Vous aimeriez habiter une maison comme celle-ci, vivre dans un décor comme celui-ci ? Moi, oui. Peut-être pas toute l'année, mais durant l'été, oui. L'hiver doit être assez rude et long à cet endroit. Car cette maison est située au Québec, à l'Est, en Gaspésie, plus précisément, près de Gaspé, tout près de la mer, comme on peut le voir. Cette maison se trouve dans la partie verte, à droite, près de Cap-des-Rosiers...





Le gouvernement du Québec a dû céder au gouvernement canadien cette portion de son territoire. « Le gouvernement est autorisé à donner au gouvernement du Canada libre jouissance des terrains compris dans le territoire du parc Forillon décrit à l'annexe A suivant l'entente intervenue le 8 juin 1970 entre le gouvernement du Canada et le gouvernement du Québec », dit l'article 8 de la Loi sur le parc Forillon et ses environs adoptée par l'Assemblée nationale du Québec de l'époque. Quatre mois plus tard, c'était l'armée du Canada qui envahissait le Québec, plus particulièrement la région de Montréal, occasion rêvée par les politiciens au pouvoir à Ottawa, de bons Québécois so proud to be Canadians, de faire peur aux Québécois trop sensibles à l'idée de souveraineté ; excellente occasion pour le gouvernement du Canada et ses services de renseignements de profiter de la suspension de toutes les libertés (proclamation de la Loi des mesures de guerre) pour ficher* des milliers de Québécois dont l'ardeur fédéraliste et l'allégeance inconditionnelle à la couronne britannique n'étaient pas assez convaincantes. Mais ça, c'est une autre histoire.

En 1970, on a donc fermé plusieurs villages de la région et on a créé un parc, administré par Parcs Canada. On trouvera sur le site officiel du parc Forillon beaucoup de renseignements intéressants sur la nature de ce parc, sur sa faune ; on y parle de l'histoire des premiers habitants de cette région mais, étrangement, on ne dit pas un mot sur l'expropriation de ces habitants qui n'ont pratiquement pas décoléré depuis. Le site ne dit pas un mot de cette « déportation des Gaspésiens ».
« Forillon est habité depuis longtemps. Il y a quelque 9 000 ans, des gens de la préhistoire campaient sur les caps bordant la pointe, les terrasses marines de la vallée de L'Anse-au-Griffon et la pointe de Penouille.« Forillon est habité depuis longtemps... », dit le site officiel, habité, oui, jusqu'au jour où le gouvernement du Canada juge que la vie est toujours plus belle quand les humains en sont absents.
« Depuis des siècles, les anses et les graves de Petit-Gaspé jusqu’au Cap-Gaspé ont su séduire les Micmacs ou premiers Gaspésiens, les pêcheurs saisonniers puis les pêcheurs sédentaires. Les plus grandes anses telles l'anse aux Amérindiens, l'anse Saint-Georges et la Grande Grave regroupaient près d'elles des villages. Les plus petites anses accueillaient des établissements domestiques. Des traces qui sont toujours bien visibles aujourd’hui. »

La seule consolation que puissent avoir les Québécois, c'est que ce parc est un malgré tout une réussite touristique. C'est une consolation d'autant plus importante que ce gouvernement du Canada, particulièrement sous le règne de Pierre Elliott Trudeau (1968 à 1984, avec brève interruption), est réputé pour avoir créé d'énormes éléphants blancs (on pensera à l'aéroport de Mirabel, pour lequel on a exproprié les meilleures terres agricoles au Québec, et au moins trois fois plus d'espace qu'il n'en fallait, pour finalement fermer cet aéroport quelques années plus tard, créant encore un désastre humain, écologique, financier dans cette région). Partout où il arrive avec ses gros sabots, ce gouvernement fait le vide, construit de gigantesques structures, froides, sans âme, où personne ne se reconnaît. Ce gouvernement qui dit toujours n'avoir pas d'argent à donner à ceux qui sont chargés d'administrer les soins de santé en a toujours beaucoup à investir dans le béton et dans l'équipement militaire.

Certaines des images proviennent du site officiel du parc Forillon ; d'autres viennent d'ici ; d'autres enfin proviennent de sites touristiques du Québec dont j'ai perdu l'adresse.
* Les politiciens ambitieux (pléonasme ?) adorent faire des fiches. En France, le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG, pour les intimes), créé en 1998, devait cibler les délinquants sexuels ; à la suite des attentats de septembre 2001, le gouvernement français en a élargi l'application pour tenir compte des crimes graves contre la personne. Sous le règne de Nicolas Sarkozy au ministère de l'Intérieur, le nombre de personnes fichées est passé de 2 807 en 2003 à plus de 400 000, et ce nombre ne cesse d'augmenter. Pour le vol d'une balle de caoutchouc dans un magasin, par exemple, on demandera à un enfant de 8 ans de donner un échantillon d'ADN et, en raison de ce fichage, cet enfant qui, normalement, devrait grandir, sera privé à vie de l'accès à certains emplois.
« Les empreintes génétiques des condamnés sont gardées quarante ans après la date de condamnation définitive. Les empreintes génétiques de personnes simplement mises en cause lors d'une enquête sont conservées vingt-cinq ans après la date de réquisition par un officier de police judiciaire. Chaque nouvelle condamnation ou mise en cause judiciaire repousse encore la date d'effacement définitive du profil génétique.
« Le refus de se soumettre au fichage génétique, dans le cadre de la loi, expose son auteur à une peine d'emprisonnement et à une peine d'amende », peut-on lire sur Wikipédia. Liberté, Égalité, Fraternité !
+ Édition revue et augmentée le dimanche 1er juillet 2007.
Ajout du 2 juillet 2007 : L'émission Tout le monde en parlait, animée par Anne-Marie Dussault, à la télévision de Radio-Canada, traitera de l'expropriation des Gaspésiens en 1970. C'est diffusé le mardi soir à 19 h 30 et rediffusé sur le réseau RDI plusieurs fois durant la semaine (les archives ne sont conservées qu'une seule semaine sur le site). Plus de renseignements sur l'émission.