vendredi 29 octobre 2010

Abâtardissement

Depuis l'enfance, il m'a toujours semblé important d'avoir de la langue française la meilleure connaissance possible. Dès que j'ai eu accès aux livres, j'ai aimé les mots et j'ai été fasciné par le travail des écrivains qui savaient, grâce à un habile agencement de mots, exprimer des idées avec la plus grande clarté et créer de la beauté. Et cet amour s'est étendu à la langue parlée, que ce soit au théâtre, au cinéma, à la télévision et, lors de mes séjours en France notamment, dans les activités de la vie quotidienne. Je trouvais que la langue parlée en France, par exemple, n'était pas seulement claire, efficace, qu'elle était aussi très esthétique dans sa syntaxe, dans son vocabulaire, mais aussi dans sa prononciation...

Je ne sais pas si c'est la plus belle langue du monde car je ne connais pas les autres (la connaissance que j'ai des langues anglaise, italienne et espagnole, me permet de les comprendre et non de les comparer vraiment), mais j'aime le français parce que c'est la langue dans laquelle j'ai grandi. Je suis né au Québec, mais le « québécois » n'est pas une langue, malgré tout ce que voudront en dire ceux qui ne veulent pas se donner la peine d'apprendre correctement une langue qui leur permettrait d'être compris à l'extérieur de leur cour arrière.

Je comptais sur Alexander pour avoir l'occasion d'améliorer ma connaissance de l'anglais. Mais Alexander, avec l'immense courtoisie qui le caractérise, se faisait une fierté de m'écrire dans ma langue, même si parfois cela exigeait de lui de grands efforts... Ses proches m'ont toujours écrit en français aussi. Puisque je compte bien venir à Londres au moins, pour marcher dans les pas d'Alexander, j'essaierai de m'organiser pour être compris quand je m'exprimerai dans sa langue (sans avoir la prétention d'approcher le moins du monde la qualité de sa langue).

Depuis longtemps, j'aime écouter à la télévision les émissions britanniques, notamment les comédies. Ces derniers temps, j'ai découvert à la bibliothèque des séries télévisées sur DVD : The Forsythe Saga, Brideshead Revisited, ... sans compter les films que j'aime, comme Maurice et quelques autres. Les milieux qu'on y dépeint ne sont pas forcément ceux auxquels j'aurais accès et l'action se déroule souvent au XIXe siècle ou au début du XXe, mais j'éprouve le même bonheur à voir ces images et à entendre les personnages s'exprimer que j'ai eu à voir et à entendre des séries françaises comme Les Rois maudits, Au Plaisir de Dieu, ...

Si dans quelques décennies il y a encore de l'activité humaine sur cette Terre, je me demande ce que, de notre époque actuelle, les « téléspectateurs » voudront voir et entendre pour leur édification et leur plaisir esthétique. Combien de langues et de cultures de cette Planète sauront résister au rouleau compresseur étatsunien ?

Je crois que la richesse est dans la diversité et dans le maintien de cultures et de langues distinctes et fières de l'être.

Puisqu'il s'agit de ma langue maternelle, celle dans laquelle je peux le mieux exprimer vraiment ce que je suis, je suis quelque peu attentif à l'état du français dans la vie pratique.

La photo vient d'ici

Quand je vois ce genre d'affichage, je dois dire que je ne suis pas très optimiste. Il me semble refléter une tendance qui depuis quelques années s'accentue en France, celle de s'exprimer dans une syntaxe française mais avec des mots anglais. Un affichage unilingue anglais serait moins choquant. Ce message, comme tant d'autres, n'est ni français ni anglais : plus que la promotion d'un produit ou d'un service, cette langue bâtarde exprime selon moi une dégénérescence linguistique, qui n'est sans doute que le symptôme inquiétant de je ne sais quoi de plus sérieux.

On dira qu'il n'appartient pas aux Québécois de faire la leçon aux Français en matière de langue. La mauvaise qualité du français au Québec découle de facteurs historiques, d'un contexte socio-économique particulier (ce n'est pas une raison pour ne rien faire, cependant). Alors que l'affichage que montre la photo ci-dessus, prise rue Sainte-Catherine à Bordeaux (France). ne reflète qu'un snobisme ridicule et cheap.

12 commentaires:

V à l'Ouest a dit…

Cela m'agace beaucoup aussi. Pas plus tard qu'hier je pestais en regardant une publicité d'un opérateur téléphonique français qui lance un produit affublé d'un nom en anglais, un de plus ! Ça doit être plus vendeur, mais je me demande bien pourquoi.

Alisandra a dit…

Au long des années je me suis rendu compte que le français était la plus belle, la plus spéciale langue du monde.

Dr. CaSo a dit…

Hélas, l'usage (souvent mauvais, en plus) de l'anglais est monnaie courante en France et encore plus en Suisse depuis bien longtemps. A chaque fois que je retourne en Europe je suis de plus en plus horrifiée, même si la linguiste en moi se dit que ça a toujours été comme ça, et que de toutes les manières, l'anglais contient environ 60% de mots français/latins/vieux français, donc finalement on adopte souvent des mots qui, à l'origine, venaient de chez nous...

Par exemple, je me souviens que mes parents n'aimaient pas qu'on utilise "flirter" (qui vient de l'anglais to flirt). Mais ce verbe anglais vient de l'expression française "compter fleurette" alors finalement, tout ce qu'on fait, c'est de s'échanger les mots :)

Si tu as des questions à propos de l'anglais, tu sais qui est prof d'anglais, hein :)

Alcib a dit…

V à l'Ouest : Je sens qu'il ne serait pas bon pour ma tension artérielle que je vive en France.

Alcib a dit…

Rêve blanc : Je veux bien te croire.

Alcib a dit…

Dr. CaSo : Oui, je sais bien que depuis des siècles les langues s'enrichissent de mots provenant d'autres langues. Mais ce dont il est question ici, ce n'est pas d'enrichissement, d'emprunt de mots qui n'existent pas das leur propre langue ou qui peuvent ajouter une saveur particulière.

Je suis en train de lire un roman anglais (je veux dire vraiment anglais : britannique). J'y trouve régulièrement des mots français et c'est très bien ; ils ont leur rôle à jouer dans l'histoire.
L'emploi de mots anglais dans les romans français sont souvent justifiés aussi.

Mais la publicité que l'on voit sur cette photo n'est ni anglaise ni française : elle est tout simplement ridicule et de mauvais goût. Elle insulte aussi bien les anglophones que les francophones.

Alcib a dit…

Dr. CaSo : C'est dommage que tu sois si loin : j'irais m'inscrire à de bons cours d'anglais ;o)

Beo a dit…

Ta photo illustre hélas cette fâcheuse tendance des publicitaires à tout mélanger en se croyant "in"!

Dr.Caso a raison: ce n'est guère mieux en Suisse et je me demanderai toujours comment les gens comprennent ces publicités????

Pas que je prenne les gens pour des cons mais si moi-qui ai un fond de culture anglophone quand même-, je n'y pige rien: je ne peut pas m'imaginer que les autres comprennent vraiment le sens.

Sinon; je ne suis pas d'accord avec toi: le québécois et joual sont des langues, tout comme le vaudois. Il y a des subtilités locales qui me hérissent les poils ici comme d'autre qui me ravissent. C'est tout pareil pour le joual avec lequel je renoue en m'amusant sur Tou.tv. :-O

Alcib a dit…

Béo : S'il n'y avait que les publicitaires pour massacrer la langue de cette façon, ce ne serait pas si inquiétant.

Je ne veux pas en faire un débat, mais je maintiens que le québécois et le joual ne sont pas des langues mais des dialectes.
Il y a au Québec un certain nombre de personnes qui disent parler le « québécois » plutôt que le français. Mais ces gens utilisent une syntaxe, une grammaire, un lexique, qui appartiennent à la langue française.
Ils emploient quelques mots qui appartiennent à la réalité d'ici, mais tout le reste appartient au français tel qu'il est parlé en France, en Suisse, en Belgique, dans plusieurs pays d'Afrique.
Une prononciation différente et les nombreuses fautes de grammaire, de syntaxe, etc., be suffisent pas pour faire une langue de ce parler régional.
Les Suisses, les Belges, ont des termes qui désignent une réalité qui est propre à chaque pays, à chaque région, mais on ne dit pas qu'ils parlent « suisse » ou « belge » ; ils parlent « français », même si parfois ils donnent au français une couleur locale.

Beo a dit…

Vu comme ça: tu as bien raison :)

Unknown a dit…

Mon pauvre Alcib, si tu savais comme le Français de France a mal! Au Québec on ne parle pas un français correct peut-être mais on essaie de le protéger, on le parle sans trop le tronquer ("je bosse dans une PME et j'ai le RMI, c'est mieux que le SMIC") et quoi qu'on en dise les anglophones de Montréal font des efforts.

En France, les chips Pringles sont affichés en anglais et traduits au dos du paquet, dans une petite taille de caractère égale à l'allemand, l'espagnol et les autres langues européennes.
En France, on mâche des chewing-gum Hollywood "cool Fresh" ou autres anglicismes pas très dignes d'une marque française.
Et quand une marque s'appelle "La pie qui chante" (ce qui n'est pas vendeur) on fait une saveur "Alpin Fresh" parce que oui, dans les Alpes on parle anglais.

Et que dire des "cranberries" quand on a les canneberges ou les airelles et du reste...

Et si encore les français avaient un bon accent anglais, mais il est désastreux!

À croire que le mal-être français passe par l'identification à la culture anglaise (sans doute américaine en fait).

Alcib a dit…

Béo : Ce n'est pas que je veuille avoir raison, mais c'est ce que je pense... et je le dis ;o)

Erwan : Même à distance, je constate ce que tu décris. C'est pour cela que j'écrivais, en réponse à V à l'Ouest, qu'il est mieux pour ma santé que je ne vive pas en France.
Je crois aussi que ce manque de respect pour sa propre langue trahit un désamour, un besoin de valorisation qui passe par une utilisation désordonnée, abusive, injuriante de termes anglais... Dans ce cas, les deux langues sont violées, humiliées.

J'écoute beaucoup la télévision ern anglais, j'adore regarder des films et des séries télévisées britanniques, dans la langue originale bien sûr. Je constate que, maintenant, j'ai parfois du mal à comprendre la langue de certaines émissions provenant des États-Unis.
Quant à l'anglais parlé par un très grand nombre de Français, je dois dire qu'il faut être vraiment très gentil pour y comprendre quelque chose. Si ces même Français faisaient pour comprendre les francophones d'ailleurs seulement 10 % de l'effort exigé des anglophones pour les comprendre, eux, la réputation de la France y gagnerait beaucoup ;o)

Il y a eu depuis très longtemps, dans l'aristocratie et la grande bourgeoisie, un intérêt marqué pour la langue, la culture, les traditions, et tout ce qui venait d'Angleterre. Et l'inverse était vrai aussi, je crois. Mais il s'agissait d'enrichissement, et non de cette « minestrone » linguistique qui ne valorise rien ni personne.