Je ne sais pas pourquoi j'ai toujours été touché par ces garçons et ces filles qui ont connu la vie difficile des rues de Paris, des chambres de bonnes quand ils ne dormaient pas carrément sous les ponts ou dans des chambres qui devaient rapporter et qui, par conséquent, ne servaient pas qu'à dormir. Je n'ai toujours connu de la bohème que les bons côtés car, même en crevant de faim dans un studio de la rue Campagne-Première lorsque j'avais vingt ans, j'avais tout de même un toit sur la tête et quand je chantais, c'était sur les scènes des théâtres de France et de Belgique, et non pas au coin des rues ou sur un pont, fût-ce celui des Arts. Cependant, quand à l'adolescence j'ai voulu devenir chanteur, je lisais avec beaucoup de curiosité la biographie, souvent romancée, de ces chanteurs orphelins qui, se sauvant des foyers où ils étaient placés par les services sociaux, cherchaient la liberté où ils pouvaient la trouver, sous les ponts ou dans des chambres louches de Pigalle. J'ai sans doute enregistré dans mon subconscient qu'il fallait, pour atteindre son idéal, être prêt à laisser de côté le confort et tout ce qui n'était pas directement associé à son ambition, à sa vision de la liberté et de la réalisation de soi.
Même si j'ai habité quelques mois dans un hôtel du boulevard Raspail et quelques autres mois dans un studio d'artiste de la rue Campagne-Première, ma vie à Paris n'avait rien du confort des touristes de luxe. D'abord parce que l'argent que j'avais en arrivant devait être suffisant pour vivre à Paris durant trois semaines, et non pas des mois. Heureusement que des amis m'ont invité à chanter avec eux lorsqu'ils ont appris ma décision de rester à Paris plutôt que de rentrer à Montréal au bout des trois semaines que devait durer ce premier séjour ; l'argent que me rapportaient ces spectacles me permettait de vivre... tant que duraient les tournées. Les derniers mois furent difficiles car je n'avais pas de permis de séjour et si je trouvais facilement du travail dans des commerces ou dans des bureaux, on me faisait vite sentir, dès qu'on apprenait que je n'étais pas français, qu'on ne pourrait me garder puisque je n'avais pas de permis de travail.
Cette période de ma vie reste toutefois l'une des plus riches et des plus constructives. Si j'en ai longtemps gardé une profonde nostalgie, c'est que j'ai eu à ce moment-là le sentiment que ma vraie vie commençait à prendre forme. Malheureusement, il m'a fallu laisser là tout ce qui commençait et rentrer à Montréal, non pas parce que quelque chose d'intéressant m'y attendait, mais simplement parce que j'étais déjà depuis quelques mois en séjour illégal en France...
Depuis deux jours, j'écoute en boucle une chanson que je ne connaissais pas. Il s'agit d'une chanson de Renaud, « Le gringalet ». Je l'écoute pour les paroles, qui pouraient me faire pleurer bêtement en trouvant en moi des résonances profondes, mais aussi pour la musique qui a un petit air nostalgique, avec ses arrangements à l'accordéon qui, bien sûr, évoquent une certaine image des rues de Paris, et qui, par moments, rappellent... (non, je ne le dirai pas). Cette chanson me rappelle aussi « le clown » que chante Angélique Ionatos et que je voudrais que l'on puisse écouter... à mes funérailles (je ne suis pas pressé, cependant).
Je voudrais pouvoir mettre ici ces fichiers musicaux pour vous permettre de les entendre, mais je ne sais pas encore comment faire. Je vous mettrai au moins les paroles de la chanson de Renaud que j'écoute en alternance avec des airs de Bénabar, de Vincent Delerm et d'Yves Simon (« Diabolo menthe », « Au pays des merveilles »).
Le Gringalet
C'était un gringalet
pas vraiment laid,
mais il était
né à Paname,
tous ceux qui l'connaissaient
y disaient
qu'y savait
causer aux dames.
C'était pas un tocard,
un ringuard,
un traîne-boul'vard,
on l'app'lait l'Saint-Bernard,
le Mozart,
du pont des Arts.
C'était pas un dragueur,
un flambeur,
de fin d'semaine,
il amenait nos p'tites sœurs
un quart d'heure
su'l'bord d'la Seine.
Il avait pas eu d'père,
pas eu d'mère,
ni d'anniversaire,
il était né un soir,
rue Rochechouart,
près d'une poubelle.
Il avait pas eu d'chance,
ni d'vacances,
dans son enfance,
mais quand fallait d'l'ambiance,
sa seule présence,
c'était Byzance.
C'était un bon copain,
y méritait bien
cette chansonnette,
car il est mort de faim,
un beau matin,
rue d'la Roquette.
Cette chanson se termine,
ça m'déprime,
c'est pas humain,
moi j'aime pas les chansons
où les héros
y meurent à la fin.
13 commentaires:
Tiens tiens... vous chantiez? :-D
Sinon: Renault a sorti un CD ces jours qui m'a l'air très bien!
J'adore ses textes moi aussi!
Merci de partager tes 20 ans avec nous; on comprends mieux ton attachement à Paris!
Ha! Paris!!!
J'écoutais le "Best of" Renaud voici quelques semaines en replaçant mon bureau... J'ai tellement ri en réécoutant "Oh! Putain c'qu'il est blême, mon HLM..."
Mais je trouve qu'il vieilli mal le Renaud... Franchement, tu vieillis mieux que lui, Alcib!
En effet, Béo, je chantais et je dansais, on ne peut donc pas me dire de danser, maintenant ;o)
J'ai pourtant bien réussi ma reconversion : j'ai sans doute gardé un peu de cigale, mais je ne chante plus (sça fait le bonheur de mes voisins, je trouve cela dommage pour moi-même) ; et je travaille désormais comme une fourmillière à moi tout seul ;)
Je ne connais pas toutes les chansons de Renaud, loin de là. Je m'y mettrai peut-être un jour.
C'est vrai, Joss, que Renaud a pris un sacré coup de vieux ces dernières années, mais on dirait qu'il remonte la pente et j'en suis heureux.
Merci du compliment, Joss mais, honnêtement, tu trouves que je vieillis ? ;o))
C'est vrai que Paris est une belle ville... quand on en est loin, ou en vacances.
Dans le genre nostalgique, tu as aussi Fréhel et les chanteurs d'avant-guerre, bien que je sois loin d'avoir connu cette époque !
Garde tes souvenirs sur Paris, n'en attend pas trop si tu y retournes un jour, la ville a perdu une bonne partie de son cachet, parole de Parisien exilé et même pas nostalgique...
"Quand on est jeune c'est pour la vie" ... j'ai trouvé ça tellement dynamisant que je le reproduis ailleurs. Mais cacher son âge c'est renier ses souvenirs alors c'est grave docteur ?
Sourire.
Renaud, que de bons souvenirs ... il n'était pas cependant de la génération bohème,mais plus de la génération des révoltés de mai 68, un gentil "nanar" comme on disait en France.
Merci de m'avoir redonné l'envie de l'écouter.
F.
Simeric, je crois qu'il en serait de même avec tous les endroits que l'on trouve magnifiques ; il n'est pas toujours certain qu'on voudrait y vivre. Quand on est quelque part en visite, on n'a pas à subir tous les désagréments de la vie quotidienne, tous les tracas administratifs, etc. J'ai en effet, lors de mon dernier voyage, que Paris a beaucoup changé et, selon mon point de vue, pas forcément dans le bon sens. N'empêche que j'y ai encore quelques amis (Paris et environs) et que j'aimerais bien y aller plus souvent...
Marie, vous avez raison : « Quand on est [vraiment] jeune, c'est pour la vie ». Et s'il était possible de conserver ses souvenirs sans vieillir, ce serait formidable ;o) Mais qui donc a dit que vieillir était le seul moyen de ne pas mourir jeune ? ;o)
Miss F, j'ai toujours bien aimé Renaud, sans toutefois acheter ses disques ou aller voir ses spectacles ; quand je le vois à la télévision, je l'écoute, cependant. En parlant de « bohème », je pensais un peu à la chanson d'Aznavour, bien sûr, à la vie d'artiste, à l'existence difficile de ceux qui veulent faire quelque chose de leur vie, qui tentent de percer dans les grandes villes sans nécessairement avoir les moyens financiers d'y vivre correctement... Effectivement, Renaud est de la génération mai 68, mais sa chanson « Gringalet » parle de quelqu'un qui aurait pu vivre à n'importe quelle époque ; c'est sans doute la magie de certaines chansons : chacun peut y retrouver une partie de sa vie ou l'évocation de souvenirs marquants...
Moi aussi, j'aime Renaud. C'est un peu mon adolescence que je retrouve quand je réécoute ses vieilles chansons.
Pour mettre un fichier de musique en blog, c'est super simple!
Il y a un site qui s'appelle radioblogclub où on peut simplement copier un fichier et l'insérer en HTML. C'est du "copier-coller". Simple, simple.
Merci, Danaé ; j'irai voir cela.
C'est drôle que tu me laisses aujourd'hui un commentaire : ce matin, je ne sais pourquoi, je me disais que je n'étais pas passé chez toi depuis plusieurs jours et que j'essaierais de le faire aujourd'hui. C'est donc encore vrai que les grands esprits se rencontrent ;o)
Je lisais hier le chapitre d'un livre qui parle justement de ces énergies qui s'attirent : il suffit que l'on pense à quelqu'un pour que cette personne se manifeste ;o)
Tiens! Et moi, je suis justement retournée sur Radioblogclub.com et j'y ai trouvé une chanson de Renaud qui m'a frappée récemment. J'en ai d'ailleurs fait un post. Bonne soirée!
Merci, Danaée ; je vais aller lire cela dans quelques minutes (pour l'insyant, mon ventre affamé n'a plus d'oreilles) ;o)
Je me suis inscrit à Radioblogclub ; on me dit qu'on a envoyé un courriel pour confirmer mon inscription et je n'ai toujours pas reçu ce courriel, plus de six heures plus tard. J'ai essayé plusieurs fois d'ouvrir mon compte et la réponse est toujours la même : Radioblogclub vous a envoyé un message à l'adrese indiquée ;o(
quelqu'un qui aime angelique ionatos ne peut être que quelqu'un (e) de bien
à bientôt
quelqu'un qui aime angelique ionatos ne peut pas être mauvais !!!
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