dimanche 3 août 2014

Anniversaires du 3 août

C'est aujourd'hui l'anniversaire de naissance de ce poète anglais, magnifique de bien des façons - et notamment pour sa poésie - et qui de plus a pour moi valeur de symbole, Rupert Chawner (Chaucer) Brooke, né le 3 août 1887, à Rugby (ville du nord de l'Angleterre que les amateurs de cette sorte de football devenu le rugby doivent connaître).
 Avant d'apprendre à le connaître mieux à travers mes conversations avec Alexander, j'avais entendu parler de ce poète, que Yeats considérait comme « le plus beau jeune homme d'Angleterre ». Je me souviens notamment que dans un des premiers films hollywoodiens à traiter sans répugnance l'homosexualité, Making Love, sorti en 1982, l'année de naissance d'Alexander, il était question de ce poète anglais. Alexander et moi avions parlé de lui dès nos premières conversations en direct ; nous avions surtout évoqué, à ce moment-là, l'un de ses poèmes les plus connus, The Soldier.
Trois mois exactement après le départ d'Alexander, un ami avait découvert ce blogue par hasard et, à travers mes mots, il avait reconnu cet ancien camarade d'école devenu un ami. Alistair avait tellement été séduit par Alexander Bull qu'il avait voulu en avoir un semblable ; il était allé chercher Douglas chez le même éleveur. Alistair est immédiatement devenu l'un de mes amis ; il m'a écrit tous les jours, jusqu'au 10 décembre 2009. Alistair était comme un petit frère d'Alexander ; il m'a envoyé de nombreuses photos qu'il faisait, superbes, que je conserve précieusement, notamment les photos de Douglas, le jeune et magnifique bulldog. Deux jours plus tard, il a connu une fin tragique, que je n'arrive pas à oublier non plus. Dans l'un de ses messages, il m'avait écrit avec fierté qu'il était en train de relire les Lettres d'Amérique, de Rupert Brooke.
En janvier 2010, un autre jeune Britannique, né au Pays de Galles mais vivant désormais à Londres la plupart du temps, découvrait aussi par hasard ce blogue et reconnaissait Alexander dans ce que j'écrivais. Lui aussi avait tenu à me dire qu'il connaissait le nom de ce garçon dont je pleurais la perte, qu'il l'avait aperçu à quelques reprises lors de déplacements dans la ville, et reconnu. Alexander le Gallois, de l'âge d'Alexander, est devenu aussi un ami précieux, dont je n'ai plus de nouvelle depuis son départ pour une excursion en Écosse, pour aller voir un petit arbre qu'il y avait planté et qui avait pour lui une signification particulière. Il me manque énormément, mais j'ose espérer qu'il est revenu de cette excursion, avec Maurice son chien fidèle et ami, et que son silence ne concerne que moi. Ensemble, nous avions évoqué un autre poème de Rupert Brooke, The Old Vicarage, Grantchester.
Ce petit village de Grantchester a souvent été un lieu de villégiature pour les étudiants de l'université de Cambridge, à proximité. La poésie anglaise lui doit beaucoup. 



Vous trouverez ici les paroles, en anglais et en français, de cette chanson de Pink Floyd.

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Je dois à de nombreux écrivains un très grand nombre de mes découvertes, de mes joies, de mes plaisirs, de mes révélations, de mes prises de conscience, de mes émerveillements, etc. Certains de ces écrivains ont eu sur ma vie, sur ma pensée, sur ma façon de concevoir le monde, une influence considérable. Mais il y a peu de ces écrivains à qui j'aie vraiment eu envie de dire, d'écrire mon admiration, la place qu'ils ont prise dans mon panthéon, dans ma vie. Michel del Castillo est de ceux-ci.


Il m'a fallu de très nombreuses années pour me « résigner » à entreprendre la lecture de l'un de ses livres. Un ami m'avait parlé de lui il y a très longtemps, à un moment où je n'avais pas encore beaucoup lu. Cet ami, qui a échangé une correspondance avec Michel del Castillo, me faisait l'éloge de son premier roman, Tanguy. Ce livre parle de l'enfance de l'auteur, à Madrid pendant la guerre, de sa mère qui sera toujours pour lui un personnage énorme, énigmatique, qu'il n'arrive toujours pas à comprendre. Il parle du rejet par son père français. Puis des camps de prisonniers où sa mère et lui finissent par aboutir. Pour s'en échapper, elle n'hésitera pas à laisser derrière lui son fils de six ans... Un auteur au nom espagnol, qui parle de l'Espagne, de la guerre civile, des camps de prisonniers, tout cela n'avait rien pour me séduire. Combien de fois, dans une librairie ou dans une bibliothèque, j'ai ouvert l'un des nombreux livres de Michel del Castillo sans avoir le goût de poursuivre ma lecture. Il aura fallu attendre de tomber, ces dernières années, sur deux de ses récits, fortement autobiographiques : De père français et Le crime des pères. Ces deux livres m'ont bouleversé et, depuis, je veux lire tout ce qu'a écrit Michel del Castillo ; ils m'ont donné la clé pour comprendre et apprécier tous les romans que je n'avais pas envie de lire, et tous ceux qu'il a publiés par la suite.
Je n'hésite pas à dire qu'il y a trois grandes périodes dans ma vie : une trop longue période d'ignorance, d'inconscience, qui correspond à peu près à mes vingt premières années (ça ne se tranche pas vraiment au couteau, mais c'est assez exact pour l'instant). Puis il y a eu la période d'émerveillement, à partir du roman des Amitiés particulières, la découverte de la Grèce et de la Rome antiques, avec tous leurs grands personnages, et plus particulièrement l'empereur Hadrien et Alexandre le Grand, et leur univers respectif. Puis il y a celle, ces dernières années, peu avant de faire la connaissance d'Alexander, de cette période que, sous l'influence de Michel del Castillo, j'appellerais simplement la période du début de la lucidité. L'univers que décrit Michel del Castillo est loin d'être un univers du merveilleux, de la magie, de la beauté, de l'idéal, ... C'est plutôt celui de la vérité, de la réalité telle qu'elle est, de la méchanceté, de la cruauté. Dostoïevski est son maître.
J'ai hésité à parler à Alexander des livres de Michel del Castillo. Je ne voulais pas assombrir sa vision des choses. Et pourtant, il en a connu de ces réalités dramatiques, douloureuses, dans sa courte vie... Mais je lui ai parlé de Tanguy ; c'est le seul roman de cet auteur qu'il ait eu le temps de lire, mais il l'a trouvé très beau, en dépit de cet univers très sombre. Aussitôt après en avoir fait la lecture, il m'a écrit (je résume tout en conservant ses mots) : « Merci énormément de m'avoir parlé de Tanguy... c'est un livre très bouleversant. Plein de mots si terribles et d'autres si plein d'amour. [...] Le monde terrifiant de la guerre qui a permis de laisser s'épanouir un amitié si belle entre Tanguy et Gunther, dans cet enfer du camp de concentration, qui a permis aussi a un religieux d'ouvrir son cœur pour aider cet enfant très meurtri. Et d'autres merveilleux moments que personne, après les avoir lus, ne pourra oublier. Je crois que Tanguy peut être le petit frère de tous ceux qui souffrent de la guerre en ce moment, partout sur la planète. J'espère qu'il y a encore des Gunther et des Père Pardo pour les aimer et les soutenir. Merci Alcib. »

La vie de Michel del Castillo a commencé sur des bases si peu solides que lui-même n'était plus sûr de la date de sa naissance. Il a longtemps cru être né le 3 août 1933, qui est la date que j'ai conservée en mémoire. Mais il aurait constaté, longtemps après être devenu adulte, qu'il serait plutôt né le 2 août 1933 ; il faudra que je noue une ficelle à ma mémoire afin de ne plus oublier.

J'aimerais avoir un jour le courage de lui écrire pour lui dire un peu ce que je lui dois. 

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