dimanche 30 avril 2006

Le soir est si proche.

« Je professe que l'on doit traverser la vie
comme on traverse une journée :
le soir en est si proche. »

François Nourissier, Un petit bourgeois.


Je ne me souviens plus exactement à quel moment j'ai commencé à lire les livres de François Nourissier ; il y a au moins vingt ans. Et dès le moment où j'en ai lu un, j'ai voulu lire tous les autres.

Ce que j'ai aimé en lui ? J'y ai sans doute trouvé des réponses à bien des questions que je me posais alors ; je me reconnaissais dans ses interrogations et dans ses doutes. À le lire, on serait porté à croire qu'il s'agit d'un écrivain mondain, très à l'aise dans le grand monde, avec le beau linge ; à l'aise, il l'est sans doute devenu avec le temps, mais au départ, François Nourissier est un petit garçon qui a pris de l'âge mais qui n'a pas vraiment grandi. Ses inquiétudes, ses insécurités, ses doutes, ont évolué avec lui mais ne semblent ne l'avoir jamais quitté.


Il est sans doute le plus à gauche des écrivains dits de droite, sans doute aussi le plus « homosensible » des hétérosexuels. Je ne me souviens plus dans lequel de ses récits autobiographiques il dit se demander lui-même pourquoi il n'est pas homosexuel, car plusieurs de ses amis le sont ou l'ont été, à commencer par Aragon. Il dit lui-même que la féminité constitue une bonne part de son tempérament et de sa sensibilité. Il a pourtant conçu, élevé trois enfants, une fille et deux garçons et sa crainte de ne pas avoir été un bon père lui a fait écrire des pages magnifiques sur la paternité, sur l'héritage intellectuel, spirituel, qu'un père voudrait laisser à ses enfants.

Bien que je ne possède moi-même aucune maison (j'ai été propriétaire une fois, durant quelques mois), son amour des maisons m'a toujours fasciné. Je comprends le symbolisme que l'on peut associer à la maison. J'ai écrit un jour une longue lettre à un ami qui devait en quitter une, pour lui exprimer que je croyais ressentir ce qu'il devait éprouver en quittant cette maison, ce qu'elle devait représenter pour lui à ce moment-là de sa vie. Cette ami m'a alors appelé, me disant avoir pleuré en lisant cette lettre qui exprimait si bien ce qu'il n'aurait pu exprimer lui-même avec des mots.

En cliquant sur la photo, vous pourrez l'agrandir.

Parmi les très nombreuses maisons qu'il a possédées, habitées, l'une des dernières fut sans doute la propriété qu'il avait dans le Lubéron. Le photographe Gilbert Nencioli lui a rendu visite dans cette maison, en 1995, pour un ouvrage qu'il préparait sur les lieux d'écriture de plusieurs écrivains parmi les grands noms de la littérature contemporaine. L'image qui précède est celle que Gilbert Nencioli nous offre du bureau de François Nourissier dans le Lubéron.


François Nourissier a publié en 2005 un nouveau titre que je n'ai pas encore lu, La Maison mélancolie, que je me propose de lire bientôt. Maintenant âgé de 79 ans et atteint de la terrifiante maladie de P. (qu'il refuse de nommer mais que l'on peut ici appeler par son nom : Parkinson), l'auteur répondait à quelques questions à l'occasion de la parution de ce nouveau livre ; en voici un extrait que l'on trouve sur le site des Éditions Gallimard :

Rencontre avec François Nourissier à l'occasion de la parution de La Maison Mélancolie

La maison Mélancolie… serait-ce votre adresse actuelle ?
François Nourissier — Je n'ai plus de maison, parce qu'avoir une maison c'est en vouloir une nouvelle, c'est en vendre une pour en acheter une autre. Dans ce sens, je crois que je n'ai plus de maison, que je n'en aurai plus jamais, et j'essaye là comme dernière besogne de cambrioler des souvenirs. C'est vraiment ça, je cambriole des souvenirs. Mais ça ne veut pas dire traîner des nostalgies.
Cela dit, ce n'est vraiment pas un livre dans le genre des chroniques pimpantes sur beau papier pour magazines pimpants et sur beau papier ! C'est un livre crépusculaire, il faut avoir le courage de l'assumer.

Mais pas pour autant un livre triste…
François Nourissier — Le livre, c'est comme la haute école : si on sait monter son cheval, il n'a jamais l'air triste, il n'a jamais l'air fatigué, il a l'air attentif, simplement. C'est la même chose : un livre triste, c'est un livre qu'on ne tient pas.

Vous aimez les maisons, pourtant vous semblez leur en vouloir un peu de vous avoir pris autant de temps et d'énergie…
François Nourissier — J'en ai visité plus de cinq cents ! Ce qui représente, ce n'est pas une façon de parler, un morceau d'une vie. Mais un morceau auquel je pense avec sympathie et reconnaissance. Oui, j'ai aimé cette course aux maisons.

Vous écrivez : « Il faut être un hercule de la solitude, des travaux manuels et du courage moral pour triompher d'une maison de campagne »…
François Nourissier — C'est vrai, une maison de campagne, c'est l'horreur ! Mais c'est vrai aussi que l'on regrette souvent une maison, bien plus rarement un appartement au quatrième étage de la rue Machin !
Quand les gens disent « ma maison », « à la maison », ils pensent à une maison individuelle, pas à un appartement. Il n'y a qu'un bateau qui puisse ressembler à une maison.

Au fond, toutes les maisons ne sont-elles pas, d'une façon ou d'une autre, des maisons closes ?
François Nourissier — Je crois que nous ne pensons à une maison que fermée, opposant sa fermeture à notre investissement, exigeant qu'on la force, qu'on casse une fenêtre ou une serrure… C'est très rare qu'on pense à une maison avec deux jeunes gens faisant de la musique sur un coin de la terrasse, des jeunes filles à l'ombre ou au soleil… À mon sens, on n'imagine jamais une maison heureuse ni vivante, on l'imagine toujours au bord d'un drame ou sortant d'un chagrin.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

merci pour ce beau texte et ces belles réflexions ... moi aussi .. si le livre d'un auteur m'a plu ... généralement je lis l'ensemble de son oeuvre ! ! ! ... comme quand tu fais la connaissance d'une personne et que tu veux en savoir le plus possible sur elle ... Les photos que tu déposes sur ton site n'apparaissent malheureusement pas sur mon logiciel ... not allowed ... Bon premier mai et je te dirai comme j'ai dit à Lulu ... je te souhaite un joli mai d'émois ...

Anonyme a dit…

J'ai lu des livres (2 je crois)de F Nourissier justement, sur la paternité et un autre (???)et j'ai le souvenir de quelqu'un qui devait relire tout haut ses textes et qui apréciait le son de sa voix...
Pas très sincère sauf dans sa "droititude".
Bon, je n'ai pas trop le droit de le casser... Il faudrait peut-être que je le relise???

Alcib a dit…

Claudine, je suis désolé pour les photos. Ça fonctionnait très bien hier et maintenant je constate en effet qu'on ne peut plus agrandir ces images en cliquant dessus. Je vais essayer der égler ça... demain seulement.

Bienvenue Osteolala et merci du commentaire. J'essaierai de répondre aujourd'hui ou demain. Je suis un peu débordé en ce moment.