dimanche 21 septembre 2008

Harper et le fondamentalisme canadien

Le premier ministre Stephen Harper, à la tête d'un gouvernement conservateur minoritaire a choisi récemment de déclencher des élections générales au Canada, violant ainsi son propre projet de loi faisant en sorte que les élections canadiennes aient lieu tous les quatre ans à la même date. Les Canadiens — et les Québécois — iront aux urnes le 14 octobre prochain.

Le parti Conservateur que dirige Stephen Harper est issu de la droite la plus conservatrice canadienne, à l'image des fanatiques religieux qui ont porté le président Bouche au pouvoir aux États-Unis. Formant un gouvernement minoritaire depuis les dernières élections, les Conservateurs n'étaient pas en mesure de faire adopter toutes les lois rétrogrades et répressives qu'ils auraient voulu faire adopter. Parmi les projets qui sont restés en suspens, de simples projets comme : la recriminalisation de l'avortement, l'abolition du mariage pour les personnes de même sexe, la censure imposée au contenu culturel des émissions de télévision et aux productions artistiques bénéficiant d'une forme quelconque de financement public, etc. Les Canadiens n'ont pas encore vu le vrai visage de ces gens-là et jusqu'où ils sont prêts à aller pour replonger le Canada dans l'obscurantisme et les valeurs de la droite radicale, où les intellectuels et les artistes devront faire la preuve de leur parfaite adhésion aux valeurs morales de ces fondamentalistes d'origine albertaine. Les Canadiens n'ont encore rien vu.

Ce gouvernement qui prétend avoir reconnu la nation québécoise n'a pas fait un seul geste pour que cette prétendue reconnaissance ait un sens pour les Québécois. Ce gouvernement continue de mentir effrontément à la population, avec le plus beau sourire hypocrite de son premier ministre. Ce gouvernement cache les rapports, contrôle l'information pour empêcher les Canadiens de connaître la vérité sur les gestes concrets et sur les scandales glissés sous le tapis par l'appareil politique du premier ministre. Et pourtant, un peu comme au Québec où le premier ministre Jean Charest est d'autant plus populaire que son gouvernement ne fait absolument rien, se laisse porter par la vague, il semble que les Canadiens — pis encore : les Québécois de même — s'apprêtent à donner un mandat clair à ces gens hypocrites, menteurs, cachotiers, et dont les véritables intentions sont habilement camouflées sous un enrobage sucré et tout à fait écoeurant. Je n'ai pas toujours compris les choix des Canadiens, mais là je ne comprends absolument pas que mes concitoyens québécois s'apprêtent à élire une majorité de députés conservateurs qui ont beaucoup de mal à camoufler leur intégrisme religieux. Il suffit de voir avec quelle subtilité le cardinal Turcotte a plus ou moins laissé entendre qu'un gouvernement conservateur serait plus favorable au rétablissement du pouvoir clérical dans la société. Il suffit de penser que l'une des candidates du parti conservateur est membre de l'Opus Dei, cet organisme plus ou moins secret défendant au sein de l'Église catholique les valeurs les plus rétrogrades. Ce ne sont-là que deux exemples parmi des dizaines et des dizaines d'autres.

Ce gouvernement conservateur continue de voler éhontément la caisse de l'assurance-chômage, caisse financée par les travailleurs et les employeurs qui a accumulé un surplus de cinquante-sept milliards de dollars. La caisse de l'assurance-chômage devrait servir à aider les personnes qui ont perdu leur emploi. Il y aurait des pages et des pages à écrire sur ce scandale créé par le gouvernement libéral de Jean Chrétien, par l'entremise de ma propre députée de l'époque, Lucienne Robillard (les Québécois n'ont jamais été si bien trahis que par les leurs). Le gouvernement de Stephen Harper se garde bien cependant de rendre étanche la caisse de l'assurance-emploi afin d'éviter que son gouvernement et les suivants ne fassent des cadeaux politiques à même l'argent des chômeurs ou que ces fonds ne servent à acheter de l'équipement militaire pour aller tuer des gens dans le monde alors que le Canada a toujours eux un rôle de maintien de la paix.

La bêtise (pardon, chers animaux) et l'obscurantisme ont poussé ce gouvernement à abolir des programmes destinés à favoriser la création et à promouvoir la culture. La suave Josée Verner, ministre du Patrimoine, autre Québécoise, abolit 16 programmes sur lesquels comptent les artistes et le milieu culturel et court se cacher sous son bureau pour éviter de justifier sa décision et de répondre aux questions ; elle n'est pas la seule : tous les ministres de ce gouvernement ont appris à jouer à cache-cache pour laisser toute la place au premier ministre Harper (comme dans une secte religieuse, dans ce gouvernement et au parti conservateur, seul le chef de la secte, le gourou, peut s'adresser aux médias). Ces programmes destinés à favoriser la création artistique et la promotion de la culture ne coûtaient pourtant à ce gouvernement qui ne sait que faire de ses surplus budgétaires que 60 millions de dollars. Pour ce gouvernement, ce n'est rien 60 millions de dollars, mais pour les arts et le culture, c'est indispensable à leur survie. Ce gouvernement d'incultes et de moralisateurs intégristes, ces Talibans nord-américains ont fait le pari que d'affamer les artistes, le milieu de la culture, ne susciterait aucune réaction au sein de la population. Le pire, c'est qu'ils ont raison ! J'ai vraiment honte d'être Québécois ! La majorité de la population, du moins celle qui s'exprime, et qui ne dit mot consent, considère les artistes et le milieu culturel de façon générale comme des parasites. J'ai honte et je cracherais au visage de qui oserait me dire dans les yeux que, de manière générale, les artistes sont des parasites (il y en a un certain nombre, bien sûr, et de très connus en plus, mais je ne les nommerai pas, seulement pour rire).

Monsieur et Madame Tout-le-Monde peuvent bien penser que les artistes et le milieu culturel reçoivent trop d'argent : le bon peuple a le droit d'être ignorant et stupide. Les dirigeants politiques, cependant, n'ont pas le droit de faire semblant de ne pas comprendre, même s'ils sont complètement bornés et stupides comme plusieurs membres de ce gouvernement conservateur, que chaque dollar investi dans les entreprises culturelles rapporte à la société onze fois plus. Derrière l'abolition des programmes destinés à financer la création et la diffusion de la culture, ce ne sont pas des économies financières que cherche à faire ce gouvernement, mais bien une façon d'obliger le milieu culturel à se soumettre à certaines évaluations morales, évaluations faites par les conservateurs, évidemment, de manière à ce qu'aucune production artistique financée de manière quelconque par des fonds publics ne vienne heurter les valeurs intégristes de ces Talibans* en costumes-cravate.

À la suite d'un sondage biaisé auprès de la population canadienne (avec une question du genre : « Trouvez-vous que la radio et la télévision publiques coûtent trop cher aux pauvres contribuables ? »), ces Conservateurs incultes et qui méprisent la culture, l'information et la communication, s'apprêtent à sabrer encore dans les budgets de Radio-Canada et de CBC (Canadian Broadcasting Corporation). La ministre du Patrimoine, responsable de la langue et de la culture dans ce gouvernement a déclaré qu'« elle n'est pas inquiète » au sujet de la radio et de la télévision publiques ; une telle déclaration, aussi stupide et insignifiante qu'à peu près toutes les déclarations de cette potiche, n'a rien de plus rassurant que celle des Talibans qui auraient déclarés qu'ils n'étaient pas inquiets pour les libertés, pour la culture, pour les bouddhas sculptés qu'ils ont fait dynamiter... (Rappelons qu'en mars 2001, ces « fous de Dieu », au nom de l'iconoclasme intolérant, ont fait dynamiter les deux bouddhas sculptés de Bâmiyân, vieux de 15 siècles. Nos Conservateurs bon teint auraient sûrement applaudi ce geste qui va à l'encontre de la culture et de la civilisation.)

Le milieu artistique québécois se mobilise. De nombreuses manifestations sont prévues au cours des prochains jours. L'un des moyens utilisés pour dénoncer l'obscurantisme des conservateurs est la production de cette vidéo montrant un artiste francophone s'adressant à un comité du gouvernement canadien chargé d'évaluer une demande d'aide financière. Comme il se doit, pour bien refléter la réalité canadienne, les membres de ce comité sont unilingues anglophones... En quelques heures, cette vidéo a été vue jeudi dernier, jour de son lancement, par 40 000 internautes. Depuis deux jours, plus de 160 000 internautes l'ont vue. Elle circule abondamment, tout le monde en parle. C'est plutôt rafraîchissant à voir et à entendre, au lieu d'écouter les paroles creuses que l'on sait pertinemment mensongères de Stephen Harper et de son équipe d'incompétents, néanmoins dangereux.

C'est ce que je pense et que j'exprime spontanément en cette fin de soirée du samedi 20 septembre 2008.


10 commentaires:

Brigetoun a dit…

et nous voilà de plus en plus cousins

Beo a dit…

Je me demande si ça va faire bouger la population et surtout les choses tout ça.... j'espère bien fot en tous les cas!

Bon dimanche à toi!

Alcib a dit…

Brigetoun : Je crois, hélas, que nous ne sommes pas les seuls à être affligés de cette gangrène.

Béo : Non, justement, je ne crois pas que cela fera avancer les choses. Car Madame et Monsieur-tout-le-Monde, qui croient que les artistes sont des parasites et que le milieu culturel vit à leurs dépens sont trop occupés à essayer de tout voir à la télévision financée par les impôts les émissions qui continuent de les abrutir. Je n'ai hélas pas très confiance.
Je n'ai pas écrit cet article pour essayer de changer les choses. Je voulais seulement, au départ, écrire quelques lignes pour présenter la vidéo qui, selon moi, doit être vue... Je n'avais pas du tout pensé à ce que j'écrirais ; je n'ai fait qu'exprimer spontanément ce que je ressentais en écrivant. Je m'étais dit que j'écrirais au moins un article sur le sujet avant le 14 octobre, mais je n'avais pas encore réfléchi à cet article.
Je ne me fais aucune illusion sur la portée de cet article ; il exprime mon opinion sans essayer de convaincre. Les deux ou trois Québécois qui lisent mon blogue sont déjà convaincus ; les autres lecteurs n'ont généralement pas le droit de vote au Canada.

Anonyme a dit…

Je n'arrive même plus à écouter la radio tellement ces horreurs me rendent tristes et découragée pour le futur du Canada. OK, Harper n'est pas (encore) Bush, mais je trouve les Canadiens aussi peu réactifs à ses conneries que les Etatsuniens le sont aux conneries de Bush.

Alcib a dit…

Dr. CaSo : Au moins Harper a moins de pouvoir que Bush ; il ne peut pas faire autant de mal sur la scène internationale.
Si Bush est manipulé par ses conseillers, je crois que Harper est beaucoup plus intelligent que Bush et d'autant plus dangereux pour les Canadiens qu'il utilise la séduction... Harper est plus fin stratège alors que l'autre utilise simplement son pouvoir de décision.

Alcib a dit…

Je n'écoute plus non plus la radio, du moins pas la radio d'ici qui me déprime de plus en plus, et pas seulement à cause des nouvelles.

Il m'arrive très rarement d'ouvrir la télévision et j'en suis le plus souvent déçu lorsque j'ai le malheur de l'ouvrir.

Heureusement qu'il reste Internet, où l'on peut choisir le contenu et, surtout, les paroles de ceux qui nous veulent du bien et à qui l'on en souhaite autant.

Unknown a dit…

Hum... je pense que je suis mal placé pour parler politique canadienne vu mon statut, mais... j'avoue que si j'avais à voter, j'aurai de la difficulté à faire un choix entre les 3 qui s'offrent (le titre du billet n'étant pas un choix selon moi).
Ah, c'est dur quand même, car si M. Harper est élu, les libertés et l'écologie vont en prendre un sacré coup, et bon nombre de lois (mariage gay, etc.) vont être remises en question.

Alcib a dit…

Erwan : Je pense que le choix n'est pas si difficile à faire.
Harper est déjà dangereux à la tête d'un gouvernement minoritaire ; je n'ose pas imaginer ce que serait un gouvernement conservateur majoritaire.
Je ne crois pas beaucoup aux chances de Stéphane Dion de remporter ces élections (ses principaux candidats attendent simplement qu'il se casse la gueule pour prendre sa place). Les Libéraux n'ont d'ailleurs pas payé assez cher les centaines de millions de dollars qu'ils ont frauduleusement détournés des fonds publics. Ils n'ont pas, non plus, exprimé de regrets du référendum qu'ils ont scandaleusement volé en 1995. Et Stéphane Dion faisait partie de ce gouvernement de Jean Chrétien, responsable de ces deux scandales.
Le NPD n'a aucune chance de remporter assez de sièges pour former un gouvernement et il est assez mal représenté au Québec. De plus, le NPD est contre la reconnaissance du caractère distinctif du Québec : pour eux, le Canada doit être un pays unitaire...
Les quelques centaines de votes que recueillera le Parti Vert ne changera pas grand-chose au résultat de ces élections.
Il reste le Bloc Québécois ; c'est le seul à mon avis qui puisse défendre les valeurs fondamentales et les intérêts des Québécois, notamment en matière de langue et de culture. Harper essaie de faire croire que le Bloc coûte cher sans faire adopter de projets de lois ; or, les projets qui ont été adoptés à Ottawa favorisant quelque peu le Québec l'ont été beaucoup en raison des pressions du Bloc.
À mon avis, il faut donc voter pour le Bloc au Québec.
Les Libéraux et le NPD pourraient former un gouvernement de coalition ; le Bloc pourrait former l'opposition officielle ou tout au moins défendre les intérêts du Québec...

Anonyme a dit…

Je ne peux pas trop juger la politique canadienne, mais la lecture de ton article me fait penser aux dangereuses dérives de certain membre du gouvernement suisse. Par bonheur, ce même Christoph Blocher n'a pas été réélu en décembre dernier. L'histoire est compliquée, mais du coup, son parti s'est scindé et une fraction a créé un nouveau parti plus modéré, tandis que la fraction la plus dure a versé dans l'opposition systématique. Bref, une bonne partie des Suisses étaient soulagés de cette non-réélection, mais on constate que cette dérive politique a tendance à se généraliser, souvent dans l'indifférence de la masse :(

Anonyme a dit…

Ah! Alcib! Quand tu touches à ce sujet sensible de la politique de bas-étage qui nous gouverne, tu remets en branle une puissante colère en moi.
Cette fois cependant, je vis en plus une incompréhension totale face à la passivité ou de la complaisance de mes concitoyens québécois. Et il me revient sans cesse la phrase que le poète Claude Péloquin a gravé dans le ciment au Grand Théâtre de Québec: «Vous êtes pas tanné de mourir bande de caves. C'est assez!»
Je crois que la machine conservatrice est très bien rodée: ils savent où frapper pour satisfaire un électorat qui les élira. On peut remarquer que Harper frappe sur les marginaux, les plus fragiles: les artistes, les jeunes contrevenants. Mais les gros riches, forts qui peuvent nourrir le parti, eux ils sont épargnés. On revient au régime Duplessis mais en pire. Sauver 50 millions dans la culture et dépenser des milliards pour envoyer des jeunes mourir à l'autre bout du monde: dégueulasse.
J'arrête ici car je suis trop enragé et j'ai besoin de me calmer.
À bientôt