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jeudi 3 septembre 2015

Rituel

Dans mon quotidien, il y a deux moments qui me sont particulièrement agréables et précieux, pour ne pas dire indispensables. Ces moments sont étroitement associés à un lieu précis de l'espace où je vis : un coin de ma chambre où j'ai installé un bureau, près de la fenêtre ouverte sur le centre-ville de Montréal. Je suis dans cet appartement depuis... de nombreuses années, et ce bureau est là depuis mon arrivée ; mais j'ai décidé, ces derniers mois, de l'aménager un peu mieux. J'ai refait la peinture dans toute la pièce, j'ai acheté du tissu pour faire de nouveaux rideaux (pas encore confectionnés), j'ai fabriqué une nouvelle tête de lit, acheté de nouveaux luminaires, décapé et verni des meubles récupérés, repeint des bibliothèques... Il me reste encore du travail à faire, notamment l'assemblage d'une étagère au-dessus du bureau pour rassembler des livres et des objets que j'aime, plus particulièrement identifiés à ma vie intime, à mes rêves, à mes espoirs...



C'est un lieu où j'ai besoin de passer du temps chaque jour, sinon j'ai le sentiment qu'il me manque quelque chose, comme si ce jour-là je n'avais pas eu le temps de prendre mon petit déjeuner, de lire, de rêver... Et c'est précisément au début de ma journée que s'impose ce rituel, avec le thé noir, élément essentiel de mon petit déjeuner, la lecture qui l'accompagne, parfois en musique mais pas toujours, la prise de notes et l'écriture qui suivent...

L'essentiel de mon travail, des activités que l'on exerce normalement à un bureau, je les pratique dans une autre pièce de l'appartement, à ce que j'appelle vraiment ma « table de travail » et qui regroupe tout ce qu'il me faut pour être efficace et productif : ordinateurs, imprimantes, numériseur, téléphone, ouvrages de référence, etc.

Et il y a un autre moment de la journée aussi agréable que celui du petit déjeuner, celui du thé de l'après-midi, qui me permet de retrouver ce coin de ma chambre où je prends mes distances du rythme effréné de la vie quotidienne.

J'ai pris cette photo pour répondre à l'invitation de Dr CaSo, qui m'avait offert de proposer un thème pour la catégorie « photo de truc » qu'elle publie régulièrement sur son blogue. J'ai proposé le thème le truc le plus agréable de votre quotidien. Je vous invite à aller voir ce que proposent les autres participants. Et si vous ne participez pas vous-même à ce jeu amusant, peut-être aurez-vous envie de joindre les fidèles de Dr Caso ; je suis sûr qu'elle sera ravie de vous y accueillir.

mardi 7 juillet 2015

Que vais-je devenir sans lui ?

 

J'entends encore, j'entends toujours la voix de notre amie, Dr Jane, qui m'appelle de Londres, au milieu de la matinée, heure de Montréal, pour m'annoncer que, quelques minutes plus tôt, Alexander, notre Petit Prince merveilleux, vient de repartir sur son étoile. Je reconnais la voix de Dr Jane, j'entends les mots qu'elle essaie d'articuler à travers les sanglots, mais cette conversation au-dessus de l'Atlantique a quelque chose d'irréel. L'un comme l'autre ne pouvons croire à la réalité de ce départ et, puisque la conversation a lieu au téléphone, il faut bien essayer de prononcer des mots intelligibles. Dr Jane me donne quelques détails qui visent, je suppose, à me faire comprendre la terrible nouvelle. Nous sommes effondrés. Je demande à notre amie : « Mais, Jane, qu'allons-nous devenir sans lui ? ». Elle ne sait pas plus que moi et son angoisse me confirme que nous vivons bien le même événement : le départ d'Alexander, qui venait à peine d'avoir vingt sept ans.

Six ans plus tard, je ne sais plus ce que Jane est devenue : je n'ai plus de ses nouvelles depuis un moment, et je crains le pire... Quant à moi, plusieurs fois par jour, et surtout la nuit, l'angoisse qui m'étreint me fait comprendre que je n'ai toujours pas trouvé de réponse à la question qui sans cesse se pose : « Que vais-je devenir sans lui ? »


Il n'y a pas très longtemps, l'un de mes frères est décédé. Il habitait à plus de cinq cents kilomètres de Montréal. Je suis allé rejoindre la famille, les parents, les amis, venus de partout au Québec, et peut-être aussi d'ailleurs, pour lui rendre un dernier hommage. Il y avait énormément de monde. J'ai rencontré au salon funéraire de nombreuses personnes que je n'avais pas revues depuis... de très nombreuses années, dont quatre de mes enseignants à l'école primaire et à l'école secondaire... J'ai retrouvé avec émotion des neveux qui sont beaux, et dont je suis fier.

À l'église, le prêtre qui présidait la cérémonie était un ami d'enfance de mon frère décédé. C'est dire qu'il connaissait bien la famille et les amis... À la fin de la cérémonie religieuse, au moment de bénir le cercueil, le prêtre a invité les frères et sœurs du défunt à venir de chaque côté de celui-ci et de bénir chacun notre tour celui que nous allions mettre en terre. L'émotion était déjà très grande dans l'église, mais elle fut à son comble pour moi et pour mes frères et sœurs, je n'en doute pas. 

C'est là, autour de la dépouille de mon frère, que j'ai compris à quel point il est important d'être présent pour dire un dernier adieu à ceux qui nous quittent... ce que je n'avais pas pu faire pour Alexander, puisque les funérailles avaient lieu en Angleterre et que j'étais à Montréal. Pendant plusieurs minutes, dans cette église à l'est du Québec, près du golfe Saint-Laurent, j'ai eu le sentiment que c'était l'écorce d'Alexander qui était là devant moi, que j'allais bénir. J'ai failli éclater en sanglots mais, en même temps, j'ai senti une certaine paix s'installer en moi, comme si je venais enfin, presque six ans plus tard, d'être sur le quai du départ d'Alexander...

Quand mon amie Danielle est décédée en novembre dernier, il n'y a pas eu de funérailles, ni autre rituel. J'ai eu le sentiment, au cours de cette cérémonie religieuse, que je pleurais et saluais à la fois Alexander, Danielle et l'un de mes frères.

 

 Le chiffre 7

À plusieurs reprises, dans sa correspondance, notre amie Jane me disait à quel point elle en était venue à détester ce chiffre sept, Alexander étant décédé le 7 du septième mois... J'ai toujours considéré le chiffre sept comme mon chiffre chanceux et, même si le départ d'Alexander a eu lieu un 7 juillet (2009) et que ce départ est la pire chose qui me soit arrivée dans la vie, dont je ne me remets pas, je ne peux pas renier le chiffre qui, malgré tout, est celui qui m'est le plus significatif. Depuis de très nombreuses années, j'ai pu vérifier que le chiffre sept était présent dans de multiples événements de ma vie... et cela se vérifie davantage encore depuis le départ d'Alexander. Plusieurs fois par jour, ce chiffre revient d'une façon ou d'une autre... Certains pourraient penser que, n'aimant pas ce chiffre, Alexander, s'il voulait me faire signe, aurait recours à une autre chiffre ; je pense au contraire que, à supposer que ce soit le cas, il choisirait plutôt le chiffre qui signifie quelque chose pour moi et que, ne craignant plus rien pour lui, il peut désormais, pour me « parler », adopter mon chiffre...

L'an dernier, pour le cinquième anniversaire du départ d'Alexander, j'avais décidé, en plus de nos rituels de roses et de bougies, de prendre congé et de faire quelque chose pour Alexander et moi : une longue promenade au parc, une excursion en bateau sur le fleuve, ou je ne sais trop quoi d'autre... Mais la journée était difficile et je ne me décidais pas à partir... En début de soirée, j'ai finalement décidé que j'irais au cinéma ; j'ai regardé l'heure : il était précisément sept heures. J'allais manger et j'irais au cinéma en fin de soirée. Nous étions donc le septième jour du septième mois 2014 ; si l'on additionne les chiffres de l'année, on obtient sept : 7-07-07...

Le seul film qui me semblait intéressant, ce soir là, c'était Belle, un film britannique basé sur une histoire vraie et qui se déroule dans le milieu de la noblesse anglaise du XVIIIe siècle. J'ai pris le métro et je me suis rendu au cinéma un peu à l'avance. Je suis passé au guichet pour payer ma place ; le caissier me donne mon ticket en me disant : « Salle numéro sept. » J'ai encore pas mal de temps avant le début de la séance, mais je veux aller voir où se trouve la salle numéro sept. Je suis seul dans ce lobby qui donne accès à plusieurs salles. Je m'approche de la salle numéro sept. À l'entrée de la salle, il y a une grand affiche annonçant un film à venir, un film de Disney intitulé... « Alexander » (j'ai pris quelques photos). Je me décide à entrer dans la salle : il n'y a personne. J'ai le choix des places ; je m'installe vers le milieu de la salle, qui n'est pas très grande, au milieu de la rangée. J'écoute de la musique en attendant l'heure de la projection. Quelques minutes avant l'heure prévue, trois ou quatre autres personnes arrivent et vont s'asseoir plus loin, derrière moi. Je constate que les sièges sont numérotés ; par curiosité, je vérifie le numéro du mien : sept. Je compte les rangées depuis l'avant : je suis assis à la septième rangée... Nous sommes donc le septième jour du septième mois 2014 (2+0+1+4=7) ; je suis assis dans la salle numéro sept, septième rangée, siège numéro sept !

mardi 24 novembre 2009

Il y a 18 ans

Le 24 novembre 1991, disparaissait l'un des plus célèbres chanteurs de sa génération, et davantage, l'auteur-compositeur-interprète Freddie Mercury, chanteur du groupe Queen. « The Queen is dead », pouvait-on lire dans les journaux anglais, semant la confusion chez les sujets de Sa Majesté.


Il y a dix-huit ans, un petit garçon avait, encore une fois, le coeur brisé. Son ami Freddie venait de partir. Alexander n'avait que neuf ans, mais il avait déjà tellement appris de son ami Freddie ! La musique, les oiseaux, les poissons, les fleurs, l'alimentation, les livres, la spiritualité, etc., faisaient partie de leurs conversations, de leurs complicités.

En dix-huit ans, Alexander n'a jamais oublié une seconde. Chaque jour, ses pensées, son coeur, ses prières, ses rituels, rendaient hommage à la mémoire de son ami, de son mentor en quelque sorte.



Chez Alexander, Freddie occupait une grande place. Un lierre que lui avait remis Freddie il y a dix-huit ans poussait encore sur la terrasse d'Alexander ; il s'agissait d'une bouture de l'original qu'Alexander avait laissé chez sa grand-mère, à la campagne.


Chaque année, le 24 novembre, Alexander apportait son bouquet de fleurs et ses bougies pour aller encore rendre hommage à celui qui lui avait tellement appris, qui l'avait tant inspiré. Il se rendait au cimetière de Kensal Green. Il ne cherchait pas parmi ces tombes le lieu de sépulture de Freddie Mercury car celui-ci avait demandé qu'on l'incinère et que ses cendres soient répandues dans un lieu inconnu.
Alexander allait se recueuillir à la chapelle du cimetière. Ce 24 novembre, Alexander ne sera pas là. Mais il a demandé à notre amie Jane de se recueillir pour lui à cette chapelle de Kensal Green où il a fait poser une plaque en souvenir de Freddie. Jane y viendra avec des fleurs et des bougies, comme elle l'a promis à Alexander.

Ailleurs à Londres, dans le quartier de Kensington où il habitait, des milliers de fans du chanteur de Queen viendront aussi apporter des fleurs. On y dévoilera une plaque à la mémoire de Freddie Mercury.

Il y a quelques mois, Alexander m'envoyait le lien vers une vidéo où Freddie Mercury chantait « Prince of the Universe » (Prince de l'Univers), en ajoutant : « Voilà ce que tu es pour moi ! » Je me suis senti particulièrement touché d'être ainsi associé dans le coeur et dans les pensées d'Alexander, par le biais d'une chanson, à celui qui n'était pas seulement un grand créateur, un grand interprète, mais aussi un grand ami et un mentor pour ce garçon que j'aime et que j'aimerai troujours.

samedi 11 juillet 2009

Un amour princier

« Tu n'es pas l'enfant des prières et des larmes, mais l'enfant de mon amour, de mes espoirs, de ma certitude. Tu n'es pas mort, tu n'as passé qu'un instant sur l'autre rive. Tu n'es pas un dieu, tu es le garçon que je suis, tu respires en moi, mon sang est le tien. Ce que j'ai, vraiment tu le possèdes. Ainsi que nous l'avions souhaité, nous serons désormais toujours ensemble, et c'est à moi de redire: « Que c'est beau: toujours !»

Ces derniers jours, ces dernières heures, j'ai souvent pensé à ces mots, ces phrases, les dernières lignes d'un roman qui a été déterminant pour moi à l'adolescence, comme il l'a été pour Alexander dans la sienne ; il s'agit, j'en ai parlé plusieurs fois déjà, du roman de Roger Peyrefitte, Les Amitiés particulières. Ce roman magnifique — certains diront que Roger Peyrefitte aurait dû s'en tenir à lui, mais il aurait été dommage de nous priver de La Mort d'une mère —, que j'ai lu durant les dernières années de mon adolescence, n'a pas seulement mis des mots sur ce que je vivais alors, il m'a permis aussi de découvrir la littérature, l'art, la culture de manière générale et, j'ose l'affirmer, il m'a proposé un art de vivre, un idéal. Un certain nombre d'années plus tard, Alexander a lu le même roman, avec le même émerveillement. Dans son cas, le livre ne lui ouvrait pas les portes de la culture puisqu'il est né dedans, mais il constituait tout de même une révélation, il lui proposait aussi un idéal. Je ne me souviens plus, si je l'ai su, quel âge avait Alexander exactement lorsqu'il a lu ce livre pour la première fois, le premier livre qu'il lisait en français, mais ce qui est certain c'est que depuis cette lecture, et sans négliger d’autres aspects de la vie, Alexander a lu énormément de livres puisqu'il lisait partout, dès qu'il avait une minute de libre, Alexander a adopté la loi de l'alternance : un livre en anglais, un livre en français.


Ces mots du roman de Roger Peyrefitte, ce sont ceux qu'adresse Georges, l'un des deux principaux personnages, au garçon qu'il aimait, Alexandre, qui s'est suicidé parce que les prêtres chargés de son éducation s'acharnaient à briser l'amour entre Georges et lui. Georges prononce ces mots au retour du service religieux (on a fait passer pour un accident le suicide du garçon ; il pouvait donc avoir accès aux sacrements). J'ai pensé à ces mots car ils étaient assez proches de ceux que, depuis quelques jours, j'adresse moi-même à un autre Alexander, le mien (qui, lui, ne s'est pas suicidé ; et, oui, Alexander est son prénom véritable — il en a bien d'autres, mais celui-ci est son prénom). Je sais que, dans la situation inverse, Alexander aurait pensé exactement aux mêmes mots, à cette citation tirée des Amitiés particulières. Nous évoquions souvent ce roman et, ces derniers jours encore, il m'avait dit qu'il voudrait discuter avec moi de certains aspects du roman ; comme pour tant d’autres projets restés orphelins, le temps a manqué. Je sais que le personnage de Georges l'agaçait un peu, cependant, avec son obsession de se prévaloir de son titre de « futur marquis » ; Alexander n'avait pas besoin d'un titre pour « vivre » vraiment, pleinement.

Le mot « enfant » revient deux fois dans ce court extrait. Alexander n'était plus un enfant, et moi non plus, mais il a conservé de l'enfance la capacité d'émerveillement devant tout, un insecte, un brin d'herbe, etc., ainsi qu'une infinie tendresse pour tout ce qui vit. D'ailleurs, 27, 72, 2, 7, Alexander n'accordait aucune importance à ces chiffres qui n’avaient pour lui aucun sens. Sur les papiers officiels, Alexander a 27 ans ; c'est ce que l'on publiera dans les journaux, c'est ce que, contrairement à sa volonté, on inscrira dans le marbre... Mais le véritable Alexander, celui que très peu d'entre nous avons le privilège de connaître, n'a pas d'âge. Il a quatre ans par moments, 7 ou 8 à d'autres, pour bien des gens dans la rue, il a 16 ans, pour ses amis, il a la sagesse des centenaires, pour son amoureux, il a tous les âges. Médecin sérieux et respecté, il savait être adulte responsable lorsqu'il le fallait ; en dehors du travail, il était l'enfant, l'adolescent, capable de s'amuser longuement avec rien, de passer des heures au musée ou dans les bibliothèques à poursuivre des recherches, à écrire son essai, ou d'organiser des jeux avec sa précieuse voisine et amie qui, à la retraite depuis plusieurs années, avait beaucoup de temps à consacrer à Alexander. L'âge n'avait donc pas d'importance, si ce n'était que les gens nés dans les mêmes années que lui ne présentaient pour lui pas beaucoup d'intérêt, sauf son cousin préféré avec qui il avait tissé, non pas une amitié particulière mais une solide affection renforcée par une tragédie qui les avait tous deux touchés au moment de leur adolescence.


L'enfant en lui ressemblait beaucoup au Petit Prince, sauf qu'il était moins impatient. Si nous faisions souvent allusion à des passages du livre de Saint-Exupéry, il m'arrivait rarement, en m'adressant à lui, de le désigner moi-même comme « mon » Petit Prince. Jusqu’à l’âge de quatre ans, avant de partir elle-même sur son étoile, en alternance avec « mon petit ange », sa mère l'appelait ainsi et quelques personnes de son entourage, celles qui l'aimaient le plus, ont continué de l'appeler ainsi et, dans ma correspondance avec une amie très proche d'Alexander, qui a pris la relève de sa mère en quelque sorte, je reprends parfois ce nom qui lui convient si bien à plus d'un titre. Je ne donnerai qu'un exemple de l'attention que ce garçon accordait aux choses, les plus simples comme les plus sérieuses, à tout ce qu'il touchait, tout ce qu'il faisait, tout ce à quoi il pensait.

Dès les premières conversations que nous avons eues sur MSN, et nous n'utilisions ni le micro ni la caméra, Alexander me disait que, pour venir me parler à l'heure convenue, il s'habillait tout spécialement pour moi. Je ne pouvais pas le voir et pourtant, il avait cette politesse exquise de soigner sa tenue vestimentaire, de choisir parmi ses vêtements ceux qui étaient davantage susceptibles de me plaire, et de se parfumer de cette eau de toilette que je retrouve encore dans des objets qui viennent de lui. Je ne le voyais pas à l'écran mais l'idée qu'il se faisait de notre conversation exigeait à ses yeux cette élégance morale et vestimentaire. Pour moi, c'était un signe supplémentaire de la qualité de ce garçon. Bien sûr, il a reçu une excellente éducation qui lui permettait d’être impeccable même dans les occasions les plus officielles, les plus protocolaires. Mais chacune de ses attentions provenait d’un élan spontané du cœur.


« Vous êtes celui qu’il cherchait depuis longtemps, celui qu’il attendait. Vous seul avez su le rendre heureux et embellir (malgré tout) la dernière année de son existence terrestre », m’écrivait celle qui, avec son frère, lui aura tenu la main jusqu’au dernier souffle. Je ne le cherchais pas, je ne l’attendais pas, car jamais je n’aurais osé imaginer qu’un garçon aussi extraordinaire pouvait exister. Jamais je n’aurais espéré qu’un tel garçon, dont le nom à lui seul pouvait ouvrir bien des portes, viendrait un jour frapper à la mienne en me demandant un peu d’attention et de tendresse et en m’offrant l’amour le plus total et le plus désintéressé. Il est impossible de douter un seul instant de son amour quand on sait que ses derniers mots ont été : « Je demanderai à Alcib. »


Si l’on voulait représenter par des livres les trois grandes étapes de sa vie, il faudrait choisir les trois livres les plus importants de sa jeune vie, trois titres essentiels à son cœur : Le Petit Prince pour l’enfance, Les Amitiés particulières pour l’adolescence et, pour sa vie de jeune adulte, Le feu du ciel, premier tome de la biographie d’Alexandre le Grand par Mary Renault. Il possédait quelques exemplaires de cette biographie en trois volumes. Il traînait surtout avec lui, partout où il allait, un exemplaire de poche de cette biographie lue trois mille fois plutôt qu’une ; il la connaissait par cœur… Depuis des années, il faisait des recherches sur le temps d’Alexandre le Grand, il était en correspondance avec des universitaires spécialistes de cette période afin de publier un jour son livre sur un aspect précis, jusqu’ici assez négligé par les biographes. Voilà un autre projet qui, comme son roman non publié, restera orphelin…


Alexander faisait ce matin sa dernière sortie, il participait à ses dernières activités terrestres. Mais je n’y étais pas, physiquement ; c'est extrêmement douloureux de voir partir celui que l'on aime et de ne pas être sur le quai pour lui dire un dernier au-revoir. J'ai toutefois la consolation d'y être dignement représenté par des amies très chères. Cette cérémonie des adieux ne l’intéresse pas lui-même, en ce moment ; il s’en serait très bien passé, préférant se dissiper dans le ciel comme la fumée d’un encens aimé. Pourtant, si familier lui-même de ces rituels de séparation, il sait leur importance pour ceux qui restent sur le quai… C’est déchirant de penser qu’il ne lui arrivera plus jamais rien sur cette Terre, qu’il ne sera plus jamais concrètement associé à quoi que ce soit que je puisse faire. Il n’en sera pas absent pour autant. Pour son dernier voyage, il aura emporté un peu de lecture : Le feu du ciel – Fire from Heaven –, bien entendu, puisqu’il ne le quittait jamais et, pour mieux penser à moi, son exemplaire en français du Petit Prince.

« Tu n'es pas l'enfant des prières et des larmes, mais l'enfant de mon amour, de mes espoirs, de ma certitude. Tu n'es pas mort, tu n'as passé qu'un instant sur l'autre rive. […] …et c'est à moi de redire : « Que c'est beau : toujours ! »

J'essaierai de conserver envers lui la même fidélité qu'il m'offrait, que nous avons assumée de part et d'autre, la seule qui lui était concevable, la fidélité indéfectible d'Héphaistion pour son Alexandre (qui ne fut pas toujours grand). Si un jour vous constatiez que ma route semblait dévier, je vous en prie, rappelez-le-moi.

Je l’entends me dire : « Ne sois pas triste ! Ne pense pas au fait que je ne sois plus là. Pense plutôt à tout ce que nous avons vécu ensemble. Je serai toujours près de toi. Ne l'oublie jamais. »

Tant que je vivrai il vivra en moi et tout ce que je ferai, je le ferai autant pour lui que pour moi.


mardi 6 janvier 2009

Les Rois mages


Texte à venir

dimanche 2 novembre 2008

Rites et traditions

Depuis des siècles, des millénaires, les sociétés humaines ont instauré des coutumes, des rituels, des rites, des traditions qui marquent la vie des personnes, des groupes, des sociétés elles-mêmes. Si les coutumes sont des pratiques répétées associées à un peuple sur un territoire donné, les traditions ont un caractère plus universel et elles se transmettent de génération. L'étymologie latine du mot « tradition » exprime l'idée d'une « transmission », de l'« acte de transmettre » quelque chose du passé au présent, de laisser en héritage à une société des valeurs, des croyances, des rituels...

Qu'elles soient de caractère religieux ou laïque, les traditions nous imposent ou nous suggèrent, selon notre degré d'attachement à l'héritage culturel ou religieux, d'adhésion aux valeurs collectives transmises par nos ancêtres, un certain nombre de rituels qui constituent des rites de passage ou des jalons marquant des cycles de vie. Parmi les rituels qui marquent les moments importants de l'individu dans la société, il y a le baptême, les fiançailles, le mariage (bien que la tendance actuelle dans nos sociétés occidentales indique que ces rituels ont perdu de l'importance par rapport aux décennies précédentes).

Quant à moi, je préfère les traditions et les rituels qui marquent les moment importants de l'année de nos sociétés. Noël, le réveillon de la Saint-Sylvestre ou le Jour de l'An, le solstice du printemps (pour les zoroastriens, en fonction du calendrier persan, le nouvel An se fête le 21 mars), les solstices d'été, d'automne et d'hiver, l'Action de grâce ou Thanksgiving, l'Halloween, etc.


En parlant avec Alexander, il y a quelques jours, j'ai appris l'existence d'une tradition que j'ignorais et qui me plaît, celle de la couronne d'automne. Nous connaissons bien la couronne de Noël que nous fabriquons avec des branches de conifères et quelques décorations de circonstance et que nous accrochons à la porte du domicile pour souhaiter la bienvenue. Moins connue, du moins autour de moi, il y a la couronne de l'Avent, que l'on prépare pour le quatrième dimanche avant Noël et qui porte quatre bougies ; chaque semaine, on allume une bougie, jusqu'à Noël.


La couronne d'automne joue le même rôle que la couronne de Noël, sauf qu'elle prend les couleurs de l'automne et que l'on peut l'accrocher entre le début du solstice d'automne et le début de l'Avent, vers le premier décembre.

Je trouve qu'il s'agit là d'une très belle coutume à perpétuer et je remercie Alexander de me l'avoir fait connaître. Dorénavant, un peu plus tôt les prochaines années, je fabriquerai chaque automne ma couronne. Depuis trois jours, j'ai cherché ce qu'il faut pour faire celle de cette année ; aller cueillir les plus belles feuilles est en soi une activité intéressante ; il serait préférable, toutefois, de s'y prendre avant la première chute de neige. Maintenant que j'ai tout, je m'y mets immédiatement et, dès ce soir ma couronne sera prête pour les quatre semaines qui restent avant le premier décembre (ce sera alors le temps de la couronne de l'Avent). Comme j'habite au sixième étage d'un immeuble et qu'en ce moment je ne reçois pas beaucoup de visiteurs, j'accrocherai plutôt ma couronne au mur, face à ma table de travail : je pourrai donc la contempler toute la journée.

Et vous ? Vous aimez ces traditions ? En connaissez-vous d'autres ? Quelles sont celles qui sont importantes pour vous ? Lesquelles perpétuez-vous ?