisse d'amitiés, de livres, de musique, de cinéma, etc., ont sûrement entre eux des liens plus profonds que ce que nous avions d'abord cru...

Je mentionnais cet ami qui m'a fait découvrir la série « The Walton » et qui lui-même me faisait tellement penser au personnage principal, narrateur John Boy... Cet ami a fait un peu de journalisme par la suite, mais il a surtout fait du cinéma... Son frère plus jeune disait m'écouter avec tellement de fierté quand il était adolescent et que je lisais les nouvelles à la radio ; John rêvait d'écrire et d'une certaine façon j'étais un modèle pour lui, d'autant plus intéressant que j'étais l'ami de son frère ; John a écrit et publié des livres, mais il est d'abord devenu réalisateur de cinéma. Et, autre fait troublant, j'ai souvent constaté une ressemblance frappante entre John, le petit frère, et Brad Davis, l'interprète de Billy Hayes dans « Midnight Express »...