Que dire à quelqu'un de très cher qui, en moins d'une semaine, a perdu sa mère et son grand-père ?
Quelqu'un qui, à peine arrivé chez des amis à la campagne, à l'autre bout du pays, pour tenter de refaire un peu ses forces après le départ de sa mère, doit refaire le chemin en sens inverse pour aller aux funérailles de son grand-père ?
Je crois qu'il n'y a rien à dire. Dans ces circonstances, les mots sont bien impuissants. Seules la présence et l'affection des amis, même à distance, peuvent tenter d'apporter un peu de soutien et de réconfort.
Il connaissait déjà l'intensité de la douleur et l'immensité du vide causés par la perte d'un être cher. Avant même de pouvoir se rendre compte de l'ampleur du désastre, on doit se demander, quand deux autres départs consécutifs viennent s'ajouter à celui dont on essayait de se remettre, quand est-ce que cela va s'arrêter.
« Aimer, perdre et grandir » : c'est le titre d'un livre de Jean Monbourquette que l'on m'a, parmi d'autres titres, suggéré de lire pour tenter de donner un sens à la perte de celui qui donnait à ma vie tout son sens. Je n'ai jamais été capable de lire ce livre, ni aucun autre du genre, qui veut nous faire croire que la perte des êtres qui nous sont chers nous fera grandir. Non, merci ! Je ne crois pas qu'il faille perdre ceux que l'on aime pour grandir. Si c'est cela, je préfère rester petit, serais-je porté à dire. Il faut être religieux, profondément croyant, et avoir abandonné pratiquement toute attache terrestre, pour pouvoir accepter la perte comme occasion de grandir. Je sais que le départ d'Alexander me force à trouver en moi des ressources que je ne me connaissais peut-être pas, mais je n'ai pas le choix ; je ne peux toutefois pas envisager sereinement « la chance » que j'ai de pouvoir « grandir ». Le seul point sur lequel j'aurai grandi, c'est sur la capacité de continuer de vivre avec la perte, malgré la perte. Je reste toutefois convaincu que j'aurais évolué et grandi énormément plus avec la présence d'Alexander.
Cela dit, j'ai plusieurs fois eu recours aux services d'écoute de la Maison Monbourquette, au téléphone ou en personne, face à face, afin d'exprimer les trop fortes angoisses, les douleurs insoutenables, qui ont suivi le départ d'Alexander, et il m'arrive encore d'y faire appel. Il y a là des bénévoles formidables qui savent écouter sans juger, faire exprimer l'angoisse, le chagrin, en posant les bonnes questions sans suggérer eux-mêmes des réponses, et sans tenter même de faire allusion à Dieu ou aux pratiques spirituelles. Leur mission, c'est l'écoute, l'accompagnement des personnes en deuil, pas la foi.
Quand à notre ami si horriblement éprouvé, qu'il sache qu'il sera dans mon coeur et dans mes pensées, et que je serai là pour lui, aujourd'hui, demain, la semaine prochaine, dans les années à venir, aussi longtemps que je pourrai dire toujours.
Et, chez moi, de nouvelles bougies se sont ajoutées pour apporter un peu de lumière sur ces moments très sombres.
4 commentaires:
Tu as parfaitement raison. Très souvent, la présence affectueuse est le meilleur réconfort que l'on puisse offrir.
Le coeur n'a pas toujours besoin de mot
Pour laisser vivre un sanglot
Effectivement, la présence et l'affection ne passent pas forcément par les mots.
Mais quand un océan nous sépare, physiquement, les mots sont de précieux messagers.
C'est vrai
Je ne tenais pas compte de la situation particulière entre Alexander et toi.
Sans les mots, tu ne l'aurais jamais ému et il n'aurait pas pu imprégner ta vie intérieure comme il l'a fait.
Mais n'oublie jamais que c'est toi le premier qui a fait vibrer son âme par ton témoignage.
Lux : C’est aussi le cas avec l’ami durement éprouvé dont je parle dans cet article. Comme la distance physique est grande entre nous, de même qu’avec des amis communs,je ne suis pas en mesure de constater moi-même sa réalité. C’est donc par les mots, encore une fois, que tout doit passer… Bien entendu, tous les mots n’ont pas besoin d’être dits pour être compris : quand on a des affinités avec des gens, on apprend vite à lire entre les lignes… mais pour cela, il faut qu’il y ait des lignes.
Tu as raison : Alexander a été ému par les mots que j’employais. Mais, après être tombé sur le blogue en cherchant des images, il a été séduit par les nombreux intérêts que nous avions en commun : la Grèce, l’univers d’Alexandre le Grand, plusieurs auteurs français, des films, des images… En lisant les textes (il a lu en une nuit tout le blogue, articles et commentaires), il a jugé que ma sensibilité pouvait s’harmoniser avec la sienne. Il a compris que notre solitude respective serait moins lourde si nous amorcions un dialogue… Il avait trouvé une âme sœur. Il m’aura fallu quelques jours, l’échange de quelques courriels, pour comprendre que ce garçon était extraordinaire, pas seulement par l’éducation qu’il a reçue et la multitude de ses talents, mais par son caractère, sa personnalité, sa sensibilité, ses valeurs… Son nom, sa famille, sa situation tellement différente de la mienne, auraient pu faire en sorte que les communications entre nous soient compliquées ; je l’avais deviné et, je le crois, il a aimé que je puisse lire entre les lignes, sans qu’il ait besoin de tout dire, et que je sache respecter son immense discrétion. Il disait à sa grand-mère, à ses amies : « Je ne peux rien cacher à Alcib, il devine tout. » … Nous savions donc lire entre les lignes mais, au départ, il y avait les mots.
Quant à l’émotion de départ (il en fallait bien une), elle est née du hasard d’une rencontre, d’une coïncidence entre deux sensibilités, grâce à Internet… Il n’y aura pas eu besoin de grands efforts, par la suite, pour que l’on vibre au diapason…
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