dimanche 7 juillet 2019

C'est notre histoire

« Préféreriez-vous aimer davantage, et souffrir davantage ; ou aimer moins, et moins souffrir ? C’est, je pense, finalement, la seule vraie question. » Ce sont les premiers mots du plus récent livre d'un écrivain anglais que j'aime beaucoup, Julian Barnes, La seule histoire, paru en 2018.

Cette question, je me la suis posée, et je me souviens en avoir parlé avec Alexander, pas exactement dans ces termes, mais c'était le sens d'un des sujets de nos conversations. Autour de cette idée, il y avait aussi celle que les êtres plus sensibles ressentent davantage les bonnes émotions, les bonnes choses de la vie mais, bien entendu, elles ressentent aussi plus vivement les peines, les douleurs, que ne les ressentent les êtres plus rationnels. Et, je me souviens aussi avoir demandé à Alexander, lors d'une conversation au sujet d'Alexandre le Grand - et je m'en veux encore -, s'il croyait aussi que les êtres qui vivent très intensément ont souvent des vies plus courtes que la moyenne des gens. Je m'en veux encore car je ne savais pas, alors, que sa propre vie serait menacée et que l'une de ses paroles dont je me souviens bien se vérifierait un peu plus tard ; quelques mois après nos premières communications, il m'avait dit : « Dans ma famille, on ne vit pas très vieux ; et je ne ferai pas exception. »

« Préféreriez-vous aimer davantage, et souffrir davantage ; ou aimer moins, et moins souffrir ? », demande Julian Barnes, avant d'ajouter « que ce n'est pas une vraie question. Parce que nous n’avons pas le choix. Si nous avions le choix, la question pourrait se poser. Mais nous ne l’avons pas, donc elle ne se pose pas. Qui peut contrôler la force de son amour ? Si vous pouvez la contrôler, ce n’est pas de l’amour. Je ne sais pas comment vous appelez cela, mais ce n’est pas de l’amour. » Et il a tout à fait raison.



Le choix que j'ai eu, en avril 2008, c'était de répondre ou de ne pas répondre à l'invitation d'Alexander d'amorcer une correspondance, de me laisser apprivoiser, d'établir des liens affectifs qui sont rapidement devenus plus intimes, plus vifs, plus profonds, plus intenses et vraiment indissolubles. Une fois apprivoisé, sous le charme de ce garçon merveilleux qu'était Alexander, je ne pouvais plus faire marche arrière : en choisissant de faire route avec lui, j'ai compris qu'un jour ou l'autre il y aurait des moments difficiles, des peines, des chagrins, qui seraient dix fois, cent fois compensés par toutes les joies, tous les bonheurs partagés. Pas une seconde je n'ai regretté de partager avec lui tout ce qu'il a été possible de partager.

En apparence, tout nous séparait : langue, culture, religion, âge, milieu social, géographie, politique, etc. Mais, au-delà des intérêts communs pour les mots, les livres, pour certains auteurs, nous nous reconnaissions par nos fêlures, nos blessures profondes remontant à l'enfance, comme si, à travers l'espace et le temps, nous étions de la même famille affective...

Il y a exactement dix ans aujourd'hui qu'Alexander nous a quittés. Dix ans plus tard, je me sens toujours plus enrichi par tout ce que m'a révélé ce garçon, tout ce qu'il m'a permis de découvrir et de vivre, ce qu'il m'a permis de devenir. Aujourd'hui encore, à chaque instant, il vit en moi et c'est en grande partie à travers lui que je perçois, que je ressens, que je pense, que j'appréhende ma vie sur Terre.

2 commentaires:

Dr. CaSo a dit…

C'est vrai que je n'ai jamais regretté mes deux grandes histoires d'amour (qui se sont toutes les deux finies tragiquement) parce qu'elles m'ont apportée plus qu'elles ne m'ont fait souffrir. Par contre, je regrette les petites amourettes de passage avec des gens peu scrupuleux et qui n'avaient rien à m'offrir, finalement, à part de la peine.

J'ai du mal à croire que ça fait dix ans qu'Alexander est mort, j'ai encore l'impression que c'était il y a un an ou deux...

Grosses bises (de ma part) et câlins (de la part de Calinette) et gratouilles (pour Rupert)!

Alcib a dit…

C'est une grande chance que la plus grande peine que nous aient causée certains êtres ait été celle de leur départ beaucoup trop tôt.

J'ai aussi du mal à croire que dix ans se soient écoulés depuis qu'Alexandre a rejoint son étoile, que je vois presque tous les soirs briller dans le ciel.

Au quotidien, sans que je lui demande d'assumer le destin d'un autre, Rupert incarne bien à sa façon la présence d'Alexander. C'est un bonheur de l'aimer et de le voir si aimé de ceux qui nous entourent et de ceux que nous ne faisons que croiser le chemin mais qui s'arrêtent pour s'émerveiller devant Rupert.
Souvent, quand nous sommes assis dehors, Rupert et moi, j'entends les commentaires des gens qui passent, commentaires qui, souvent se résument à ces quelques mots prononcés avec enthousiasme et grand sourire : « He is SO cute ! ». Parfois, je réponds : « Merci ! Mais le chien aussi, n'est-ce pas ? »

Rupert fait la grasse matinée, aujourd'hui ! Il ronfle encore alors que je termine mon (long) petit déjeuner, et c'est tant mieux, car ce sera une journée de pluie et d'orages violents. De quoi rester à l'abri.

Bises à la plus ancienne (c'est relatif) des blogueuses que je connaisse. (Tiens, j'ai mangé des sushis, hier soir, pas aussi variés que ceux d'un certain restaurant en bonne compagnie il y a plusieurs années déjà).
Câlins à la joyeuse et battante Calinette.//