lundi 7 novembre 2011

Fin de parcours - dignité et noblesse

Sans savoir encore ce qu'elles contiendraient, j'avais l'intention d'écrire quelques lignes pour souligner qu'il y a aujourd'hui vingt-huit mois qu'Alexander est retourné sur son étoile. Je ne sais pas si on pouvait voir les étoiles dimanche soir (je ne suis pas sorti), mais notre amie la Lune était bien présente et visible aussi bien de mon salon que de ma chambre.

Éric Lamaze et Hickstead, Pékin 2008

En fin de soirée, dimanche, j'ai allumé le téléviseur pour regarder sur DVD une série télévisée que je n'avais jamais vue auparavant. Juste avant de mettre le DVD en marche, des images du bulletin de nouvelles ont attiré mon attention. On y voyait un cheval et son cavalier qui semblaient terminer un parcours ; soudain le cheval s'est couché, le cavalier est descendu, le cheval a tenté de se relever et il est retombé... Il est mort en quelques secondes, sous les yeux horrifiés des spectateurs qui assistaient à la compétition et devant les caméras de la télévision. [On peut trouver sur Internet des images vidéo des derniers instants, mais je ne voulais pas les revoir].

Avant même de connaître l'identité du cheval et du cavalier, j'ai éclaté en larmes. Je crois que les chevaux sont dans mon cœur et dans mon esprit tellement associés à Alexander, à sa famille et à ses amis qu'il était insupportable de voir l'un d'eux mourir en direct à la télévision. J'ai été vraiment bouleversé, comme si j'apprenais la disparition de quelqu'un que j'aime ou d'un proche de quelqu'un que j'aime.

Ces images étaient si tristes à voir ! Malgré tout, malgré le drame qui se déroulait devant nos yeux, malgré le choc qu'a dû subir le cavalier, il y avait beaucoup de dignité et de noblesse dans les derniers instants de ce cheval magnifique. S'il y a une mince consolation à y avoir, c'est à l'idée que cette noble bête n'a pas eu le temps de souffrir.

Il n'était plus question de regarder quoi que ce soit d'autre, et j'étais incapable de me concentrer pour écrire quelques mots ici. J'ai cherché plutôt à savoir qui étaient ce cheval et son cavalier.

Éric Lamaze et Hickstead

Au moment du drame, l’étalon Hickstead* et son cavalier Éric Lamaze venaient tout juste de terminer un parcours sans faute lors de la quatrième étape de la Coupe du monde (indoor), à Vérone. Ensemble, lors de compétitions antérieures, ils ont remporté plusieurs prix, dont une médaille d'argent au saut d'obstacles aux Olympiques de Pékin en 2008.

Éric Lamaze est actuellement numéro un mondial dans sa discipline, son parcours n'a pas toujours été facile. Il a été élevé par sa grand-mère alcoolique parce que ses parents se droguaient, peut-on lire sur Wikipédia. Il s'est intéressé aux sports équestres vers l'âge de dix ans et il a vite remporté des concours. Mais, pour des histoires de drogue, il a été banni de la compétition à quelques reprises.

En 2005, il a acheté en Belgique ce cheval caractériel dont personne ne voulait et, ensemble, ils sont devenus champions olympiques. Je n'ai pu m'empêcher de penser à Bucéphale (ou Tête-de-boeuf), ce cheval dont personne ne voulait et qu'un jeune Macédonien a su comprendre, en faire son complice, son ami, pour devenir avec lui Alexandre le Grand... Alexander aurait beaucoup aimé ce rapprochement entre les deux chevaux.

La beauté et la noblesse de ce cheval me rappellent aussi qu'à la campagne, dans le nord de l'Angleterre, un cheval magnifique, cadeau de Noël 2008 de la part de notre merveilleuse amie, un pur-sang nommé Montréal qu'Alexander n'a pas vu grandir, doit maintenant faire la fierté de la grand-mère d'Alexander et de tous ceux qui ont promis à Alexander de bien soigner son poulain. Montréal a maintenant trois ans et deux mois ; il doit ressembler un peu à Hickstead

 
Photo AFP/Jörg Carstensen : Éric Lamaze et Hickstead

*Hickstead, c'est aussi le nom du principal espace de concours international de saut d'obstacles d'extérieur britannique, situé dans le Sussex de l'Ouest près de la ville de Haywards Heath au sud de l'Angleterre.

7 commentaires:

Richard Patry a dit…

J'ai vu cette mort en direct. Tragédie. On ne sait jamais, c'est ce que je me suis dit, simple et pourtant vrai. Il faut vivre. Je me le rappelle souvent.

Anonyme a dit…

Bonjour Alcib, j'ai fait l'erreur de regarder la vidéo de ce douloureux moment et je ne le conseille à personne !

Est-il vraiment nécessaire de pousser les chevaux au bout de leurs limites, pour ne pas dire au-delà ?

Dans le cas de Hickstead, la mort est survenue pendant la phase de récupération après un effort maximal.

En revanche, je suis heureux de lire que Montréal, le cheval d'Alexander se porte bien.

Je te souhaite un automne heureux et je t'embrasse

Sandro

Alcib a dit…

Richard, Sandro : Merci des commentaires. Je répondrai plus tard, ce soir.

RAnnieB a dit…

Voir un être vivant mourrir est toujours tragique.
Si la mort est venue rapidement et sans douleur ma peine se tourne alors vers ceux qui reste.

Éric Lamaze qui a tant investit dans sa relation avec Hickstead a subit une perte irremplaçable. C'est généralement la mesure de notre chagrin lorsqu'un être vivant décède...l'effort (ou le temps) que l'on a mis à apprivoiser cette créature.

Alcib a dit…

Richard, tu as tout à fait raison. Il faut vivre pleinement le moment présent car on ne sait pas s'il y en aura un autre après celui-ci.

Sandro : J'ai promis à un ami de revoir la vidéo mais je n'en ai pas le courage. Je n'ai vu qu'une fois, au bulletin de nouvelles, ces images terribles et je n'ai pas pas pu les revoir car elles trop bouleversé. Quelques jours plus tard, ces images me tournent encore dans la tête comme si elles avaient été enregistrées sur mon disque dur cérébral.

RAnnieB : Je ne connais pas Éric Lamaze (je me souviens de l'avoir vu déjà participer à des concours, mais je ne sais rien de lui), je ne sais pas comment il peut vivre son chagrin.
Plusieurs personnes ont été choqué par la froideur de sa réaction alors que son cheval venait de s'effondrer sur le sol. Cela m'a frappé aussi ; je me suis demandé pourquoi il n'avait pas de gestes affectueux envers son cheval.
Je crois que nous ne réagissons pas tous de la même façon devant un événement comme celui-là. Je ne sais pas comment j'aurais réagi, moi, mais je sais comment Alexander et d'autres personnes chères auraient réagi.
Cependant, je crois qu'on ne peut pas, dans ce genre de compétition, remporter les premières places si on n'a pas une relation très forte avec son cheval, faite à la fois de techniques, de discipline et, surtout, d'affection et de complicité.
Notre amie qui élève des chevaux en Angleterre et participe à ce genre de concours (le saut d'obstacles) ne dort pas si l'un de ses chevaux est malade. Il n'y a pas longtemps, il y a eu une infection et les chevaux avaient besoin d'injection toutes les deux heures. Elle n'était pas seule pour s'en occuper mais elle n'en a pas moins dormi environ deux semaines sur la paille à l'écurie afin de rester avec ses chevaux. Les chevaux malades sont très nerveux ; ils ont besoin d'une présence rassurante et aimante.
Tout cela pour dire que, quelle qu'ait été la réaction d'Éric Lamaze au moment de la tragédie, je crois que la perte de son cheval doit l'affecter énormément. Je n'ai pas fait de recherches sur Internet pour y trouver ses commentaires, mais j'ai lu quelque part qu'il songeait à ne plus participer aux Jeux Olympiques 2012 à Londres.

RAnnieB a dit…

Tu vois, en regardant la vidéo, j'ai eu une impression tout à fait différente que ce que tu écris en ce qui a trait à la réaction d'Éric Lamaze.
Dès qu'il s'est relevé, sa première réaction a été de s'assurer que les brides n'étrangleraient pas l'animal. Il a ensuite voulu s'approcher mais Sir Hickstead commençait à convulser. Il a tout de suite fait signe pour avoir de l'aide. Il s'est ensuite enlever du chemin lorsque l'équipe de soin est arrivé auprès de la bête. On voyait dans sa posture une énorme anxiété.
Lorsque Hickstead a cessé de bouger, le corps d'Éric Lamaze s'est replié sur lui-même. On voyait qu'il pleurait par la suite.

En lisant un peu sur l'histoire de Sir Hickstead on apprend que ce cheval agité et têtu, si ce n'était de la conviction d'Éric Lamaze, aurait probablement été abatu puisque la compagnie qui l'appartenait n'arrivait pas à le vendre.
Éric Lamaze disait avoir trouvé une âme soeur en cet animal. La rencontre d'une vie.

Alcib a dit…

RAnnieB : Il se pourrait très bien que ta perception soit la bonne. Elle est en tout cas fortement plausible et sans doute la plus « normale » dans de telles circonstances.
Comme je le disais plus haut, je n'ai pas voulu revoir la vidéo. Je crois que, même si j'en étais très affecté, je pourrais revoir plusieurs fois les résultats d'une tragédie (les ruine d'un avion qui s'est écrasé, par exemple), mais je n'ai aucune envie de revoir les images animées d'un être qui devient inanimé pour toujours.
Ton explication me convainc que c'est la bonne et elle me rassure.

Je n'ai pas fait de recherches supplémentaires pour mieux connaître le cheval et son cavalier (je vais essayer de trouver des textes), mais j'ai été très ému d'apprendre, dimanche soir dernier qu'Éric Lamaze avait voulu adopter ce cheval dont personne ne voulait, comme le fils de Philippe de Macédoine avait insisté pour adopter Bucéphale. Cela aurait beaucoup plu à Alexander qui agissait pratiquement toujours ainsi ; que ce soit pour les humains, pour les animaux, pour les meubles, les objets, il était spontanément porté à choisir ceux qui justement n'étaient pas choisis spontanément (est-ce pour cela qu'il m'a choisi ? :o) Il était conscient d'avoir été, dans certains aspects de sa vie, plutôt favorisé et aimait donner une nouvelle chance, une nouvelle vie, aux défavorisés...
Quand il a été question d'adopter une vache, que sa grand-mère lui aurait offerte, il aurait choisi une vieille vache qui aurait autrement été envoyée à l'abattoir.
Ça ne veut pas dire que pour jouer au polo il serait allé chercher un vieux cheval ; ça n'aurait pas été un service à rendre au cheval. Il ne faut pas demander aux autres ce qu'ils ne peuvent pas donner.
Durant ses sorties en ville, il allait régulièrement aux puces pour y ramener des objets qui avaient besoin d'être aimés encore. Je me souviens très bien de certains objets rapportés simplement parce qu'il n'aimait pas l'idée que ces objets soient abandonnés...
Donc, oui, j'ai été très ému d'apprendre qu'Éric Lamaze avait choisi ce cheval rejeté et qu'il en a fait un champion.
« La rencontre d'une vie. » Il n'y en pas tant de ces rencontres, et pas dans toutes les vies. C'est pour cela que ça fait si mal quand l'un des deux s'en va.