mercredi 22 mars 2006

La part des sens...

Jusqu'au début des années 1960, le latin était la langue de la prière et des offices religieux dans les églises catholiques. Les autels étaient souvent fleuris et dressés comme pour un banquet. Les vêtements et les accessoires sacerdotaux étaits luxueux. Les cantiques et l'encens accompagnaient abondamment les rituels liturgiques. Bref, il y avait à l'église de la majesté et du théâtral.
À soixante-seize ans et onze mois, Angelo Roncali, élu le 28 octobre 1958 sous le nom de Jean XXIII, devait être un pape de transition qui permettrait à l'Église de préparer la venue d'un nouveau pape d'action. Les cardinaux qui ont élu Jean XXIII ont cependant eu la surprise de leur vie quand celui-ci, désireux de moderniser l'Église, annonce un « aggiornamento » et convoque le concile oecuménique Vatican II qui voudra adapter l'Église au monde moderne, ce qui n'avait pas été fait depuis le Concile de Trente, trois cents ans plus tôt.
En plus du rapprochement avec les autres religions, notamment avec les Juifs, le concile fera en sorte que le message de l'Évangile soit mieux perçu et, pour ce faire, les langues vernaculaires remplaceront peu à peu le latin. Jean XXIII n'aura pas eu le temps d'aller au bout du concile, puisqu'il mourra le 3 juin 1963 ; Paul VI terminera le travail.
Plusieurs catholiques, parmi les plus âgés, surtout, ne se reconnaîtront plus vraiment dans la nouvelle liturgie, les nouveaux rites simplifiés et dans les offices célébrés dans la langue de tous les jours. Certains, parmi les prêtres et les évêques, Mgr Lefebvre en France, par exemple, résisteront et voudront continuer de célébrer la messe en latin. Parmi les fidèles, nombreux sont ceux qui regretteront le décorum, l'élément spectaculaire et la sensualité des rites traditionnels. On attribuera même à la nouvelle liturgie, sans attrait spctaculaire et sensuel, la désertion progressive des fidèles pratiquants, comme si la pratique religieuse devait s'accompagner de la participation des sens.

Raffaello - Jesus-Christ

Marcel Jouhandeau était un écrivain de la génération de Jean XXII, mais il n'était pas un auteur fortement recommandé par l'Église. Il a beaucoup écrit et, dans la plupart de ses livres, il a fait l'éloge du corps masculin, de la sexualité pratiquement indissociable du mysticisme. Pour lui, faire l'amour était une façon de célébrer un culte, de rendre grâce à Dieu.

Dans son Journal extime, Michel Tournier écrit ceci : « Marcel Jouhandeau déclare à la radio que sa foi chrétienne est inséparable de son amour physique — donc homosexuel — de Jésus. Il est certain qu'en faisant subir aux jeunes garçons la mutilation mentale qui fera d'eux des hétérosexuels exclusifs, la société détruit une dimension essentielle du christianisme (ce qui n'est évidemment pas le cas pour les femmes). Le corps du Christ est de très loin le plus souvent traité par l'art du nu occidental. La supériorité évidente des femmes mystiques sur les hommes mystiques ne s'explique pas autrement. »

Quelques pages avant, il écrit ceci : « Au cours du comité de lecture de Gallimard, je plante une graine qui pourrait donner de curieux fruits. Je propose à Michel Mort de suggérer à ses confrères de l'Académie française de m'inviter à prononcer le traditionnel "discours de la vertu" à l'occasion de la remise des prix de l'Académie. Philippe Sollers, qui a entendu, s'écrie : "Ah! ce sera l'hommage du vice à la vertu!" Il y a bien longtemps, j'avais écrit au cardinal Feltin de mec onfier les sermons du carême à Notre-Dame. Je m'engageais à lui en soumettre auparavant les textes. Je n'avais reçu aucune réponse. »

Quand on connaît la tendance de Michel Tournier à donner des interprétations qui s'éloignent souvent des visions traditionnnelles, faut-il s'étonner du silence de ce cardinal ?

3 commentaires:

Anonyme a dit…

J'allais oublier. Bravo pour les billets désormais quotidiens. UN plaisir de lecture assuré !

Anonyme a dit…

Oui, et puis c'est surtout très intéressant! Merci, Alcib!

Brigetoun a dit…

du Cardinal Feltin, on aurait pu attendre une réponse positive. Peut être ne connaissait il pas Tournier, ne le considérant que comme un romancier. L'explication concernant le corps de Jésus aurait pu s'appliquer aux dieux grecs ou romains