samedi 16 juin 2007

« Vienne la nuit sonne l'heure...

... les jours s'en vont je demeure. »

Si ces deux lignes du poème fameux de Wilhelm Albert Vladimir Popowski de La Selvade Apollinaris de Wąż-Kostrowitcky, mieux connu (heureusement) sous le pseudonyme de Guillaume Apollinaire ont titillé votre âme poétique, et que vous souhaitez voir le pont Mirabeau* sous les mots d'Apolinaire, vous ferez bien de cliquer sur le lien qui précède. Si vous souhaitez entendre Apollinaire lui-même réciter son poème (entre deux autres), c'est plutôt ici.

*Ce sacré Honoré Gabriel Riqueti, comte de Mirabeau qui a donné son nom à un pont aurait bien pu donner ce nom à un tunnel car, s'il était l'ami du peuple dont il défendait la cause à l'Assemblée nationale, il conseillait secrètement Louis XVI sur la stratégie à adopter pour sauver la monarchie. Hélas, Mirabeau a eu la mauvaise idée de mourir le 2 avril 1791, empoisonné ou victime des suites de ses débauches, trop tôt, donc, pour empêcher Louis XVI d'écouter Axel de Fersen, l'amant de Marie-Antoinette, et de prendre la fuite en pleine nuit le 21 juin 1791. Il faut toutefois remercier de façon posthume ce Mirabeau car, s'il avait vécu quelques mois de plus, Ettore Scola n'aurait pas pu nous donner ce chef-d'oeuvre, la Nuit de Varennes, avec une remarquable distribution, dont Jean-Louis Barrault, Marcello Mastroianni, Anna Schygulla, Michel Piccoli, Jean-Claude Brialy, Jean-Louis Trintignant...

Le temps passe, en effet et, à peine a-t-on amorcé un jour nouveau que déjà il s'achève. Et les semaines, et les mois font de même... Et par l'aimable divertissement qui précède, je voulais simplement souligner deux événements survenus un 16 juin :

Le premier intéressera les Français qui voudraient venir s'établir au Québec (je suppose que cela vaut aussi pour le Canada, car à l'étranger on ne fait pas toujours la distinction. Et pourtant !). Le 16 juin 1659, le roi Louis XIV décida d'accorder des subventions aux émigrants qui partaient s'installer au Canada. Coïncidence : c'est précisément ce 16 juin 1659 que débarquera (le terme est juste : on débarque d'une embarcation ; on descend d'une voiture, d'un avion) à Québec François de Montmorency-Laval, qui fut le premier évêque de Québec et, à deux occasions, gouverneur provisoire de la Nouvelle-France ; on soulignera en 2008 le tricentenaire de sa mort en même temps que le quatre centième anniversaire de la ville de Québec (j'aurai certainement l'occasion de reparler de ces célébrations).

Ni moi ni mes ancêtres n'avons bénéficié de cette subvention : mon ancêtre paternel, originaire de la région du Mans, était déjà sur place puisqu'il s'est marié à Sainte-Anne-de-la-Pérade, au Québec, en 1656. En évoquant cette décision royale de 1659, les Français qui souhaitent venir s'installer au Québec ne pourraient-ils pas demander à l'empereur Sarko de se montrer aussi généreux ?

Il ne faut toutefois pas oublier que :
« Le Canada de 1659 était, à vrai dire, bien peu de chose. La population française n’y atteignait pas 2 000 âmes, partagées entre trois centres de peuplement, sur une distance de plus de 60 lieues. La région de Québec, formée de la ville proprement dite et des seigneuries de Beauport, Beaupré, Notre-Dame-des-Anges et Lauson, présentait la plus forte concentration de population, avec près de 1 200 habitants ; quelques centaines de colons étaient établis à Trois-Rivières ou dans les seigneuries voisines du Cap-de-la-Madeleine, de Sainte-Anne et de Champlain, qui commençaient à peine à se développer ; aux avant-postes, l’île de Montréal était le dernier centre habité. »
Extrait du Dictionnaire biographique du Canada en ligne.

Il faut cependant prendre en considération que le faible taux de natalité actuel fait que, alors que le Québec avait jusqu'à maintenant quatre personnes qui payaient des impôts pour une personne retraitée, si j'ai bien compris, il n'aura plus bientôt que deux contribuables par personne à la retraite. Le faible taux de natalité et de l'augmentation des coûts de santé répartis sur de moins en moins de contribuables incitent les gouvernements à miser sur l'accroissement rapide de l'immigration ; attention, disent certains : cette stratégie risque de nuire aux plus jeunes, ceux de la génération dite « écho » ou « génération Y », selon le démographe et économiste David K. Foot.

Si les questions politiques, économiques, démographiques, etc., vous ennuient et que vous préférez l'art et la littérature, ne retenez de ce billet que ce qui suit.

Le 16 juin 1812, mourait un peintre allemand du nom de Franz Pforr. Mes connaissances en histoire de l'art sont vraiment pauvres et fragmentaires. J'ai toutefois retenu le nom de ce peintre dont j'ai découvert l'existence il y a près de vingt ans. Né à Francfort le 5 avril 1788, fils de Johann Georg Pforr, peintre reconnu, Franz perd toutefois ses parents alors qu'il n'a que douze ans, et son frère l'année suivante. Il est recueilli par l'un de ses oncles, galeriste à Cassel ou Kassel, qui encourage ses dons artistiques et favorise son inscription à l'académie de Vienne. Avec des amis étudiants, Johann Friedrich Overbeck, Ludwig Vogel et Johann Konrad Hottinger, ils contestent toutefois la formation trop académique et finissent par se faire évincer de l'institution.

Portrait de Franz Pforr par son ami Friedrich Overbeck

Ses amis et lui quittent Vienne et, en 1810, s'installent à Rome où la lumière italienne correspond davantage à leur conception de l'art que les couleurs sombres de la peinture allemande de l'époque. Ils s'établissent dans un ancien monastère franciscain où ils vivent en communauté. Ils fondent le mouvement nazaréen qui eut une influence sur l'art romantique allemand de la première moitié du XIXe siècle, semble-t-il. Franz Pforr n'avait que 24 ans quand il fut emporté par la tuberculose le 16 juin 1812.

Si cette période de la peinture allemande vous intéresse autant que les comparaisons entre l'art allemand et l'art italien ; si vous voulez revivre cette époque comme si vous y étiez à travers les yeux de ces jeunes peintres allemands (surtout ceux de Friedrich Overbeck) qui découvrent la lumière et la beauté de l'Italie, et si en plus vous aimez les histoires amoureuses qui n'ont rien de simple, je ne saurais trop vous encourager à lire L'Amour, superbe roman de Dominique Fernandez, que j'ai eu le plaisir de rencontrer (nous sommes nés le même jour... à plusieurs années d'intervalle) et qui, je viens de l'apprendre ou peut-être l'avais-je oublié, a été élu à l'Académie française le 8 mars dernier.

Ce tableau de Johann Friedrich Overbeck représente l'amitié entre l'Allemagne et l'Italie, telle que la sentait le jeune peintre allemand. Un détail de ce tableau illustre la couverture de l'édition du « Livre de Poche » du roman de Dominique Fernandez.

Je veux souligner l'arrivée d'un nouveau blogue, celui de Vincent qui laissait parfois une trace dans les commentaires et qui met en ligne aujourd'hui même son propre blogue, Complètement à l'Ouest ; on le retrouvera dans ma liste de liens sous « Vincent à l'Ouest ».

4 commentaires:

Anonyme a dit…

Ton érudition m'impressionne toujours. Ta mémoire aussi d'ailleurs, tu cites régulièrement ce que tu as du puiser dans tes lectures que j'imagine nombreuses. Bluffant. C'est bien gentil de citer mon blogue dans ton billet du jour. Que ceux et celles qui iront y faire un tour ne s'attendent pas à y trouver la richesse culturelle du blogue d'Alcib, je n'ai pas ses connaissances et j'ai une mémoire de pois chiche. Mais je ne fais plus de complexes pour cela et on est tous différents !

Alcib a dit…

Vincent, ne te laisse pas impressionner. Tu sais bien qu'il y a beaucoup de frime sous cet étalage. J'étale ma confiture pour tenter de me faire croire que j'ai un peu de culture mais, au fond, ça ne devrait tromper personne. Je ne suis pas le dernier des ignares non plus, entendons-nous. J'ai lu quelques livres, pas tant que ça. À l'ère d'Internet, si l'on a un peu de curiosité et de capacité d'établir des liens entre divers éléments de connaissance, on peut avoir l'air cultivé. Au fond, j'écris parfois des billets comme si je prenais des notes pour essayer de me souvenir de certains faits et de rapports entre certains faits. Je découvre beaucoup moi-même en écrivant le billet. Mais si l'on exclut l'épate, je ne suis pas sûr que les plus réussis de mes billets soient ceux-là.
J'aime beaucoup lire des billets comme les tiens, où l'on découvre peu à peu une personne dans sa simplicité ET son authenticité. J'aime ton attitude : on ne doit pas se faire de complexe d'être ce que l'on est. Au fond, la plupart des gens qui brillent en société déploient une énergie folle à essayer de camoufler leurs lacunes.
Je ne sais pas si tu as vu le film « Ridicules », de Patrice Leconte ; c'est très révélateur de l'importance du paraître.

Frime, épate : deux mots de niveaux familier dans ce commentaire ! Diantre ! je me relâche ;o)

V à l'Ouest a dit…

Et quand bien même tu te cultiverais au fur et à mesure de la rédaction de tes billets, tu as déjà le goût de le faire et ça c'est déjà admirable en soit. Quant à cette capacité de relier ce que tu peux piocher ça et là, ce n'est pas donné à tout le monde, crois-moi.
Merci pour ce que tu dis de mes trois malheureux billets. Une chose est sûre, j'ai toujours eu horreur de l'esbroufe et des gens qui jouaient un rôle. Si ça transparait dans le peu que j'ai écrit, c'est bien.

Anonyme a dit…

Cher Alcib... J'espère que tu ne m'en voudras pas, mais je te "taggue" pour le jeu "C'est toi le chat"...

http://soleilentete.canalblog.com/archives/2007/06/20/5366080.html