jeudi 26 août 2010

C'est à ce prix...

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Au XVIIIe siècle, Voltaire a écrit le magnifique conte qu'il faut lire et relire encore, Candide où l'optimisme. Il y a toute une analyse à faire de ce conte, qui a souvent été faite et que je n'aborderai pas ici. Mais il y dénonce, entre autres, l'esclavage et ses conditions :

En approchant de la ville, ils rencontrèrent un nègre étendu par terre, n'ayant plus que la moitié de son habit, c'est-à-dire d'un caleçon de toile bleue ; il manquait à ce pauvre homme la jambe gauche et la main droite. « Eh, mon Dieu ! lui dit Candide en hollandais, que fais-tu là, mon ami, dans l'état horrible où je te vois ? – J'attends mon maître, M. Vanderdendur, le fameux négociant, répondit le nègre. – Est-ce M. Vanderdendur, dit Candide, qui t'a traité ainsi ? – Oui, monsieur, dit le nègre, c'est l'usage. On nous donne un caleçon de toile pour tout vêtement deux fois l'année. Quand nous travaillons aux sucreries, et que la meule nous attrape le doigt, on nous coupe la main ; quand nous voulons nous enfuir, on nous coupe la jambe : je me suis trouvé dans les deux cas. C'est à ce prix que vous mangez du sucre en Europe. Cependant, lorsque ma mère me vendit dix écus patagons sur la côte de Guinée, elle me disait : " Mon cher enfant, bénis nos fétiches, adore-les toujours, ils te feront vivre heureux, tu as l'honneur d'être esclave de nos seigneurs les blancs, et tu fais par là la fortune de ton père et de ta mère. " Hélas ! je ne sais pas si j'ai fait leur fortune, mais ils n'ont pas fait la mienne. Les chiens, les singes et les perroquets sont mille fois moins malheureux que nous. Les fétiches hollandais qui m'ont converti me disent tous les dimanches que nous sommes tous enfants d'Adam, blancs et noirs. Je ne suis pas généalogiste ; mais si ces prêcheurs disent vrai, nous sommes tous cousins issus de germains. Or vous m'avouerez qu'on ne peut pas en user avec ses parents d'une manière plus horrible. »


Trois siècles plus tard, les médias nous rappellent tous les jours qu'en bien des endroits sur la Terre, la seule chose qui ait changé, ce sont les moyens plus sophistiqués d'exercer la torture pour mieux exploiter ses semblables.

Au Mexique, par exemple (mais ce n'est pas le seul endroit sur la Terre où cela se produise), la guerre entre les cartels de la drogue a causé environ 28 000 morts depuis 2007. Le Mexique est devenu le pays le plus dangereux au monde pour les journalistes ; 35 d'entre eux y ont été assassinés. Il s'agit d'un commerce qui rapporte et les criminels n'ont pas l'intention de laisser qui que ce soit ralentir leurs activités. « Le National Drug Intelligence Center – estime que les trafiquants mexicains opérant aux États-Unis génèrent entre 17 et 38 milliards de dollars par an de revenus (entre 13 et 29 milliards d’euros) » révèle Gilles Biassette dans un article très élaboré du journal La Croix (14 avril 2009). Ce sont, pour les États-Unis seulement, des revenus beaucoup plus importants que le budget de leur ministère de la Défense. On se souvient qu'il n'y a pas très longtemps, un groupe de ces criminels a déclaré que si l'État mexicain ne cessait pas ses opérations policières, il abattraient un policier par jour, et ils ont fait la démonstration que ce n'était pas des paroles en l'air. Je ne suis pas un spécialiste de la question et je n'écrirai l'article fouillé qui ferait la lumière sur ce sujet qui ne fera pas couler que de l'encre... L'Europe n'échappera aux tentacules de plus en plus longues et omniprésentes du crime organisé.

Aujourd'hui, nous apprenons la découverte d'un charnier contenant les restes de 72 hommes et femmes victimes de ces activités criminelles. Certains diront que ce sont « juste des immigrants illégaux » (comme on dit que ce sont « juste des chats » pour tenter d'atténuer la gravité des actes de cruauté...) Si la guerre des clans criminels ne se faisait qu'entre eux, je serais peut-être aussi porté à dire que ce sont « juste des criminels » et que s'ils peuvent s'éliminer entre eux, cela fera économiser des milliards de dollars à nos gouvernements. Mais ces gens n'ont aucun scrupule et ne respectent absolument rien, à l'exception de leurs profits faramineux : chaque jour, des innocents sont victimes de leur violence.

Alors, mon voisin, ou le vôtre, votre ami ou votre conjoint, votre collègue ou votre vendeur de fruits et légumes, qui fume son « pétard » chaque soir en rentrant de l'université ou du travail, participe à cette vaste organisation criminelle. C'est à ce prix que que les adeptes de la fumée euphorisante ou de la poudre blanche savourent leur minute d'évasion.

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