dimanche 7 avril 2019

Élégance masculine

Portrait du comte Robert de Montesquiou
par Giovanni Boldini (1897), Musée d'Orsay.

L'élégance d'hier n'est pas celle d'aujourd'hui, et nous serions certainement surpris de voir aujourd'hui ce que demain nous réserve en terme de style et d'élégance. Il y a fort à parier que si nous rencontrions dans la rue aujourd'hui quelqu'un ressemblant à ce portrait du comte Robert de Montesquiou (qui, bien malgré lui, a inspiré à Marcel Proust son personnage de M. de Charlus dans À la recherche du temps perdu), nous ne penserions probablement pas d'abord à son élégance mais plutôt au fait que sa tenue et son style sont ceux d'une autre époque.

L'élégance anglaise de Dowton Abbey

Rassurez-vous, je ne vous ferai pas un cours sur ce qui constitue l'élégance masculine d'aujourd'hui ; d'abord parce que j'en serais bien incapable et que, si mes voisins tombaient par hasard sur ce que je pourrais en dire, ils laisseraient certainement un commentaire me niant toute crédibilité sur le sujet.


En effet, depuis l'arrivée de Rupert, et avec l'obligation de sortir avec lui plusieurs fois par jour et même la nuit, j'ai adopté un style de vêtements décontractés, confortables et facile à entretenir. Rupert est maintenant un grand garçon de plus de trois ans et, sauf de rares exceptions, nous ne sortons plus que trois fois par jour : le matin à son réveil, au milieu de l'après-midi et, finalement, avant d'aller dormir la nuit venue. Mais les deux premières sorties sont assez longues et, lorsque nous rentrons, nous sommes tous les deux fatigués : Rupert va faire une sieste, et, moi, j'ai habituellement trop de choses à faire pour aller dormir, et trop fatigué pour participer à des activités sociales.

Colin Firth

Lors de notre sortie du matin, nous rencontrons ceux et celles qui se rendent au travail, à l'école ou à l'université. Depuis l'été dernier, nous croisons chaque matin une femme noire très élégante ; un matin de l'été dernier, puisqu'elle me saluait, je me suis permis de lui dire que chaque fois qu'elle passait devant nous, nous étions, Rupert et moi (moi, surtout) séduits par le parfum que son passage répandait dans l'air. Depuis, chaque fois que nous la rencontrons, elle nous salue avec un grand sourire en demandant : « Comment allez-vous, les amis ? » Qu'il fasse beau, qu'il pleuve ou qu'il neige, elle est pour nous un rayon de soleil.

Je croise aussi, parfois, des hommes, jeunes ou en pleine maturité, qui sont aussi élégamment vêtus, mais je n'ai pas de souvenir particulier de quelqu'un qui m'aurait frappé par son élégance ; et si ce fut le cas, l'impression ne s'est pas vraiment gravée dans ma mémoire. Je me souviens bien de certains regards, de certains sourires, de brèves complicités qu'il m'aurait parfois plu de pouvoir renouveler ou prolonger, mais pas de tenue vestimentaire particulière.

Ce dimanche matin, alors que je marchais avec Rupert, j'ai vu venir vers nous un jeune homme que nous avions rencontré deux fois auparavant, accompagné d'un très beau caniche royal de couleur blanc-crème. Je me suis immédiatement souvenu de lui car, même si quelques semaines s'étaient écoulées depuis notre rencontre précédente, j'avais été fortement frappé par l'élégance de sa tenue vestimentaire, de sa démarche, de ses gestes et, surtout, de son exquise politesse. Arrivé avec son chien à notre hauteur, à chaque rencontre, il s'est arrêté pour que les deux chiens se saluent et, me regardant droit dans les yeux, m'a dit : « Bonjour, Monsieur ! Comment allez-vous ? »

Comment ne pas être touché quand un jeune homme d'à peine vingt ans vous salue d'un « Bonjour, Monsieur ! » et poursuit son entrée en matière avec le vouvoiement ? Ni la première fois, ni les fois suivantes, la conversation est allée beaucoup plus loin que cet échange de salutations et de quelques remarques sur le chien respectif de l'autre.


Son chien, aux manières aussi impeccables que celles de son maître, est un caniche royal à la fourrure légèrement ondulée de la même longueur partout, et non pas sculptée à la façon des topiaires, symboles des jardins à la française.


Ce matin, le jeune homme, de type eurasien, au visage clair, au teint sans défaut, à la coiffure très soignée, était vêtu de façon particulièrement remarquable pour quelqu'un de son âge et pour promener son chien un dimanche matin (il se rendait probablement à une invitation ou à un événement important). Il portait un costume bleu foncé, parfaitement taillé, avec une chemise bleu clair avec un léger motif à peine perceptible, au col anglais, une cravate d'un autre motif très subtil d'un bleu un peu plus clair que le costume, des chaussures anglaises classiques noires et, par-dessus tout un long manteau de cachemire de couleur marine. Je ne pouvais pas reconnaître son parfum, mais il était le complément parfait de cette tenue. Je n'ai pas pu m'empêcher de lui dire en le quittant, spontanément et sans arrière-pensée, combien il était élégant.


Je n'allais évidemment pas lui demander à quel endroit il achetait ses vêtements... Et je ne crois pas que, à l'exception de nos chiens qui nous amènent à socialiser un peu, nous nous trouvions des affinités électives au cours d'éventuelles prochaines rencontres... Mais je ne serais pas surpris qu'il s'habille à Londres, achète ses costumes rue Saville Row, chez Anderson & Sheppard, par exemple, ses chemises chez Turnbull & Asser, Jermyn Street ou Bury Street, ses chaussures chez John Lobb, St James's Street...Je serais tout de même curieux de savoir pourquoi ce jeune homme de vingt ans à peine, qui habite près de chez moi, aux manières impeccables, sort de chez lui un dimanche matin avec son chien, étant vêtu de façon si élégante et pourtant si formelle...

5 commentaires:

Dr. CaSo a dit…

C'est agréable de voir que certaines personnes font encore très attention à leur façon de s'habiller :) Parce que c'est vrai que ça fait plaisir à voir! Par contre, je suis heureuse de ne pas avoir à m'habiller comme ça tous les jours, même si bien sûr je n'ai jamais poussé le "casual" à sortir en pyjama, comme mes colocs américaines aimaient à le faire (ce qui m'horrifiait!)...

Alcib a dit…

Je suis heureux aussi - ou du moins soulagé - de ne pas avoir à bien m'habiller tous les jours. Mais, au fond de moi, je le regrette un peu : car le fait de soigner sa tenue vestimentaire permet de soigner aussi sa tenue morale ; le rlâchement dans la tenue favorise le laisser-aller dans les autres aspects de la vie quotidienne.
Si j'avais continué d'évoluer dans un milieu où l'on doit soigner sa tenue vestimentaire, j'aurais développé ou entretenu une aisance à le faire, et ainsi cela ferait partie des habitudes comme celles de prendre sa touche, de se brosser les dents, etc.
Alexander n'aimait pas trop les tenues habillées car, comme il le disait, il n'aimait pas « s'habiller en pingouin », mais il savait très bien le faire car cela faisait partie de son éducation et de ses habitudes depuis son enfance. Il préférait s'habiller simplement pour aller marcher avec son chien, mais il savait aussi s'habiller de façon très formelle. Comme me le disait Jane, Alexander pouvait s'habiller trois ou quatre fois par jour selon ses activités du jour.
Il m'arrive assez souvent, quand je vais au supermarché, de voir dans le supermarché des étudiants, des étudiantes surtout, en pyjama ou autre tenue légère, été comme hiver : en raison de l'université dans le quartier, celui-ci est envahi de jeunes qui, pour la plupart, sont pour la première fois loin de la maison familiale...
Ma vie sociale est maintenant assez réduite ; depuis l'arrivée de Rupert, elle tourne surtout autour des sorties avec Rupert... Mais je suis toujours curieux de voir ce qui se fait et je suis abonné à quelques infolettres traitant d'élégance masculine. J'essaie d'apprendre pour... une autre vie.

dieudeschats a dit…

Sauf excentricité particulière je serais bien incapable de décrire comment sont habillées les personnes que je croise, car cela ne revête pas beaucoup d'importance pour moi, mais ce dont je suis sûre c'est que tu es également un rayon de soleil pour cette dame dont tu apprécies le parfum !
Et sinon, me voilà également intriguée par le jeune homme élégant ;-)

Alcib a dit…

Dieudeschats : Merci du commentaire. J'oublie souvent que, en dépit de mes longs silence, quelques personnes daignent lire encore ce que j'écris ici once in a blue moon...
Je ne remarque pas toujours comment sont habillées les personnes que je croise dans la rue, sauf si un détail attire mon attention ou, comme c'était le cas avec ce jeune homme, l'ensemble était si parfaitement agencé...
Parfois c'est Rupert qui remarque l'accoutrement de quelqu'un mais, dans ce cas, ce n'est généralement pas flatteur pour la personne qui attire, souvent sans le vouloir, l'attention de Rupert. C'est parfois un peu embarrassant quand Rupert se met à aboyer parce que quelqu'un lui semble suspect. Je dois dire qu'il a souvent raison. J'essaie de prévenir : lorsque je vois venir quelqu'un qui risque de faire aboyer Rupert, j'essaie de distraire l'attention de celui-ci en espérant que le personnage aura le temps de passer avant que Rupert ne le remarque.

Comme Rupert a un horaire assez variable ces temps-ci, nous n'avons pas toujours l'occasion de saluer cette charmante dame, toujours aussi élégamment vêtue, le plus souvent de noir, toujours de bonne humeur et qui sent si bon. Il arrive que je ne la voie pas venir, de l'autre côté de la rue mais, dès qu'elle nous aperçoit, j'entends son : « Bonjour les amis, comment allez-vous ? »

Après avoir lu ton commentaire, ce matin, j'allais répondre que je n'avais pas revu cet élégant jeune homme... Mais Rupert était pressé de sortir et, au moment où nous étions dehors, le jeune homme en question est arrivé avec son chien, toujours élégamment habillé mais, cette fois-ci, d'une manière beaucoup plus contractée (pantalon blanc, chemise bleu clair, blouson marine), sans toutefois se départir de son exquise politesse. J'ai moins aimé son eau de toilette ce matin.

Comme il ne sourit pas beaucoup, je me suis demandé s'il n'était pas le fils d'un dictateur étranger venu étudier à Montréal... Ce matin il m'a mentionné qu'Hudson revenait bientôt ; je me suis demandé s'il parlait d'une autre personne ou d'un autre chien sans oser lui poser la question (cela m'étonnerait qu'il ait voulu parler de Rock...)

Alcib a dit…

Dieudeschats : le jeune homme en question ressemble un peu à celui de la troisième photo du bas, légèrement plus jeune et les yeux un peu plus en amandes, de type eurasien...