Le premier juillet 2007, date à laquelle Diana, princesse de Galles, aurait célébré son 46e anniversaire, ses deux fils, les princes William et Harry, ont organisé à Londres un immense concert qui a rassemblé au stade de Wembley près 65 000 personnes. De son côté, le palais de Buckingham lui a rendu hommage à l’occasion des dix ans de sa disparition par une cérémonie officielle et une messe souvenir à la chapelle des Gardes, messe à laquelle assistaient la famille royale, plusieurs membres de la famille de Diana, de nombreux artistes chers à la princesse, les trois plus récents premiers ministres britanniques, en tout, quelque 500 personnes triées sur le volet.
Ce 31 août 2008, les cérémonies de commémorations seront sans doute plus modestes, plus discrètes, mais ne seront néanmoins pas absentes. À Paris, des milliers d’admirateurs viendront se recueillir sur le pont de l’Alma pour rendre hommage à une jeune femme qu’ils considèrent comme un modèle et dont l’engagement envers ceux qui souffrent continue, à des titres divers, de les inspirer. À Londres, des milliers d’autres se recueilleront devant le palais de Kensington, dernière résidence de la princesse et dans quelques lieux associés à la vie de celle qui a su conquérir le cœur des Anglais. Dans le Northamptonshire, au nord de Londres, lieu où a grandi Diana Frances Spencer, de nombreux autres fidèles ne manqueront pas de souligner l’événement près du domaine d’Althorp où elle repose sur une petite île au milieu de l’étang ovale. Le domaine ancestral d’Althorp, résidence de la famille Spencer depuis le début du seizième siècle, est généralement ouvert au public, sauf le 31 août. La famille se réunit chaque année pour se recueillir et rendre hommage à celle qui n’était pas seulement « princesse des cœurs », comme on la surnommait, et « princesse du peuple », comme l’avait constaté l’ancien premier ministre Tony Blair. Pour la famille, elle était tout cela, mais elle était surtout une sœur, une cousine, une jeune tante dont la disparition, il y a onze ans, a causé une douleur sans nom et un vide immense.
Je ne suis pas de la famille, je ne suis même pas Anglais (je crois qu’il n’est plus écrit sur notre passeport que les citoyens canadiens sont des sujets britanniques), et pourtant je me souviens parfaitement de cette nuit du 31 août et des premiers jours de septembre 1997. Comme John F. Kennedy a pu dire à Berlin Ouest le 21 juin 1963 : Ich bin ein Berliner, « Je suis un Berlinois », je me suis senti ces jours-là tout aussi Anglais que les dizaines de milliers de personnes qui se sont massées devant le palais de Kensington à Londres ; à certains moments, j’avais presque le sentiment d’appartenir à la famille royale ou, plus précisément, à la famille Spencer. La rigidité du protocole de la famille Windsor a fait passer le silence de la reine et des siens pour de l’insensibilité, avant que le premier ministre ne réussisse à la convaincre de mettre les drapeaux en berne et de s’adresser à son peuple. La monarchie britannique a vacillé un moment, le peuple se sentant plus près de leur princesse que d’une reine qui leur a paru trop distante. Dans ce contexte, la population britannique, et des milliards de personnes dans le monde qui ont suivi à la télévision ces jours de deuil et les funérailles, auraient plus volontiers prêté allégeance à la famille Spencer qu’à la famille Mountbatten-Windsor.
Onze ans plus tard, on retient que Diana fut l’une des femmes les plus célèbres et les plus populaires du monde, une figure emblématique de la mode, une beauté féminine et un modèle pour ses admiratrices. Son charme a contribué à redonner du lustre et de la vitalité à la monarchie jusque-là frileuse et poussiéreuse. Sa popularité dans le monde aura très certainement stimulé l'industrie touristique anglaise. De plus, elle fut admirée et imitée pour son engagement dans des causes humanitaires. En 1987, par exemple, elle fut la première célébrité à se faire photographier en tenant la main d’une personne atteinte du VIH. Bill Clinton déclarait en décembre 2001 : « En 1987, lorsqu'une large partie de la population croyait qu'il était possible de contracter le sida par de simples contacts, Lady Di s'est assise sur le lit d'un malade du sida et lui a serré la main. Elle a montré au monde que les séropositifs ne méritaient pas l'isolement mais la compassion. Ces prises de position ont contribué à faire évoluer l'opinion mondiale, à donner espoir aux séropositifs et à sauver des vies. »
En plus de son engagement dans la lutte contre le Sida, Diana a consacré du temps, de l’énergie, à diverses causes humanitaires : lutte contre les mines antipersonnel avec la Croix-Rouge internationale et la Croix-Rouge britannique ; Centrepoint (aide aux sans domicile fixe) ; The Chain of Hope (hospitalisation d'enfants défavorisés venus du monde entier) ; Great Ormond Street Hospital (hôpital pour enfants) ; Aids National Trust (lutte contre le sida) ; Royal Marsden NHS Trust (hôpital) ; diverses associations de lutte contre le cancer. Son exemple aura inspiré d’autres personnes à prendre la relève et à s’engager pour le bien de ceux qui souffrent. Chacun de nous ne peut pas en faire autant ; ce qui est intéressant, cependant, c’est de constater que plusieurs personnes qui pourraient simplement profiter agréablement de leurs loisirs et de leurs ressources financières choisissent de s’engager et de faire du bénévolat auprès d’organisations humanitaires.
Avec le recul, en pensant à l’héritage que nous laisse Diana, je me faisais aujourd’hui les réflexions suivantes : Voilà une jeune femme qui semblait jouir au départ d’excellentes conditions d’existence. Comme bien des jeunes filles, elle a dû rêver au prince charmant ; mais ne soyons pas sexiste ni discriminatoire : certains garçons aussi rêvent au prince charmant — et plusieurs le trouvent. Mais voilà que ses ennuis ont commencé peu après que le prince se soit présenté. En épousant le prince héritier, elle épousait aussi un rôle très exigeant, des responsabilités assez lourdes, des règles et des conventions très contraignantes. Quelles qu’en soient les causes et les circonstances, la « princesse des cœurs » a eu du mal à faire sa place dans ce monde, avec toutes ses conventions, son protocole pointilleux et froid, dans ce monde de représentation où les apparences sont plus importantes que les valeurs personnelles, où les rôles que l’on doit assumer sont plus importants que de vivre en fonction de ses intuitions, de ses goûts personnels, de ses convictions, selon son cœur, en somme.
À la naissance de ses enfants, William et Harry, elle a été bien inspirée de se consacrer surtout à son rôle de mère. Mal à l’aise dans un monde rigide, elle a choisi de donner à ses enfants une vie d’enfants « comme les autres », une mère aimante et présente, des jeux, des découvertes, à l’abri le plus possible de la censure royale et des regards du public et des médias. Elle aura donné à ses enfants une solide base affective qui leur permettra ensuite de faire face à bien des situations.
Elle aura compris que c’est l’amour qui nous anime et qui nous permet de nous épanouir et d’être heureux. L’amour réciproque que l’on éprouve pour un être, avec qui l’on partage plusieurs aspects de la vie, si possible, mais aussi l’amour et la tendresse que l’on éprouve pour notre entourage, pour nos semblables. Quand l’entourage ne permet pas de ressentir, d’exprimer, de partager cette tendresse, l’être authentique a parfois du mal à se sentir en harmonie avec lui-même, avec la vie… Quand le protocole, les règles établies, les conventions ou les bonnes manières empêchent l’expression spontanée, l’être authentique souffre et, à force de souffrir ces contradictions, il finit par développer des maladies…
La principale leçon que je retiens, donc, c’est qu’il faut vivre le plus possible en accord avec soi-même, avec nos propres valeurs, nos propres convictions, nos propres émotions et nos sentiments. S’il faut parfois faire des concessions pour respecter des conventions, si l’on veut éviter les conflits intérieurs et la maladie, il faut surtout essayer de vivre en harmonie avec soi, de vivre le plus spontanément possible, selon son intuition, selon son cœur…
Du haut de son nuage, elle observe avec tendresse ses deux fils dont elle est très fière, ainsi que certains membres de sa famille. Elle apprécie leur amour et leur fidélité et elle veille sur eux avec bienveillance. Elle voit bien qu'il reste encore beaucoup de travail à faire pour combattre la maladie et la souffrance, que les hommes continuent de se faire la guerre et de construire des engins qui ne font pas que tuer des militaires mais qui blessent et tuent des civils, adultes et enfants. Elle constate bien que ce monde qu'elle a quitté trop tôt vit un peu trop dans la souffrance. Elle n'en garde cependant pas moins sa sérénité car elle sait que chacun doit faire son effort, chacun doit y mettre du sien pour essayer de faire en sorte que ce monde soit supportable et, si possible, agréable à vivre. La mère qu'elle a été sait bien qu'il faut laisser les êtres faire leurs propre expériences et tirer leurs propres leçons ; c'est ainsi qu'ils pourront apprendre et grandir intérieurement. Néanmoins, elle sait qu'une attention bienveillante et tendre, bien que discrète, ne peut qu'encourager tous ceux qui sont de bonne volonté ; quant aux autres, ils apprendront bien un jour, d'une façon ou d'une autre...
Je suis persuadé que si elle avait un message à donner à ceux et celles qui l'aiment, à tous ceux et celles qui ont pleuré sa disparition, ce serait de chercher la sérénité qu'elle a maintenant trouvée, d'oublier la tristesse et la morosité et de vivre le plus souvent possible dans l'amour et dans la joie.
* * *
Il me semblait essentiel d'accompagner cet article de musique et Elton John, qui fut un ami personnel de Diana, me semblait tout à fait approprié. Pour l'occasion, Elton John a réécrit avec Bernie Taupin des paroles tout à fait adaptées à la situation, exprimant dans « Candle in the Wind » ce qu'était Diana pour lui et pour les milliards de personnes qui assistaient aux funérailles, que ce soit en personne à l'abbaye de Westminster ou par la télévision ; les paroles de la chanson suivent la musique, ci-dessous. Précisons qu'Elton John n'aura chanté cette chanson qu'une seule fois en public, le 6 septembre 1997, et qu'il aura toujours refusé de chanter en public cette version dont les paroles ont été écrites pour son amie Diana. J'ajoute, en audio et en vidéo ici, cette chanson rappelant la « princesse des cœurs », ainsi que deux autres chansons tirées du disque qui a été distribué dès le 13 septembre 1997 et qui portait le titre de la chanson principale,
« Candle in the Wind » (article sur Wikipédia).
« Candle in the Wind » (article sur Wikipédia).
Candle in the Wind
Goodbye, England's rose;
may you ever grow in our hearts.
You were the grace that placed itself
where lives were torn apart.
You called out to our country,
and you whispered to those in pain.
Now you belong to heaven,
and the stars spell out your name.
And it seems to me you lived your life
like a candle in the wind:
never fading with the sunset
when the rain set in.
And your footsteps will always fall here,
along England's greenest hills;
your candle's burned out long before
your legend ever will.
Loveliness we've lost;
these empty days without your smile.
This torch we'll always carry
for our nation's golden child.
And even though we try,
the truth brings us to tears;
all our words cannot express
the joy you brought us through the years.
Goodbye England's rose,
from a country lost without your soul,
who'll miss the wings of your compassion
more than you'll ever know.
Lyrics were revised and sang by Elton John,
at the funeral of Lady Di.
Goodbye, England's rose;
may you ever grow in our hearts.
You were the grace that placed itself
where lives were torn apart.
You called out to our country,
and you whispered to those in pain.
Now you belong to heaven,
and the stars spell out your name.
And it seems to me you lived your life
like a candle in the wind:
never fading with the sunset
when the rain set in.
And your footsteps will always fall here,
along England's greenest hills;
your candle's burned out long before
your legend ever will.
Loveliness we've lost;
these empty days without your smile.
This torch we'll always carry
for our nation's golden child.
And even though we try,
the truth brings us to tears;
all our words cannot express
the joy you brought us through the years.
Goodbye England's rose,
from a country lost without your soul,
who'll miss the wings of your compassion
more than you'll ever know.
Lyrics were revised and sang by Elton John,
at the funeral of Lady Di.