J'ai appris hier seulement, en feuilletant un magazine, la mort de Jacques Lacarrière, romancier, poète, traducteur et grand voyageur, à l'âge de 79 ans ; je ne connais pas la date exacte de sa mort, mais j'imagine qu'il est décédé vers la fin du mois de septembre ou au début du mois d'octobre. Homme de lettres, il avait un profil plutôt discret ; une petite recherche sur Internet m'a permis de découvrir qu'il avait écrit, traduit ou préfacé un très grand nombre d'ouvrages. Je ne connaissais que deux ou trois de ces livres, mais je garderai de l'un d'eux un souvenir inoubliable. Ses voyages en Grèce et la mythologie ont alimenté la plupart de ses livres ; c'est par le plus connu d'entre eux et celui qui l'aura fait connaître, que j'ai découvert Jacques Lacarrière. À l'automne 1999, je crois, je suis tombé sur un livre que j'ai acheté immédiatement, L'été grec, que je me suis mis à lire aussitôt.
J'ai été totalement absorbé par cette lecture ; je suivais pas à pas ce voyageur qui arrivait en Grèce avec des moyens modestes et qui avait entrepris d'aller passer quelque temps avec les moines du mont Athos... J'étais fasciné par ce que j'apprenais à connaître de la Grèce, par les Météores, par exemple ; je cherchais des images que je ne trouvais pas, puisque je n'avais alors pas encore accès aux précieuses ressources d'Internet... Dans la nuit du 31 décembre au premier janvier 2000, la télévision présenta des images du passage à l'an 2000 un peu partout dans le monde et, parmi ces images, il y avait des images des Météores et des moines du mont Athos. Ce fut un beau moment de joie de voir enfin des images de ce que je lisais dans L'été grec de Jacques Lacarrière.
Puisqu'on ne les voit pas changer, évoluer, vieillir, on s'imagine que certains être sont immortels. Au lieu de voir leur corps se ratatiner, leurs mouvements se faire plus lents, etc., on ne perçoit généralement des écrivains, à travers leurs livres, qu'un esprit toujours jeune, toujours alerte. Le choc est d'autant plus grand quand nous apprenons leur mort que nous ne l'avions pas vu venir. Parmi les nombreux autres titres de Jacques Lacarrière, il y en a un dont le titre est Un jardin pour mémoire ; je ne l'ai pas lu, puisque hier encore j'ignorais son existence. Je trouve cependant que c'est un titre qui ressemble bien à Jacques Lacarrière et que, tel un Candide qui n'aurait pas cessé de cultiver son jardin, il laissera au monde des lettres et aux curieux de l'âme et de la pensée humaine, un merveilleux jardin à explorer.
Au cours de l'été 2000, je continuais de lire des livres sur la Grèce, sur son histoire, sur ses héros, tout en écoutant ce que je pouvais trouver de musique grecque, tant la musique traditionnelle, le rebetika, que des airs plus modernes. Bien entendu, il y avait de la musique de Mikis Theodorakis, des chansons d'Angelique Ionatos et, surtout, de cette femme très cultivée, politiquement engagée, femme passionnée et profondément humaine, qu'était Melina Mercouri, actrice, chanteuse, députée, ministre... Cet été-là, je le passai dans les livres, la musique, les images grecques. De temps à autre, j'allais m'asseoir à une terrasse où je pouvais écouter de la musique et manger de la cuisine grecque. Ce n'était pas tout à fait la Grèce, mais avec un peu d'imagination, on pouvait rêver, en espérant que ce ne soit là qu'un avant-goût du vrai voyage à faire.
À la fin de l'été 2000, je me suis abonné à Internet et j'ai commencé à dialoguer avec des gens d'un peu partout, mais principalement avec des Français, des Belges, des Suisses... J'ai développé avec un grand nombre d'entre eux des liens de complicité et d'affection, favorisant la confidence et même l'amitié. Parmi eux, un jeune homme se distinguait des autres par sa discrétion, son raffinement, sa culture... Je me suis rendu compte qu'il était un amoureux de la Grèce, qu'il connaissait beaucoup mieux que moi, intellectuellement et concrètement, car durant des années, il allait chaque été passer ses vacances dans un charmant petit village du Péloponnèse. Nous avons eu de très belles conversations dans ce salon de clavardage que nous fréquentions et où nous retrouvions des amis communs, mais nous avons surtout échangé des messages électroniques beaucoup plus personnels et plus touchants. Ce loupiot est aussi un amoureux de Melina Mercouri. Bien entendu, quand je suis venu à Paris, quelques mois plus tard, il fut la première personne à qui j'ai téléphoné pour annoncer que j'étais arrivé un peu plus tôt que prévu. Comme j'avais déjà en poche le billet qu'il m'avait envoyé par la poste pour une pièce de théâtre présentée dans une salle et par une compagnie dont il est l'administrateur, notre première rencontre était déjà déterminée. J'ai été voir cette pièce ; puis nous sommes allés manger dans un restaurant de la rue des Abbesses, à Montmartre. Nous nous sommes revus à quelques reprises dans les jours suivants, mais chaque jour nous étions en contact au moins par téléphone. Le temps a passé et, chacun de notre côté nous avons eu nos obligations, nos préoccupations, nos projets de changement, etc. ; mais nous avons conservé, à travers le temps et l'espace, de beaux liens d'amitié. Didier représente pour moi l'idée que l'on se fait de la culture classique française, incarnée dans un jeune homme discret et sensible, tout en vouant à la Grèce un amour que je voudrais pouvoir approfondir comme il a pu le faire.
jeudi 24 novembre 2005
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