jeudi 10 avril 2014

EGO devant Dieu et devant les hommes

En relisant ce soir les commentaires échangés avec Lux, à la suite d’un article précédent, il y a deux mois et demi, je n’ai pu m’empêcher de faire le lien avec un roman que je suis en train de lire, un roman qui dormait sur mes étagères depuis quelques décennies et que je n'avais encore jamais ouvert. Il s'agit d'un roman de Robert Sabatier, « Les années secrètes de la vie d'un homme ». Son personnage principal s'appelle EGO (Emmanuel Gaspard Oth)...


Les premières lignes, les premières pages, me laissaient croire que jamais je ne parviendrais à trouver un intérêt quelconque à ce roman qui raconte l'histoire d'un Français qui, pendant ou après la guerre, je ne sais plus, quitte la France, et se retrouve au Japon dont il ne connaît ni la langue, ni la culture, ni quoi que ce soit.

Robert Sabatier à Montmartre, son « village » natal

Je trouvais fastidieuses ces longues descriptions détaillées, comme observées au microscope et rédigées comme si le sort de la science en dépendait... Puis j'ai voulu faire l'effort d'aller plus loin, de faire preuve d'une plus grande ouverture et, bien que je ne me reconnaisse pas beaucoup d'affinité avec cet aventurier, je suis content de m'être avancé vers lui car, dans sa différence, il me ressemble tout de même un peu, puisqu'il est humain.

Les Allumettes suédoises

Je lis très lentement, d'autant plus lentement que, à l'exception des réactions humaines, je ne reconnais dans ces pages pratiquement rien que je connaisse, qui fasse partie de ma culture, de mes champs d'intérêt. Je n'en suis à peu près qu'à la moitié, et je dois dire que je savoure ces pages qui me font découvrir un art de vivre, des rites, une sagesse, qui ne se déroulent pas dans le renoncement total, dans la nudité et la simplicité tels qu'on veut nous faire croire qu'ils sont essentiels à l'acquisition de la sagesse, au bonheur qui se situe bien au delà de toute sensualité, mais dont les sens ne sont pas absents. La sensualité, la volupté, le plaisir de tous les sens ne sont qu'amplifiés par le degré non pas d'abnégation, de renoncement, mais plutôt de dépassement de tous les sens.
 

Ce tableau de Nicolas Poussin, Et in Arcadia ego
se trouve à Chatsworth House, Derbyshire, Angleterre

Bref, voilà bien un livre que j'avais depuis longtemps renoncé à lire, bien qu'il soit le cadeau d'un ami aujourd'hui disparu. Et la leçon que j'en tire s'apparente à une croyance qu'avait Alexander que dans tout livre, quel qu'il soit, il y a toujours quelque chose de bon ; mais je dois dire que dans celui-ci, il semble que dans chacune des 554 pages il y ait au moins deux ou trois bonnes raisons de continuer à le lire. Il est très rare que je recommande à quelqu'un de lire tel ou tel livre ; nos choix de lectures sont éminemment personnels. Et nos motivations ne sont pas les mêmes. Quelqu'un pourrait très bien passer tout à fait à côté du sens profond d'un livre qui me semble essentiel. Les livres sont comme les renards ou, si vous préférez, comme les amis ; ils exigent qu'on les apprivoise avant de s'ouvrir vraiment à nous.


Et ce n'est pas Alexander qui dirait le contraire ! Lui qui savait, mieux que tous, apprivoiser les êtres, humains et autres et... surtout les autres.

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