mardi 14 février 2006

Émigrer... au Québec ou au Canada ?


Depuis que j'ai découvert l'univers des carnets virtuels, je constate que nombreux sont les Européens, principalement des Français (je parcours surtout les carnets francophones), qui veulent venir vivre ici. Certains parlent de s'établir au Québec, alors que d'autres parlent plutôt de déposer leur pénates au Canada. Pour les uns, la distinction est très claire entre le Québec et le Canada ; d'autres n'y comprennent pas grand-chose. S'ils ont en tête Montréal plutôt que Toronto ou Vancouver, les premiers sont susceptibles de mieux réussir leur intégration, alors que les autres risquent de trouver plus difficile l'adaptation à la réalité québécoise. Indépendamment des considérations juridiques et politiques, la vie au Québec n'est pas tout à fait comme la vie en Ontario, en Alberta, etc.

Et si vous vouliez tester votre aptitude (actuelle) à bien vous intégrer au Québec, je vous présente une blague qui a circulé ces derniers mois ; si vous pouvez la comprendre et l'apprécier, vous méritez tout de suite un visa ; sinon, il vous faudra étudier encore un peu avant de présenter votre demande d'immigration. (Je conseille aux yeux sensibles de mettre des lunettes fumées, car il y a dans ce texte des mots « liturgiques » et d'autres quelque peu vulgaires).

Dans un café bondé de Paris, seul à sa table, un touriste déguste une crème brûlée. Soudain, un autre touriste s'approche de lui :
- Est-ce que pouvoir m'asseoir ici ?
- Pas de problème...
- Merci, vous être gentil...
- Vous êtes en vacances ?
- Oui, moi arrivé hier...
- Vous venez de quel pays ?
- De Norvège. Et vous ?
- Du Québec.
- Québec ? Moi pas connaître...
- Ben, je viens du Canada...
- Ah ! Canada ! Ça connaître ! Mais pourquoi avoir dit que vous venir du Québec ?
- Parce que je viens d'abord du Québec !
- Ah, vous être né au Québec et avoir immigré au Canada...
- Non, moi être né au Québec pis être resté au Québec...
- Ah, votre père vient du Canada ?
- Non, mon père, ma mère, ma femme, mon chien, tout le monde vient du Québec...
- Alors pourquoi avoir dit Canada ?
- Parce que vous saviez pas c'était quoi le Québec, saint-crème !
- Mais si vous pas avoir su c'était quoi Norvège, moi pas vous avoir dit que mon pays être Japon...
- Le Canada, c'est pas le Japon câlisse. Le Canada, c'est mon pays.
- Ah, votre pays plus être Québec ?
- Mon pays, c'est le Québec. Mais mon pays, ça peut aussi être le Canada, si la personne à qui je parle sait pas c'est quoi le Québec ciboire...
- Moi pas comprendre...

- Regarde, c'est simple : Je viens de la province de Québec dans le pays du Canada.
- Ah! Mais moi pas avoir demandé de quelle province vous venez, mais de quel pays... Moi venir de région Lofoten en Norvège, mais avoir répondu Norvège quand vous avoir demandé de quel pays je venais...
- Je l'sais, j'suis pas cave, sacrament ! Mais moi, quand on me demande de quel pays je viens, je réponds le Québec ! Même si c'est le nom de ma province. Pour moi, c'est comme mon pays.
- Oh ! Moi comprendre. Vous être séparatiste. Vouloir que votre province du Québec devienne votre pays...
- Es-tu fou, ostie? Je veux rien savoir de ça !
- Moi plus comprendre...
- C'est simple ! Tu m'as demandé de quel pays je viens, j'ai répondu le Québec, parce que le Québec c'est mon pays, mais je veux pas que ce le soit vraiment, parce que ce serait trop de troubles. Je veux juste pouvoir le dire. Faque je peux-tu le dire ?
- Moi tout mêlé. Toi avoir passeport de quel pays :
Québec ou Canada ?

- CANADA, Tabarnak !!!
- Alors pourquoi toi pas avoir répondu tout de suite Canada ?
- Parce que ça me tente pas. Pour moi, le Canada, c'est Anne Murray, le Stampede, la police à cheval, Toronto, le SRAS, et c'est pas chez nous tout ça. Chez nous, c'est Séraphin Poudrier, la P'tite Vie, Félix Leclerc, la poutine et les pitounes, les Canadiens, les Bougons... Tu comprends-tu ???
- De moins en moins...
- Regarde, on va oublier ça. Pose-moi une autre question.
- De quelle ville tu viens ?
- Euh... Ben là, je l'sais pus...
- Toi pas savoir c'est quoi ta ville ?
- Oui, je sais c'est quoi ma ville. Mais ma ville, c'était une ville qui a fusionné avec une autre ville mais qui, là, va peut-être défusionner avec la ville qui serait censée être devenue ma ville...
- Toi pas évident ! Quand toi écrire ton adresse, toi écrire quoi ?
- Je le sais pus non plus. Avant, j'écrivais Hull, mais Hull est devenue Gatineau, mais y nous ont dit d'attendre trois ans avant de ne plus écrire Hull pour pas mêler le facteur. Mais là, les libéraux ont passé une loi qui permet à Gatineau de redevenir Hull, mais je sais pas s'il va falloir attendre encore trois ans avant de pouvoir l'écrire ou si quand les trois premières années vont être finies, il va falloir écrire Gatineau durant trois ans, et après écrire Hull. À moins que le PQ soit revenu au pouvoir et que là, on ait refusionné avec Gatineau, ce qui ferait qu'on devrait écrire Gatineau pendant trois ans...
- Je pense que moi partir, avoir mal de tête...
- Pourtant, c'est simple tabarnak ! : Ma ville, c'est Hull, mon pays, c'est le Québec. Mais si t'aimes mieux, ma ville c'est Gatineau, pis mon pays, c'est le Canada.
- OK, là, je comprends !
- Y était temps en crisse. En tout cas, ça été ben l'fun de jaser avec toi, pis si jamais tu viens dans mon coin, tu viendras me voir...
- OK. Mais tu vas être où ? À Hull au Québec... ou à Gatineau au Canada ?
- Ah ! pis va chier, 'stie !

Sans présumer de ses opinions politiques (il est toujours discret sur ce point), je vous invite, si vous ne le connaissez pas déjà, à lire régulièrement le blogue d'Olivier - un Français au Québec, qui me semble présenter tous les « symptômes » d'une intégration réussie.

21 commentaires:

Anonyme a dit…

huhuhuhuhuhuh j'ai tout compris, j'peux l'avoir mon permis de vivre au quebec? heu, je veux dire A quebec? ;)

nan serieux, j'suis pas confuse, moi, hein, c'est simplement une question d'argent pour moi, plus qu'une question d'affection pour un endroit ou un autre. comme j'ai toujours pas trouvé de mari à marier au quebec, et comme c'est la seule province qui requiert une permission speciale en plus de celle donnée par le canada, ben... va falloir que je commence ailleurs, même si mon rêve c'est d'aller à montreal. un-demi rêve c'est déjà mieux que pas de rêve du tout, non? comme disent les arabes: le voyage de mille lieues commence par un pas.

Brigetoun a dit…

ce qui parait bizare d'ici c'est l'association des noms Hull et Québec d'une part et Gatineau et Canada. Un esprit primaire ou cartésien aurait attendu le contraire. Quant aux mots,que cela ne vous fache pas, mais comme tous les français j'aime énormément le québequois, moins le joual (je ne sais pas l'écrire) parce que là ça devient franchement obscur

Beo a dit…

Euh.... Hull ET Gatineau sont au Québec non?

Qui a déménagé Gatineau!!!!

Alcib a dit…

Miss Lulu, je te donne tout de suite ton permis, bien sûr (si seulement je peux le trouver dans ce désordre). Si tu ne l'as pas reçu dans trois semaines, fais-moi signe ; si je ne suis pas enseveli sous les papiers, je chercherai encore ;o)

Alcib a dit…

Brigetoun, Hull et Gatineau sont deux villes voisines situées au Québec. Sauf qu'une grande partie de leurs résidents traversent chaque matin le pont qui les relie à Ottawa, capitale canadienne, située en Ontario. Quand le Parti Québécois était au pouvoir, il avait fait adopter par l'Assemblée nationale une loi créant de grandes aglomérations (« Montréal, une île une ville », par exemple) ; ce qui est tout à fait logique et permet aux municipalités de partager des services, de réduire les coûts et de se donner des objectifs communs... Sauf que le Parti Libéral (le parti de la Finance et des Anglos), au pouvoir en ce moment, avait promis d'organiser un référendum pour permettre aux Anglos qui ne voulaient par faire partie de Montréal et à d'autres privilégiés de garder pour eux leurs jardins cossus de retrouver leur municipalité d'avant les fusions. Résultat de ce référendum : réel clivage entre les communautés francophones et anglophones à Montréal (on se demande si les Anglos n'érigeront pas bientôt des mûrs pour éviter que les francophones traversent leurs villes). Dans ce contexte, Hull avait d'abord été fusionnée avec Gatineau ; à la suite du référendum, je ne sais plus si Hull a retrouvé son autonomie ou pas (ce serait plutôt Gatineau, la banlieue chic, qui aurait voulu retrouver ses jardins privés). Je suis absolument dégoûté de ce gouvernement et des opprtunismes et des intérêts privés qu'il favorise... Alors que tous les résidents de Montréal demandent plus de financement pour le transport en commun, la création de pistes cyclables, etc., afin d'améliorer la qualité de vie des citadins, ce gouvernement, contre la volonté des Montréalais, investit plutôt dans le béton en construisant de nouveaux ponts débouchant sur des autoroutes qui conduiront à Montréal les polluants véhicules utilitaires sport des banlieusards qui viennent gagner leur vie à Montréal sans rien y apporter et rentrent le soir préparer le barbecue à côté de la piscine (tant pis pour la pollution qu'ils auront augmentée à Montréal, pour les piétons qui auront dû leur céder le passage au feu vert pour ne pas se faire écraser par ces conducteurs occupés au téléphone et à trouver rapidement la place pour garer leur mastodonte).

Alcib a dit…

Oui, Béo, rassure-toi : Gatineau est encore au Québec. À moins qu'à la faveur d'un glissement de terrain, par une nuit sans lune, Gatineau ne passe du côté de l'Ontario... On ne sait jamais.

Brigetoun a dit…

j'avais bien compris que Hull et Gatineau étaient au Quebec mais je de demandais à quoi vous faisiez allusion dans votre avant dernière phrase. Maintenant je sais.
Ne soyez pas trop méchants avec la banlieue dorée, en venant travailler à Montréal ils créent de la richesse par la taxe professionnelle (où est ce différent chez vous) mais c'est vrai qu'au lieu de faire des ponts et des autoroutes on pourrait les mettre dans de jolis petits trains

Anonyme a dit…

Délicieux... Que d'infos super interessantes...Encore... Parle nous de tout cela...

Lancelot a dit…

Et toi, je parie que tu es originaire de Hull ou de Gatineau.

Alcib a dit…

Oui, bien sûr, Brigetoun, si les banlieusards sont entrepreneurs ou commerçants, ils créent de l'emploi, paient des taxes, etc. ; mais comme la très grande majorité de ces nomades de l'heure de pointe sont des employés, ça ne contribue pas très fort à l'économie de Montréal, puisqu'une fois la journée de travail finie, ils n'ont qu'une envie : rentrer chez eux, chacun dans sa bagnole, en pestant durant tout le trajet contre le mauvais état des rues de Montréal, les embouteillages, le coût de l'essence, les piétons qui osent essayer de traverser la rue, etc...

Alcib a dit…

Un petit commentaire supplémentaire pour Miss Lulu et pour les autres lecteurs éventuels : je ne visais personne en particulier en présentant cette blague... Elle m'est revenue en mémoire ces derniers jours et comme je lis régulièrement, dans les carnets des uns et des autres, que je suis moi-même un exilé, en quelque sorte, des billets et des commentaires au sujet de l'exil, volontaire la plupart du temps, concrétisé ou à venir, j'en eu l'envie de reprendre cette blague, pas très raffinée, pas très distinguée, mais enfin... On ne peut donner que ce que l'on a ;o)

Alcib a dit…

Merci, Olivier, tu es trop gentil. Il m'arrivera sûrement encore de parler du Québec dans ces pages, même si au départ je n'avais pas l'intention de le faire trop souvent... J'ai donné à mon carnet le titre d'« Exil intérieur », après tout... Je ne suis pas très bon pour parler du Québec, du Canada, ou de toutes les choses pratiques de la vie (si c'était le cas, je ne serais probablement pas ici ;o)
Pour avoir une très bonne vision de la vie au Québec, Olivier, une vision fraîche, curieuse et intelligente, à la fois passionnée et critique, totalement engagée et raisonnée à la fois, je te suggère de lire, dès le début, le « blogue d'Olivier - Un Français au Québec ». Car Olivier et son ami Jean-Marc sont, je crois, l'exemple parfait de nouveaux Québécois parfaitement intégrés, ayant conservé de leur culture française tout ce qui fait leur richesse tout en vivant pleinement dans cette nouvelle société qu'ils ont choisie. Je vais rajouter à la fin de mon billet, à la suite de cette blague, le lien vers le site d'Olivier...
Il m'arrivera tout de même de sortir mon propre flambeau pour apporter un peu de lumière sur certains aspects de la vie au Québec. J'ai toutefois du mal, parfois, à parler de ma propre expérience...

Alcib a dit…

Pas du tout Lancelot ; je suis bien Québécois (ma patrie est le Québec et je considère que l'entité juridique qui s'appelle « Canada » est une imposture politique). Mais, bien que je sois né près d'une frontière, je ne suis ni de Hull ni de Gatineau, mais tout à fait à l'opposé : Hull et Gatineau sont à l'ouest du Québec, à la « frontière « du Québec et de l'Ontario ; alors que je suis né à l'Est, à la « frontière » du québec et du Nouveau-Brunswick.

Anonyme a dit…

Oh ben Hull ou Gatineau, Québec ou Canada, du moment qu'y a d'la place pour faire son trou dans l'gruyère, moi chuis preneur... Où c'est qu'on signe?

Anonyme a dit…

Arf ! Moi je me permets de citer une bourde historique: "Vive le Québec libre !"

Pauvre France si tout le monde s'en va au Québec... Bah ! On accueilera d'autres peuples du monde.

Enfin comme moi j'y reste, je me permets de parler géo d'ici: l'information sur les Régions et les Communautés d'agglomération, dernières nées de nos circonscriptions administratives, est aussi cruciale que l'information sur l'Union Européenne.

Oliv'

Anonyme a dit…

Merci pour tous ces compliments, Alcib!

Effectivement, je vois arriver des Français en vacances qui n'ont qu'un mot à la bouche "le Kanadaaa, le Kanadaaa" :o)

Ca me fait sourire plus qu'autre chose, et il vient toujours un moment où j'explique que "Québec", c'est un peu plus précis.

C'est vrai que je reste discret sur mes opinions politiques. D'abord parce que mon blogue actuel n'est pas trop le lieu (je tiens à rester dans mon sujet, qui est mon expatriation). Je pense déménager de blogue bientôt, et j'aurai sans doute plus l'occasion de m'exprimer là-dessus, autant sur ce qui se passe de ce côté-ci de l'océan, que de l'autre côté.

Et puis pour le moment je raisonne "par tiroirs": le Québec est à l'intérieur d'un ensemble qui s'appelle Canada, qui est dans un ensemble Amérique du Nord (avec le Mexique et les Etats-Unis)... en face, la France est dans un ensemble Europe. Tout ça est dans un Occident un (peu flou).

Je compare les sociétés, je dissèque les événements, j'essaye de comprendre et d'analyser ça avec mes petites connaissances en sciences politiques, histoire, géo... Et je trouve ça passionnant. :-)

En fin de compte, je pense qu'on peut facilement deviner quelles sont mes convictions en me lisant tous les jours depuis 3 ans.

Anonyme a dit…

Oliv' - Paysageman: ne te prends pas pour le grand Charles.
Je ne suis pas sûr que tu apprécierais sa politique aujourd'hui, d'après ce que je lis sur ton blogue.

Brigetoun a dit…

moi, ayant connu, vu mon âge, le fait d'être jeune sous le second grand Charles, je suis tout à fait sur qu'Oliv ne l'aurait pas apprécié et nous nous serions rencontré sur les baricades

Anonyme a dit…

Olivier, (et Brigetoun)

Sûr que je ne me prends pas pour Charles: je milite pour une sixième république...(au moins) !

Oliv'

Anonyme a dit…

C'est comme en France, quoi; on a les Corses, les Bretons, les Basques, les Schpountz, la Nouvelle-Calédonie, etc... Pas de quoi en faire un maôdit fromage, tabarnak !

Anonyme a dit…

Amusant toutes ces anecdotes. Voici une autre source qui mérite un coup d'oeil...
Vous pouvez y accéder en cliquent sur le lien http://www.le-pays-sans-volets.com ou en cliquant ici