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dimanche 3 août 2025

Rupert Brooke - 3 août 1887 - 23 avril 1915

 

Il y a 138 ans, ce 3 août 2025, que naissait à Rugby, en Angleterre, Rupert Brooke, qui étudia à Cambridge, devint le poète que l'on connaît avant de mourir à 27 ans le 23 avril 1915 sur un navire-ambulance français en allant à la guerre sur la mer Égée.

C'est Alexander qui, la première fois, m'a parlé de ce jeune poète anglais pour qui il avait une affection particulière. Sa mère avait beaucoup aimé les poèmes de Rupert Brooke, et Alexander avait hérité de quelques recueils de ses poésies ayant appartenu à sa mère. Lors de notre première conversation, Alexander avait notamment évoqué le poème sans doute le plus connu de Rupert Brooke, « The Soldier » :

« If I should die, think only this of me:

That there’s some corner of a foreign field

That is for ever England... »

Il y avait une arrière-pensée derrière cette volonté d'Alexander de me parler de Rupert Brooke et, plus précisément, de ce poème, « The Soldier », qui est un poème, comme beaucoup de ceux de Rupert Brooke, idéaliste et patriotique : comme il venait de m'exprimer son ardent désir de venir à Montréal, Alexander, tout aussi patriotique, sinon plus, tenait à me dire que s'il lui arrivait quelque chose à Montréal, il faudrait que je le ramène chez lui. Alexander ne quittait d'ailleurs jamais l'Angleterre sans apporter avec lui un peu de la terre anglaise.

Rupert Brooke a même poussé son patriotisme jusqu'à mourir, indépendamment de sa volonté, un 23 avril, jour de la Saint-Georges, saint patron notamment de la chevalerie chrétienne anglaise. Mais, paradoxalement, lui qui voulait qu'on se souvienne de ce coin d'Angleterre qu'il aimait particulièrement, la région de Cambridge, est enterré sur une île grecque, celle de Skyros. Il n'est toutefois pas dans un pays tout à fait étranger car, lui qui s'est intéressé à la civilisation de la Grèce ancienne, il repose à jamais sur cette île sur laquelle, selon la légende, Thétis aurait caché son fils Achille (autre héros d'Alexander et de tant d'autres) afin d'empêcher qu'il ne parte à la guerre de Troie.

 

Je l'ai souvent dit et écrit, en choisissant le nom de mon bulldog anglais, c'était en pensant à Rupert Brooke, et c'était aussi une façon de rendre hommage à Alexander.

En décembre dernier, quand le périple sur terre de mon ami Rupert s'est terminé, j'ai choisi de donner à des chiens amis ce qui pouvait leur être utile ou agréable : des jouets, des gâteries, divers accessoires... Je ne tenais pas nécessairement à me défaire rapidement de ce qui avait appartenu à Rupert, mais je ne tenais pas non plus à les conserver comme des reliques : je crois que Rupert aurait été le premier à approuver mon choix de faire profiter d'autres chiens amis de ce qui lui avait procuré du confort et du plaisir.

J'ai notamment offert le lit de Rupert, un bon matelas en mousse mémoire, à un grand chien noir qu'une amie promème plusieurs fois par semaine et qui appartient aux proprétaires depuis plus de cinquante ans d'une librairie de livres d'occasion, principalement en anglais, à quelques pas de chez moi. J'avais offert ce lit par l'intermédiaire de cette amie qui promène leur chien ; quelques jours plus tard, cette amie me dit que les « parents » du beau chien noirs étaient heureux d'accepter le lit de Rupert, à condition que je vienne chez eux prendre le thé ou un apéritif. L'après-midi de la Saint-Sylvestre, mon amie et moi avons été reçus dans une très belle maison victorienne, superbement meublée et, comme il fallait s'y attendre, remplie des plus beaux livres anciens. On a débouché pour nous une excellente bouteille de vin rouge, que nous avons dégusté avec de succulentes bouchées faites maison. Et, agréable surprise, le beau chien noir n'a pas attendu très longtemps avant de s'allonger sur le lit de Rupert.

J'avais raconté à nos hôtes l'histoire du nom de Rupert donné à mon bulldog, associé à Rupert Brooke.

Quelques jours plus tard, les propriétaires de la librairie qui venaient de recevoir un lot de livres d'occasion, ont trouvé parmi eux un titre de Rupert Brooke, Letters of America, qu'ils m'ont généreusement offert dans une édition reliée. Il s'agit d'une série de lettres écrites par Rupert Brooke lors d'un long voyage aux États-Unis (New York, Boston), au Canada et au Québec (Montréal, Québec, Saguenay) que m'avait fait découvrir Alistair, un ami d'Alexander, il y aura bientôt seize ans. Était-ce sous l'inspiration des Lettres d'Amérique de Rupert Brooke qu'Alistair avait lui-même fait le voyage de Londres à Montréal et à Québec ? Il me plaît d'y penser et d'y croire.

mercredi 19 mars 2025

Rupert et ses amis

Rupert avait tant d'amis et d'admirateurs qu'un grand nombre d'entre eux, pour quelque raison que ce soit, ignorent encore sa disparition.

Nous habitions au centre-ville de Montréal, près de l'université McGill ; des milliers de personnes passent chaque jour devant notre maison. Et comme Rupert voulait toujours être dehors (deux heures ou plus à chaque sortie, trois fois par jour), il y avait pratiquement toujours quelqu'un qui venait le saluer, lui faire un câlin, jouer avec lui. Tous les passants l'appelaient par son nom. Certains faisaient de grands détours pour venir saluer Rupert en se rendant au travail ou en revenant. Un jour une femme s'est arrêtée pour me demander si elle pouvait caresser mon chien ; quand elle s'est penchée pour le caresser, elle m'a demandé ; « C'est Rupert ? » Je lui ai répondu : « Oui, bien sûr, c'est Rupert. » Et j'ai demandé si elle ne l'avait jamais rencontré auparavant ; elle m'a répondu : « Non, mais à McGill, tout le monde connaît Rupert. » C'est arrivé aussi plusieurs fois que quelqu'un descende d'une voiture venant d'une autre province canadienne, ou même des États-Unis et, en voyant le chien, demande si c'était Rupert. Car leurs fils ou leurs filles étudiaient à Montréal et ne cessaient de parler de Rupert à leurs parents...

L'automne dernier, je ne sais pourquoi, (contrairement aux années précédentes, même l'hiver) nous pouvions passer de longs moments dehors sans que personne que nous connaissions vienne nous voir. Rupert était déçu et triste ; il continuait de surveiller l'intersection en espérant voir arriver des amis. Mais, souvent, son attente était déçue. Je lui parlais, disant que je comprenais sa déception, que je ressentais et partageais sa tristesse, que je ne savais pas pourquoi ses amis ne venaient pas, mais que sans doute « demain », ses amis viendraient... C'était important pour lui, comme pour moi, que je lui parle ainsi, et je sais qu'il comprenait et qu'il appréciait que je mette des mots sur ses émotions.

Pour annoncer son départ à ses amis impossibles à joindre, j'ai posé sur le mur devant la maison, à côté de ce banc où il aimait s'asseoir pour surveiller l'arrivée des amis, une photo de Rupert, avec sa date de naissance et la date de sa disparition, avec son adresse électronique :

 Puis j'ai placé dans la fenêtre au-dessus de ce banc un message de Rupert à ses amis :

Et la traduction anglaise du même message :

 Avec l'empreinte véritable de Rupert (en format réduit).

Grâce à l'adresse électronique affichée, nous recevons de temps à autre des messages de condoléances et des témoignages émouvants de personnes que nous ne pourrions pas rejoindre autrement.

Rupert a été incinéré et je conserve ses cendres dans un joli et discret coffret en bois d'acacia, que j'ai posé sur le rebord d'une fenêtre en face du bureau où je travaille ; sur le coffret, j'ai posé une image encadrée de Rupert. devant le coffret et la photo, j'ai posé quelques petits objets objets en cristal, dont une petite pyramide qu'un ami m'a rapportée d'Égypte au moment du départ d'Alexander, puis un petit cube à l'intérieur duquel est gravé un papillon, symbole de la transformation, de l'évolution, du passage à une autre étape de la vie. Et une bougie reste allumée devant ce petit autel, une façon de dire à Rupert qu'il ne sera jamais oublié, en évoquant ces mots que l'on attribue, sans doute faussement, à Victor Hugo :

« Tu n'es plus où tu étais,
tu es partout où je suis. »


samedi 4 janvier 2025

Rupert, être vivant, avec tout ce que cela implique

Une ancienne collègue de travail, que je n'ai pas revue depuis de très nombreuses années, mais avec qui je reste en contact par correspondance, à quelques reprises chaque année, m'écrit presque tous les jours, et parfois plus d'une fois par jour, depuis qu'elle a appris la mort de Rupert. 

Elle-même amie des chats, a toujours vécu avec un chat depuis plusieurs dizaines d'années. Elle m'a écrit il y a quelques jours qu'il est probablement plus difficile de perdre un chien que de perdre un chat. Je peux comprendre ce qui fait dire cela : un chat étant généralement plus indépendant qu'un chien, on passe habituellement plus de temps avec un chien qu'avec un chat, ne serait-ce que parce qu'il faut sortir le chien trois fois par jour. Mais, au fond, je crois que l'intensité de la douleur ressentie lors de la perte dépendra du genre de la relation que l'on avait avec l'animal.

Cette amie avait joint à son message une courte vidéo avec des photos d'un homme avec son chien et, sur chacune des photos, il y avait un message du genre : « Un chien n'est après tout qu'un animal. Lorsqu'un chien meurt, on n'a qu'à en prendre un autre, etc. » J'ai voulu répondre pour moi-même à ce genre de commentaires.

Je pense que si l'on perd un être que l'on aime, avec qui on a partagé des années de sa vie, que ce soit un chat, un chien, un oiseau, un lapin ou un cheval, la douleur doit être immense. Et la douleur sera d'autant plus grande que l'on aura accordé de l'importance à cet autre, du degré d'affection, d'amour que chacun aura investi dans la relation.

Quel que soit l'animal que l'on ait choisi, ou qui nous ait choisi, il vient assez rapidement un moment où le choix est réciproque, mutuel, et irréversible. Nous faisons partie de la vie de cet animal autant qu'il fait partie de la nôtre. Et si l'on vit seul avec cet animal, si l'on est, comme je disais toujours à mes collègues qui pensaient souvent que j'étais libre de faire ce que je veux quand je veux, qui ne comprenaient pas qu'à certains moments de la journée ou de la soirée, je n'étais pas disponible pour des réunions en personnes ou par visioconférences, « n'oubliez pas que je suis chef de famille monoparentale », et que mon chien dépend de moi, de la même façon qu'un enfant dépendrait de moi. Et un chien, c'est comme un enfant qui vieillit mais qui ne grandit pas ; il sera toujours dépendant de moi. Et c'est la même chose pour un chat, un oiseau, un lapin... 

Quand on vit seul avec un animal que l'on a choisi, il y a le risque que cet amour réciproque devienne fusionnel, qu'il devienne difficile d'imaginer la vie sans l'autre. Et lorsque la séparation arrive, quelle que soit la façon dont cette séparation arrive, cette déchirure est absolument douloureuse, comme une amputation d'une partie vitale de soi... Et elle peut être plus douloureuse selon les circonstances qui entraînent cette séparation.

Certains disent qu'un chien (ou un chat, un oiseau, un lapin, ...), ce n'est qu'un animal, pas une personne.

Mais les animaux ont leurs propres émotions, leurs propres sentiments. Et un animal que l'on a choisi, que l'on a apprivoisé, quel qu'il soit, du moment qu'on l'a intégré dans notre vie, il a déjà commencé à nous aimer inconditionnellement ; il nous accorde sa confiance et, assuré que l'on respectera notre engagement, il compte sur nous pour tout ce qui lui sera nécessaire : l'abri, la nourriture, les soins d'hygiène et de santé, les jeux et les loisirs, la vie sociale. Il y a une relation de respect qui s'installe, un attachement émotionnel et, comme le dirait le renard au Petit Prince, « on est responsable pour toujours de ce que l'on apprivoise ».

Il est possible qu'un animal ne sache pas d'avance qu'il doit mourir ; cela ne fait pas partie de ses réflexions habituelles et il ne s'y prépare pas. Mais lorsque vient le moment, je suis sûr qu'il en a conscience ; la preuve, c'est, que dans la nature, et même parfois chez les animaux domestiques, ils vont se cacher, ou s'installer à l'écart, quand ils sentent que le moment est venu. Ou encore, ils vont chercher à se rapprocher de ceux qu'ils aiment et qui, croient-ils, vont les protéger, les rassurer...

Quand Rupert est parti, ce dimanche soir du 8 décembre 2024, il a dû sentir que quelque chose lui arrivait ; peut-être a-t-il pensé que je pourrais le sauver, ou peut-être, sentant la fin approcher, voulait-il que je sois près de lui en cet instant dramatique... La preuve, c'est que dix minutes plus tôt, il mangeait avec beaucoup d'appétit le repas que j'avais mis beaucoup de temps à lui préparer ; ce repas, composé de ses croquettes habituelles sur lesquelles j'avais mis en garniture des patates douces, des carottes, du bœuf effiloché, etc., était pour lui un repas de fête, et il s'est régalé... Comme on venait de rentrer de sa promenade dans le quartier, il n'avait pas besoin de sortir, comme il le faisait souvent après avoir mangé... Normalement, il serait allé se coucher pour faire sa sieste, pour se relever plus tard et faire une dernière sortie avant la nuit. Mais ce dimanche-là, il savait que nous étions invités chez une amie dans l'immeuble ; c'est peut-être pour cela qu'au lieu d'aller faire sa sieste sur le sofa, il est venu se coucher pratiquement à mes pieds, à l'entrée de la cuisine... Ou, comme je le dis précédemment, il a senti la fin arriver et il voulait être près de moi. Le malheur, c'est que je ne m'en suis pas rendu compte ; j'ai cru qu'il était venu m'attendre, puisque j'étais sur le point de lui dire : « Viens, notre amie (qui l'adorait et qu'il adorait) nous attend ». Mais quand je lui ai prononcé ces mots, il n'a pas réagi, alors qu'il aurait dû être content de cette proposition d'aller chez une amie... Avec le recul, je pense qu'il a voulu être près de moi... mais je pense aussi qu'il n'a pas eu le temps de souffrir : il n'a pas eu de mouvement brusque, pas de sursaut, pas un son...

Qu'il ne sache pas d'avance qu'il va mourir un jour, ce n'est pas grave. L'important, c'est que lorsque quelque chose d'important arrive dans sa vie, l'être humain à qui il accorde toute sa confiance, qui croit en son amour inconditionnel et en son dévouement, soit là pour l'aimer, le rassurer, l'accompagner...

Si lui ne sait pas d'avance qu'il doit mourir un jour, nous le savons et l'on voudrait ne pas avoir à y penser. Mais l'être raisonnable que nous sommes en principe, l'être responsable de lui, doit prévoir que ce jour arrivera, le plus tard possible, espérons-nous. Sachant à quel point les séparations sont très douloureuses, surtout quand elles sont définitives, j'ai toujours souhaité qu'il parte avant moi, pour qu'il n'ait pas à vivre le deuil de moi... Puisqu'il n'a jamais été séparé de moi, qu'il n'a jamais été gardé ailleurs, par quelqu'un d'autre, sauf une heure quelques fois par année pour un toilettage, ou une journée quand il avait six mois pour une chirurgie, je n'aurais pas voulu l'« abandonner » en partant avant lui et en l'obligeant à devoir s'adapter à un autre foyer, à d'autres habitudes, etc. Je savais que cela aurait été difficile pour lui, même si cela se faisait dans les meilleures conditions, avec les personnes les plus aimantes qui existent... Avec moi, il n'avait pas besoin de parler, pas même besoin de demander ; la plupart du temps, je devinais ce qu'il voulait, avant même parfois qu'il ait eu le temps d'y penser lui-même... Nous n'avions qu'à nous regarder et nous nous comprenions.

Quand on vient de perdre cet être qui a partagé pratiquement tous les instants de notre vie durant un certain temps, que ce soit quelques mois ou plusieurs années, comment pourrait-on accepter que l'on nous dise que l'on pourra en avoir un autre, comme s'il s'agissait de remplacer une assiette cassée ou une vieille paire de chaussures ?

Certains diront qu'il y a des douleurs plus insupportables que la perte d'un animal ; ceux-là peuvent le penser et le dire aussi longtemps qu'ils ne seront pas passés par là. Leur manque de sensibilité m'empêcherait de les choisir ou de les conserver comme amis.

Et, si empathiques que l'on puisse être, la douleur des autres peut relativiser quelque peu la nôtre, mais ne l'efface pas.

Quelle que soit la vie que l'on mène, active ou solitaire, l'animal avec qui l'on vit est toujours là, fidèle et constant, sa présence se veut rassurante dans les mauvais jours, parfois exubérante dans les bons jours.

Et le chien, peut-être davantage que n'importe animal, favorise les interactions avec d'autres chiens et d'autres personnes, enrichit à sa façon notre vie sociale.

De son poste d'observation devant l'immeuble, Rupert surveillait l'activité à l'intersection des rues près de chez moi. Il savait que, de cette intersection, pouvaient jaillir les amis, les admiratrices et admirateurs, les chiens qu'il aimait ou à qui, au contraire, il voulait dire d'aller voir ailleurs. Il accueillait avec plaisir les câlins des personnes bien intentionnées, ignorait dignement toute personne qui ne lui inspirait pas de sympathie... Il attendait ses préférés, au point de ne pas vouloir bouger parfois, car il était presque assuré que telle ou telle amie allait finir par passer, venir le saluer joyeusement, lui faire quelques câlins, peut-être lui offrir quelques gâteries et, peut-être même jouer à la balle avec lui...

Mais il pouvait aussi ressentir le manque, la solitude... Certains jours, les amis ne passaient pas ; il les attendait et, parfois, il était déçu... Je ressentais sa solitude, je partageais sa déception car je savais à quel point la visite de ses amis, si courte soit-elle, suscitait en lui de la joie, lui donnait du tonus, relevait son moral, lui faisait anticiper d'autres plaisirs, d'autres joies. Il m'arrivait d'essayer de le consoler, de le rassurer, en lui disant que je comprenais sa déception, sa tristesse, mais qu'il était fort possible que « demain » (« demain », cela pouvait vouloir dire : plus tard, dans une ou plusieurs heures, le lendemain, ou un autre jour ; il comprenait), peut-être que ses amis viendraient.

C'était important pour lui que je lui parle, que je tente de lui expliquer la situation ; cela le rassurait. Il ne comprenait peut-être pas toujours les mots que je lui disais, car les phrases étaient parfois inhabituelles pour expliquer des situations complexes, mais il sentait que je comprenais ce qu'il ressentait, et il était sensible au fait que je tentais de lui expliquer ce qui se passait et ce qu'il ressentait. Même si parfois, occupé à ne rien manquer de l'activité au coin de la rue, il me tournait le dos, je voyais, d'après sa façon de tenir la tête, de dresser les oreilles, qu'il était tout à fait attentif à ce que je disais.

Les animaux qui vivent avec nous sont peut-être les seuls à ne pas nous juger, quoi que l'on dise, quoi que l'on fasse. Ils peuvent s'impatienter parfois et nous reprocher de ne pas leur donner assez vite ce qu'il leur faut, ce dont ils ont besoin ou ce dont ils ont envie, mais ils ne nous jugeront pas, ne nous critiqueront pas. À la rigueur, ils pourront nous bouder un moment, mais, à moins que l'on persiste dans notre négligence, la paix sera vite rétablie.

Les chiens, comme les autres animaux, nous accordent le privilège de leur confiance, qu'il ne faut jamais trahir. J'ai toujours appliqué la règle essentielle de ne jamais mentir à Rupert, de ne jamais lui annoncer ou lui promettre quoi que ce soit sans le lui accorder. Les animaux, à des degrés divers, sont intelligents ; s'ils s'aperçoivent que nous leur avons menti, que nous n'avons pas tenu notre promesse, que nous avons trahi leur confiance, leur confiance deviendra alors conditionnelle, à négocier à chaque fois...


Je me suis quelques fois impatienté envers Rupert, et à chaque fois, je l'ai regretté et je m'en suis voulu longuement. Rupert, comme bien des animaux, était très sensible ; lorsque je lui parlais un peu fort, je le blessais profondément : il ne comprenait pas... et moi non plus, par la suite. La plupart du temps, j'allais lui demander pardon et lui répéter que je l'aimais, mais je sais que parfois, il avait été vraiment blessé et qu'il n'était pas prêt à pardonner rapidement... Depuis son départ, c'est ce qui me hante: j'aimerais tellement pouvoir revenir en arrière et tenter d'effacer ces moments d'impatience.

Je crois que dans toute relation, amoureuse ou autre, et surtout dans une relation fusionnelle comme on en vit parfois, avec une personne ou un animal, il peut arriver que ce ne soit pas toujours l'euphorie totale : des circonstances difficiles, un trop grand stress, le manque de sommeil, la maladie, etc., peuvent nous amener à manquer de patience et à faire subir à l'être qui partage notre vie notre mauvaise humeur. Idéalement, il vaudrait mieux prévoir des soupapes pour libérer la pression plutôt que de la faire subir à notre compagnon. Mais, dans une relation fusionnelle, comme souvent dans une famille monoparentale, on est trop près l'un de l'autre, sans assez de distance pour reprendre son souffle et relaxer avant d'amorcer une nouvelle interaction avec l'être cher.

Mais que l'on ne vienne pas nous dire qu'un chien, un chat, peu importe, n'est qu'un animal (« un bien meuble», comme le disait encore la loi il n'y a pas longtemps), et qu'on peut facilement le remplacer par un autre.

Chaque être avec qui l'on a vécu devient une partie de soi, une partie de son esprit, une partie de son âme.

dimanche 16 juillet 2023

Adieu, Jane Birkin

Très triste nouvelle, ce matin au réveil : j'apprends la mort de Jane Birkin, trouvée sans vie chez elle.

J'ai plus d'une raison d'aimer Jane Birkin.

 

Mon premier jour à Paris, quand j'avais vingt ans, avant même que je réussisse à trouver un hôtel, je marchais au hasard dans la ville qui m'avait un peu fait rêver mais qui m'aura fait rêver énormément plus au cours des semaines, des mois, des années qui suivront. J'étais tombé sur un lieu de tournage dans la cour de l'ambassade des États-Unis, à côté de l'hôtel de Crillon ; j'y ai reconnu Jane Birkin qui montait et descendait d'une ancien Renault. Bien entendu, je connaissais la chanson « Je t'aime, moi non plus », mais je ne pourrais pas dire comment je reconnus la chanteuse lorsque je la vis en personne.

Je ne pourrais pas dire que j'ai suivi sa carrière de chanteuse et d'actrice mais, au fil des ans, sans que je m'en souvienne très bien, j'ai aimé certaines de ses chansons et j'ai vu avec plaisir certains de ses films. Lorsque je tombais sur un article de journal ou de magazine ou sur émission de télévision où elle paraissait, je m'y suis toujours intéressé, comme s'il s'agissait d'un membre de ma famille ou d'une de mes amies lointaines.

Lorsque je fis la connaissance d'Alexander, nous avons plusieurs fois parlé de Jane Birkin : Alexander l'aimait beaucoup ; possédait tous ses disques, tous ses enregistrement vidéo... Puisque nous parlions aussi très souvent, pratiquement tous les jours, de son ami Alexander le bulldog, il m'avait raconté que son chien avait, un jour à Hyde Park, joué avec Dora, le bulldog de Jane Birkin. Si les deux chiens ont fraternisé, Alexander, avec sa légendaire discrétion, ne m'a rien révélé de sa rencontre avec Jane Birkin.

Plusieurs mois plus tard, après un séjour à la campagne chez sa grand-mère pour les fêtes de Noël et du nouvel an, Alexander avait dû se rendre d'urgence à l'hôpital où nous avons cru le perdre, tellement son système immunitaire s'était effondré... Puis notre amie Jane (une autre Jane B.) m'annonça que Jane Birkin donnerait en février un concert au Barbican Center de Londres et que, si son état de santé le lui permettait, il voudrait certainement s'y rendre.

J'écrivis alors à Jane Birkin pour lui parler un peu d'Alexander. Le lendemain, je reçus de Jane Birkin un très gentil message d'encouragement et de prompt rétablissement, avec une invitation à venir la voir en coulisses après le spectacle. Elle avait alors donné le numéro de son téléphone portable afin qu'Alexander puisse la joindre et passer ainsi les obstacles pour se rendre dans sa loge.

Malheureusement, Alexander n'a pas été en mesure d'aller voir ce spectacle et n'a pas revu Jane Birkin.

Peut-être que, maintenant, plus rien ne s'oppose à une nouvelle rencontre dans une autre dimension.

Ajout du lendemain : Dans un extrait d'entretien, quelqu'un demande à Jane Birkin : « La vie ne vaut la peine d'être vécue sans amour ; Jane, qu'est-ce que cela vous inspire, vous qui vivez seule ? » Jane répond : « Je ne vis pas seule ; je vis avec mon bulldog. » J'aurai cela en commun avec Jane Birkin, tout comme Alexander qui vivait avec Alexander Bull et son siamois Harry.

mardi 5 avril 2022

Quarante ans !

Né le 5 avril 1982, Alexander aurait aujourd'hui quarante ans ! 

Il est difficile d'imaginer à quarante ans ce garçon qui, à vingt-cinq ans, en paraissait à peine seize. Bien qu'il se soit généralement senti plus à l'aise avec les personnes plus âgées, il ne pouvait, je crois, s'imaginer lui-même à cet âge.

Comme je le rappelle dans ce billet, « C'est notre histoire », il m'avait dit, dans les premiers mois de nos conversations : « Dans ma famille, on ne vit pas très vieux ; et je ne ferai pas exception. ». Sur le coup, je n'avais pas accordé trop d'importance à cet énoncé en me disant que, puisqu'il n'avait que vingt-cinq ans, nous aurions le temps d'en reparler. Mais les événements des mois qui suivirent m'amenèrent à penser que la deuxième partie de son affirmation pourrait hélas se confirmer.

Bien de l'eau a coulé sous les ponts depuis ce printemps d'avril 2008 où j'ai fait sa connaissance, mais je n'ai absolument rien oublié de ce que nous avons si intensément vécu et partagé. Encore aujourd'hui, je peux reconnaître en moi ce qui me vient de lui.

Sans tomber dans l'anthropomorphisme, je ne peux m'empêcher de penser parfois que même en mon fidèle compagnon de chaque instant, l'adorable bulldog anglais Rupert, survit, sans doute transmis à travers moi, quelque chose de l'esprit d'Alexander.

samedi 19 janvier 2019

Le sujet du jour

Puisque cela semble le sujet de toutes les conversations autour de moi aujourd'hui, et puisqu'il y a déjà très longtemps, il me semble, que je n'ai pas parlé de la météo dans ces pages, voici le temps qu'il fait à Montréal. Moins 24 degrés Celsius et, avec le facteur éolien, une température ressentie de moins 35. On prévoit que, dans certaines régions du Québec, les températures ressenties pourraient atteindre jusqu'à moins 40 et moins 50 degrés Celsius.



Si le concept de refroidissement éolien vous intéresse, vous pouvez en apprendre davantage sur cette page de Wikipédia.

Tel que je l'avais prévu, Rupert n'a pas protesté lorsque je lui ai proposé de rentrer après avoir fait ses besoins et une petite promenade dans le quartier afin de vérifier si ses amis étaient déjà passés par là ce matin. Le froid ne lui fait pas peur, mais il n'aime pas le vent ; et comme il y avait un vent mordant avec ce froid intense, il a jugé qu'il serait mieux à l'intérieur. En quelques secondes, j'ai eu le temps de sentir la morsure du froid sur le bout du nez...


Pour les prochains jours, Météomédia annonce jusqu'à mardi des températures presque aussi froides que celles d'aujourd'hui. Et, semble-t-il, nous aurons une tempête de neige dimanche.

Personnellement, cela ne me dérange pas trop ; je m'en fais surtout pour Rupert qui a besoin de jouer dehors, de dépenser ses surplus d'énergie, de voir ses amis. Les trois hivers précédents, il voulait toujours rester dehors, même lorsqu'il faisait très froid. En vieillissant, peut-être (il a maintenant trois ans, et c'est son quatrième hiver), soit qu'il devienne un peu plus frileux, soit qu'il comprenne mieux la nécessité de rentrer lorsque je le lui demande.

Pour lui faire plaisir, je suis tout de même allé lui acheter un peu de viande, que je ferai cuire et que j'ajouterai à ses croquettes lors de ses prochains repas.

lundi 13 novembre 2017

Ensemble...

... pour la paix, pour la joie ou pour le plaisir.
 

L'Assemblée, de Wang Shugang

(On peut agrandir les images en cliquant dessus)

 Wang Shugang est né à Beijing, Chine, en 1960

« Cette installation de huit sculptures disposées en cercle est révélée en 2007 au sommet du G8, à Heiligendamm, en Allemagne, parallèlement à la réunion des dirigeants des huit pays les plus industrialisés de la planète. Les rappelant à leurs responsabilités, l'œuvre de Shugang symbolise le travail collectif au service de la paix dans le monde. Shugang utilise pour toutes ses figures une couleur unique – sculptures aux couleurs all-over devenant en quelque sorte sa marque. Comme le rappelle l’artiste “la couleur rouge a des significations culturelles multiples en Chine, elle représente traditionnellement le bonheur mais elle symbolisait pendant la Révolution culturelle la terreur.” »


À l'invitation de Dr CaSo, j'ai proposé, pour sa série « photo de truc », de photographier quelque chose qui évoque la réunion, l'ensemble ; je me devais donc de trouver moi-même une photo qui rappelle ce thème. À vrai dire, je n'ai pas eu trop de mal car, il y a quelques jours encore, j'étais avec Rupert sur le campus de l'Université McGill, où ces sculptures me portent à réfléchir autant qu'elles amusent Rupert.


Chaque fois qu'il arrive sur le campus de l'Université McGill, Rupert sait exactement où il veut aller : il y a d'abord un petit parc clôturé où il peut courir après son jouet préféré et où il retrouve souvent un ami canin (« ami » n'est peut-être pas pas le mot exact pour désigner ce caniche qui ne fait que narguer Rupert avant de courir se cacher dans les bras de sa maîtresse ; disons plutôt : « compagnon de promenades », à l'occasion) ; puis il se rend à cet endroit, le long de la rue Sherbrooke, pour jouer au milieu de ses amis rouges ; ensuite, nous remontons l'avenue McTavish (rue piétonne qui traverse le campus du Nord au Sud, ou vice-versa) et nous allons attendre une amie qui travaille dans l'un des pavillons (Rupert s'assoit alors sur l'un des bancs de granit devant la porte et il attend la sortie de notre amie, et, tous les trois, nous revenons ensemble à la maison – l'amie habite la même rue que nous, quelques portes plus haut).

lundi 9 octobre 2017

Couleurs d'automne


Bien que, selon le calendrier, l'automne soit vraiment arrivé, à Montréal, on ne l'a pas vraiment senti encore. Les températures assez élevées ont fait en sorte que la végétation n'a pas vraiment perdu sa fraîcheur. Les arbres avaient, du moins jusqu'à aujourd'hui, conservé leurs feuilles ; mais ce lundi, la pluie a dû en secouer plusieurs, à qui les vents ont soufflé à l'oreille ce qui les attend.

18 novembre 2016

Si je vous parle de l'automne, ce n'est pas que je sois déjà dans cette ambiance : je n'ai pas eu le temps de m'y préparer et la météo ne m'a pas encore rappelé que je ferais bien de commencer à faire des provisions pour l'hiver, de rêver au coin du feu (si l'on a la chance d'en avoir un), ou bien de se plonger dans un bon livre sous le faisceau de l'abat-jour, la théière à portée de main...

 18 novembre 2016

Mais, sur son blogue, Dr CaSo a invité ses lecteurs et lectrices à participer à la « photo de truc » ; et le thème choisi est en rapport avec l'automne. Sans trop chercher, et puisque l'automne n'était pas encore au rendez-vous, j'ai vite choisi d'envoyer une photo de Rupert, prise au parc Jeanne-Mance, le jour de son premier anniversaire. J'ai déjà publié cette photo, l'automne dernier, mais il me semblait que, parmi les centaines de photos de Rupert que j'ai réussi à capter, elle illustre mieux l'automne, d'autant plus que Rupert est né un 20 octobre (il aura deux ans bientôt).

20 octobre 2016

J'aurai probablement l'occasion de vous reparler bientôt de Rupert et, si j'ai le temps de rêver un peu, j'aimerais aussi évoquer l'automne, qui restera toujours, je crois, ma saison préférée.

samedi 26 août 2017

Journée du chien

Même si c'est, pratiquement, chaque jour sa fête, Rupert ne comprendrait pas que je ne souligne pas, en ce 26 août, cette journée du chien.
Je n'ai pas besoin de redire quelle place Rupert tient dans mon cœur, dans mon espace, dans ma vie. Il est pour moi un merveilleux compagnon, mais il est aussi l'ami de presque tout le monde dans notre rue, dans le quartier, jusque sur le campus de l'université McGill.
Je dis « presque tout le monde », car, où que l'on aille, il y a toujours un certain nombre d'imbéciles qui, dès qu'ils voient un chien, d'aussi loin qu'ils peuvent, traversent la rue ou marchent dans la rue jusqu'à ce que le chien soit dépassé et reviennent ensuite sur le trottoir.
Mais il y a des mères, des parents intelligents et soucieux de bien éduquer leurs enfants, qui font des détours avec leur bébé, leurs enfants, pour venir voir Rupert et permettre aux tout-petits d'approcher un chien qui est, parfois ou la plupart du temps, plus gros qu'eux et cependant tout doux et tendre avec eux. C'est tout au moins le cas de Rupert : il ne reste jamais indifférent lorsqu'il entend ou voit venir un bébé ou un enfant.
Aujourd'hui, sur le campus de l'université McGill, il a joué abondamment avec une famille composée des parents et de plusieurs enfants venus de Chicago pour accompagner l'une des adolescentes qui commence sa première année d'études universitaires à McGill. Ils avaient avec eux leur Golden retriever de dix ans qui explorait le campus à sa façon. Étonnamment pour une famille de Chicago, à l'exception du père moins à l'aise, ils parlaient tous un excellent français.

Dans un registre moins heureux, la Ville de Montréal, à la façon du maire Denis Coderre qui a souvent l'air, l'attitude, le discours et le comportement d'un chien enragé, s'apprête à faire euthanasier ou à « expatrier » plus de cinq cents (500 !!!) chiens que l'on prétend de la race des pittbulls parce que leurs propriétaires, pour une raison ou pour une autre que la Ville refuse même de préciser à chacun des propriétaires de ces chiens, n'ont pas réussi à obtenir le permis spécial requis par la municipalité pour garder ce type de chien. N'ayons pas peur des mots : en ce qui concerne les chiens, notre maire et son administration sont carrément racistes !

lundi 26 juin 2017

Campus McGill

À l'occasion du 375e anniversaire de Montréal, le Musée des beaux-arts de Montréal a organisé, avec l'université McGill, une exposition de sculptures sur le campus de l'université, le long de la rue Sherbrooke.

Quand il a découvert cette série de personnages, Rupert a été fasciné et s'est très longuement amusé à aller voir chacun d'eux, à en faire le tour, à courir de l'un à l'autre, à les regarder dans les yeux, comme s'il s'agissait de vraies personnes (ce sont sans doute des moines, tibétains ou autres - je n'ai pas trouvé de plaque indiquant le nom de l'artiste, le titre de l'oeuvre, ...)

samedi 24 décembre 2016

Joyeux Noël 2016


Au réveil, ce matin, Rupert était content : la neige tombait dru et le sol en était déjà tout recouvert. Nous aurions donc un Noël tout blanc.

Lorsque Rupert est heureux, je le suis davantage. Et si jamais nous n'étions pas dehors ou à la fenêtre lorsque passerait le Père Noël avec son traîneau et son attelage, nous aurions au moins le plaisir de suivre les traces de rennes dans la neige.

Et puis, si le Père Noël ne passait pas, comme il a tendance à oublier cette adresse depuis plusieurs années, il resterait tout de même des heures de bonheur à jouer dans la neige fraîche. Quand Rupert est dehors, la neige au sol ne reste pas fraîche très longtemps car il en explore le moindre centimètre carré. Lorsque le ciel est généreux et que la neige continue de tomber, il a toujours, à chaque sortie, la joie de découvrir son terrain de jeu aussi frais, propre et moelleux, bref : invitant.

Mais ce bonheur en perspective, ce matin, n'a pas duré longtemps : les gros flocons mouillés ont commencé à ressembler de plus en plus à de la pluie, et le tapis blanc à se transformer en une pâte grisâtre et liquide.


J'avais acheté quelques accessoires de Noël : un bonnet rouge avec fourrure (fausse) blanche et pompon blanc, comme celui du Père Noël, des rubans rouges, des rubans verts, et même de très jolis rubans à carreaux écossais dans les tons de vert avec de minces filets rouge et jaune. Puis, ce panache de renne avec de petites ampoules lumineuses au cas où Rupert préférerait jouer dans l'attelage plutôt que dans le traîneau... 

Mais au moment de prendre les photos que j'avais l'intention de transformer en cartes de vœux, Rupert n'avait pas très envie de jouer le jeu. Je ne crois pas que ce soit pour des raisons idéologiques ou religieuses. Je ne pense pas qu'il eût été plus à l'aise de jouer dans la crèche : le transformer en âne pour réchauffer le petit Jésus aurait pourtant créé un effet bœuf ! Il y a quelques années, le chien d'un ami avait joué un chien de berger dans une crèche vivante, durant la messe de minuit dans une église du nord de l'Irlande (cet ami raconterait mieux que moi cette touchante histoire de Noël). 

Rupert et moi passerons seuls cette veille de Noël. Nous avons reçu quelques invitations, mais c'est déjà assez compliqué de se rendre seul chez les uns et chez les autres ; ce l'est davantage avec un chien, si adorable soit-il, lorsqu'on n'a pas de voiture et que l'on doit dépendre des autres pour se déplacer. Il est finalement toujours plus simple de rester chez soi.

Où que vous soyez, seul, en amoureux, en famille ou avec des amis, je vous souhaite un très joyeux Noël et un temps des fêtes plein de joie et de bonheur.

mercredi 30 novembre 2016

Chien à vendre ?

L'été a été assez difficile pour Rupert et pour moi, en raison surtout des longues périodes de grande chaleur aggravée par un fort taux d'humidité. Montréal est une île : le fleuve et les rivières qui l'entourent ne bénéficient pas de l'air marin qui fait le bonheur des amateurs de bords de mer.

Ni Rupert ni moi ne supportons bien la chaleur, et cet été a été particulièrement chaud. J'ai appris, au fil des ans, à limiter les occasions de m'exposer à la chaleur extérieure, sur les trottoirs chauffés à bloc sous un soleil brûlant. Mais, pour Rupert, c'était son premier été : il voulait être dehors car c'était l'occasion de voir beaucoup d'activité, de rencontrer beaucoup de piétons dont plusieurs s'arrêtaient pour le caresser, de faire la connaissance de nombreux chiens ou de retrouver ses amis. Mais après quelques minutes, il avait du mal à respirer, à se rafraîchir. J'avais beau lui sortir une bouteille d'eau glacée et son bol, cela ne suffisait pas. Il finissait par accepter de rentrer à l'appartement climatisé, où je devais tout de même lui donner des glaçons à croquer... Et, après quelques minutes, quand il commençait à se sentir mieux, il voulait ressortir pour ne rien manquer du spectacle de la rue, pour sentir les fleurs des jardins voisins, pour se vautrer dans l'herbe...

Durant plusieurs jours, j'essayais d'éviter d'aller au petit parc qui a été son premier terrain de jeu, l'endroit où il a rencontré ses premiers amis. Il s'y amusait bien, seul ou avec d'autres. Mais, au moment où je voulais rentrer car j'en avais assez de cuire sous le soleil brûlant, un autre chien arrivait et il n'était pas question que Rupert le laisse seul (l'accompagnateur du chien ne compte pas beaucoup dans ces rencontres canines ; il est plutôt un censeur, un empêcheur de s'amuser en toute liberté)... Et quand, enfin, il n'y avait pas d'autre chien en vue, que j'essayais de ramener Rupert à la maison, il refusait, il me mordillait les talons... Je devinais bien qu'il voulait me signifier sa volonté de rester là, de continuer à jouer, mais je n'aimais pas qu'il me saute sur les jambes ou sur les pieds. J'essayais de lui faire comprendre qu'il ne devait pas faire cela, mais il n'y avait rien à faire. Si j'essayais de l'en empêcher, il insistait, comme s'il croyait que c'était un jeu. Constatant que les paroles et la douceur ne fonctionnaient pas, je devais l'éloigner physiquement de moi, et ce qui devait être une agréable sortie au parc finissait pratiquement toujours par une épreuve de force. J'étais déçu à chaque fois, et lui de même. J'étais mécontent de lui, mécontent de moi. Nous rentrions à la maison en silence. Il allait dormir et, moi, ronger mon frein en attendant de pouvoir me concentrer sur autre chose. Mais, le temps de me calmer, il était déjà prêt à ressortir...

Je sais bien qu'il doit savoir et accepter qu'il n'est pas le maître. Et si je ne l'avais pas su, je l'aurais vite appris, car chacun pense savoir comment éduquer... le chien des autres. Mais je n'aime pas non plus l'idée des rapports d'autorité et d'obéissance. Je suis conscient de n'avoir pas la patience qu'avait Alexander, mais je voulais développer avec Rupert une relation heureuse, harmonieuse, plutôt que basée sur le refus, la privation... Je me rendais compte que Rupert était en pleine adolescence et qu'il me faudrait, en attendant d'avoir recours à un expert en éducation canine, faire preuve de beaucoup de patience... Je dois dire aussi que, passant tout mon temps au service de Monsieur, j'étais de plus en plus frustré de ne pas pouvoir lire ni écrire, d'autant plus qu'à cause de lui, je restais beaucoup plus chez moi qu'auparavant...

Pendant tout ce temps, les admirateurs et admiratrices de Rupert le trouvaient merveilleux - et j'étais tout à fait d'accord avec eux (je n'étais pas obligé de toujours leur confier nos petits problèmes de couple). À plusieurs reprises, des personnes du quartier m'ont fait comprendre que si je voulais un jour me défaire de Rupert, elles seraient très intéressées à l'« adopter ». Puis, un soir, un automobiliste s'est arrêté au milieu de la rue pour contempler Rupert et me poser de nombreuses questions à son sujet ; puis il m'a fait une offre monétaire, très précise, en me laissant sa carte de visite. Je l'ai remercié de son appréciation, mais je lui ai fait comprendre que Rupert n'était pas à vendre... Cet automobiliste, qui habitait la banlieue, passait devant chez moi au moins deux fois par semaine : à chaque fois, il me renouvelait son offre.

Pour être tout à fait honnête, je dois dire que, durant cette période, je me suis demandé si je n'avais pas fait une erreur en adoptant un jeune chien, si je n'avais pas négligé de réfléchir à certaines conséquences, certaines obligations... Je me disais que je n'avais pas de voiture pour conduire Rupert à un cours d'éducation canine, par exemple, ou lui faire faire des promenades, lui faire découvrir de nouveaux lieux, le faire participer à de nouvelles activités... Bref, je me demandais parfois s'il ne serait pas plus heureux ailleurs, dans une famille, par exemple, où il pourrait y avoir d'autres chiens, ou non. Je sais que la séparation aurait été très difficile pour lui et insupportable pour moi ; je m'en serais voulu jusqu'à ma mort... et peut-être au-delà.

Puis, à la fin de l'été, quand les températures ont commencé à devenir plus « civilisées », on dirait que tout est devenu plus facile entre nous, les relations plus harmonieuses, les occasions d'impatience de ma part, plus rares... Rupert a continué de mûrir, et moi à mieux décoder ses envies, ses besoins, à mieux le comprendre... Tout n'est pas parfait : j'ai moi-même à régler un certain nombre de problèmes plutôt agaçants dans ma vie personnelle (il se pourrait, par exemple, que je doive déménager), et le fait de ne pas avoir de voiture limite les occasions de sortir du quartier avec Rupert (cette année encore, je n'irai pas dans ma famille à Noël, pour ne pas laisser Rupert seul trop longtemps, et parce que ce serait vraiment trop compliqué de l'emmener avec moi ; entre eux et Rupert, je choisis Rupert sans hésiter. Ma famille, désormais, c'est d'abord Rupert). Mais Rupert et moi nous comprenons de mieux en mieux. Il sait maintenant, par exemple, qu'après lui avoir donné à manger, je dois prendre le temps de me préparer quelque chose et de le manger ; même s'il aurait très envie d'aller jouer au parc, il sait qu'il doit attendre un peu et il s'occupe. Le matin, et souvent aussi après la sieste de l'après-midi, il adore que je vienne m'asseoir près de lui, que je lui fasse des massages en douceur : nous apprécions tous les deux, parmi d'autres, ces moments de complicité.

À la question posée en titre « Chien à vendre ? », quelqu'un pourrait répondre : « Oui, il y a sûrement, quelque part, un ou des chiens à vendre », mais certainement pas Rupert. D'abord Rupert ne m'appartient pas, il n'est pas « ma propriété », « mon bien » ; il est un être qui partage ma vie ; je l'ai adopté, on me l'a confié. J'en suis responsable et heureux.

mercredi 23 novembre 2016

Rupert pompier ?

Quelqu'un me demandait récemment quelle serait la « profession » de Rupert ou, si l'on préfère, quelle serait sa spécialité. Je ne savais trop quoi répondre, sauf que les bulldogs, en général, en plus d'être de merveilleux compagnons, aussi bien à l'intérieur qu'à l'extérieur, sont d'excellents chiens de famille et peuvent très bien veiller sur des enfants, et même sur des bébés.

Ce qui me semble certain, c'est qu'il ne sera pas pompier. Jane me disait que, lors de l'incendie de sa maison, peu avant Noël, quelques mois après le départ d'Alexander, Alexander Bull s'était enfui, ayant eu peur du feu et de toute l'agitation causée par l'incendie ; il avait disparu toute la journée... (ce qu'il y avait de rassurant, dans ce cas, c'est que le domaine était immense et que le plus proche voisin était loin : tôt où tard, Alexander Bull reviendrait, se rapprocherait tout au moins des écuries où il comptait de nombreux amis).


Il y avait ce matin, près de chez moi, un incendie important. J'aurais pu prendre moi-même des fenêtres de mon salon ces photos du journal La Presse, mais je ne voulais pas ouvrir les fenêtres tellement la fumée était dense.


 Photos : Patrick Sanfaçon, La Presse

Je n'ai pas voulu aller voir de plus près, sachant que toute cette agitation rendrait Rupert nerveux et, surtout, je ne voulais pas qu'il respire cette fumée. Mais, quelques heures plus tard, Rupert voulait sortir ; je lui ai proposé d'aller au coin de la rue où un grand nombre de curieux, journalistes, pompiers, policiers, etc., jouaient leur rôle respectif.

Rupert a bien consenti à me suivre, mais il était quelque peu craintif... Aussitôt que nous sommes arrivés au coin de la rue, où tout ce monde s'agitait, j'ai vu un policier se diriger vers nous. J'ai d'abord cru qu'il venait me dire que je ne devais pas rester là avec mon chien puis, voyant son expression, j'ai deviné ce qu'il voulait. Il a demandé la permission de prendre quelques photos de Rupert. Celui-ci s'y prêtre parfois de bonne grâce, mais il n'est pas vraiment cabotin : il ne prend pas la pose. Que le photographe se débrouille comme il peut ! Avant qu'il soit aperçu par les nombreuses caméras de télévision, Rupert a insisté pour revenir vers la maison.

Les incendies qui ne le menacent pas directement semblent le laisser froid. Et ces rassemblements de personnes ne l'intéressent pas davantage. Il a préféré retrouver des carrés de neige encore blanche où il pourrait jouer. 

P. S. : Après avoir rédigé et publié ce billet, je me suis souvenu d'un autre billet que j'avais rédigé au sujet d'un incendie dans mon immeuble, en août 2007, intitulé Tout feu tout flamme. Rupert n'était même pas encore un rêve, et Alexander Bull avait pourtant deux ans déjà.

lundi 21 novembre 2016

Première neige...

Hier soir, en sortant Rupert avant qu'il n'aille s'installer pour la nuit, j'ai constaté que la première neige annoncée cet automne tombait sur Montréal. J'ai immédiatement fait un voeu (qui n'a pas vraiment de lien avec la neige elle-même). Rupert a eu l'air un peu surpris, mais il préfère la neige à la pluie : alors qu'il n'a pas envie de sortir sous la pluie, il n'a pas hésité en voyant tomber la neige. Sa première réaction a été d'essayer d'en attraper les flocons...

Ce matin, tout était blanc. J'ai essayé de prendre quelques photos, mais Rupert était trop excité, il n'arrêtait pas de sauter et de courir sur ce nouveau tapis blanc ; je ne sais pas s'il se souvenait de l'hiver dernier... L'appareil n'était pas assez rapide pour capter sa joie. Voici tout de même les deux seules photos qui sont un peu claires, lors de brefs moments de calme :



Quand il est arrivé, il y aura bientôt un an, il découvrait vraiment sa première neige. Je ne dirais pas qu'il en était très excité, mais sa curiosité était visible et amusante.


Rupert est arrivé chez moi le 11 décembre, et je vous l'avais présenté ici, le 18 décembre 2015.

jeudi 20 octobre 2016

Joyeux anniversaire, Rupert

On peut agrandir l'image en cliquant dessus

Rupert a un an aujourd'hui. Après son petit déjeuner, il a voulu aller au parc, où j'ai pris cette photo, avant l'arrivée de la pluie.

J'attends la livraison de son premier sac de nourriture pour bulldog « adulte ». Et il y aura pour lui un petit cadeau d'anniversaire.

Cet après-midi, je lui préparerai un gâteau aux pommes de terres, pommes et fromage ; j'ajouterai quelques autres ingrédients qu'il devrait avoir plaisir à découvrir.

Je crois qu'Alexander serait heureux de voir que Rupert est une vedette dans le quartier et auprès de plusieurs dizaines de personnes qui fréquentent, à titre d'employés ou d'étudiants, l'université McGill.



vendredi 20 mai 2016

C'est du sport !

Je pensais hier à ce que m'écrivait Jane, il y a un peu plus de cinq ans, au sujet de l'inquiétude qu'entretenait Alexander de ne pas me plaire lorsque nous pourrions enfin nous rencontrer. Jane essayait bien entendu de le rassurer en lui répétant que c'est lui que j'aimais (et que j'aime toujours), que je n'étais pas spécialement attiré par les sportifs musclés (Alexander avait plutôt l'air d'un adolescent androgyne), mais que, dès que je pourrais le voir jouer au polo, je serais définitivement séduit. Elle précisait à mon intention que le polo est un sport d'équipe, rude, qui exige de la force, de l'endurance, de l'habileté, de la souplesse, etc., et qu'il fallait voir à quel point Alexander était magnifique en selle, établissant une excellente complicité avec son cheval qu'il contrôlait de ses genoux en ne perdant pas de vue la petite boule blanche... Alexander n'avait pas eu besoin de m'en parler longtemps pour me dire à quel point il était fier et heureux de pouvoir jouer à dos de cheval et d'aider son équipe à compter des points. Au retour d'une partie que son équipe avait remportée, alors que je l'en félicitais, Alexander m'avait répondu qu'après une partie, ce sont les chevaux qui méritent tous les éloges, et je sais qu'il était sincère...


Aux gens qui s'arrêtent pour regarder et caresser Rupert, je mentionne parfois, et ce n'est presque pas de l'humour, que le sport préféré de Rupert, c'est de dormir ou, quand il est à l'extérieur, de s'assoir et de regarder passer les gens (avec le secret espoir que certains viendront lui faire un câlin ou, mieux encore, jouer avec lui). Ces derniers jours, j'ai toutefois décidé qu'il était temps qu'il bouge davantage et, pour le motiver un peu, je l'ai fait sortir de sa « zone de confort », c'est-à-dire : le segment de rue qu'il connaît si bien depuis son arrivée et que, pourtant, il inspecte minutieusement à chaque sortie, sentant pratiquement chaque brin d'herbe, saluant personnellement chacune des fourmis qu'il rencontre... Dès qu'il a dépassé la limite du territoire qu'il connaît si bien, il commence à marcher sérieusement, la tête bien droite, le nez vers l'avant, bien concentré sur le trottoir ou sur le terrain devant lui. Il marche alors à mes côtés (il change parfois de côté plutôt que de rester à ma gauche ou à ma droite, mais je lui apprendrai plus tard à marcher au pied ; pour l'instant, je suis déjà heureux qu'il marche bien). Hier, je l'ai amené deux fois au grand parc près de chez moi ; une première fois le matin et, plus tard, au milieu de l'après-midi. Et puisque nous étions en chemin, j'ai décidé que nous passerions à la clinique vétérinaire prendre des objets que nous y avions laissés lors de son opération.

En route, nous avons croisé plusieurs chiens que Rupert voulait saluer, dont un magnifique dogue de Bordeaux (de la famille des molosses aussi), appelé Cousteau (je n'ai pas demandé pourquoi), qui accompagnait un charmant jeune couple séduit aussi par la beauté de Rupert, et un sympathique bouledogue français nommé Achille en compagnie d'une charmante jeune fille française, Marie-Charlotte, avec qui j'ai eu une longue conversation pendant qu'Achille et Rupert faisaient connaissance. Alexander aurait été curieux de faire connaissance avec cet Achille, lui qui aimait tant l'autre Achille et son compagnon Patrocle...  À la clinique, plusieurs membres du personnel sont venus saluer Rupert (il en est toujours heureux) ; l'une des secrétaires me disait que la clinique reçoit toujours de nombreux commentaires positifs au sujet de la photo de Rupert sur leur page Facebook... Au retour, nous (Rupert et moi) avons longuement parlé avec deux jeunes anglophones magnifiques : Samantha et Derrick, qui, en jouant abondamment avec lui (Rupert se roulait littéralement sur le sol sous leurs caresses : je l'avais rarement vu si heureux), ne tarissaient pas d'éloges au sujet de Rupert. Ils ont réussi à me faire verser des larmes en leur disant pourquoi j'avais un bulldog et pourquoi il s'appelait Rupert...

Il y a presque six ans, j'avais écrit un article intitulé Dépendance affective, exprimant mon amour des bulldogs et ma joie d'en rencontrer quelques-uns dans le quartier : Owen, Buster, Olive... Il y a quelques jours, j'ai croisé Owen pour la première fois depuis longtemps ; il n'est plus l'adolescent que j'ai connu, mais un adulte sérieux. Et hier après-midi, j'ai reconnu Olive qui faisait sa promenade au parc ; elle a maintenant... six ans de plus. Son maître ne voulait pas laisser Rupert s'approcher, disant qu'Olive n'était pas très gentille avec les autres bulldogs. Pourtant Rupert s'est approché, l'a sentie, et il n'y a pas eu d'histoire. Et le compagnon d'Olive ne cessait de me dire à quel point Rupert était magnifique... Nous avons évoqué la Dora de Jane Birkin qui, selon ce qu'elle m'avait écrit il y a sept ans, avait mordu le mollet d'une jeune fille dans la rue... la coquine. J'espère bien que Rupert ne me causera jamais d'ennui de ce genre.


Rupert a sept mois aujourd'hui...


mardi 10 mai 2016

Émotions !


Il y a près de deux semaines (le 28 avril, précisément), Rupert avait rendez-vous, tôt le matin, à sa clinique vétérinaire, pour y subir une chirurgie que je n'ai pas voulu nommer devant lui. Comme il devait y passer la journée, j'avais apporté de la nourriture pour deux repas, au cas où il aurait envie de manger après l'anesthésie et la chirurgie. Pour éviter qu'il soit trop dépaysé au réveil, j'avais aussi pris l'une de ses couvertures et le t-shirt avec lequel j'avais dormi la nuit précédente.

Pour être sûr d'arriver à temps à son rendez-vous, j'avais appelé un taxi, en précisant que j'étais accompagné d'un jeune chien qui n'était pas petit mais pas gros non plus. Avant même que nous ayons le temps de nous installer, le chauffeur a commencé à être désagréable, en disant par exemple : « Il n'a pas l'air de prendre souvent des taxis, votre chien. » Je lui ai répondu qu'en effet, il ne prenait pas un taxi chaque matin pour aller au bureau, que ce n'était pas la première fois, mais que ce matin-là, il se sentait un peu bousculé et montrait un peu de résistance à monter dans une voiture... Le chauffeur a continué en disant que, normalement, les gens qui ont des chiens ont un petit tapis pour y asseoir l'animal sur la banquette, alors que j'avais Rupert sur mes genoux... Et il continuait ainsi... Il m'arrive rarement de m'impatienter avec des gens qui me servent, mais ce chauffeur commençait drôlement à m'énerver avec ses leçons et ses commentaires. Je lui ai dit que, malgré son jeune âge, Rupert était monté déjà à quelques reprises dans une voiture et que nous n'avions jamais eu affaire à un chauffeur aussi hautain et désagréable, que j'avais précisé que j'aurais un chien avec moi et que s'il n'avait pas envie d'avoir un chien dans sa voiture, il n'avait qu'à laisser quelqu'un d'autre répondre à l'appel. J'ai ajouté que je n'avais jamais eu affaire à un chauffeur aussi grincheux et que la prochaine fois j'appellerais une autre compagnie...

À la clinique, nous avons été accueillis par une jeune technicienne très sympathique qui nous a ouvert la porte (la clinique n'ouvrait qu'une heure plus tard, mais pour la chirurgie, nous avions rendez-vous plus tôt). Elle a pesé Rupert : 19, 6 kilos. Elle m'a fait remplir un petit questionnaire pré-chirurgie, je lui ai laissé Rupert, qui n'a pas fait d'histoire... Elle m'a dit qu'on m'appellerait en après-midi, quand Rupert serait assez bien réveillé pour pouvoir marcher. Je suis rentré chez moi où, voulant profiter de l'absence de Rupert, je m'étais préparé un programme assez chargé pour la journée.

Arrivé à la maison, j'ai trouvé l'appartement si vide, sans âme ! J'avais l'impression d'être abandonné par quelqu'un que j'aimais... J'ai préparé mon petit déjeuner et, avant même que je l'aie terminé, la clinique m'appelait pour me demander, pendant qu'il était encore endormi, la permission d'enlever à Rupert deux dents de lait qui n'étaient pas encore tombées ; permission accordée. Puis, peu de temps après, autre appel de la vétérinaire : en déplaçant Rupert, elle avait entendu un craquement aux hanches ; elle suggérait de faire des radiographies et, donnant encore une fois mon autorisation, même si à chaque appel je sentais s'allonger le montant de la facture... Elle m'a donné rendez-vous au début de l'après-midi pour regarder avec elle les radiographies. Il n'était donc plus question que j'entreprenne quoi que ce soit chez moi, que je n'aurais pas eu le temps de terminer.

En me montrant les radiographies, elle m'expliquait les problèmes d'articulations constatés chez Rupert, qu'il faudrait prévenir l'éleveur de ce défaut congénital, et annonçait la nécessité de procéder assez rapidement à une intervention délicate, au cours de laquelle il faudrait casser des os de Rupert et les ressouder, opération qui ne pouvait être faite que par un chirurgien spécialisé, et dont le coût représentait une importante partie de mon revenu annuel. Je lui ai dit que je n'avais pas cet argent et que, si cette opération devait se faire, je devrais me séparer de Rupert... Elle m'a alors proposé de se renseigner sur les alternatives, sur les modalités de paiement, etc., et qu'elle me rappellerait.

Rupert n'était pas encore très bien réveillé, mais j'ai pu le voir. Je me suis approché de la cage où il dormait sur mon t-shirt, sa couverture près de lui ; en me sentant arriver, il s'est approché et, entre les barreaux, nous avons pu nous faire un baiser... J'étais encore à la réception de la clinique lorsque sa vétérinaire m'a téléphoné pour me transmettre la bonne nouvelle : le chirurgien spécialisé lui a dit que l'opération n'était pas nécessaire, que les radiographies montraient une conformation tout à fait normale chez un bulldog... Ouf ! Mais la vétérinaire et le chirurgien suggéraient de donner dès maintenant à Rupert des suppléments alimentaires (vendus à la clinique au prix du caviar) pour maintenir en bonne santé ses articulations.

Je suis parti pour rentrer chez moi en disant que je reviendrais chercher Rupert à la fin de la journée, car je voulais réaménager son petit parc pour lui faciliter les déplacements après la chirurgie (il devait éviter durant quelques semaines de grimper, de sauter, de trop courir) car, depuis plusieurs semaines, il dort sur le canapé ; en rendant son parc plus accueillant, je pensais qu'il serait heureux de s'y installer. Mais en sortant de la clinique, j'étais épuisé, lessivé ; je cherchais à éviter tout ce qui ressemblait à un drain, une bouche d'égout, car je sentais qu'en passant trop près, je m'y serais coulé pour y disparaître à jamais... Je suis entré dans une rôtisserie pour y manger un sandwich (et rapporter à la maison un poulet déjà bien rôti). Et, avant d'arriver à la maison, je me suis arrêté dans une pâtisserie sympathique pour y prendre un dessert et un café ; sans cela, je ne sais dans quel état je serais rentré chez moi.

Je me suis empressé de réaménager le parc de Rupert et, voyant l'heure passer et ne me sentant pas très fort pour retourner à la clinique y prendre Rupert, j'ai téléphoné en leur demandant de le garder pour la nuit. On me l'avait offert, tout en ajoutant qu'il est préférable que le chien rentre chez lui le jour même, lui évitant un surplus de stress inutile. J'étais bien conscient de ce stress, mais j'en ressentais moi-même une bonne dose, et je craignais de ne pas savoir quoi faire si Rupert se plaignait durant la nuit ; de toute façon, je me sentais si démuni que je n'aurais pas vraiment été d'un grand soutien pour Rupert.

J'ai passé la soirée à travailler sur quelques documents en cours puis, un peu plus tard que d'habitude, je suis allé me coucher, le cœur gros, les yeux au bord des larmes. Rupert me manquait ! Et je me sentais un peu coupable d'avoir laissé porter atteinte à son intégrité. Je me demandais s'il ne me le reprocherait pas dans les jours, les semaines à venir...

Depuis, je veille à ce qu'il n'ouvre pas la cicatrice... J'ai parfois l'impression, lorsqu'il me regarde droit dans les yeux avec un petit air triste qu'il me demande ce qu'il lui est arrivé... Il est de plus en plus affectueux, reste plus souvent près de moi, comme sur la photo ci-dessus où il regarde ce qui se passe sur l'écran de mon ordinateur, et il dort plus souvent à mes pieds lorsque je travaille, comme s'il ne voulait plus me quitter.

samedi 30 avril 2016

« Bien nourri »


Rupert ne cesse de grandir. En quelques semaines, son poids a pratiquement doublé ; en une semaine, il a pris un kilo... Mais, pas plus que moi à son sujet, il n'aime entendre certaines personnes dire qu'il a « grossi », ajoutant parfois avec un sourire en coin : « Il est bien nourri ! ». Il a un très bon caractère et se fiche pas mal de ce que l'on pense de lui ; pour lui, les gens se divisent en deux catégories : ceux qui sont gentils et veulent jouer avec lui et lui faire des câlins, et ceux qui ne sont pas gentils ou qui l'ignorent. Il pourrait y avoir une troisième catégorie, si nécessaire : celle des agresseurs ; ceux-là ont intérêt à se tenir loin car, sous sa peau de gentil toutou qui aime tout le monde et tous les animaux, sommeille un chien de combat redoutable.

D'abord, il ne « grossit » pas : il grandit ; il commence son adolescence et il poursuit sa croissance normale. Et ce n'est pas un chihuahua, c'est un bulldog ! Il appartient à la race « molosse », qui remonte à l'Antiquité et qui fournit à Alexandre le Grand son célèbre Péritas.

Alexander allait très souvent admirer
ce « Péritas » du British Museum

S'il était trop « gros », sa vétérinaire me l'aurait dit. Il suffit de le toucher pour constater que sous sa peau plissée, ce sont des muscles fermes, sans gras superflu. On ne voit pas ses côtes, mais si on le touche, on peut les sentir, signe que son poids est le bon. De nos jours, le terme « gros » est péjoratif ; si vous voulez faire plaisir à quelqu'un que vous aimez, de grâce, évitez de lui dire qu'il ou qu'elle a grossi. Rupert n'est pas gros : sa morphologie est forte ; il est court, massif, solide.

Quant à être « bien nourri », si l'on entend par là que je lui donne beaucoup à manger, n'importe quoi, n'importe quand, on se trompe carrément, comme la plupart des gens qui disent n'importe quoi, ne répétant que les formules toutes faites, incapables d'émettre une idée qui découle d'une réflexion personnelle.

Rupert ne mange chaque jour, selon un horaire régulier, que ses trois repas, trois tasses de croquettes par jour à son âge (je pourrais lui donner la même quantité de nourriture en deux repas seulement, mais comme il a eu déjà de petits problèmes gastriques, j'ai préféré lui faire prendre, pour un certain temps, trois repas au lieu de deux).

Il est « bien nourri », en effet : sa nourriture est la meilleure que l'on puisse trouver : des croquettes « royales » spécialement préparées pour chiots bulldogs, afin de favoriser le bon développement de son cerveau, de ses os, de ses muscles, de ses articulations, de sa peau... En lui donnant dès son enfance une nourriture de la plus grande qualité, adaptée à sa race, à son âge, à sa morphologie, je jette les bases d'une bonne santé. Quand il aura atteint sa maturité, je lui donnerai la même qualité, la même marque de nourriture, mais pour bulldogs adultes, et les portions seront ajustées à son âge.

Entre les repas, il ne reçoit que deux ou trois croquettes, « gâteries » visant à récompenser une bonne action. Et l'os qu'il ronge est très peu calorique : il sert surtout à l'entretien de sa dentition.

Il est hors de question que je lui donne de la nourriture pour les humains. Ces dernières semaines, il a essayé à quelques reprises de « voir » ce que j'avais dans mon assiette, mais il a vite compris que ce n'était pas pour lui, ou plutôt : qu'il n'était pas question qu'il mange à table ou ce que nous mangeons. Il ne revient plus à table.

Notre ami Alistair cuisinait chaque jour pour son bulldog des repas plein de bonnes choses et d'amour. Plus tard, je préparerai peut-être à l'occasion des petits plats pour faire plaisir à Rupert, mais je ne crois pas que cela deviendra une habitude quotidienne, et je ne suis pas convaincu que ce soit mieux pour le chien. À moins que ce ne soit pour contrôler totalement ce qu'absorbe l'animal, comme font certains puristes, dont je ne suis pas, qui veulent composer l'alimentation de leur animal, aliment par aliment. Je veux donner le meilleur possible à mon chien, mais je n'en ferai pas une religion.

Si vous le croisez, ne lui dites pas qu'il a « grossi » : ni lui ni moi ne le prendrons comme un compliment ; si vous y tenez, vous pouvez, bien entendu, dire qu'il a grandi et, comme disent plusieurs de ses admirateurs et admiratrices, qu'il est de plus en plus beau. C'est aussi ce que je constate.