dimanche 6 août 2006

Quatre jours loin de chez moi (suite et fin... enfin)

Cette première nuit après l'opération n'a pas été trop difficile ; les anti-douleurs qu'on m'avait administrés sous différentes formes en fin de soirée avaient dû jouer leur rôle avec beaucoup d'efficacité. Je ne me souviens pas de m'être réveillé au cours de la nuit, mais au petit matin, j'avais les yeux bien ouverts avant que l'on vienne s'occuper de moi et dès qu'un préposé s'est approché, je lui ai demandé d'abaisser les barres d'appui escamotables de mon lit électrique aux multiples panneaux de commandes, dont deux sont insérés dans les barres d'appuis de chaque côté du lit... Je pouvais ainsi contrôler moi-même la hauteur du lit, le relèvement de la tête ou du pied, et bien d'autres fonctions que je n'utilisais pas ; il m'était cependant impossible de descendre moi-même les barres d'appui escamotables de chaque côté du lit. Le préposé m'a demandé pourquoi. « Parce que je veux pouvoir m'asseoir sur le bord du lit ». « Ah non, vous ne pouvez pas faire cela avant qu'on ait fait avec vous le premier lever. Après une anesthésie, une chirurgie, vous pourriez avoir un malaise, vous évanouir... Nous viendrons avec les infirmières vous aider à vous lever, mais dans une heure ou une heure et demie ; en ce moment, nous n'avons pas le temps. »
J'allais me résigner à attendre quand, cinq minutes plus tard, trois personnes sont arrivées pour m'aider à me lever et, voyant que je n'éprouvais ni faiblesse ni vertige, m'ont autorisé à m'asseoir sur le bord du lit, non sans me recommander la plus grande prudence dans mes mouvements. Dans les minutes qui ont suivi, je suis descendu du lit et j'ai commencé à marcher dans la chambre. Quand le préposé est revenu pour me demander si j'étais prêt à faire ma toilette, il a été surpris : je l'avais déjà faite. L'infirmière est revenue me donner quelques comprimés et me faire une injection, après avoir vérifié l'état du drain qu'on m'avait posé et des pansements. Le petit déjeuner est arrivé, liquide seulement, afin de ne pas imposer au foie un effort trop grand : « jus d'orange, sauce aux pommes, gruau coulé, cassonade, lait et café ». Après avoir absorbé tout cela, c'est-à-dire quelque dix minutes plus tard, j'étais prêt à faire face à ma principale préoccupation de la journée : comment occuper mon temps. J'ai commencé à marcher un peu dans le couloir, en m'aventurant de plus en plus loin. Puis j'ai découvert, à quelques pas seulement de ma chambre, une grande salle, avec de grandes fenêtres en saillie qui donnaient sur le jardin privé des soeurs hospitalières et, un peu plus loin, de l'autre côté de l'avenue du Parc, sur le parc Jeanne-Mance et le mont Royal. Puis, plus intéressant encore, il y avait, de chaque côté de ces grandes fenêtres, un petit balcon avec deux fauteuils.
Comme il faisait très beau et très chaud, j'étais ravi de pouvoir m'asseoir sur un de ces balcons et d'y passer de longues minutes à rêver, à lire ou tout simplement à admirer le jardin des soeurs, pas très fleuri, mais très agréablement planté d'arbres et d'arbustes d'essences diverses. Finalement, je pouvais jouir du soleil, de l'air, du calme, de la vue sur un jardin, sur un parc, sur la montagne et, en tournant légèrement la tête vers la gauche, sur tout le centre-ville de Montréal. Je n'ai pas de balcon chez moi et, paradoxalement, il fallait que je sois hospitalisé pour pouvoir profiter d'un balcon, comme si j'étais dans un grand hôtel. Au fond, l'Hôtel-Dieu portait bien son nom... Où donc aurais-je pu profiter du soleil de cette façon, à peine vêtu d'une légère blouse de coton, avec une vue magnifique, sans voisin immédiat car, étrangement, j'étais toujours seul sur l'un ou l'autre dec es deux balcons, sauf durant quelques minutes où un infirmier est venu manger son sandwich à côté de moi. Comme il fallait que je boive beaucoup d'eau et que, par conséquent, je doive aussi l'éliminer, j'ai souvent fait l'aller-retour entre ma chambre et ce balcon et c'est ainsi que j'ai passé la plus grande partie de mon temps ce lundi trois juillet, lendemain de l'opération chirurgicale pour m'enlever la vésicule biliaire. Quand j'ai rencontré le chirurgien, le mardi suivant, et qu'il m'a dit que je pouvais rentrer chez moi, j'avais l'air plus en santé que lorsque j'étais arrivé ; j'étais bronzé comme je ne l'ai pas été depuis des années.


Voilà, au fond ce qu'au départ je voulais raconter : ces quatre jours de « vacances » passées à l'hôpital, où j'ai été très bien reçu et très bien traité, où l'on s'est occupé de moi comme personne ne l'a fait ces dernières années, sauf mon charmant voisin par moments quand il était là, avant qu'il n'entreprenne pour de bon sa carrière d'acrobate...

En sortant de l'hôpital, le mardi quatre juillet, de nombreuses tâches m'attendaient, auxquelles je ne pouvais pas vraiment me soustraire, au risque de retarder de plusieurs semaines, voire de quelques mois l'avancement de certains dossiers que je trouvais importants. Officiellement, j'étais en convalescence pour un mois ; j'avais avisé mon employeur que je n'irais pas au travail durant quelques semaines, sauf un jour ou deux pour régler certaines affaires urgentes et ramasser mes affaires avant les vacances car le bureau serait fermé durant deux semaines. J'étais donc en congé de mon emploi alimentaire, mais je ne pouvais pas vraiment abandonner les responsablilités que j'assume, bénévolement, à la présidence de l'association professionnelle...

Je devais me reposer, mais je n'en avais pas le temps... Heureux de mon séjour à l'hôpital, qui m'avait forcé à me reposer durant quatre jours, et heureux aussi de rentrer chez moi, de retrouver ma musique, mes livres, mes outils de travail, mon ordinateur, Internet, etc... J'avais du pain sur la planche, mais en même temps, j'avais envie d'écrire, de raconter ce que je venais de vivre. Il s'agissait pour moi d'une expérience intéressante, positive, et je sentais le besoin de l'écrire, ne serait-ce que pour moi-même. Je ne savais pas au départ que ce serait aussi long et, honnêtement, je ne croyais pas qu'on se donnerait la peine de lire jusqu'à la fin ces deux longs billets et... d'en réclamer la suite. Mon intention, au départ, c'était de parler du balcon, du soleil, des vacances... et non des détails au sujet de l'hospitalisation elle-même... Mais voilà que, deux jours après avoir commencé ce long récit, j'ai été pris dans un tourbillon d'activités qui m'ont pris du temps, qui m'ont fait perdre le fil de ce récit en me prenant un peu mon âme, en quelque sorte.

Quand j'ai commencé ce récit, je me sentais bien. J'avais retrouvé ma sensibilité, ma capacité de m'émouvoir, de bien ressentir les choses. Je me sentais sensible et vulnérable ; un rien me faisait pleurer, de joie comme de tristesse. J'aurais voulu avoir près de moi quelqu'un avec qui je puisse partager ces émotions, avoir quelqu'un que j'aurais pu serrer contre moi et embrasser, quelqu'un avec qui partager un repas, etc. Mais ce n'était pas le cas.

Et, le temps passant, je me suis senti tout à fait déphasé. Je devais être en convalescence, me reposer, mais j'étais très pris par des obligations. À défaut de pouvoir partager avec un être proche des émotions, des confidences, j'aurais voulu pouvoir écrire des pages personnelles mais, au lieu de cela, je devais rédiger des rapports, concevoir et élaborer des stratégies d'affaires, etc. J'ai été si bien happé par les responsabilités habituelles que je n'avais plus d'énergie ensuite pour m'occuper de ce qui me touchait vraiment et dont j'avais retrouvé le chemin...

Puis un jour, il m'a fallu décrocher totalement. J'ai eu besoin de ne rien faire. J'étais fatigué. J'avais besoin de dormir. Les quelques heures de la journée au cours desquelles je ne dormais pas étaient consacrées aux courses, à la préparation des repas, aux repas eux-mêmes, à la lecture, à quelques brefs commentaires laissés à la suite de la lecture de quelques blogues. Je ne pouvais pas vraiment répondre aux commentaires laissés ici, à la suite des deux billets précédents car je voulais d'abord écrire cette troisième partie mais... je n'y arrivais pas. J'en suis désolé. Il m'aura fallu de nombreuses tentatives pour arriver à écrire ce billet, qui ne ressemble en rien à ce que j'avais en tête au départ ; j'ose espérer que je pourrai ensuite retrouver le goût et la capacité d'écrire plus régulièrement, des billets plus... courts et plus légers.

Merci de votre patience et de votre compréhension. Merci aussi de votre impatience si tel a été le cas...

Voici une photographie de l'Hôtel-Dieu de Montréal. Le salon vitré auquel je fais allusion se trouve à chaque étage au centre du pavillon le plus foncé, qui donne sur le jardin. Je me trouvais au quatrième étage, et les fenêtres de ma chambre, à quelques mètres seulement de ce salon vitré et des deux balcons, donnaient aussi sur le même jardin et sur le parc... (en cliquant sur les images, vous devriez pouvoir les agrandir).


Voici une image, prise par un autre patient de l'Hôtel-Dieu, et qui montre la vue qu'il avait de sa chambre ; c'est à peu près la vue que j'avais de la mienne, sauf que j'étais un peu plus haut : les arbres du premier plan ne me paraissaient pas si près. Ce que l'on ne voit pas sur cette image, c'est tout le centre-ville, qui se trouve à gauche de ce jardin, quelques rues plus loin... J'ai donc emprunté cette image à un autre patient de l'Hôtel-Dieu, dont j'avais lu le blogue il y a près d'un an, mais dont j'ai malheureusement perdu l'adresse ; j'avais conservé cette image, sans me douter qu'un jour j'aurais l'occasion de l'avoir sous les yeux en format réel.

12 commentaires:

Brigetoun a dit…

expérience connue tant pour le finalement plaisir de l'hospitalisation, malré les drains, perf et pour moi une sacrée douleur - pour la suite aussi sauf que pendant un mois je tombais ce qui limitait l'activité - et pour le break j'ai attendu un an et demi une autre opération et 35 kilos. Mais alors là le sommeil ! heureuse de te voir revenir à la surface - mais vas molo - sacrée belle vue de ton hopital

Alcib a dit…

Merci Brigetoun, de votre patience et de votre fidélité. Oui, j'ai beaucoup pensé à vous, sachant que vous êtes passée par là et de façon plus sérieuse, plus contraignante, et que la santé et la forme ne vont pas forcément de soi.
Mon intention n'était pas d'attirer sur moi quelque sympathie car je sais bien qu'il s'agissait d'une opération somme toute assez légère et aux conséquences après guérison pratiquement nulles ; je voulais plutôt annoncer que j'avais eu, sans les avoir planifiées, quatre belles journées de vacances hors de chez moi. C'est plutôt cette situation exceptionnelle, en plus du fait qu'on s'occupait de moi durant ces quatre jours, qui m'avait incité à raconter longuement... Bien entendu, la réalité reprend vite le dessus et il faut pouvoir s'occuper seul de toutes les petites tâches quotidiennes : toilette délicate, changement des pansements, médicaments à prendre, alimentation à surveiller, etc. Mais c'est le but de la convalescence : de reprendre peu à peu son autonomie sans brusquer les choses...
Effectivement, la vue est superbe de ce côté ; je me suis senti privilégié, car des autres pavillons, comme on peut le deviner en regardant la première photo, la vue ne donne pas toujours sur le mont Royal.
Merci encore, Brigetoun. J'ai du retard à rattraper dans ma lecture de certains blogues, dont le vôtre.

Anonyme a dit…

contente de te savoir bien bronzé ;) fais bien attention à toi, si on ne prends pas soin de soi, notre corps nous forcera à le faire à un moment ou à un autre! j'aurais bien aimé pouvoir aller m'asseoir dans un parc avec toi, à l'ombre, pour papoter quelques heures de tout ça et faire un peu mieux ta connaissance.

ton anniversaire ça doit être un grand! 20 ans? 30 ans? plus? ;)

Alcib a dit…

Merci Docteure Lulu de ce gentil commentaire. Bien revenue de ces honneurs universitaires dans ton ancien champ de maïs, je suppose. Félicitations encore !
Le bronzage n'a pas tenu hélas, puisqu'il y a déjà un mois (et un peu plus) que je suis chez moi, sans balcon (comme chez toi). Maintenant que les grandes chaleurs sont peut-être passées (du moins elles ont fait une pause, l'humidité surtout), il serait asgréable d'aller s'asseoir au parc, en effet...
Pour ce qui est de l'anniversaire, je ne répondrai... qu'en présence de mon avocat ;o)) Mais il s'agit d'un anniversaire banal, pas d'un changement de dizaine. Me croiras-tu si je dis que j'aurai... 18 ans ? ;o))

Alcib a dit…

Merci, Henri. Merci du commentaire, de la promesse de me donner ta valise (à certaines conditions ;o) et de ton appréciation de ma maturité ;o))

Quant au chiffre précis, je ne peux répondre que ce qu'Alphonse Allais aurait répondu : « Impossible de vous dire mon âge : il change tout le temps ».

Anonyme a dit…

Je suis contente de vous relire, je commencais a me demander si cette operation c'etait si bien passee que ca!

Anonyme a dit…

Je suis content de lire que ça va, que tu t'es reposé.
Et oui, j'étais impatient de lire la suite. :) (même si j'ai mis du temps à revenir depuis la publication, je suis débordé, ces temps ci).

Alcib a dit…

E., merci de ce passage. Je suis désolé de l'inquiétude que j'ai pu vous causer et je suis touché de ces témoignages des uns et des autres. Je vais m'efforcer de ne plus vous laisser dans l'attente, dans le silence... Je constate que la petite famille est rentrée de vacances. Je viendrai lire un peu, car il y a un moment que je n'étais pas passé chez vous.

Olivier, merci. Je comprends très bien. Je devine par ton propre blogue que le temps libre n'est plus ce qu'il était. Promotion = (souvent) plus de travail (comme te l'a sûrement dit un grand brun que tu connais). ;o)

Lætitia Le Clech a dit…

En tous cas, avec tout ça, tu as fait exploser ton record de commentaires, pour la deuxième partie de ton histoire : 26 commentaires !!!
Avoue-le, c'est pour ça, hein, que tu as attendu et attendu ??!!? ;-))
Hihi...
Laeti

Beo a dit…

Je suis tellement contente que tu aies posté la suite et fin de cette histoire qui nous a tenus en haleine.

Heureusement tu laissais des commentaires par ci par là: donc ça nous rassuraient sur ta santé mais bon...


Pas facile de poursuivre sur une lancée qui se trouve coupée par un quotidien accaparent.

Mais: je te remercie d'en avoir pris la peine et surtout, comme toi... j'aurais passé la majeure partie sur le balcon aussi avec une si magnifique vue!!!

Anonyme a dit…

Comme tous les autres, je suis bien contente d'avoir de tes (bonnes) nouvelles, bon courrage pour la reprise.
ps: quand prendras-tu de vrai vacances ?

Anonyme a dit…

Enfin, je trouve le temps (et l'énergie) pour venir te lire !

Content de voir que ça s'est bien passé. Mais tout de même : allez à l'hôpital pour se faire bronzer, faut le faire ! :-)

Tu viens manger un couscous avec nous ?