Ces derniers jours, quelques « faits divers » ont retenu mon attention et, pour tout dire, m'ont passablement troublé.
À Vancouver, il y a trois semaines, au cours d'une fête organisée par des jeunes, une adolescente de 16 ans a été victime d'un viol collectif. Le lendemain de cette fête, cette jeune fille ne se souvenait de rien mais, grâce à l'efficacité des médias sociaux, elle a pu très rapidement savoir ce qui lui était arrivée car un autre adolescent de 16 ans avait assisté, avec une douzaines d'autres personnes, au viol collectif, avait tout enregistré avec son téléphone et... avait eu la bonne idée de diffuser la vidéo sur Fécebouc. Et la vidéo s'est répandue comme une traînée de poudre sur les téléphones d'adolescents et d'autres consommateurs d'images sordides.
La jeune fille a porté plainte à la police. Elle a été victime d'un viol collectif ; elle avait été droguée (l'ingestion de rehypnol, mieux connue sous le nom de « drogue du viol », provoque l'amnésie) et, finalement, les valeureux témoins de ce viol se sont amusés à tout filmer et l'un d'entre eux a trouvé intéressant de diffuser les images sur Fécebouc.
Un premier jeune homme de 18 ans a été interrogé par la police ; il serait l'un des « amants d'un soir » de la jeune fille qui l'ignorait jusque-là. Et l'adolescent de 16 ans qui a diffusé la vidéo fait face à des accusations de possession et de diffusion de pornographie juvénile...
Je ne sais pas ce que peut ressentir la victime de cette agression par sept ou huit garçons, sous les yeux d'une douzaine d'autres qui ont voulu en conserver des images. Mais je ne voudrais surtout pas être un des parents du garçon qui a mis le premier la vidéo en ligne ; je ne serais pas très fier. Mais ils ne sont pas les seuls à se sentir complètement dépassés par le comportement des jeunes et par l'omniprésence dans la vie de leurs enfants des moyens de communication électronique qu'ils ne contrôlent pas.
L'autre événement, plus récent, concerne encore une fois la diffusion d'images obtenues illégalement.
Il y a quelques jours, Tyler Clementi, 18 ans, étudiant à l'Université Rutgers, au New Jersey, s'est suicidé en se jetant du pont George-Washington après avoir découvert que son colocataire avait filmé à son insu et diffusé sur Internet les images d'une relation sexuelle que Tyler avait eu quelques jours plus tôt avec un autre garçon.
Le colocataire, Dharum Ravi, avait laissé à Tyler la chambre « jusqu'à minuit » ; il était allé rejoindre une amie, Molly Wei, camarade de classe et habitant la même résidence. Dharum a allumé à distance sa webcamm qui enregistrait les ébats de Tyler et de son ami ; ces images étaient diffusées en direct sur Internet.
Quelques jours plus tard, Tyler Clementi, un étudiant timide et excellent violoniste, découvrait par hasard le viol de sa vie privée, de son intimité. Il n'a pas pu supporter cette écoeurante agression. Il a écrit sur sa page Fécebouc : « Je vais sauter du pont GW, désolé » Et il s'est dirigé vers le pont, a garé sa voiture, laissé sur le pont son portefeuille et son portable, et il s'est jeté dans l'Hudson...
Les deux étudiants qui ont filmé et diffusé ces images, Dharum Ravi et Molly Wei, 18 ans tous les deux, ont été arrêtés et inculpés de violation de la vie privée... La veille même du suicide de Tyler Clenti, son colocataire avait essayé de diffuser encore sur Internet d'autres images... Les deux étudiants cinéastes pourraient aussi faire face à des accusations de crime haineux si l'on peux prouver qu'ils ont agi ainsi parce qu'ils pensaient que Tyler Clementi était homosexuel.
Ce suicide a mis en lumière d'autres suicides récents chez des jeunes qui se sont sentis harcelés en raison de leur orientation sexuelle présumée. À Houston, un garçon de 13 ans, Asher Brown, s'est tiré une balle dans la tête. Billy Lucas, 15 ans, s'est pendu dans l'Indiana ; Seth Walsh, 13 ans, a fait de même en Californie, ainsi que Raymond Chase, 19 ans, dans le Rhode Island.
Je ne sais plus que penser de tout cela. En voulant parler de cela avec quelqu'un aujourd'hui, je me suis mis à pleurer, sans trop savoir pourquoi. C'était sans doute une réaction de dégoût inspiré par le comportement d'une partie de mes contemporains et aux ravages que peut faire une mauvaise utilisation de la technologie. C'est désolant de voir que la vie privée ne veut rien dire pour une grande partie de la population, que les jeunes en particulier ne semblent plus avoir de respect pour les autres, qu'ils ne semblent plus avoir de baliser pour juger ce qui acceptable et ce qui ne l'est pas. Chez bon nombre d'entre eux, on dirait que la technologie a remplacé chez eux les facultés intellectuelles et la capacité d'exercer un minimum de jugement.
Autre histoire, ces jours-ci à Montréal, montrant bien le manque de jugement dans l'utilisation des médias sociaux. La police a arrêté chez lui un jeune homme de 28 ans qui, sur sa page Fécebouc, écrivait qu'il allait tuer des anciens professeurs. Chez lui, la police a trouvé cinq armes à feu, enregistrée mais non gardées sous clé comme la loi l'exige. Ses parents crient à l'erreur grave de la part des policiers qui prennent tout cela trop au sérieux. Et le jeune homme essaie de se défendre en disant que ce n'était qu'une plaisanterie... Il me semble qu'il doit y avoir des plaisanteries plus amusantes à faire sur Internet.
À Vancouver, il y a trois semaines, au cours d'une fête organisée par des jeunes, une adolescente de 16 ans a été victime d'un viol collectif. Le lendemain de cette fête, cette jeune fille ne se souvenait de rien mais, grâce à l'efficacité des médias sociaux, elle a pu très rapidement savoir ce qui lui était arrivée car un autre adolescent de 16 ans avait assisté, avec une douzaines d'autres personnes, au viol collectif, avait tout enregistré avec son téléphone et... avait eu la bonne idée de diffuser la vidéo sur Fécebouc. Et la vidéo s'est répandue comme une traînée de poudre sur les téléphones d'adolescents et d'autres consommateurs d'images sordides.
La jeune fille a porté plainte à la police. Elle a été victime d'un viol collectif ; elle avait été droguée (l'ingestion de rehypnol, mieux connue sous le nom de « drogue du viol », provoque l'amnésie) et, finalement, les valeureux témoins de ce viol se sont amusés à tout filmer et l'un d'entre eux a trouvé intéressant de diffuser les images sur Fécebouc.
Un premier jeune homme de 18 ans a été interrogé par la police ; il serait l'un des « amants d'un soir » de la jeune fille qui l'ignorait jusque-là. Et l'adolescent de 16 ans qui a diffusé la vidéo fait face à des accusations de possession et de diffusion de pornographie juvénile...
Je ne sais pas ce que peut ressentir la victime de cette agression par sept ou huit garçons, sous les yeux d'une douzaine d'autres qui ont voulu en conserver des images. Mais je ne voudrais surtout pas être un des parents du garçon qui a mis le premier la vidéo en ligne ; je ne serais pas très fier. Mais ils ne sont pas les seuls à se sentir complètement dépassés par le comportement des jeunes et par l'omniprésence dans la vie de leurs enfants des moyens de communication électronique qu'ils ne contrôlent pas.
L'autre événement, plus récent, concerne encore une fois la diffusion d'images obtenues illégalement.
Il y a quelques jours, Tyler Clementi, 18 ans, étudiant à l'Université Rutgers, au New Jersey, s'est suicidé en se jetant du pont George-Washington après avoir découvert que son colocataire avait filmé à son insu et diffusé sur Internet les images d'une relation sexuelle que Tyler avait eu quelques jours plus tôt avec un autre garçon.
Le colocataire, Dharum Ravi, avait laissé à Tyler la chambre « jusqu'à minuit » ; il était allé rejoindre une amie, Molly Wei, camarade de classe et habitant la même résidence. Dharum a allumé à distance sa webcamm qui enregistrait les ébats de Tyler et de son ami ; ces images étaient diffusées en direct sur Internet.
Quelques jours plus tard, Tyler Clementi, un étudiant timide et excellent violoniste, découvrait par hasard le viol de sa vie privée, de son intimité. Il n'a pas pu supporter cette écoeurante agression. Il a écrit sur sa page Fécebouc : « Je vais sauter du pont GW, désolé » Et il s'est dirigé vers le pont, a garé sa voiture, laissé sur le pont son portefeuille et son portable, et il s'est jeté dans l'Hudson...
Les deux étudiants qui ont filmé et diffusé ces images, Dharum Ravi et Molly Wei, 18 ans tous les deux, ont été arrêtés et inculpés de violation de la vie privée... La veille même du suicide de Tyler Clenti, son colocataire avait essayé de diffuser encore sur Internet d'autres images... Les deux étudiants cinéastes pourraient aussi faire face à des accusations de crime haineux si l'on peux prouver qu'ils ont agi ainsi parce qu'ils pensaient que Tyler Clementi était homosexuel.
Ce suicide a mis en lumière d'autres suicides récents chez des jeunes qui se sont sentis harcelés en raison de leur orientation sexuelle présumée. À Houston, un garçon de 13 ans, Asher Brown, s'est tiré une balle dans la tête. Billy Lucas, 15 ans, s'est pendu dans l'Indiana ; Seth Walsh, 13 ans, a fait de même en Californie, ainsi que Raymond Chase, 19 ans, dans le Rhode Island.
Je ne sais plus que penser de tout cela. En voulant parler de cela avec quelqu'un aujourd'hui, je me suis mis à pleurer, sans trop savoir pourquoi. C'était sans doute une réaction de dégoût inspiré par le comportement d'une partie de mes contemporains et aux ravages que peut faire une mauvaise utilisation de la technologie. C'est désolant de voir que la vie privée ne veut rien dire pour une grande partie de la population, que les jeunes en particulier ne semblent plus avoir de respect pour les autres, qu'ils ne semblent plus avoir de baliser pour juger ce qui acceptable et ce qui ne l'est pas. Chez bon nombre d'entre eux, on dirait que la technologie a remplacé chez eux les facultés intellectuelles et la capacité d'exercer un minimum de jugement.
Autre histoire, ces jours-ci à Montréal, montrant bien le manque de jugement dans l'utilisation des médias sociaux. La police a arrêté chez lui un jeune homme de 28 ans qui, sur sa page Fécebouc, écrivait qu'il allait tuer des anciens professeurs. Chez lui, la police a trouvé cinq armes à feu, enregistrée mais non gardées sous clé comme la loi l'exige. Ses parents crient à l'erreur grave de la part des policiers qui prennent tout cela trop au sérieux. Et le jeune homme essaie de se défendre en disant que ce n'était qu'une plaisanterie... Il me semble qu'il doit y avoir des plaisanteries plus amusantes à faire sur Internet.
13 commentaires:
Je ne connaissais pas la dernière histoire mais les deux premières me touchent beaucoup et me font aussi très peur. Et m'attristent aussi beaucoup... . Est-ce que tu as vu la vidéo postée par Dan Savage?
http://www.youtube.com/watch?v=7IcVyvg2Qlo
Dr. CaSo : Non, je ne connaissais pas cette vidéo. Merci. C'est un message très positif, un bel exemple pour les plus jeunes qui ont peur de souffrir à cause de leur différence.
Très peu de gens peuvent rester indifférents à ces actes de violences. Je suis d'avis qu'il s'agit là d'une des conséquences d'avoir laissé deux générations de jeunes gens découvrir l'Internet sans supervision. Conséquence elle-même tributaire du rythme effréné des progrès technologiques des dernières décennies.
L'Internet est l'image de notre société, surtout des grandes villes. Laisserait-on notre enfant de 7, 8 ou même 12 ans se promener seul dans les rues d'une grande ville ? Si l'abus physique ne peut être fait directement via l'Internet, l'abus psychologique lui peut définitivement l'être.
Au cours des années 70 et 80 c'était la télévision et les jeux vidéo qui agissaient comme nanny électronique. Il y a aussi eu des abus et de tristes résultats.
Les gouvernements et autres organismes sociaux auraient intérêt à sensibiliser les parents aux risques associés à l'utilisation abusive de l'Internet par les enfants.
Les parents et les écoles ont le devoir de montrer aux enfants comment on utilise cet outil correctement en société.
Tu sais Alcib, tu n'es pas le seul à pleurer ces événements. Ellen DeGeneres en a aussi fait un message d'intérêt public très touchant. On peut le visionner ici: http://www.youtube.com/watch?v=_B-hVWQnjjM.
L'utilisation des médias sociaux a attiré l'attention sur ces histoires, mais la violence, l'intimidation, le taxage existaient avant leur arrivée
dans les écoles. L'utilisation des technologies leur donne simplement des proportions encore plus grandes.
Peut-être que ces évènements, nous amèneront à nous intéresser à ce qui va et ce qui ne va pas dans nos écoles et pousseront d'autres jeunes à briser le silence.
RAnnieB : Merci de ce commentaire intelligent et élaboré. Je crois que tu as raison. Je me sens incapable en ce moment de développer une réflexion rationnelle sur ces sujets.
Je savais qu'Ellen DeGenere avait fait une déclaration au sujet du suicide du jeune Clementi mais je n'avais pas encore regardé cette vidéo. Merci.
Kevin Zaak : Tu as tout à fait raison. J'entendais encore ce soir le récit d'expériences pénibles vécues à l'adolescence par un comédien qui a écrit un livre sur ce sujet. Et en effet, il y a toujours eu et il y aura encore longtemps, je le crains, de la discrimination, de la violence... On a parlé des suicides, mais il ne fat pas oublier non plus qu'il ya aussi des meurtres. Je ne me souviens plus si c'était en Indiana (peu importe) : un garçon de quinze ans a été tué de deux balles dans la tête par un autre garçon de quatorze ans, à cause de son orientation sexuelle.
La montée d'une nouvelle religion baptiste, aux États-Unis, qui dit qu'il faut tuer les homosexuels, n'annonce rien de bon. Et les organismes de défense des droits et libertés défendent le droit des membres de cette religion à exprimer leur violence au nom de la liberté d'expression...
Ce que je voulais souligner dans ce billet, ce n'était pas tellement la violence qui conduit au suicide et au meurtre, mais plutôt le rôle que jouent les téléphones mobiles et les médias sociaux dans ces événements violents. Puisque les médias existent, pourquoi ne pas les utiliser pour diffuser ce que l'on veut, se disent les jeunes et bien des adultes qui n'ont pas davantage de jugement.
Il y a vingt-cinq ans ou moins, il ne serait pas venu à l'esprit des jeunes d'aller chercher leur caméscope ou leur appareil photo pour immortaliser ces images. Et la tentation est grande sur les jeunes de diffuser tout ce qui pourra leur donner cinq minutes de gloire auprès de leurs camarades.
Personnellement, j'espère que les jeunes dont on parle en ce moment, à Vancouver et au New Jersey, auront une bonne leçon qui servira d'exemple à d'autres qui voudraient les imiter.
Quand je vais quelque part, je refuse qu'on me prenne en photo même s'il s'agit d'une rencontre ou d'une sortie banale ; je ne tiens pas à ce que des photos de moi circulent sur Internet, même si le contexte est tout à fait honorable (mon travail a fait que je n'ai pu y échapper à quelques reprises mais, en dépit du blogue, je défends jalousement ma vie privée et je ne tiens pas à ce que l'on puisse faire n'importe quoi avec une photo de moi ; à plus forte raison s'il s'agissait de photos compromettantes. Si l'un de mes amis s'avisait de me jouer un tour, il le paierait chèrement, crois-moi.)
J'avais un patron qui avait déjà été photographe. Il avait toujours un appareil photo sous la main et prenait des photos sous n'importe quel prétexte. Souvent j'ai refuser d'être pris en photo et quand je n'avais pas le choix, je lui ai bien fait comprendre qu'il n'avait pas le droit de faire ce qu'il voulait de mon image.
Il y a eu beaucoup de progrès dans les mentalités au cours des dernières décennies, mais rien n'est jamais tout à fait gagné.
Et l'adolescence est une période difficile pour un très grands nombre d'adolescents : en général, ils n'aiment pas « la différence » chez les autres. Et il faut dire que, trop souvent, ils n'ont pas de modèles inspirants chez les hommes de leur entourage.
Alcib,
Ta réponse à Kevin Zaak touche des sujets qui me passionnent.
Soient:
- la possibilité de conserver l'anonymat sur l'Internet (malgré les multiples gouvernements qui s'activent à rendre ceci impossible) et, lorsque l'anonymat est impossible
- comment gérer son image sur le web tout au long de sa vie et même suite à sa mort.
Cette dernière préoccupation peu sembler futile. Plus près de toi, par exemple, il y a l'image d'Alexander. Tu étais son amoureux, tu connais ses volontés et tu n'as que de bonnes intentions envers lui. Tes billets à son propos ne risquent donc pas de ternir son image, blesser ses amis et famille ou même d'impacter la valeur de ses lègues mais tel n'est pas toujours le cas.
Il n'y a présentement aucune législation (ou presque pas) à travers le monde qui permettent à des survivants de s'assurer que l'image d'un défunt n'est pas ternie.
Enfin, tant ton billet que mon commentaire ne servent qu'à prouver l'énorme vide éthique et législatif autour de l'utilisation du web et des média sociaux.
j'ai aussi été très choqué par l'histoire de l'étudiant violoniste. D'après ce que j'ai vu l'administration de l'université a bien réagi.
Dans un autre genre, je ne suis pas homosexuel mais je trouve que l'expression assez commune: "you are gay, that's so gay etc..." sont vraiment terribles et devraient être bannis pour tout les gens que ça peut profondément blesser.
RAnnieB : Merci de poursuivre la réflexion sur ce point. Je sais que la question d'anonymat et de protection de la vie privée sur Internet est très vaste et me dépasse complètement. Mais à défaut de loi très claires qui sans entraver la liberté d'expression poserait des balises pour empêcher les abus, il faut savoir s'autodiscipliner (toutes les règles, selon moi, sont faites pour les imbéciles ; les autres se servent de leur jugement. Mais quand les règles correspondent au bon sens, les plus intelligents ne se sentent pas lésés. Les règlements de la circulation ne m'enlèvent pas le plaisir de conduire... quand j'en ai envie).
Quant au respect de la vie privée d'Alexander, c'est pour moi une préoccupation constante. Je crois qu'Alexander, bien que très discret, ne voulant pas se mettre en évidence, aimerait que je parle de lui, que je le fasse connaitre un peu. Lui-même aurait tant voulu pouvoir publier un roman déjà écrit et un essai sur Héphaistion, presque terminé. Une question le préoccupait toutefois : certains membres de sa famille n'auraient probablement pas bien vu qu'Alexander publie ces deux livres. Je crois toutefois qu'il m'a confié tant de choses pour que je le connaisse et que je l'aime vraiment tel qu'il était, mais aussi pour que je raconte un peu, pour qu'on ne l'oublie pas...
Chaque fois que je parle de lui, je me demande toutefois si j'en révèle trop. Et pourtant, je m'empêche très souvent de publier des articles que j'aurais envie d'écrire.
Deux garçons qui ignoraient l'existence de ce blogue, un camarade de classe et de pension et un autre qui apercevait Alexander dans les rues de Londres, sachant qui il était, ont reconnu Alexander dans les mots de ce blogue : je crois que non seulement Alexander en serait heureux mais qu'il les a guidés vers ces lignes qui parlent de lui afin que chacun ne soit pas seul avec son chagrin.
Des proches d'Alexander, qui connaissent bien mon existence car Alexander leur a tellement parlé de moi, continuent de lire ce blogue ; j'en suis très touché, très honoré. Ces personnes n'ont rien à craindre : comme tu le dis, jamais je dirai du mal d'Alexander, ou quoi que ce soit qui puisse faire du tort à son image, à sa réputation.
Il est arrivé cependant, ces dernières semaines, que je modifie une phrase car, ayant voulu jouer sur l'ambiguité, ma phrase pouvait permettre d'identifier nommément des personnes de son entourage. On me l'a signalé et j'ai immédiatement modifié la phrase.
Alexander aimait toutefois cette complicité que nous avions sur ce blogue : dans mes articles, dans mes commentaires, et lui dans les siens, nous nous sommes souvent fait un clin d'oeil que la plupart des lecteurs ne pouvaient pas comprendre.
Je crois que j'ai besoin, pour moi, d'écrire encore beaucoup sur Alexander, mais je crois que la très grande partie de ce que je pourrai écrire ne sera jamais mis en ligne ici. Ne serait-ce que pour ne pas sortir de leur contexte certaines anecdotes que je pourrais vouloir raconter, parce que lui-même me les a racontées, ou que quelqu'un qui l'aime m'a racontées.
P.-S. : J'ai reçu ton courriel ; merci. J'essaierai de répondre ce soir ou demain.
Jérémie : Merci de ta présence et de ton commentaire.
Pour aller dans le sens de ton commentaire, je dirai que les étiquettes sont toujours réductrices et souvent blessantes.
Pendant des années, j'ai refusé de me présenter comme « homosexuel » ou comme « gay ». Je pouvais parler très ouvertement de mon amour des garçons, mais je refusais qu'on me réduise à une étiquette, d'autant plus que certaines étiquettes sont fausses. Comme ceux qui parlent de « pédérastes » pour désigner les homosexuels. Or, si on connaît un peu le français (et le grec pour ceux qui ont cet avantage), on sait bien que le « pédéraste » aime les jeunes garçons et pas les « hommes » (il faudrait que j'écrive quelque chose à ce sujet pour exprimer ma colère à la suite des propos d'une personnalité bien connue au Québec). Mais ce n'est pas d'hier que l'on a détourné le vrai sens du mot « pédéraste » ; même le « philosophe » Jean-Paul Sartre désigne ainsi l'un des personnages homosexuels de ses romans.
Et la plupart des « étiquettes » pour désigner ceux qui aiment les personnes de leur sexe sont péjoratifs : ils viennent souvent de la médecine, de Freud, et désignent quelque chose dont il faudrait se guérir.
En utilisant le mot « gay », on a voulu éviter tous ces termes péjoratifs.
Mais, encore une fois, pourquoi se coller soi-même une étiquette sur le dos ou s'en laisser coller une ? Les hétérosexuels se sentent-ils, eux, obligés de s'en coller une ?
Je peux risquer une hypothèse ?
Si tu t'es mis à pleurer, au récit des horreurs que tu recenses, c'est que tu portes en toi, comme je la porte en moi, la haine et le mépris, ingérés depuis longtemps, devenus partie constitutive de nos personnes, contre l'homosexualité encore perçue comme pire que tout, pire que pire, innommable, méritant toutes les violences possibles.
Même en 2010, un jeune homme qui découvre son homosexualité vit un épisode de grande solitude.
Un imbécile ( criminel inconscient ) a violé le secret de l'homosexualité du jeune violoniste, a divulgué sa sexualité comme un acte particulièrement humiliant, tellement humiliant qu'il n'a pu survivre, qu'il s'en est s’en est donné la mort.
C'est probablement le cas pour tous les autres jeunes hommes qui se sont récemment donné la mort.
Quant au viol collectif, à l'amnésie, au choc consécutif de découvrir la réalité, au dévoilement nécessaire et obligé, ai-je besoin de te dire que je me suis reconnu dans cette histoire, pourtant d'une autre époque que la mienne, et en apparence radicalement différente.
J'ai confiance en l'avenir d'Internet; je crois que, peu à peu, les tribunaux vont obliger les internautes à se responsabiliser en regard de ce qu'ils font de ce formidable instrument, qui peut tout aussi bien être libérateur que destructeur. Il est normalement facile de retrouver l'origine des propos, des images, des vidéos de cybercriminels: il y a déjà de la jurisprudence qui se constitue là-dessus. Inutile de censurer, mais donnons à la police et aux tribunaux les moyens d'agir de façon dissuasive.
Alcib, j'espère que tu vas bien. Tes belles lignes me manquent. Du simple fait que tu publies ce commentaire me fera comprendre que tu survis — pas trop mal, et que les mots reviendront.
À ajouter à mon commentaire laissé plus tôt:
http://thurly.net/07df
Voilà.
RPL : Merci de poursuivre la réflexion sur ce sujet.
Je n'ai pas vraiment moi-même souffert de discrimination en raison de ma sexualité. À l'adolescence, je crois avoir souffert des commentaires des autres plutôt en raison de ma timidité, de mes cheveux roux, du fait d'être premier de classe, etc.
Mais j'ai souvent vu, lu, entendu l'histoire de nombreuses personnes. ayant souffert de discrimination, de persécution...
Alexander lui-même n'y a pas échappé, à l'école, à l'université et... ailleurs.
Dans le cas du viol collectif, on avait arrêté et interrogé l'adolescent qui a filmé la scène et mise en ligne les images.
Au New Jersey, on a aussi identifié les deux responsables de la violation de la vie privée ayant conduit un autre étudiant au suicide.
Je survis, je ne sais pas trop comment.
Des mots reviendront sans doute un jour. Merci.
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