Pendant plus de dix ans, j'ai vécu avec deux petites perruches ondulées que m'avait données l'un de mes beaux-frères. Quand, un matin de l'été dernier, je me suis levé et que je n'ai vu que l'une des perruches sur le perchoir, je me suis douté que l'autre était inerte au fond de la cage ; à vrai dire, je m'y attendais depuis quelques jours. J'ai vite retiré le petit cadavre que j'ai enveloppé dans une serviette de papier avant de le déposer dans une boîte de carton que j'ai placée au frais en attendant d'en disposer autrement.
J'ai été assez surpris de la réaction de l'autre. Je croyais qu'elle serait très triste de voir ainsi disparaître sa compagne. Rien ne semblait changé dans son comportement. J'ai cependant eu la bonne idée d'installer immédiatement dans la cage un petit miroir à deux faces. Quelques minutes plus tard, elle avait accepté dans sa cage ce nouvel objet qui ne lui était pourtant pas tout à fait inconnu puisqu'il avait déjà fait partie de son décor ; je l'avais retiré il y a longtemps parce que l'une ou l'autre des perruches passait trop de temps à dialoguer avec le miroir pendant que l'autre se demandait ce que sa compagne ou son compagnon avait ainsi à soliloquer. Durant plusieurs jours, j'ai eu l'impression que la petite perruche ne se rendait pas compte de la disparition de l'autre. Elle continuait de chanter et de parler longuement au miroir comme s'ils avaient toujours vécu ensemble ou comme si elle voulait séduire. Par moments, je la sentais s'impatienter de la froideur de l'autre qui persistait à se tenir derrière la vitre...
Quelques mois ont passé et la perruche continue d'accorder beaucoup d'attention à son miroir, à lui parler, à chanter, à essayer de faire des câlins à l'image qui l'attire. Parfois, j'ai le sentiment qu'elle n'est pas tout à fait dupe. Alors qu'au début, elle ne s'éloignait que très brièvement du miroir, elle s'en éloigne maintenant un peu plus longtemps mais elle y revient toujours. Si elle sort de la cage pour faire le tour du salon, elle revient vite au miroir pour lui raconter sa sortie ou pour demander à sa compagne pourquoi elle ne l'a pas suivie. Parfois, durant la journée, je la sens un peu triste ; on dirait qu'elle attend de sa compagne en deux dimensions un peu plus de chaleur et d'affection. Hier, je la voyais caresser de sa tête le cadre du petit miroir puis, durant plusieurs minutes, elle glissa sa tête sous le cadre comme si elle demandait à sa compagne de lui caresser la tête...
Elle m'a fait prendre conscience que nous vivons un peu la même situation. Je sais bien que c'est ma propre image que me renvoient les miroirs du salon et cette forme de narcissisme ne m'attire pas particulèrement. Toutefois, je suis abonné à Internet depuis plus de sept ans et si, comme je l'ai raconté longuement ici, ce réseau permet de formidables rencontres et permet d'entretenir le dialogue avec des amis, il peut aussi se transformer à l'occasion en miroir aux illusions... « Alouette, gentille alouette... »
Comme ma perruche, je me surprends certains soirs à me pencher la tête sur l'écran et à attendre que l'on me caresse le crâne... Quelle différence y a-t-il donc entre moi et une cervelle d'oiseau ?
Cette image vient d' ici
J'ai été assez surpris de la réaction de l'autre. Je croyais qu'elle serait très triste de voir ainsi disparaître sa compagne. Rien ne semblait changé dans son comportement. J'ai cependant eu la bonne idée d'installer immédiatement dans la cage un petit miroir à deux faces. Quelques minutes plus tard, elle avait accepté dans sa cage ce nouvel objet qui ne lui était pourtant pas tout à fait inconnu puisqu'il avait déjà fait partie de son décor ; je l'avais retiré il y a longtemps parce que l'une ou l'autre des perruches passait trop de temps à dialoguer avec le miroir pendant que l'autre se demandait ce que sa compagne ou son compagnon avait ainsi à soliloquer. Durant plusieurs jours, j'ai eu l'impression que la petite perruche ne se rendait pas compte de la disparition de l'autre. Elle continuait de chanter et de parler longuement au miroir comme s'ils avaient toujours vécu ensemble ou comme si elle voulait séduire. Par moments, je la sentais s'impatienter de la froideur de l'autre qui persistait à se tenir derrière la vitre...
Quelques mois ont passé et la perruche continue d'accorder beaucoup d'attention à son miroir, à lui parler, à chanter, à essayer de faire des câlins à l'image qui l'attire. Parfois, j'ai le sentiment qu'elle n'est pas tout à fait dupe. Alors qu'au début, elle ne s'éloignait que très brièvement du miroir, elle s'en éloigne maintenant un peu plus longtemps mais elle y revient toujours. Si elle sort de la cage pour faire le tour du salon, elle revient vite au miroir pour lui raconter sa sortie ou pour demander à sa compagne pourquoi elle ne l'a pas suivie. Parfois, durant la journée, je la sens un peu triste ; on dirait qu'elle attend de sa compagne en deux dimensions un peu plus de chaleur et d'affection. Hier, je la voyais caresser de sa tête le cadre du petit miroir puis, durant plusieurs minutes, elle glissa sa tête sous le cadre comme si elle demandait à sa compagne de lui caresser la tête...
Elle m'a fait prendre conscience que nous vivons un peu la même situation. Je sais bien que c'est ma propre image que me renvoient les miroirs du salon et cette forme de narcissisme ne m'attire pas particulèrement. Toutefois, je suis abonné à Internet depuis plus de sept ans et si, comme je l'ai raconté longuement ici, ce réseau permet de formidables rencontres et permet d'entretenir le dialogue avec des amis, il peut aussi se transformer à l'occasion en miroir aux illusions... « Alouette, gentille alouette... »
Comme ma perruche, je me surprends certains soirs à me pencher la tête sur l'écran et à attendre que l'on me caresse le crâne... Quelle différence y a-t-il donc entre moi et une cervelle d'oiseau ?
20 commentaires:
J'aime beaucoup ce que tu as écrit, ça pourrait faire une jolie nouvelle toute simple et chargée de philosophie.
Nous sommes tous des perruches finalement et internet un miroir aux alouettes. Enfin, on n'est pas complètement dupes.
v à l'ouest a déjà écrit tout ce que je pensais écrire. Bises, de l'autre côté du miroir.
Très touchant et juste ton billet!
Bonne question. Quelle est la différence? Tu questionnes, je réponds.
Je pense que l'on possède tous les attributs des règnes qui nous précèdent. Donc, on a aussi une cervelle d'oiseau... entre autres choses. Mais on a aussi la possibilité de se poser des questions, de se donner des réponses, de douter, de chercher du sens à nos vies et d'être ému par ce qui nous entoure et ce qui nous habite.
Je suppose que tu vas te moquer du philosophe qui jacasse sur ton blogue. C'est fou comme la vie d'une perruche peut nous faire cogiter.
Heureux de ton retour ami Alcib.
Narcisse je suis et resterais (d'autant que je suis seule). Mais j'espère que je suis moins égoïste que la survivante des perruches que nous avions dans mon enfance et qui avait manifesté sa joie avec enthousiasme à la mort de l'autre
Ah, bonne question...
Internet est-il un miroir aux alouettes? Plusieurs le disent. La plupart de ceux-là, d'ailleurs, n'y connaissent généralement rien et tirent à bout portant sur ce qu'ils ignorent.
Enfin. Moi, j'ai rencontré l'homme de ma vie il y a huit ans dans le cyberespace sans compter les amitiés qui sont nées à travers mon blog. Oui, il y a un endos à ce miroir: la réalité. À nous, ensuite, de ne pas rester du seul côté virtuel.
Je suis certaine que tu arrives à un assez bon équilibre, cher Alcib.
V : Merci. Comme je n'ai pas d'aptitudes pour la nouvelle et que de toute façon ces jours-ci l'inspiration est en veilleuse, je t'offre le sujet. Tu nous diras quand tu la publieras ;o)
Pierre-Yves : Les Grecs l'avaient sans doute dit avant moi et avant V. ; il n'y a pas de mal à le redire car les gens ont la mémoire courte et tout le monde ne comprend pas toujours de la même façon. Bisesaussi.
Béo : Merci.
Lux : Merci. J'espère que le retour ne sera pas qu'épisodique.
Je suppose qu'en plus, si la perruche peut nous aider à trouver le sens de notre vie, nous pouvons aussi donner un sens à la sienne.
Tu jacasses si bien qu'il serait dommage de nous en priver ;o)
Cogito ergo sum...
Brigetoun : Narcissisme bien ordonné commence par soi-même. Et l'égoïste n'est-il pas celui qui ne pense pas à moi ?
Se serait injuste de laisser croire que ma perruche s'est réjouie du départ de l'autre. Non, je crois qu'elle a été étonnée. Elle a tout de même connue, dans les jours suivants, une période de tristesse, de dépression. J'ai essayé d'être un peu plus présent, un peu plus attentif. Les premières années, je n'ai pas eu beaucoup de temps pour leur apprendre à socialiser ; j'ai parfois l'impression que celle qui reste essaie de communiquer un peu plus avec moi.
Danaée : tu as raison : Internet n'est pas qu'un miroir aux alouettes. J'ai de bons amis que j'ai d'abord connus par Internet et d'autres avec qui je garde un contact plus suivi grâce à Internet.
Je me souviens en effet que tu as rencontré ton amoureux grâce à Internet.
Quant à mon équilibre, je ne parierais pas sur ce cheval ;o)
Depuis mon côté de l'écran je te caresse le crâne :)
Merci, Dr Caso : ça fait du bien où ça passe ;o)
Bises. Et câlins aux coquines.
La perruche est vraiment amoureuse, ce soir ; je me demande bien comment le miroir peut lui résister ;o)
Quelle belle analogie! Que la réalité te tende la main avec douceur.
très drôle votre dernière ligne lol !! bisous Vivi
C2 et Bleuazure : Merci. En attendant que le ciel vous le rende au centuple, je vous tends la main et la joue ;o)
Mon Dieu, que dire après tout cela qui n'aie pas l'air trop bête ou creux...? Tant de choses à dire, en fait...
Je suis parfois comme ces perruches, mais j'use d'un autre subterfuge que le miroir, qui me renverra toujours une image que je n'aimerai jamais... Pour moi, ces dérivatifs sont l'image et le son... Une télé allumée, le son coupé, juste pour l'image, et pour laisser place au son bien choisi, lui...De la musique, de la "parlotte". Plus que tout, je déteste le silence qui lui me rappelle que je suis seul quand je souhaite ne pas l'être... Je suis capable de m'isoler, j'ai ces périodes où je ne chercherai pas de contact...Pourtant, je sais que jamais, jamais, vraiment jamais, le fil n'est rompu...et c'est toujours à lui que je me raccroche !!!
Je ne résiste pas à répondre un petit commentaire, bien que j'ai déjà lu le texte auparavant. Je n'ai rien à y répondre, je voulais juste souligner que j'appréciais beaucoup ce petit texte. Voilà qui est fait ! :)
C'est très bien écrit (aussi).
Jean-Marc, merci de ce témoignage, que nous aurons peut-être l'occasion de poursuivre jeudi prochain, au restaurant ;o)
Je crois que c'est une tendance assez répandue chez les humains que de vouloir tromper le silence et la solitude. Quand nous étions bébés, déjà, nous n'aimions pas trop, pour la plupart d'entre nous, les moments où la mère disparaissait et nous laissait seul. Le noir, le silence, pouvaient devenir angoissants si nous n'étions pas encore confiants de revoir apparaître le visage familier qui nous rassurait. En principe, nos parents nous ont peu à peu appris à vivre l'abandon, la solitude, de façon qui ne soit pas dramatique. Certaines de nos peurs et de nos angoisses actuelles ne sont sans doute que des répétitions de la façon dont nous avons résolu au moment de l'enfance la séparation, la solitude, l'autonomie, la liberté.
Personnellement, je sais que j'ai très longtemps eu du mal à accepter et à vivre ce que je percevais comme de l'abandon. Des expériences heureuses vécues à l'âge adulte m'ont permis d'atténuer cette angoisse. Je ne la ressens plus de la même façon, mais suis-je pour autant guéri ? Sans doute pas... J'ai encore du mal à me séparer de ceux que j'aime (quand Hugo est parti travailler à Copenhague, puis à Las Vegas, j'ai beaucoup souffert de son départ, même si j'étais heureux de ce qui lui arrivait. Tout ce que nous avions partagé durant les 5 années qu'il a vécues ici, dans l'appartement voisin du mien, avaient créé des liens et des habitudes très agréables et difficiles à rompre).
Il me plaît parfois de dire que j'aime la solitude. Mais, là comme ailleurs, il faut un équilibre. J'aime la solitude choisie, riche de vie intérieure ; je la préfère évidemment aux bavardages insipides de bien des gens que l'on doit parfois fréquenter. Mais l'absence de mal est-elle vraiment du bien ? L'absence de douleur imposée par les autres n'est pas encore du bien-être. La solitude est beaucoup plus riche quand elle est partagée de temps à autre avec des êtres choisis, des êtres qui, au lieu d'entrer en conflit avec nos propres valeurs et nos objectifs, viennent nous confirmer les choix que nous faisons, sans même qu'ils s'en rendent compte eux-mêmes...
Je trompe aussi ma solitude avec des images, de la musique, des livres, Internet ; il m'arrive souvent de m'enrichir de ces « divertissements » ; quand ce n'est pas le cas, j'ai le sentiment d'avoir perdu mon temps et de m'être éloigné de mes objectifs...
Patquebec, j'apprécie ton geste de solidarité ;o) Merci.
Hpy, je ne sais pas comment tu es arrivée ici, mais sois la bienvenue. Et merci du commentaire. J'irai regarder plus attentivement les belles photos de la Normandie...
TRES BIEN ECRIS, JOLIE PETITE PERRUCHE ! MOI AUSSI J'AIMERAIS QUE L'ON ME CARESSE LA TETE "alouette"
je suis venue par le blog de SOLEIL
BISOUS
http://cancerinette.skyrock.com
Merci Catherinette et bienvenue dans ces pages. Meilleurs voeux pour 2008. Bonne santé, surtout.
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