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L'Histoire ancienne nous a laissé plusieurs beaux témoignages d'amitié entre deux hommes. Pour n'en mentionner que quelques-unes qui nous proviennent de la Grèce, rappelons celles d'Achille et Patrocle, de Castor et Pollux ainsi que celle d'Alexandre le Grand et Héphestion (on voit souvent l'orthographe Héphaestion ou Héphaistion).
Les historiens ne s'entendent pas tous sur l'ampleur et la nature de l'amitié qui liait Alexandre et Héphestion. Le plus beau témoignage sur cette amitié est sans doute celui de Roger Peyrefitte dans sa trilogie sur Alexandre (La jeunesse d'Alexandre, Les conquêtes d'Alexandre et Alexandre le Grand), biographie très fouillée et cependant boudée par les historiens puritains parce que l'auteur ne laisse pas sous le voile et les sous-entendus ce qui se passe dans la chambre à coucher des héros. Je peux comprendre qu'il s'agit là d'une biographie à ne pas mettre entre les mains de tout enfant ; mais quel enfant serait intéressé à une histoire si détaillée et précise courant sur près de deux milles pages ?
J'ai pu voir récemment le film Alexandre d'Oliver Stone, film de 2004 que je n'avais pas voulu voir, persuadé d'avance que je serais déçu. Il y a quelques semaines, un ami m'a prêté le dvd du film en question et je me suis empressé de le regarder, ne serait-ce que pour confirmer ou infirmer mes préjugés. Je dois dire que j'ai été à la fois séduit et déçu. Heureux de voir racontée en images, au prix de nombreux raccourcis, une histoire qui me fait rêver depuis quelques décennies et, en même temps, déçu de voir escamotés certains épisodes de la vie d'Alexandre, son enfance et sa première jeunesse entre autres. J'ai cependant écouté avec grand intérêt les commentaires en supplément sur le dvd au sujet de la réalisation du film ; on y dit notamment que la question de l'homosexualité (ou de la bisexualité) d'Alexandre le Grand reste taboue à notre époque alors qu'elle l'était beaucoup moins à celle d'Alexandre, il y a plus de 2300 ans.
C'est au cours de leur enfance que s'est nouée l'amitié entre Alexandre et Héphestion. Nés la même année et élevés ensemble, à Pella en Macédoine, les deux amis, fils d'aristocrates, ont reçu l'enseignement d'Aristote. Sur cette enfance et le début de cette amitié, La jeunesse d'Alexandre de Roger Peyrefitte n'est pas avare de détails, alors que le film d'Oliver Stone nous laisse sur notre faim.
Tous les historiens ne s'entendent pas sur la nature exacte des relations entre Alexandre et Héphestion, amoureuses ou pas, mais tous s'entendent cependant sur la solidité de leur amitié, digne de celle des héros d'Homère, Achille et Patrocle.
Ce tableau de Véronèse illustre un moment où l'armée d'Alexandre le Grand vient de remporter une victoire sur l'armée du roi des Perses, Darius III. Celui-ci aurait été assassiné et sa famille vient présenter ses respects à Alexandre. Or, Sysygambis, la mère de Darius III, trompée par la taille et la beauté d'Héphestion confond celui-ci avec Alexandre. Ce dernier, loin de s'en offusquer, dit en désignant Héphestion : « Lui aussi est Alexandre ». Peut-on trouver au monde plus beau témoignage d'amitié ?
J'espère qu'un jour quelqu'un consacrera un livre à Héphestion, livre qui pourrait bien s'appeler Héphestion ou l'amitié, Héphestion et la fidélité ou encore, pourquoi pas, Héphestion et l'amour indéfectible.
Ne peut-on pas dire avec Victor Hugo, aussi bien pour l'amitié que pour l'amour : « Deux êtres se sont aimés parce qu'ils se sont regardés. C'est comme cela qu'on s'aime, et uniquement pour cela. »