samedi 6 mai 2006
Ave Maria...
Les sons manquent en effet dans la cohorte des souvenirs évoqués, écrit Brigetoun, dans son commentaire au billet précédent. Et comme elle a raison ! L'ouïe prend tellement de place dans notre vie : comment avons-nous pu l'oublier dans cet exercice faisant appel au souvenir ?
La voix humaine, qu'elle soit parlée ou chantée, représente pour moi l'un des sons les plus beaux que l'on puisse entendre. Y a-t-il quelque chose de plus émouvant que la voix de l'être aimé ? J'aimerais pouvoir écrire que le son qui m'a le plus marqué, c'est la voix de ma mère que j'entendais près de mon berceau. Hélas, ce n'est pas le cas. Bien des sons de mon enfance me reviennent en mémoire : étrangement, le premier qui me vienne à l'esprit en ce moment, c'est le bruit presque imperceptible du glissement du traîneau sur la neige, puis le grondement, plus impressionnant, d'une rivière au printemps, dont le gonflement tumultueux des flots semble vouloir avertir de ne pas trop s'en approcher.
D'autres bruits de mon enfance se présentent : celui d'un claquoir de bois dont se servait l'institutrice à l'école pour donner certains ordres (se lever, s'asseoir, se mettre en file, etc.) ou encore celui de la craie sur le tableau.
Toutefois, ce qui m'est spontanément venu à l'esprit en essayant de penser à un son qui m'a marqué, c'est un air de musique, deux airs, en fait. Adolescent, j'avais décidé que je deviendrais chanteur. J'ai abandonné les études en pédagogie que j'avais commencées quelques mois plus tôt afin de trouver du travail et de prendre des leçons de chant avec un professeur dont on parlait avantageusement dans le milieu de la chanson de l'époque. La majorité des élèves, comme moi, voulaient faire de la chanson populaire et n'avaient pratiquement pas de connaissances musicales, si ce n'étaient quelques leçons de solfège qui permettaient de déchiffrer sommairement la musique des chansons que nous voulions apprendre. Coïncidence : au moment où j'écris ces mots, mon lecteur de mp3 joue la 3508e pièce musicale d'une liste qui en compte 5375 ; et cette 3508e, c'est Trousse-chemise, de Charles Aznavour, que j'ai souvent travaillée avec mon professeur et que j'ai interprétée sur scène...
Au cours de l'une de ces leçons de chant, un jour, je ne sais plus trop pourquoi, peut-être pour me laisser reprendre mon souffle, mon professeur se mit à chanter, en s'accompagnant lui-même au grand piano qui trônait dans son studio ; il chanta l'Ave Maria de Schubert, puis il enchaîna avec celui de Gounod (à moins que ce ne soit l'inverse, je ne me souviens plus très bien). Je l'écoutai avec ravissement. Je ne pouvais plus rien dire. Je venais de découvrir de la musique que je ne connaissais pas. C'est depuis ce jour que j'aime la musique classique. Jusqu'à ma mort, je crois, j'entendrai la voix de mon professeur qui ce jour-là chanta pour moi seul, avec la même concentration que s'il était sur une scène ou à l'église, ces deux Ave Maria.
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10 commentaires:
et puis le choix était bon pour la pureté et l'intensité, surtout si c'était a capella
Très joli billet, Alcib, et un bien beau souvenir. Il faudrait que je m'en inspire pour mon blogue, tiens... :-)
Merci, Brigetoun ; vos billets sur la musique que vous allez entendre m'impressionnent au point que je n'ose laisser de commentaires.
Merci, René ; l'inspiration appartient à tous ceux qui savent s'en servir. Je me suis déjà inspiré d'Olivier de Paris ;o)
je ne connais rien à la musique et je chante faux mais j'aime écouter
je me souviendrais toujours de ce premier morceau de musique que nous a joué ce premier professeur de musique que nous avons eu au secondaire. c`était la Moldau de Smetana, il nous avait joué ça sur un petit electrophone portatif qu'il avait installé sur le pupitre en avant de la classe. Au début des années 60, un instrument pareil était annonceur de 'Surboum' dans une cave comme on les appelait alors.Ce professeur avait su nous emouvoir en nous décrivant le flot de la rivière Moldau comme l'auteur essayait de l`evoquer dans son oeuvre. Je penserais à cette classe chaque fois que j'ecoute ce morceau de musique.
Je pleure à chaque fois que j'entends le Ave Maria de Schubert...
Je pense que c'est une de splus belle choses jamais créée sur terre... Ça touche le divin...
C'est tellement beau...
La première fois que je l,ai entendu, c'est lors de mon séjour à Prague à l'été 95 - J'avais 21 ans, j'étais sur le bord de tomber follement amoureux, pour vrai... Mais je le savais pas trop encore... Et c'était un concert dans une vieille église qui sentait l'humidité... Un concert d'Avé maria... Gratuit! J,ai eu la pub dans la rue et j'ai décidé d'aller entendre ça...
Moment de grâce... Moment ultime de bonheur...
Larmoyant de beauté...
Comme trop... Trop de beauté, d'amour, de joie, de majesté en même temps...
OuF!
je fais un trip classique très régulièrement, ca lave, ca ramène aux sources des émotions... jolie note!
Très belle dissertation sur la voix. J'adore écouter chanter les choeurs mais par contre j'aime encore plus être parmi les choristes, tellement la vibration de ces momnts vécus est intense.
J'avais 16 ans .
Mon père et ma tante m'ont emmené à la foire du Trone , à Paris .
En arrivant , ma tante me donne quelques pièces .
J'achète un seul billet de loterie . C'était le numéro gagnant .Le lot était un modeste tourne disque .
Arrivé à la maison , mon premier soin fut d'acheter un disque pour etrenner mon appareil .
Chez le commerçant , ce fut l'embarras : je ne connaissais rien à la musique .
Je choisis un 33 tours , au hasard , simplement car la photo de la pochette me plaisait .
Je l'ai mis sur la platine du tourne disque ...et ce fut l'extase . Il s'agissait de la sonate au clair de lune de Beethoven .
J'ai écouté ce disque à longueur de journée pendant trois mois . Le disque usé , je l'ai racheté .
Voila comment j'ai découvert la musique classique , passion qui ne s'est jamais arrétée .
Aujourd'hui , mon idole n'est plus Beethoven mais Jean Sébastien Bach .
J'aimerai quitter cette vie en écoutant ses suites pour violoncelle seul ...
Je vous souhaite une bonne soirée .
Merci, Jean de ce touchant témoignage. Et bienvenue sur ce blogue. Merci aussi à Brigetoun qui m'aura permis de découvrir le vôtre.
J'aime beaucoup Bach aussi, sauf que je peux difficilement tout écouter de Bach en continuant de travailler. Le rythme de sa musique ne convient pas toujours au rythme de mes pensées. Cependant, je suis tout à fait d'accord pour les suites pour violoncelle. J'ai un excellent disque, sur lequel Paul Tortelier interprète magistralement ces suites...
J'ai diverses périodes pour l'écoute de musique classique. J'ai beaucoup écouté Schubert, Beethoven, Mahler... Mozart est cependant toujours présent.
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