Cette phrase de Jeanne Moreau, au cours d'une entrevue qu'elle accordait à la télévision, en 1996, me rappelle certains passages des Nourritures terrestres qui, il y a quelques années, résumaient presque toute ma philosophie...
« Je n'ai jamais rien vu de doucement beau dans ce monde, sans désirer aussitôt que toute ma tendresse le touche. Amoureuse beauté de la terre, l'effloration de ta surface est merveilleuse. Ô paysage où mon désir s'est enfoncé ! Pays ouvert où ma recherche se promène ; allée de papyrus qui se referme sur de l'eau ; roseaux courbés sur la rivière ; ouvertures des clairières ; apparition de la plaine dans l'embrasure des branchages, de la promesse illimitée. Je me suis promené dans les couloirs de roches ou de plantes. J'ai vu se dérouler des printemps. »
« Certes, tout ce que j'ai rencontré de rire sur les lèvres, j'ai voulu l'embrasser ; de sang sur les joues, de larmes dans les yeux, j'ai voulu le boire ; mordre à la pulpe de tous les fruits que vers moi penchèrent des branches. À chaque auberge me saluait une faim ; devant chaque source m'attendait une soif — une soif, devant chacune, particulière ; — et j'aurais voulu d'autres mots pour marquer mes désirs
de marche, où s'ouvrait une route ;
de repos, où l'ombre m'invitait ;
de nage, au bord des eaux profondes ;
d'amour ou de sommeil au bord de chaque lit.
J'ai porté hardiment ma main sur chaque chose et me suis cru des droits sur chaque objet de mes désirs. (Et d'ailleurs, ce que nous souhaitons, Nathanaël, ce n'est point tant la possession que l'amour.) Devant moi, ah ! que toute chose s'irise ; que toute beauté se revête et se diapre de mon amour. »
(André Gide, Nourritures terrestres).
5 commentaires:
une fois de plus j'adhère à ce que dit la Jeanne Moreau. Gide au début me séduit, me charme et puis me choque ce besoin de possession
Ah, Alcib, quelle joie de te retrouver, et quel soulagement de savoir que tu vas bien. Je viens de passer un bon moment à lire toutes tes notes du mois d'août ; il y aurait beaucoup à dire, c'est pourquoi je ne dirai rien, ou presque ! Je suis très frappée de ta capacité de compassion (à propos de Poeri, notamment).
Bien, maintenant je sais que je pourrai revenir ici sans inquiétude, donc je te dis à bientôt. Et ne travaille pas trop...
Brigetoun, j'aime beaucoup Jeanne Moreau, même, et surtout peut-être, à mesure qu'elle prend de l'âge. Contrairement à la toquée de Saint-Tropez, elle mûrit intelligemment, en grâce et en sagesse, sans renoncer à toutce qui fait la vie, la création de chaque instant...
J'ai beaucoup lu Gide car il était l'un des premiers écrivains que j'aie découverts quand je me suis mis à lire. J'ai de lui une photo originale qu'il avait donnée à Jouhandeau et que celui-ci m'a envoyée ; un ami m'avait aussi fait de lui un beau portrait à l'aquarelle ; tout cela exprime l'attention que je lui ai portée durant de nombreuses années. C'est vrai qu'en ce moment, bien que je lise peu, hélas, je lis autre chose.
Merci Fuligineuse. Oui, je vais bien, merci. J'ai dû prendre un peu de repos, de recul. J'ai dormi beaucoup et, le temps passant, j'ai eu du mal à me replonger dans l'activité, intelligente ou pas. Mon corps et mon esprit résistent encore au mouvement ;o)
Je ne suis pas passé chez toi depuis un bon moment. Je vais aller y retrouver la Méditeranée que tu connais si bien et Paris, et le canal Saint-Martin et... À toute de suite.
andré gide j'aime , jeanne moreaux tout autant danièle ton blog est très intéressant
Merci Danièle et bienvenue. J'ai essayé d'aller voir le tien, mais je tombe sur un message qui me dit que la page n'existe pas... C'est dommage !
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