mardi 4 juillet 2006

Quatre jours loin de chez moi... et pourtant si près.

Il m'est arrivé ces jours derniers ce qui ne m'était jamais arrivé auparavant, du moins durant plusieurs jours d'affilée. Pendant quatre jours et quatre nuits, sans que je l'aie auparavant décidé, j'ai été pris en charge. Moi qui jongle avec le temps et les énergies disponibles, qui passe la plus grande partie de mon temps à planifier, organiser et contrôler (il faut bien vérifier si les résultats sont à la hauteur des efforts fournis), j'ai renoncé vendredi soir, provisoirement, à ce pouvoir précieux que j'exerce sur moi-même, et à celui de stimuler le plus possible mes neurones et ceux de quelques personnes qui ont accepté de travailler avec moi à l'atteinte de certains objectifs.

Pendant quatre jours, je n'ai plus eu besoin de planifier, d'organiser ; plus besoin de penser à ce que j'allais faire de mes longues journées et des mes courtes nuits. On le faisait pour moi. Du réveil au coucher, du coucher au réveil (sans fin, autrement dit), ma vie était prise en charge (je ne dirais pas forcément que tout ce qui compose normalement ma vie était pris en charge, mais au fond, ce qui ne l'était pas n'avait plus beaucoup d'importance). J'ai passé quatre nuits et quatre jours dans ce qui est sans doute le plus grand et le plus ancien « hôtel » de Montréal. Moi qui aime bien les vieilles pierres, j'étais bien entouré. Et puisque j'aime aussi la verdure, les parcs, les jardins, je dois dire que j'ai été comblé sur ce point aussi.

J'étais rentré chez moi jeudi soir après ma journée de travail, heureux de profiter encore de quatre jours de liberté (je ne travaille pas le vendredi et le lundi était, pour moi, férié) ; en rentrant, jeudi soir, je m'étais arrêté à la Grande Bibliothèque prendre quelques livres qui, durant ces quatre jours de liberté, allaient alimenter mes réflexions et nourrir mes projets de stratégies... Voìlà qui était bien planifié. Mais souvent, certains diront : toujours, l'inattendu arrive.

Alors que je commençais à travailler sur certains dossiers, vendredi matin, j'ai commencé à me sentir mal. Je ne savais pas ce que j'avais au juste, mais je ne me sentais pas bien. En regardant l'heure, je me suis rendu compte qu'il y avait déjà quelques heures que j'avais pris mon petit déjeuner, bien arrosé de thé noir ; je me suis préparé un peu de poulet froid, une salade d'épinards, un fruit. J'ai mangé, assez rapidement, et je me suis remis au travail mais, plus le temps passait, plus le malaise ressenti plus tôt s'imposait. J'essayais de lui trouver une cause probable et de lui apporter une solution appropriée. Je ne m'occupe pas toujours assez bien de mon corps et je néglige la plupart du temps les signaux qu'il m'envoie, mais il m'arrive de le comprendre assez bien et de lui donner ce qu'il réclame. J'avais beau faire, être aux petits oignons avec lui, ce vendredi, on dirait qu'il avait décidé de me bouder et de ne rien accepter de ce que je lui offrais. Plus le temps passait, plus je m'inquiétais, car je savais que les ressources disponibles en cas de besoin, allaient se faire rares : les commerces allaient fermer, les amis aller dormir, etc. Heureusement, un copain de Paris, à qui je n'avais pas parlé depuis plus d'un an, a eu la bonne idée de m'aborder sur MSN et de demander de mes nouvelles ; je n'ai pas pu lui cacher qu'à ce moment précis j'étais un peu inquiet. Il m'a conseillé ce que j'aurais aussi conseillé à un ami, mais les conseils que l'on donne sont tellement plus intéressants que ceux que l'on reçoit. Comme il était déjà tard à Paris et qu'Édouard était très fatigué, il m'a demandé de suivre son conseil et de lui envoyer un message aussitôt. Édouard est allé se coucher et... moi de même. Sauf que le sommeil ne venait pas si facilement ; j'avais beau faire semblant de ne pas vouloir dormir, comme je fais parfois, pour arriver à dormir comme si je ne le voulais pas, le malaise n'avait fait qu'augmenter et s'était transformé en douleur réelle.

Je me suis donc décidé à composer ce numéro que l'on garde sous la main en espérant n'avoir jamais à s'en servir... On m'a vite posé quelques questions très claires auxquelles on voulait des réponses aussi nettes ; puis, en moins d'une minute, on avait saisi le besoin et on m'a dit : « Ne bougez pas, on vous envoie une limousine... euh : une ambulance ». « D'accord, dis-je, je m'habille. » « Pas du tout ! Ne faites rien du tout ! Installez-vous le plus confortablement possible et attendez ; les ambulanciers seront là dans deux minutes. » Ne le répétez pas, et ne faites surtout pas comme moi si jamais on vous envoie une limousine... une ambulance (je n'arrive pas à me faire à ce mot) ; je me suis habillé, j'ai pris mes clés et j'ai attendu les ambulanciers à la porte de l'ascenseur. En me voyant, ils ont cru que je les avais appelés pour quelqu'un d'autre, puisque je n'avais pas l'air mourant, mais ils ont bien voulu me conduire, non sans faire rapidement quelques vérifications et sans me demander où je voulais aller. J'ai opté pour le plus près, à trois pas de chez moi ; on a vérifié et on voulait bien m'y accepter : on m'a donc conduit à l'Hôtel-Dieu.

Comme il s'agissait d'une longue fin de semaine et qu'en plus, avec le début du Festival du Jazz de Montréal et de toutes les célébrations qui se déroulent en ce moment à Montréal, j'ai cru que les urgences de tous les hôpitaux de Montréal, surtout ceux du centre-ville, allaient déborder d'accidentés et de blessés de toutes sortes, d'intoxiqués à toutes les substances ; ce n'était pas le cas. L'urgence de l'Hôtel-Dieu était relativement calme et on s'est vite occupé de moi ; j'ai eu le temps de me dire que toutes ces horreurs que l'on raconte sur les urgences, ce n'est donc pas toujours vrai, si ce l'est parfois. Deuxième agréable surprise : le médecin qui est venu m'examiner sommairement était... celui-là même qui m'avait soigné durant plusieurs années. Il m'a évidemment reconnu et nous avons échangé quelques nouvelles (l'état de la situation le permettait ou, en d'autres mots, le temps que l'on prend à établir des relations cordiales avec les autres n'est jamais perdu).

Je n'ai évidemment pas dormi cette nuit-là. Après la vérification des signes vitaux (tension, température, pouls), j'ai eu droit à des radiographies puis à des échographies. Bien entendu, on m'avait rapidement fait une injection de morphine pour contrôler la douleur qui était devenue difficilement tolérable. Plus tard, en après-midi, on a fait venir spécialement pour moi la technicienne en médecine nucléaire afin de faire d'autres tests qui allaient permettre de confirmer ou d'infirmer les tests précédents. Par moments, il y a eu jusqu'à trois médecins présents en même temps. De quoi me rassurer ou, au contraire, m'inquiéter ; je me sentais néanmoins entre bonnes mains. Je n'aime pas beaucoup l'idée de m'allonger sur une planche à repasser et que l'on me fasse ainsi entrer dans ce qui pourrait ressembler à un cercueil (quand je serai mort, ça me dérangera probablement moins), mais la médecine nucléaire constitue un réel progrès et on ne peut pas refuser de s'y soumettre. L'ennui, c'est que je suis quelque peu claustrophobe et l'obligation de rester totalement inerte sur une minuscule planche inconfortable durant une heure et demie n'avait rien pour me faire rire, même si la jeune femme qui me torturait était on ne peut plus gentille, m'expliquant tout ce que je ne songeais même pas à lui demander. Il faut dire qu'avant de me faire passer ainsi très précisément quatre-vingt-dix minutes dans cette machine qui faisait son cinéma à raison de quatre-vingt-dix séquences d'une minute, on m'avait injecté un liquide luminescent qu'on a fait suivre de morphine pour forcer l'organisme à révéler ses secrets.

Quelques minutes après avoir donné à la science une série de photos de mes organes internes, j'ai vu apparaître devant moi un médecin, qui avait l'air de s'arrêter là comme en passant, pour me faire la conversation ; j'ai vite compris, à sa voix suave, à ses lunettes très distinguées et à la qualité de son bronzage, que je n'avais pas affaire à un urgentiste : le docteur en question était chirurgien. « Vous allez donc m'enlever un morceau ? », lui ai-je alors demandé. « Pas forcément », m'a-t-il répondu. « J'ai regardé rapidement les résultats des tests, mais je ne suis pas absolument certain encore de ce qu'il faut faire ; il y a plus d'un scénario possible. Nous en reparlerons. » Et il m'a quitté comme il était venu, comme un personnage enchanté dans un conte pour enfants ou pour adultes attardés.

La suite au prochain épisode (mercredi ou, plus probablement, jeudi).

6 commentaires:

Anonyme a dit…

ben c'est pas malin de nous faire des peurs comme ça! heureusement que tu es là pour tout raconter, ça veut dire que tu es encore vivant ;)

le problème avec les gens qui écrivent seulement de temps en temps sur leur blog c'est qu'il peut leur arriver quelque chose mais personne ne s'inquiètera de leur silence :(

j'espère que tout ça n'est pas sérieux et que tu vas mieux. je t'embrasse bien fort.

Brigetoun a dit…

bon si vous êtes capable de bloguer, de bloguer longuement, j'espère que le diagnostic n'est pas trop grave et qu'il n'en reste que le souvenir d'avoir été "pris en charge". Avouez que quand on sort un peu du moment de détresse, c'est agréable cette pause, ce trou dans l'organisation, cet abandon de la nécessité de décider

Anonyme a dit…

J'essaie de me dire que, n'est-ce pas, si tu fais ça en deux épisodes, c'est que ce n'est pas SI grave, mais @#%, j'ai hâte de savoir la suite !

Miss Patata a dit…

Je lis et je relis et j'ai bien du mal à trouver de quoi il s'agit... Un truc de digestion ou quoi... De la morphine! Miss Lulu a raison c'est inquiétant, mais si tu es capable d'écrire...Ouf!

Bonne chances et prends bien soins de toi, de te reposer!

Beo a dit…

Iiiiiiiiiiiiiiiiii! Comme tu narres si calmement! Je file lire la suite!

Anonyme a dit…

Oh, ben dis donc! Je découvre tout ça avec quelques jours de retard!
(je file lire la suite)